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4.5 Planification opérationnelle et gestion

Les aspects relatifs à la planification opérationnelle et à la gestion impliquent essentiellement des problèmes socioculturels (Principes 7-8), environnementaux (Principes 9-11) et d’approche paysage (Principe 12).

Définir les objectifs de gestion des forêts plantées est important – dans la mesure où cela est essentiel pour des fonctions de protection ou de production, ou la combinaison des deux. Traduire les objectifs choisis en matière de gestion des forêts plantées dans le contexte socioculturel, environnemental et économique dominant implique : d’interpréter les signes du marché (marché des biens ou des services) ; de réaliser des études de fond sur les aspects environnementaux, sociaux et culturels et des études d’évaluation d’impact; de déterminer les mécanismes d’interaction et d’implication avec les communautés ; de s’accorder sur les mécanismes de croissance ; d’entreprendre le développement des infrastructures ; et de sélectionner les spécifications en matière d’espèces, de rotation, de soins culturaux, de sylviculture, de protection et d’exploitation ainsi que les technologies appropriées.

Une sélection des principaux problèmes de planification opérationnelle et de gestion relatifs de la forêt plantée – depuis la création jusqu’à l’exploitation – sont traités ci-dessous. Les problèmes incluent ceux principalement liés à : l’environnement (Principe 9-12), incluant la modification génétique (MG), les herbicides, les pesticides, les fongicides et autres produits chimiques, fertilisants, les incendies, la progression des espèces envahissantes, l’entretien et la conservation de la diversité biologique et de l’eau ; les problèmes sociaux et culturels (Principes 7-8), incluant le droit des peuples indigènes, les droits coutumiers communautaires, le régime foncier, l’usufruit et l’emploi ; et les principes économiques (Principes 4-6), incluant des mesures d’encouragement. Quoique ces considérations clés ne concernent pas seulement les forêts plantées mais se retrouvent aussi dans les secteurs de l’agriculture et de la foresterie, cette partie souligne à quel point ces problèmes sont liés à la gestion des forêts plantées.

4.5.1 Biotechnologie et modification génétique

Biotechnologie excluant la modification génétique

L’utilisation de matériel génétique amélioré, même à un niveau de provenance, est fondamentale pour le succès des forêts plantées. La plupart des espèces présentent une importante variabilité «intraspécifique» qui doit être prise en compte dans les perspectives de production, d’adaptation et de conservation. L’emploi de programmes de reproduction perfectionnés doit prendre en compte le besoin de techniques sylvicoles évoluées, de variabilité génétique et d’interactions de l’environnement de « génotype x ». L’utilisation de biotechnologie non génétiquement modifiée dans les programmes de reproduction conventionnelle rapporte d’importants bénéfices aux forêts plantées, spécialement dans les perspectives de productivité et de vitalité et santé de la forêt. Cependant les limites et les risques éventuels doivent être pris en considération, par exemple les risques accrus qui surviennent d’une réduction de la diversité génétique dans les variétés produites.

Technologie de modification génétique

La technologie de modification génétique demeure un instrument relativement nouveau dans la gestion des forêts plantées. Elle revêt de potentiels avantages et inconvénients, mais elle n’est pas intrinsèquement bonne ou mauvaise. Chaque utilisation de cette technologie sur les forêts plantées doit être évaluée au cas par cas, sous conditions nationales réglementaires strictes, afin d’identifier les divers risques qui dépendent de la biologie des arbres, du type de modification génétique et de la manière dont cela est déployé dans le champ. Les traits génétiques des espèces d’arbres commercialement importantes qui sont le plus à même d’être améliorés sont la résistance aux insectes et la qualité du bois, particulièrement les changements dans la quantité et la composition de la lignine.

La nouvelle technologie et les connaissances dans l’application de la biotechnologie, comprenant les modifications génétiques, ont un potentiel dans la restauration et la réhabilitation écologique. En plus de fruits de la production conventionnelle, la modification génétique peut engendrer des risques de transfert génétique vers les populations d’amélioration ou les espèces sauvages apparentées, pouvant amener à une hybridation ou une introgression ainsi que d’autres impacts sur l’environnement.

Les utilisations de MG (modification génétique) dans la gestion des forêts plantées sont ainsi devenues plus qu’un problème technique : il est nécessaire de prendre en compte les valeurs socioculturelles et les utilisations forestières multiples. Une approbation publique est nécessaire si des forêts génétiquement modifiées sont effectivement introduites sous conditions réglementaires strictes basées sur des données scientifiques.

Les réglementations nationales et internationales adoptées et effectives, ainsi que les stratégies et les instructions, telles que le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, sont nécessaires pour l’évaluation des risques et des impacts liés aux modifications génétiques dans les forêts plantées.

4.5.2 Herbicides, pesticides, fongicides et autres produits chimiques

Le contrôle des mauvaises herbes, des insectes, des maladies et autres ravageurs est crucial afin de préserver la santé et la productivité des forêts plantées. Actuellement, les produits chimiques sont largement utilisés pour de telles mesures de contrôle ; cependant, les risques liés à l’environnement ont besoin de la recherche d’alternatives. Choisir judicieusement les espèces, les provenances ou le matériel de reproduction avec des traits génétiques qui supportent ces agents biotiques, un entretien opportun des soins culturaux mécaniques et manuels, des opérations sylvicoles et une gestion ainsi qu’un suivi complet de la protection peuvent réduire substantiellement le risque des insectes, des maladies et autres épidémies dues aux ravageurs. Une planification minutieuse, la gestion et la surveillance des mauvaises herbes, des ravageurs et des menaces de maladies dans les forêts plantées sont les clés de la préservation/du maintien d’un niveau de biosécurité acceptable.

Les programmes de protection intégrée (IPM) peuvent améliorer la santé, la productivité et la durabilité des forêts plantées – et également améliorer leur durabilité écologique. Les IPM dépendent essentiellement de processus écologiquement bénins, comprenant l’utilisation de variétés supportant les ravageurs, la sylviculture améliorée, les pratiques de protection et de gestion, les actions sur les ennemis naturels et le contrôle des cultures. Les programmes IPM sont également économiquement durables : ils réduisent la dépendance du responsable sur les intrants onéreux nécessités, particulièrement pendant la période de rotation. Les programmes IPM doivent être employés – après évaluation des risques – lorsqu’ils sont réalisables et appropriés.

Dans les cas où le contrôle mécanique ou manuel des mauvaises herbes de pâturages ou le contrôle mécanique ou manuel des insectes et des maladies n’est pas viable, ou en cas d’épidémies majeures de ravageurs et de maladies, ou bien encore lorsque cela est important pour la réussite de la création et de l’aménagement des forêts plantées, l’utilisation contrôlée et/ou restreinte d’herbicides, de biopesticides, de fongicides ou d’autres produits chimiques doit être envisagée, incluant l’impact possible sur l’environnement lié à cet emploi. L’utilisation de produits chimiques devrait être faite conformément aux réglementations et principes ainsi qu’au Code international de conduite pour la distribution et l’utilisation des pesticides (FAO, 2002).

4.5.3 Fertilisants

Les forêts plantées ont un cycle nutritif allant du feuillage aux détritus et au retour dans le sol. De plus, les longues rotations ainsi que le profond enracinement des arbres signifient que l’altération des minéraux pourrait fournir assez de nutriments pour compenser les pertes liées aux moissons.

Cependant, les fertilisants peuvent être utilisés dans les forêts plantées pour fournir des jeunes plans sains venant de pépinières ; pour remplacer les nutriments dans le sol qui ont été supprimés par la récolte des cultures sur un cycle de rotation court ou perdus lors de l’enlèvement des détritus ; pour accroître la productivité des forêts lorsque la création de nouveaux espaces de développement des forêts est limitée ; pour fournir des nutriments aux sols pauvres afin d’établir un couvert forestier sur un site de réhabilitation ; et pour fournir un ou plusieurs nutriments ou oligo-éléments qui pourraient faire défaut, ou sous des formes indisponibles, mais nécessaires à la croissance des plantes ou au développement des produits forestiers.

Un problème d’environnement important lié à l’emploi de fertilisants dans les pépinières ou dans les forêts plantées est l’utilisation à outrance de ceux-ci, entraînant un déversement de nutriments dans les ruisseaux et cours d’eau, ce qui contribue à l’eutrophisation des cours d’eau et des lacs ou à l’accumulation de métaux lourds dans l’environnement. La décision d’employer des fertilisants, dans le champ ou dans la pépinière, doit donc être basée sur les analyses effectuées sur le sol, le feuillage et/ou la mycoflore, et les fertilisants ne doivent être utilisés qu’en quantités strictement nécessaires.

Il faut porter de l’intérêt à l’utilisation de fertilisants minéraux à libération progressive afin de réduire les risques de contamination de la nappe phréatique ou l’utilisation de fertilisants biologiques, particulièrement dans les pépinières. L’utilisation de fertilisants doit être synchronisée avec les périodes d’absorption de nutriments les plus rapides afin d’obtenir le minimum de perte par déversement.

L’utilisation de fertilisants dans les champs coûte cher, c’est pourquoi les avantages économiques envisagés doivent être fixés en fonction des coûts. Les systèmes de certifications peuvent décourager l’utilisation de fertilisants dans la gestion des forêts plantées.

4.5.4 Forêts plantées et incendies

L’incendie peut être une menace majeure pour les forêts plantées, particulièrement lorsque les détritus secs s’accumulent ou lorsque des broussailles inflammables se développent. L’incendie peut contribuer à la perte de nutriments et à exposer le sol à l’érosion. La fumée et autres émissions provenant des incendies peuvent présenter un risque sérieux pour la santé. Tandis que l’émission de gaz à effet de serre provenant des incendies est un phénomène naturel, les émissions nettes de carbone provenant de feux de forêts – étant la conséquence d’une dégradation du lieu de départ de feu et d’un potentiel réduit de fixation du carbone – contribuent actuellement à l’augmentation du phénomène d’effet de serre et du réchauffement de la planète.

Les mises à feu planifiées sont donc souvent utilisées dans les forêts plantées afin de réduire la charge de carburant et éviter les déclenchements catastrophiques de feux de forêts, de protéger les forêts plantées de tels incendies et, dans certains cas, de stimuler la régénération naturelle des espèces dépendantes du feu. L’incendie est aussi fréquemment utilisé pour défricher des terres avant de planter des arbres. Les risques pour le sol sont identifiés, et des moyens alternatifs pour préparer les terres doivent être envisagés lorsque cela est réalisable, spécialement dans les versants escarpés.

La gestion des incendies dans les forêts plantées nécessite d’être basée sur des prédictions, de la prévention et un état d’alerte, soutenu par la conscience publique, une surveillance, des réponses rapides et une gestion communautaire des incendies. Des modèles de prédiction d’incendies ont été développés dans de nombreux pays industrialisés, tandis que les pays en développement améliorent actuellement leurs capacités et aptitudes à prédire, préparer et prévenir les incendies destructeurs.

Une référence précieuse se trouve dans La lutte contre les feux : directives volontaires. Principes et actions stratégiques (FAO Document de Travail sur la lutte contre les feux No. 17), qui expose les directives volontaires sur la lutte contre les feux, incluant les forêts plantées.

4.5.5 Espèces envahissantes

Dans la mesure où beaucoup d’espèces introduites ou exotiques peuvent s’adapter à leur nouvel environnement et se régénérer rapidement, il faut prendre grand soin de s’assurer que de telles espèces servent la cause des forêts plantées. En particulier, il est essentiel de ne pas en perdre le contrôle, ce qui générerait des impacts négatifs non anticipés sur les écosystèmes naissants ou sur les terres agricoles ou causerait des risques accrus d’incendies. L’introduction de nouvelles espèces doit être basée sur de stricts tests scientifiques et sur des contrôles règlementaires effectifs.

La prévention est généralement beaucoup plus efficace et moins coûteuse que l’éradication et le contrôle lorsqu’on traite de l’impact négatif des espèces envahissantes. Pour cette raison, les décisions relatives à l’introduction d’espèces exotiques doivent être prises avec précaution, sur la base d’une prise en considération globale des risques et des avantages potentiels. Dans les cas ou les espèces exotiques sont utilisées, il est important d’effectuer des contrôles règlementaires efficaces. Les forêts plantées doivent être aménagées de manière à réduire les possibilités de présence d’espèces d’arbres et d’arbustes devenant envahissants, particulièrement lorsqu’ils sont bien adaptés à l’environnement et/ou aux caractéristiques exposées typiques des espèces envahissantes.

L’utilisation d’espèces pionnières risquant de devenir envahissantes peut être prise en compte dans la lutte contre la désertification ou pour réhabiliter des terres sévèrement dégradées. Leur utilisation doit être fonction des analyses sur les risques et les avantages – avec la participation de parties prenantes qui comprennent les risques et impacts possibles en cas d’introduction – et doit être attentivement surveillée.

4.5.6 Conservation et utilisation durable de la diversité biologique

La diversité biologique se réfère à la diversité de la flore et de la faune, y compris les micro-organismes, et des habitats qui les abritent. Au niveau de l’écosystème, ses dimensions incluent les espèces ou le gène. Les forêts plantées peuvent réduire de manière significative la biodiversité sur certains sites, selon l’intensité de l’aménagement, mais elles peuvent améliorer la diversité biologique en réhabilitant les terres dégradées, en luttant contre la désertification ou en restaurant les paysages. Les forêts plantées ne peuvent jamais remplacer la valeur ou le bénéfice de biodiversité des forêts à régénération naturelle. Cependant, elles peuvent réduire la pression de l’exploitation sur d’autres écosystèmes forestiers écologiquement significatifs.

Les forêts plantées ne devraient jamais remplacer les forêts primaires, les forêts secondaires écologiquement significatives ou d’autres écosystèmes importants avec des valeurs de conservation significatives. Ces zones doivent être préservées dans les programmes de forêts plantées, qui doivent ainsi être basés sur une planification écosystémique. La diversité génétique naturelle doit également être conserve, et des corridors de forêts se régénérant naturellement doivent être protégés, afin de lier les blocs de forêt naturelle.

Des réserves ripariennes de forêts se régénérant naturellement doivent être intégrées dans la planification et la gestion des forêts plantées afin de lier ces zones et d’autres habitats. Il est important de maintenir de telles réserves autour des lacs et des terres humides et le long des cours d’eau, la largeur étant déterminée par la taille et la permanence du plan d’eau.

Les espèces endémiques doivent être préférées pour les forêts plantées lorsqu’elles répondent aux objectifs ciblés par l’investissement ou offrent des bénéfices écosystémiques nets globaux, y compris pour l’écosystème au sens plus large et l’équilibre en eau. Les espèces introduites doivent être sélectionnées par rapport à des objectifs d’aménagement, conditions de marché et conditions du site écologique spécifiques. Il convient d’être prudent dans l’utilisation des arbres génétiquement modifiés, car leurs impacts à long terme peuvent être méconnus.

Au sein de la plantation forestière, la gestion doit viser la développement ou le renforcement de la diversité des plantes et des animaux. Cependant, un tel but doit être secondaire dans le cas de forêts plantées productives destinées à l’approvisionnement en bois rond industriel ou en fibre, et ne doit pas affecter la viabilité économique ou la productivité de la plantation forestière. L’utilisation d’espèces mixtes et de classes d’âge différentes et/ou l’encouragement d’un sous-étage en bonne santé et diversifié dans les forêts plantées peut promouvoir la diversité de plantes et animaux associés, ce qui peut à son tour améliorer de manière significative les valeurs forestières et leur durabilité.

La biodiversité peut être encouragée dans les forêts plantées par la rétention de réserves ripariennes et de débris végétaux et corridors forestiers d’origine. Une attention particulière doit être accordée au rôle des forêts plantées dans la préservation de populations en bonne santé de pollinisateurs comme les abeilles, les chauves-souris et les oiseaux. Cela peut s’avérer crucial pour préserver la nature dans les zones environnantes, mais cela peut également avoir des bénéfices économiques significatifs pour l’agriculture.

4.5.7 Forêts plantées et eau

L’eau fournit de nombreux biens et services importants pour l’écosystème. Elle doit être gérée avec sagesse, et les activités qui ont un impact sur l’eau impliquent des décisions mettant en balance les services qu’elle offre et les bénéfices tirés de l’activité. La valeur économique de l’eau et le rôle des activités d’utilisation des terres dans son utilisation durable au sein des bassins hydrographiques doivent être entièrement reconnus. L’eau n’est pas un bien ‘gratuit’. Des mesures d’encouragement économique doivent susciter une gestion plus efficace et rationnelle de l’eau (voir le Principe 4 sur la reconnaissance de la valeur des services des forêts plantées, le Principe 9 sur la fourniture de services environnementaux, et l’attribut du Principe 5 lié à l’éviction de mesures d’encouragement, y compris dans les secteurs autres que la foresterie).

L’établissement de forêts plantées dans des zones arides et semi-arides requiert une sélection et une évaluation attentives des espèces. Les possibles impacts sur d’autres utilisations des terres et sur la durabilité du cycle de l’eau doivent être pris en compte, tant pour les eaux de surface et les eaux souterraines. Les défis sont un mélange de considérations et d’options environnementales et socio-économiques liées à la fois aux politiques et à la technologie, pour une gestion intégrée des bassins hydrographiques.

Les forêts plantées peuvent jouer un rôle significatif dans la régulation des flux aquatiques et l’amélioration de la qualité de l’eau. Elles peuvent être un mécanisme important pour réhabiliter les bassins versants. Comme pour les forêts se régénérant naturellement, elles peuvent réguler les inondations, réduire les flux de détritus et stabiliser les terres, réduisant ainsi l’érosion des sols qui conduirait sinon à une sédimentation excessive dans les fleuves et les lacs. Elles peuvent contrôler la salinité du sol et de l’eau et améliorer la stabilité du sol pour prévenir les écoulements de terrain. Les forêts plantées peuvent ainsi améliorer la durabilité environnementale et les biens et services fournis tant par les terres que par l’eau lorsqu’ils sont intégrés à d’autres initiatives de gestion des bassins hydrographiques.

Les forêts plantées peuvent également jouer un rôle important dans les localités urbaines et péri-urbaines, en particulier dans les zones arides et semi-arides, en contribuant au recyclage des eaux usées (phytorémédiation) issues des villes ou des activités industrielles, en particulier lorsqu’ils améliorent le fonctionnement des terres humides.

Il ne faut cependant pas supposer que les impacts des forêts plantées sont toujours positifs. Une plantation inappropriée, en particulier si on utilise des espèces très exigeantes en eau, peut faire disparaître les ressources en eau, en particulier les eaux souterraines. Cela peut avoir des impacts majeurs – et souvent au-delà de la zone plantée. Lorsque cela est possible, des espèces endémiques adaptées aux conditions locales des sols et de l’eau doivent être utilisées de préférence sur les espèces introduites. Une attention particulière doit être accordée aux zones de pénurie d’eau et arides et semi-arides. L’abus d’équipements lourds doit être évité, car cela cause un compactage des sols et empêche l’hydrologie.

L’effet des forêts plantées sur l’eau ne peut pas être généralisé. Des mesures doivent être prises en compte au cas par cas selon les conditions écologiques, la répartition et la disponibilité des ressources en eau, les espèces utilisées et les objectifs de gestion forestière. Dans la formulation des politiques, la planification et la gestion, il est crucial de garder à l’esprit l’impact des forêts plantées sur l’approvisionnement en eau et sur le maintien de l’équité dans la répartition de l’eau dans le paysage. L’objectif doit être de maintenir toute la gamme de services écosystémiques fournis par l’eau à des niveaux souhaités. Pour y parvenir, il est important d’effectuer des études scientifiques pour clarifier les impacts des forêts plantées sur la qualité et la quantité de l’eau dans différentes situations.

4.5.8 Droits des populations indigènes et droits coutumiers des communautés

Les terres qui sont sélectionnées pour les investissements de plantation forestière peuvent être sujettes aux droits détenus par les communautés indigènes et locales pour des activités comme le pâturage, le fourrage, la récolte d’aliments traditionnels, de médicaments ou le bois de chauffe et autres usages. Même les terres apparemment dégradées peuvent revêtir une grande importance pour la survie des plus pauvres, précisément parce qu’elles n’ont pas de valeur économique pour les membres plus forts de la communauté.

Les terres sélectionnées pour les forêts plantées peuvent également abriter des sites significatifs et/ou sacrés. Cela doit également être pris en compte dès le début et au cours du processus de planification et d’aménagement. Si les forêts plantées doivent contribuer à la durabilité socio-économique, les droits et privilèges des communautés indigènes et locales doivent être pris en considération (voir le Principe 7).

Dans le développement des forêts plantées, les droits de propriété et de possession des terres qui ont été traditionnellement occupés ou utilises par les communautés indigènes et locales doivent être reconnus et respectés. Ces droits doivent être préservés, y compris le droit de participer à l’utilisation, à la gestion et à la conservation de ces ressources et dans tout développement proposé sur les terres et les eaux traditionnellement occupées ou utilisées par elles. Une attention particulière doit être accordée à la situation des populations nomades et aux cultivateurs itinérants. Lorsque la relocalisation de ces populations est considérée comme nécessaire, comme mesure exceptionnelle, cette relocalisation doit s’effectuer seulement avec leur consentement libre et éclairé.

Les bases sociales, culturelles et économiques et les études d’évaluation1 doivent identifier les droits et intérêts des communautés indigènes et locales et évaluer leur importance, avec la participation pleine et effective de ces populations et communautés, et accorder une attention particulière aux droits des plus pauvres et des secteurs défavorisés ou marginalisés de la communauté, y compris les femmes. Ces droits doivent être formellement reconnus. Des mécanismes de résolution des conflits doivent être mis en place pour l’établissement des droits litigieux, ou pour déterminer une compensation lorsque les droits doivent être éteints de manière temporaire ou permanente.

4.5.9 Régime foncier et usufruit

La clarté du régime foncier est importante pour l’élaboration efficace et durable des programmes de plantation forestière. Sans régime sécurisé, la gestion durable des forêts plantées n’est pas possible. Par conséquent, les flux complets de bénéfices ne sont pas possibles – qu’il s’agisse de production ligneuse ou de fourniture de services environnementaux et socio-économiques, y compris la réduction de la pauvreté. Les investisseurs privés, petits ou gros, entreprises, petits exploitants ou communautés, requièrent la sécurité non seulement de la bonne gouvernance mais également du régime foncier et de la propriété des cultures qu’ils possèdent ou louent.

Les forêts plantées peuvent être développées sous différents mécanismes de propriété, avec l’émergence croissante de contrats ou partenariats entreprises/petits exploitants. La durée, l’assurance, la robustesse et le caractère exclusif ont été identifiés comme les principaux éléments juridiques dans les accords de propriété sécurisée. Alors que des réformes de politique forestière peuvent être introduites pour encourager la participation, les lois sont souvent inchangées pour donner une reconnaissance claire, formelle et à long terme des droits et responsabilités, ou ne sont pas complètement changées. La sécurité du régime foncier peut ne pas être solide si tous ou les droits ou certains d’entre eux sont limités dans le temps, ou si un pouvoir de décision n’a pas été entièrement dévolu.

Comme pour la question des droits d’accès ou d’usage, l’élaboration d’un régime foncier sécurisé pour les forêts plantées requérra une consultation, une résolution des conflits et une prise de décision partagée. La reconnaissance et la prise en compte des droits coutumiers peuvent être nécessaires. La consultation avec d’autres utilisateurs des terres sera également nécessaire. L’opportunité peut devoir être saisie de développer une nouvelle politique d’utilisation des terres et/ou de résoudre et harmoniser une législation contradictoire d’utilisation des terres qui peut avoir un impact sur le régime foncier. Même la décentralisation peut conduire à un conflit de propriété foncière, ou à désavantager des groupes marginalisés.

4.5.10 Emploi

Le potentiel de contribution des forêts plantées au développement rural, y compris la réduction de la pauvreté, est bien reconnu et est particulièrement important pendant les périodes de dépression économique. Les conditions de travail doivent fournir des pratiques sûres, un hébergement de base, la possibilité de se nourrir et une protection sociale. Un partage équitable des bénéfices économiques avec la main d’œuvre de la plantation forestière est requis si les communautés locales doivent profiter des bénéfices de développement économique et de réduction de la pauvreté.

Les programmes de plantation forestière peuvent contribuer au développement rural par l’embauche rémunérée et la formation. L’effet des programmes de plantation forestière sur le développement rural comme multiplicateur d’emploi dans les secteurs secondaire (transformation) et tertiaire (service) peut être considérable, en particulier lorsqu’une portion significative de la richesse de cette activité à valeur ajoutée reste dans l’économie locale et au sein de la main d’œuvre dépendante de la forêt.

L’établissement, l’entretien, les soins culturaux, la sylviculture, la protection et l’exploitation des forêts plantées impliquent souvent l’emploi de personnes non qualifiées et mal rémunérées, ce qui entraîne une rotation importante du personnel. Dans de nombreux pays, ce travail a été associé à des taux d’accident élevés, des accidents et de graves problèmes de santé. Ce secteur est souvent dominé par les hommes, bien que des femmes soient souvent employées dans les pépinières forestières.

Le travail sous contrat peut représenter une part importante et croissante de la main d’oeuvre des forêts plantées dans de nombreux pays. Les entrepreneurs peuvent ne pas être couverts par la législation du travail et ces travailleurs peuvent jouir d’une protection bien inférieure à celle des travailleurs dans une relation de travail formelle. Sous la pression de réduire les coûts sur un marché très compétitif, les entrepreneurs et leurs employés peuvent être contraints de se surpasser avec une allure de travail et des horaires de travail excessifs ou de recourir à des pratiques illégales.

Un élément clé pour briser le cycle de faible productivité, faibles revenus, forte rotation du personnel et travail dangereux est l’émancipation de la main d’oeuvre forestière, des petits exploitants et du travail sous contrat. Les assister dans la création et le renforcement d’associations aide à assurer une répartition équitable des bénéfices, en plus de construire la base d’une gouvernance démocratique. Une mise en œuvre vigoureuse des standards essentiels du travail de l’Organisation internationale du travail représente le niveau minimum d’action requis pour créer un environnement favorable pour l’émancipation de larges groupes de travailleurs forestiers.

Une formation adéquate est un autre élément clé pour briser ce cycle. Une telle formation est la plus efficace lorsqu’elle est conçue et dispensée par le groupe principal (tel que défini dans l’Agenda 21) à ceux pour qui elle est destinée. Il convient de prévoir une formation sur le tas et formation professionnelle pour tous les travailleurs forestiers, avec un accent particulier sur la santé et la sécurité.

Les salaires, le temps de travail, les conditions de travail et les accords d’organisation du travail pour adapter la vie professionnelle aux exigences de la vie en-dehors du travail sont des éléments essentiels de la relation de travail et de la protection des travailleurs.

4.5.11 Application de mesures d’encouragement

Les mesures d’encouragement peuvent être des subventions pour réduire les coûts ou pour augmenter les recettes. Elles peuvent également être appliqués sous d’autres formes d’encouragement financier comme les réductions fiscales et un appui non pécuniaire par la recherche et la vulgarisation. L’utilisation de mesures d’encouragement doit être rationnelle et clairement justifiée en termes de politique forestière ou de politiques économiques au sens large, afin d’éviter d’encourager les mauvais résultats – par exemple, des mesures d’encouragement perverses peuvent encourager la conversion de forêts à régénération naturelle en forêts plantées. Dans le contexte de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité, l’utilité de mesures d’encouragement a été reconnue par la conférence des parties (CDP) de la Convention sur la diversité biologique (Article II).2

La décision de mettre en place toute forme de mesures d’encouragement pour les investissements de plantation forestière doit impliquer une enquête sur les coûts et les recettes sur les différents investisseurs – par exemple, les corporations ou petits exploitants peuvent nécessiter un traitement assez différent – et sur les mesures d’encouragement qui causeront le moins de distorsions ou laisseront le moins de marge pour la fraude. Les analyses doivent prendre en compte les coûts et bénéfices tant pour les produits forestiers ligneux et non ligneux.

La gestion des systèmes de mesures d’encouragement doit être surveillée, et il faut prendre soin d’assurer que les mesures d’encouragement ne conduisent pas à une plantation qui néglige l’entretien ou une gestion subséquente. Dans le contexte de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité, des directives sur la conception et la mise en œuvre de mesures d’encouragement ont été validées par la CDP 6 de la Convention (Décision VI/153).

Il existe un changement de mesures d’encouragement directes vers des mesures d’encouragement indirectes. Plutôt que de verser des subventions pour corriger les distorsions dans d’autres pans de l’économie qui découragent les investissements de plantation forestière, l’accent est maintenant mis sur l’élimination de ces distorsions et entraves structurelles et sur la création d’un climat d’affaires qui encourage l’entreprise. La réforme du système fiscal peut être requise, ou l’élimination des barrières administratives qui découragent la commercialisation du bois ou des produits ligneux. La nécessité d’éliminer les mesures d’encouragement perverses a été reconnue par la CDP de la Convention (voir en particulier la Décision IV/10A4 et la Décision VII/185).

Une nouvelle source de mesures d’encouragement avec un potentiel considérable pour les investissements de forêts plantées peut être les dispositions du Protocole de Kyoto (de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques) pour promouvoir les forêts comme puits à carbone dans le contexte des mécanismes de développement propre et d’échange de quotas d’émissions.


1 Se référer à Akwé: Kon directives pour la conduite d’évaluations d’impact culturel, environnemental et social concernant les développements proposés, ou qui peuvent avoir un impact, sur les sites sacrés et les terres et eaux traditionnellement occupées ou utilisées par les communautés indigènes et locales (disponible sur www.biodiv.org/doc/ref/tk-akwe-en.pdf).

2 Convention on Diversité biologique: Convention Text, Article II, Mesure d’encouragement Measures.

3 Convention sur la diversité biologique: Propositions pour la conception et la mise en oeuvre de mesures d’encouragement, Annexe à la décision VI/15.

4 Convention sur la diversité biologique: Décision de Convention IV/10A, paragraphe 1f.

5 Convention sur la diversité biologique: Décision de Convention VII/18.

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