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Les registres et la recherche: l’atténuation des changements climatiques et la foresterie aux États-Unis

A. Tuttle et K. Andrasko

Andrea Tuttle est un membre du corps enseignant invité au Natural Resources College, University of California à Berkeley, États-Unis, et ancien directeur du California Department of Forestry and Fire Protection.

Kenneth Andrasko est un expert de haut niveau du piégeage du carbone, Office of Atmospheric Programs, United States Environmental Protection Agency, Washington, États-Unis.

À défaut d’une politique nationale cap and trade les États-Unis expérimentent diverses approches de compensation.

Les États-Unis se sont attelés avec constance à une approche-projet-et-technologie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre depuis que la question du changement climatique est apparue primordiale, en 1990. Cette approche a été pilotée à la fois par des projets de réduction des gaz à effet de serre mis au point par des compagnies de distribution d’électricité et par le secteur privé, et par des recherches sur la réduction des émissions et le piégeage du carbone, conduites par des institutions fédérales et par des organisations non gouvernementales (ONG).

Depuis 2001, cette démarche s’est faite en dehors du contexte mondial du Protocole de Kyoto, que la majorité des pays développés mettent au premier plan. L’alternative des États-Unis doit son existence au fait que l’économie du pays est traditionnellement basée sur le marché, à la propriété privée des terres et au contexte politique complexe. Le gouvernement fédéral n’a pas imposé de plafond sur les émissions, essentiellement parce que le Congrès et l’Administration Bush craignaient l’impact économique d’un système cap and trade (plafonnement et échanges) et à cause de la participation limitée des pays en développement à l’accord existant concernant l’objectif de réduction mondial des émissions.

Les activités d’atténuation du changement climatique, aux États-Unis, sont donc centrés sur:

Les initiatives visant à promouvoir l’atténuation des changements climatiques aux États-Unis sont par conséquent extrêmement variées, décentralisées et expérimentales, puisqu’elles reposent sur l’apprentissage par la pratique. Une large gamme d’acteurs, dont des États (comme la Californie, l’Oregon et Washington), plusieurs grandes villes (par exemple Seattle, Washington; Salt Lake City, Utah; Portland, Oregon), des compagnies privées, des associations commerciales (par exemple l’American Forest and Paper Association), des ONG, des institutions fédérales, et des partenariats sectoriels participent activement à des initiatives de stabilisation du climat à toutes les échelles et dans divers secteurs, dont la foresterie.

Le présent article décrit quelques politiques de stabilisation du climat aux niveaux national et infranational et identifie les initiatives forestières qui sont élaborées et mises en œuvre pour aider les États-Unis à atteindre leurs objectifs en matière de climat.

Les données sur les stocks et les flux de carbone forestier sont collectées par le Service forestier du Département de l’agriculture des États-Unis et reportées dans l’inventaire annuel national des gaz à effet de serre (Great Smoky Mountains)
C. EVANS/WWW.FORESTRYIMAGES.ORG/2118019


LA FORESTERIE ET L’ÉVOLUTION DES STOCKS DE CARBONE AUX ÉTATS-UNIS

Les États-Unis possèdent un vaste domaine forestier d’environ 226 millions d’hectares (FAO, 2001) et importent et exportent de grosses quantités de produits forestiers sur le marché mondial. Le gouvernement fédéral est propriétaire d’environ un tiers des terres forestières du pays dont il assume la gestion, les deux tiers restants appartenant aux États ou à des entités locales et privées.

Le Service forestier du Département de l’agriculture des États-Unis (USDA-FS) est le principal organisme chargé d’effectuer des estimations des stocks et des flux de carbone forestier (variations des stocks) aux États-Unis. Les données sont reportées dans l’inventaire annuel national des gaz à effet de serre, qui enregistre les variations des émissions des gaz à effet de serre dans le pays et est publié à l’appui de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) (US EPA, 2005a). Depuis quelques années, l’USDA-FS a réuni une foule de données importantes sur les budgets du carbone forestier et le stockage du carbone dans les produits ligneux, et mis au point des tableaux pour convertir le diamètre des arbres et d’autres paramètres en biomasse, aux niveaux des États et des parcelles forestières permanentes (voir Smith, Woodbury et Heath, 2004; Jenkins et al., 2004).

Plusieurs tendances contradictoires influencent les stocks de carbone dans les forêts des États-Unis. Par suite de la suppression des feux depuis plusieurs décennies et de remaniements de la politique forestière fédérale, le matériel sur pied est anormalement élevé dans les forêts, les niveaux de combustibles sont élevés et de graves incendies ont dévasté les forêts durant les années de sécheresse récentes. Le Plan national anti-incendies (voir USDA-FS, 2005) et la loi visant à remettre les forêts en état (Healthy Forests Restoration Act – Gouvernement des États-Unis, 2003) ont récemment mobilisé d’importants efforts de réduction des matières combustibles, et la recherche sur les produits forestiers se concentre aujourd’hui sur l’utilisation de grumes de petites dimensions et de biomasse ligneuse. Des recherches sont également en cours pour mesurer les effets des incendies de forêt sur les stocks de carbone et substituer la biomasse aux combustibles fossiles.

Une nouvelle tendance se dessine également dans le domaine de l’utilisation des forêts. Au XXe siècle, le couvert forestier des États-Unis s’est accru du fait que des terres agricoles et des pâturages abandonnés sont revenus à l’état de forêt. Aujourd’hui, la conversion des forêts privées au profit du développement sub-urbain est une cause de changement d’affectation des terres de plus en plus fréquente. Les tendances indiquent qu’environ 44,2 millions d’acres (17,9 millions d’hectares) de forêts privées seront affectées par une accélération spectaculaire du développement de l’habitat au cours des trois prochaines décennies (Stein et al., 2005). La propriété des grandes exploitations industrielles évolue en particulier en réaction à la concurrence du bois et de la pâte sur le marché mondial. Des Organisations de gestion des investissements bois, des Sociétés de placement immobilier et d’autres types d’investissement forestier sont entrés sur le marché des terres forestières, la promotion immobilière étant un élément primordial du portefeuille. Les stocks de carbone forestier se réduiront à mesure que des routes, des logements et des centres commerciaux déplaceront le couvert forestier et la fixation du carbone par photosynthèse (Best et Wayburn, 2001). L’intensification de la gestion dans les forêts de production restantes peut compenser les volumes de bois perdus, mais cela peut nécessiter des intrants à plus forte intensité carbonique (par exemple stock de semences clonales améliorées, engrais) et plus d’efforts de gestion (traitements sylvicoles alternés). On ignore encore quel sera le résultat net et ces tendances forestières contradictoires qui apparaîtront au fil du temps auront une influence clé sur le bilan du carbone forestier aux États-Unis.


L’État de l’Oregon a autorisé la mise sur le marché des crédits de carbone forestier des forêts publiques et privées dans le cadre d’un programme d’incitations combinant la gestion des forêts avec des objectifs climatiques (Forêt gérée de Pinus ponderosa dans l’est de l’Oregon)
J. LONG/WWW.FORESTRYIMAGES.ORG/4800011


UN PAYSAGE POLITIQUE COMPLEXE: LES MESURES PRISES AUX DIVERS NIVEAUX


Niveau fédéral

Dans les déclarations de politique officielles de la Maison blanche et du Département d’État, le Gouvernement des États-Unis a réaffirmé son engagement envers la CCNUCC et son objectif central, qui est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Depuis qu’il a pris ses distances par rapport à la ratification du Protocole de Kyoto en 2001, le gouvernement a mis en œuvre une politique reposant sur trois grandes approches.

La première consiste à freiner la croissance des émissions de gaz à effet de serre. En février 2002, le gouvernement a adopté une stratégie ambitieuse visant à réduire de 18 pour cent d’ici à 2012 l’intensité des gaz à effet de serre de l’économie américaine (c’est-à-dire les émissions de gaz à effet de serre par unité de produit intérieur brut). Selon le Gouvernement des États-Unis, le piégeage terrestre (dans les puits agricoles et forestiers) reste une option intéressante, à condition de suivre et de mesurer comme il convient les quantités séquestrées.

La seconde approche consiste à préparer le terrain pour des initiatives actuelles et futures en mettant au point de nouvelles technologies de réduction des gaz à effet de serre, reposant sur l’utilisation du charbon, des sources d’énergie renouvelables, sur la géoséquestration (par exemple pompage de gaz de CO2 dans des puits de pétrole abandonnés), et sur d’autres techniques, dans le cadre de divers programmes financés au niveau fédéral.

Le troisième élément consiste à concevoir en concertation avec d’autres nations une réponse mondiale efficace. Le Département d’État et d’autres institutions fédérales ont cherché à tisser des relations bilatérales sur le changement climatique et recherché des initiatives de partenariat avec d’autres pays.

Des engagements budgétaires importants ont été pris pour réaliser ces objectifs. La demande de budget soumise au Congrès pour l’exercice budgétaire 2006 propose 5,5 milliards de dollars EU pour des programmes sur le changement climatique et des incitations fiscales liées à l’énergie (250 millions de dollars de plus qu’en 2005). Ce montant inclut près de 3 milliards de dollars au titre du Climate Change Technology Program pour accélérer l’élaboration et le déploiement des technologies de réduction des gaz à effet de serre et, dans le secteur de l’agriculture et des forêts, l’évaluation de technologies potentielles notamment dans le domaine de l’agriculture de précision (choix des engrais et d’autres intrants adaptés aux caractéristiques du sol), ou de l’utilisation de variétés clonales améliorées de jeunes plants. En outre, environ 2 milliards de dollars EU au titre du Climate Change Science Program serviraient à promouvoir une utilisation accrue des données de télédétection en vue d’améliorer la résolution des estimations des flux de carbone pour le cycle du carbone nord-américain, l’élaboration d’outils d’aide à la décision en matière de gestion des forêts, et l’adaptation aux effets potentiels du changement climatique.

Un certain nombre de départements individuels mettent en œuvre des initiatives ayant des incidences sur la foresterie. En voici quelques exemples:

Département de l’énergie. Le Département de l’énergie (DOE) a commencé en 1995 la Section 1605(b) de son registre des activités volontaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ses structures et directives font l’objet d’un examen depuis 2002 pour renforcer l’exactitude, la fiabilité et la vérificabilité des réductions de gaz à effet de serre notifiées. Le Département de l’agriculture a joué un rôle majeur en produisant de nouvelles méthodologies et des documents d’orientation pour la notification des activités agricoles et forestières, telles que conservation des sols, boisements, gestion des forêts et utilisation de biocombustibles. Les directives d’enregistrement révisées devraient être prêtes en 2006 (voir US DOE, Office of Policy and International Affairs, 2005).

Département de l’agriculture. Le Département de l’agriculture des États-Unis a annoncé en juin 2003 qu’il fournirait des incitations financières ciblées pour encourager les pratiques de gestion des terres propres à absorber le carbone atmosphérique ou à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le Conservation Reserve Program et l’Environmental Quality Incentives Program du Département de l’agriculture visent à promouvoir la conservation des terres agricoles et des pâturages, les pratiques visant à réduire les émissions imputables à l’agriculture, la gestion durable des forêts et l’utilisation d’énergie de la biomasse.

Agence de protection de l’environnement. L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) facilite l’analyse de la comptabilisation et du potentiel de réduction des émissions des activités forestières et agricoles, dans divers modèles économiques et climatiques. L’objectif est de faire une plus large place à la gestion des forêts comme option de stabilisation du climat, en améliorant les données forestières, les estimations des coûts, le traitement de la concurrence pour l’utilisation des terres, à travers les options agricoles, forestières et l’utilisation des biocarburants, ainsi que la gestion des questions techniques. Par exemple, l’EPA a financé la mise au point de méthodologies pour des projets de piégeage du carbone, pour la définition des données de référence (établissement de projections crédibles des activités forestières, dans le cadre de la stratégie habituelle, pour la zone où des mesures d’atténuation sont prévues) et les fuites (changements ex situ des émissions de gaz à effet de serre résultant d’activités in situ, déforestation d’une autre zone provoquée par la protection d’une forêt sur un site), ainsi que des études de cas aux États-Unis, en Fédération de Russie, au Mexique, en Inde et en Asie du Sud-Est. Les constatations faites par l’EPA à propos des États-Unis (US EPA, 2005b) sont, entre autres, les suivantes:


Initiatives au niveau des États

Parallèlement aux activités nationales, les États individuels ont conçu diverses initiatives en faveur du climat. Les États ont eu une large marge de manœuvre pour concevoir leurs propres approches, basées sur une combinaison de réglementations et d’incitations (voir Pew Center on Global Climate Change, 2005a). L’objectif principal a été de réduire les émissions des combustibles fossiles à la source, principalement en améliorant l’efficience de la production électrique, des transports et des processus industriels. Au moins 22 États ont accru les obligations en matière d’énergie renouvelable dans leurs portefeuilles de services publics (énergie éolienne, solaire et biocombustibles) et beaucoup ont adopté des normes pour améliorer l’efficience des appareils, des bâtiments et des parcs automobiles des États (California Air Resources Board, 2005). La majorité des programmes s’inspirent du document The Greenhouse Gas Protocol: a corporate accounting and reporting standard (WRI/WBCSD, 2004), qui vise à harmoniser les normes de comptabilisation internationale des gaz à effet de serre pour garantir la compatibilité entre les programmes et les systèmes de commercialisation.

Outre la conservation de l’énergie, un nombre croissant d’États envisagent la séquestration du carbone dans leurs forêts lorsqu’ils élaborent leurs plans d’action relatifs au climat (voir Chan et Forbes, 2005; FAO, 2004), avec diverses approches pour accroître les boisements et enregistrer les émissions.

Accroître les boisements. En 1997, l’Oregon a inauguré une législation exigeant que les nouvelles centrales électriques compensent une partie de leurs émissions de CO2 en cotisant pour un fonds pour la stabilisation du climat, pouvant être utilisé pour la remise en état des forêts et la plantation d’arbres. Le fonds est administré par un organisme à but non lucratif agréé, Climate Trust (www.climatetrust.org). Il est actuellement prévu de compenser 1,6 million de tonnes de dioxyde de carbone avec 4 millions de dollars EU investis dans des projets de compensation. L’Oregon a également autorisé la mise sur le marché des crédits de carbone forestier des forêts publiques et privées dans le cadre d’un programme d’incitation combinant la gestion des forêts avec des objectifs climatiques (Cathcart, 2000; State of Oregon, 2004). Dans d’autres États aussi, des projets de boisement ont été mis en œuvre par le secteur des services publics (voir encadré).

Approche d’enregistrement. Les registres des gaz à effet de serre sont le mécanisme officiel par lequel les entités enregistrent les réductions des émissions et démontrent leurs premières actions. Dans le cadre de son organisation Climate Action Registry, la Californie a récemment adopté des procédures spécifiques que doivent suivre les propriétaires de forêts pour notifier les variations des stocks de carbone dans leurs forêts gérées (voir encadré). L’approche reconnaît qu’il peut être aussi important pour le changement climatique de prévenir la perte de couvert forestier que d’accroître les stocks moyens par unité de surface – or c’est un élément clé qui n’est actuellement pas pris en compte dans le Protocole de Kyoto. Le nouveau registre du carbone forestier de la Georgie met au point des normes qui soulignent la possibilité de notifier les produits ligneux comme puits à carbone (Georgia General Assembly, 2004). La Pennsylvanie, le Wisconsin et le Maine, en collaboration avec le Pinchot Institute for Conservation (voir www.pinchot.org), des propriétaires de forêts et The Nature Conservancy, étudient les moyens d’établir des normes pour l’enregistrement des peuplements mixtes de feuillus.

Les principaux aspects à prendre en considération pour inscrire les activités forestières dans les registres sont les suivantes:

Le carbone et la conservation dans la vallée du Mississipi

Plus de 80 pour cent des forêts de la vallée du Mississipi, qui s’étendaient jadis sur plus de 26 millions d’acres (10,5 millions d’hectares), ont été sacrifiées à l’agriculture et au développement. Les financements disponibles pour rétablir des portions de forêts alluviales écologiquement diversifiées ont toujours été maigres – jusqu’au jour où la compensation des émissions est devenue importante pour les producteurs d’électricité. Craignant d’éventuelles réglementations futures liées au climat, les principales centrales se sont mises à collaborer avec des fiducies foncières et des institutions fédérales au milieu des années 90. Aujourd’hui, plus de 65 000 acres (26 300 ha) ont été reboisés dans la région (Cusick, 2005). Les centrales financent la plantation d’arbres sous la direction de spécialistes des écosystèmes et conservent des droits sur les quantités additionnelles de carbone ainsi piégées. Ces projets peuvent être bénéfiques sur le plan environnemental, non seulement pour le carbone, mais aussi pour les poissons, la faune et la flore sauvage et les bassins versants.

Voici quelques exemples d’initiatives (Pew Center on Global Climate Change, 2005b):

  • American Electric Power, en collaboration avec le Conservation Fund et le Climate Challenge Program du Département de l’énergie, a planté sur près de 22 000 acres (8 900 ha), un mélange de 19 millions d’espèces de feuillus et de résineux, pour un coût approximatif de 5,7 millions de dollars EU. D’après les projections, la quantité de carbone ainsi piégée sera de 4,7 millions de tonnes. Les émissions et les compensations sont reportées dans le registre des notifications volontaires du Département de l’énergie (US DOE, Energy Information Administration, 2005).
  • Entergy, en partenariat avec Trust for Public Land et United States Fish and Wildlife Service, cofinance l’achat de 2 900 acres (1 175 ha) de terres adjacentes au refuge de faune du fleuve Tensas, en Louisiane, en vue de les restaurer et de les gérer comme refuge de faune sauvage. On estime que ces terres permettront de piéger 800 000 tonnes de CO2 au cours des 70 prochaines années (Trust for Public Land, 2005).
  • Cinergy a financé l’achat d’arbres pour un projet de reboisement de 300 acres (121 ha), géré par Nature Conservancy dans
    l’Indiana. Le projet fixera environ 75 000 tonnes de dioxyde de carbone par an.

Les protocoles forestiers de la Californie

Les normes de notification récemment adoptées par California Climate Action Registry (voir www.climateregistry.org) traitent de façon pragmatique les principaux problèmes soulevés dans les débats internationaux sur les forêts, à savoir l’additionnalité, les données de référence, les bassins signalés, la permanence et les fuites. Les points essentiels sont les suivants:

  • Les forêts gérées, et non pas simplement les forêts réservées à des fins de protection, sont éligibles pour la notification.
  • Les notifications concernent uniquement les activités reposant sur des essences forestières indigènes et la gestion des forêts naturelles.
  • L’additionnalité par rapport à un scénario de référence (stratégie habituelle) doit être démontrée pour obtenir des crédits de carbone.
  • La «stratégie habituelle» (ou scénario de référence) est un système de gestion conforme à toutes les pratiques forestières et à toutes les lois sur les ressources des états, qui sont très contraignantes.
  • La notification des émissions biologiques et non biologiques se fait à l’échelle de l’organisme concerné, pour éviter une déclaration sélective des projets les plus favorables, avec un bilan du carbone positif.
  • Les bassins de carbone dont la notification est obligatoire sont la biomasse arborée, la biomasse morte sur pied et le bois mort au sol. Les bassins facultatifs sont les sous-étages herbacés, le sol, la litière et les produits ligneux.
  • La permanence est garantie par une servitude de conservation permanente, qui empêche d’étendre la superficie forestière pour des projets de piégeage du carbone.
  • Les règles de notification sont sévères et certifiées par une tierce partie, et l’état se porte garant de la validité des réductions au cas où des réglementations futures ou des marchés du carbone apparaîtraient.
A. TUTTLE


Initiatives régionales et échange de crédits de carbone

Au fur et à mesure qu’ils acquièrent de l’expérience, les États tissent des liens au-delà de leurs frontières. L’Oregon, Washington et la Californie s’efforcent ensemble d’harmoniser les programmes en faveur du climat par le biais de l’Initiative des gouverneurs de la côte ouest sur le réchauffement de la planète (voir www.ef.org/westcoastclimate) et du Partenariat régional de la côte ouest pour la séquestration du carbone (voir www.westcarb.org). Leurs efforts conjoints comprennent des recherches visant à améliorer la comptabilisation du carbone stocké dans les forêts et libéré par les feux. Dans l’est, New York, la Nouvelle Angleterre et les États de l’Atlantique central ont constitué l’Initiative régionale des gaz à effet de serre (RGGI, voir www.rggi.org) pour mettre au point un système régional cap and trade pour les crédits de gaz à effet de serre et un marché pour les échanges d’émissions. D’autres liens entre les États de la Côte ouest et la RGGI, aujourd’hui à l’étude, pourraient réunir les ingrédients d’un marché de compensation bi-côtier, grâce auquel les obligations en matière de réduction des émissions pourraient être en partie remplies avec des compensations forestières.

Le Chicago Climate Exchange est un mécanisme en place pour orienter les échanges de réduction des gaz à effet de serre (voir www.chicagoclimatex.com). La monnaie est le Carbon Financial Instrument (CFI); 1 CFI est égal à 100 tonnes de CO2. Les crédits de carbone forestier provenant des variations de la biomasse aérienne et des projets de compensation forestiers sont éligibles pour la notification et les échanges. Le volume des échanges est faible, faute de plafonds et d’un marché aux États-Unis, mais le système permet de démontrer aux investisseurs le fonctionnement et le potentiel des échanges de carbone.


APPROCHES PROJETS DE RÉDUCTION ET REGISTRES: LES PROBLÈMES

Étant donné que la politique des États-Unis repose en grande partie sur des réductions volontaires des émissions de gaz à effet de serre, bon nombre d’entités ont investi dans l’analyse des problèmes techniques et des questions de politique en rapport avec la compensation des émissions. Les principaux problèmes concernent la définition des données de référence; la démonstration de l’additionnalité de la réduction des gaz à effet de serre par rapport à un scénario de référence; les fuites de carbone; la permanence, et les méthodes de mesure, de suivi et de vérification et leur précision (voir tableau 1 pour les perspectives concernant trois de ces problèmes, fondées sur une récente analyse de l’EPA). L’un des principaux enjeux des prochaines années aux États-Unis sera de résoudre ces problèmes, à mesure que de nouveaux programmes publieront des directives, recevront leurs rapports sur les premières années de réduction et évalueront s’ils ont trouvé un équilibre acceptable entre la rigueur et les taux de participation. Mis à part le programme 1605(b) de notification volontaire des émissions du Département de l’énergie, les autres programmes ont peu d’expérience en matière d’établissement de rapports. L’élaboration de directives permettant d’établir des rapports crédibles, transparents et quantifiables, qui soient relativement cohérents avec toutes les entités et activités de réduction des émissions est un problème, mais il n’est pas insurmontable au point de faire de la notification une opération trop lourde et onéreuse.


CONCLUSION

De nombreuses activités d’atténuation du changement climatique sont en cours sur tout le territoire des États-Unis, aussi le pays sera-t-il bien placé pour tirer profit des éventuelles modifications des politiques relatives au climat et des marchés du carbone qui arrivent à maturation dans le pays et sur la scène internationale. Les États-Unis travaillent à l’établissement d’une solide base de recherche, de technologies et de procédures institutionnelles pour réduire et compenser les émissions de gaz à effet de serre au moyen d’approches efficaces par rapport au coût.

En lui-même, le piégeage du carbone dans les forêts n’enrayera pas l’évolution du climat mondial. Mais étant donné que 45 à 60 pour cent du carbone terrestre mondial est stocké dans les forêts, et qu’un tiers du territoire des États-Unis est recouvert de forêts, les activités de réduction des émissions basées sur les forêts sont un outil essentiel pour stabiliser le climat. Le bilan mondial du carbone continue de reposer pour une large part sur la capacité qu’ont les forêts d’absorber le CO2 atmosphérique et de le stocker. Les avantages écologiques, sociaux et économiques procurés par les forêts sont autant de raisons supplémentaires de les protéger et d’améliorer leur gestion.

De par leur paysage politique complexe et leur économie de marché, les États-Unis foisonnent d’approches expérimentales et volontaristes pour évaluer les activités, les méthodologies et les incitations liées aux forêts visant à atténuer le changement climatique. Les opérations pilotes menées par ce pays pour mettre en œuvre et mesurer les activités de réduction des émissions à l’échelle des projets, des entreprises, des États et du gouvernement fédéral commencent tout juste à fournir les données et les connaissances nécessaires pour guider les décisions des parties prenantes des États-Unis à tous ces niveaux, à mesure que les marchés et les politiques du carbone s’affirmeront dans les toutes prochaines années.

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