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UTILISATION OPTIMALE DES RESSOURCES ICHTYOLOGIQUES

Le Groupe 2 a étudié les différents aspects de cette question. Chaque utilisateur d'une ressource se place évidemment sous l'angle de son propre intérêt et ce que l'un considère comme l'utilisation optimale peut ne pas l'être pour l'autre. On a défini l'utilisation optimale (y compris l'utilisation non destructrice) des ressources ichtyologiques comme l'utilisation ou une combinaison d'utilisations du rendement de la pêcherie qui produit les bénéfices nets les plus importants dans le présent et dans un avenir indéterminé. Ces derniers sont essentiellement les sommes que les utilisateurs seraient disposés à payer ou à accepter soit pour la part qu'ils ont prise à l'utilisation de la ressource soit pour la partie de celle-ci qui a été récoltée moins les frais de gestion.

On pourrait, de façon plus détaillée, définir l'utilisation optimale comme suit: a) celle qui tient compte de la base biologique de la ressource spécifique en tant que partie intégrante de l'écosystème et qui la protège de la surexploitation, qu'il s'agisse du stock lui-même ou de son environnement; b) celle qui donne sa valeur maximale au binôme “avantages sociaux - rendement économique” tout en reconnaissant les valeurs sociales des activités recréatives par rapport aux activités commerciales; c) celle qui assure de façon équitable l'accès aux ressources et la répartition de la récolte entre les utilisateurs concurrents, sur la base d'une étude des coûts et des avantages mesurables ou non.

Il est clair que la réalisation des objectifs qu'implique cette définition générale dépend de la création d'un système d'aménagement qui soit en mesure de faire comprendre, non seulement au grand public mais particulièrement aux pêcheurs intéressés, la nature essentielle de ces considérations. Faute de quoi, tout effort de mise en oeuvre resterait lettre morte, comme l'ont prouvé des expériences précédentes.

Notre approche à l'économie de ressources qui sont un bien commun, partagé par une multitude d'utilisateurs concurrents, pose des problèmes théoriques difficiles. Nos démarches n'ont pratiquement pas pu, jusqu'à présent, nous fournir une formule systématique permettant une comparaison valable entre les avantages et les coûts, mesurables et non mesurables, qui interviennent lorsqu'on met en parallèle les activités récréatives et les nombreuses activités de commerce et de subsistance de l'homme, calculées et évaluées en termes purement monétaires. Ce n'est qu'assez récemment que les problèmes posés par la demande croissante, les pressions qui s'exercent sur les ressources et les utilisations concurrentes sont devenus suffisamment graves pour que la question de l'analyse économique d'ensemble de toute l'utilisation des ressources ichtyologiques commence à être abordée comme un aspect légitime et important de la science économique.

Il est indispensable de préparer un plan d'éducation du public qui permettra d'amener ce dernier à prendre conscience des problèmes et à se préoccuper des ressources et de leur avenir, dans leurs rapports avec le bien-être public. Ce programme devrait susciter et stimuler l'appui du public pour assurer son adoption et sa mise en oeuvre. Toute modification de la pêche, de l'aménagement ou de la répartition peut, dans une certaine mesure, perturber l'équilibre écologique. De toute évidence, si l'on en juge par le prix qu'a coûté la politique du laisser-faire adoptée jusqu'ici, nous devons nous efforcer de maintenir les écosystèmes en bon état et en équilibre et de minimiser les effets négatifs irréversibles ou à long terme.

En 1885, plus de 100 000 saumons étaient débarqués dans l'estuaire du Rhin et de la Meuse au marché aux poissons, près de Rotterdam. De nos jours, les quantités débarquées sont nulles. De même, aux environs de 1900, 100 000 saumons remontaient le cours de la Loire et de l'Allier: de nos jours les saumons sont 3 000, chiffre considéré élevé. De toute évidence, il est indispensable de préserver l'habitat; répartir ou utiliser des ressources ne signifie rien s'il n'y a rien à utiliser ou à répartir.

On peut donc conclure qu'en dernière analyse, c'est au niveau des politiques que la décision relative à la détermination de l'utilisation optimale d'une ressource doit être prise. La science et la bonne volonté des responsables ne peuvent pas tout lorsqu'il s'agit de répartir les ressources en vue d'une utilisation optimale. La décision finale doit faire appel au meilleur de la science, à des principes d'aménagement rationnels et à l'opinion des citoyens qui devront juger en toute connaissance de cause.

Résumé des débats sur l'utilisation optimale

Les débats ont clairement fait ressortir les différentes perspectives dans lesquelles se placent les utilisateurs des ressources ichtyologiques et la façon parfois inéquitable dont la société les traite. D'une part, les droits historiques à l'utilisation des ressources tirent leur origine de situations qui ont changé depuis longtemps: citons, à titre d'exemple, l'attribution, par traité, de droits de pêche aux indigènes de l'Amérique du Nord et, en France, l'imputation des coûts de reconstitution des stocks de poisson aux pêcheurs sportifs même lorsque des pêcheurs professionnels ont droit à une part de la récolte. D'autre part, le manque d'une théorie économique pertinente, de données et de modèles adéquats ou, tout simplement, le manque de communication entre dirigeants, biologistes, économistes et autres scientifiques, rend difficile l'évaluation satisfaisante de l'utilisation optimale. Certains participants ont dit que l'une des raisons de cette difficulté était que l'on ne connaissait pas en détail le fonctionnement d'un écosystème. Ils ont également fait remarquer que la valeur économique d'une activité ou d'un produit donné n'est pas totalement intrinsèque mais varie d'un endroit à l'autre.

S'il est indispensable de disposer de données complètes et fiables et de conseils pour prendre des décisions au sujet de la répartition des ressources, il a été noté en outre que la décision est en dernière analyse le fait d'une société plus que d'un individu et qu'elle est fondée le plus souvent sur des processus d'analyse politique plutôt que scientifique ou autre.


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