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Chapitre 7
AMÉLIORATION DES RACES


Les stratégies aptes à développer des races de volailles adaptées aux besoins des petits producteurs des régions tropicales doivent différer de celles utilisées en production intensive, et devront se concentrer sur l'amélioration des races indigènes tout en faisant usage de races pures exotiques ou de croisements lorsque la situation s'y prête.

La conservation des races locales présentant des variations génétiques spécifiques à un environnement particulier est essentielle pour un développement durable. Quoiqu'elles n'existent qu'en populations numériquement faibles, les races locales ne sont pas seulement hautement adaptées à l'environnement naturel, mais font aussi partie intégrale du mode de vie des populations rurales. La population, le bétail et l'environnement forment un écosystème délicatement équilibré mais durable, et donc l'impact potentiel de toute intervention destinée à accroître la production dans un système traditionnel doit être préalablement estimé. La situation est moins sensible en aviculture périurbaine, industrielle ou intensive à petite échelle, où des améliorations rapides peuvent être réalisées à travers des programmes de développement bien ciblés. Le secteur de l'aviculture intensive est, cependant, beaucoup plus réduit que celui de l'aviculture familiale dans presque tous les pays en développement.

STRATÉGIES D'AMÉLIORATION DES RACES

Les deux règles suivantes seront incorporées dans toute stratégie d'amélioration génétique:

La méthode la plus commune pour améliorer le réservoir génétique local est de croiser sujets indigènes et exotiques, et de laisser la descendance se multiplier par sélection naturelle. A cet effet, des coquelets (ou poulettes) de race pure ou hybride, sélectionnés pour la production de viande ou d'œufs sont introduits dans les troupeaux, généralement dans le but d'augmenter la production d'œufs. Il est important de savoir qu'accélération de la croissance et production élevée d'œufs sont génétiquement incompatibles chez le même oiseau. Il s'agit de deux caractères génétiques corrélés négativement, ce qui signifie que la sélection pour un caractère va réduire l'effet de l'autre.

Echange de poulettes ou de coquelets

A titre d'exemple de ce type de stratégie, il est envisagé un troupeau de poules indigènes pondant 50 œufs par an après avoir entamé la ponte à l'âge de 25 semaines. Ces poules sont croisées avec des coquelets de «race améliorée » dont le potentiel génétique est de 250 œufs par an avec une entrée en ponte à 21 semaines. Il en résultera une première génération de poulettes croisées commençant à pondre à 24 semaines, avec un potentiel génétique de 200 œufs par an. Cette première génération (F1) d'animaux croisés a un potentiel génétique théorique (génotype) plus élevé que la moyenne des deux races parentales; c'est ce que l'on appelle la vigueur hybride. Cependant, en pratique, ce potentiel génétique ne sera pas extériorisé, à moins que la conduite du troupeau soit significativement améliorée, spécialement dans le domaine de l'alimentation.

Si les générations suivantes de poulettes croisées sont de nouveau fécondées par des coquelets «améliorés» (croisement d'absorption), le potentiel génétique continuera à s'élever pour la production d'œufs, quoiqu'à un rythme plus lent (car la vigueur hybride ne fonctionne seulement qu'en première génération). A chaque génération, de meilleurs niveaux de gestion, incluant la fourniture d'aliments correctement équilibrés, seront nécessaires pour l'extériorisation de ce potentiel.

Cependant, si les sujets croisés se reproduisent entre eux, le potentiel de production va chuter dans les générations suivantes et revenir à la moyenne des productions des deux races de départ, même si la conduite de l'élevage peut soutenir un niveau plus élevé d'hybridation.

L'utilisation de coquelets à cet effet représente la base du Programme d'échange de coqs ou de coquelets, communément appelée «opération coq» qui a été expérimentée dans presque tous les pays tropicaux. Les ménages échangent leurs coquelets locaux pour quelques coquelets améliorés qui sont ensuite amenés à maturité afin de leur permettre de s'adapter aux conditions locales.

Dans certains cas, un programme d'échange de poulettes ou d'œufs fertiles a été préconisé. Ces approches furent employées extensivement du début des années 30 jusqu'aux années 60, période à laquelle le développement urbain a encouragé l'installation d'une production avicole péri-urbaine intensive, de petite à moyenne échelle, qui utilise des races commerciales et une technologie importées.

Le remplacement progressif des gènes locaux par croisement et sélection artificielle fut la base initiale du développement dans de nombreux pays (Omeje et Nwosu, 1986; Coligado, Lambio et Luis, 1986)

Quoique de nombreuses stratégies jugées appropriées pour les systèmes de production villageoise ont été mises en œuvre, la plupart d'entre elles ont échoué du fait du manque de suivi quant à l'amélioration de la conduite de l'élevage.

Remplacement de toutes les races indigènes

L'utilisation de souches hybrides en conditions de liberté a souvent été étudiée, particulièrement au Zimbabwe (Huchzemeyer, 1973), et au Sri Lanka, Zambie et Nicaragua (Roberts et Senaratne, 1992; de Vries, 1995).

Il a été régulièrement constaté que les programmes de remplacement intégral induisaient une augmentation de la production d'oeufs et de viande, mais uniquement lorsque la gestion procurait de bonnes conditions de nutrition et d'hygiène. Cependant, le grand inconvénient de l'usage de souches hybrides pour accroître la production d'œufs réside dans l'élimination de la couvaison naturelle, puisqu'il existe une corrélation génétique négative entre ces deux facteurs. Pour cette raison, le remplacement total d'une race locale ne saurait être envisagé sans l'existence d'une source fiable de fourniture de poussins d'un jour d'une race adaptée.

Sélection au sein des races locales

Caractères de production des races locales

L'amélioration génétique des races et souches locales dans les pays en développement requiert au préalable de réunir une documentation appropriée sur leurs performances de production et de reproduction. Les caractères de production principaux des races locales sont:

Pour les systèmes ruraux en petites exploitations, la production de viande ne peut être séparée de celle des œufs ou des poussins et une très bonne couveuse et, par conséquent, faible pondeuse (faibles besoins nutritionnels) représente le meilleur animal pour survivre dans de telles conditions. Les coquelets en surplus sont généralement vendus pour la viande, quel que soit leur poids, lorsqu'ils atteignent la maturité sexuelle à trois ou quatre mois.

Dans les conditions d'un tel système extensif, il n'existe que peu de contrôle de la reproduction des poules, parce qu'elles couvent leurs propres poussins pour un renouvellement continu du troupeau. Les activités de couvaison et d'élevage des poussins accroît la longueur de cycle reproductif de 58 jours pour atteindre environ 74 jours, suivant le schéma:

16 jours de ponte et de constitution de la couvée + 21 jours d'incubation + 37 jours d'élevage des poussins = 74 jours
Source: Horst, 1990 b.

En conséquence, la plupart des poules peuvent produire 4 à 5 couvées annuellement, et seulement quatre si la période d'élevage est étendue à huit semaines. Comme la malnutrition, les prédateurs et les accidents entraînent des taux de mortalité de 60 à 70 pour cent pendant la période d'élevage, quasiment tous les œufs sont destinés à la reproduction. A raison de quatre à cinq cycles reproductifs par an, il n'est possible d'obtenir qu'environ neuf poulettes de remplacement.

Fertilité et éclosabilité sont également élevées chez les oiseaux locaux. Ils s'adaptent généralement bien à des conditions défavorables de conduite. La résistance aux maladies prédominantes est généralement considérée comme appréciable quoique les taux de mortalité des jeunes et quelquefois des adultes puisse être importants en systèmes extensifs.

Des disparités génétiques considérables existent entre les différentes populations régionales et continentales de poulets indigènes et les taux de production doivent être préalablement évalués avant l'introduction de programme de développement.

Programme de sélection pour races locales

Quoique de meilleures méthodes de gestion puissent améliorer significativement les performances des races locales, certains chercheurs ont estimé qu'il existait également un besoin de sélection génétique (Nwosu, 1979). Des programmes de sélection en race pure ont été mis en place au Bangladesh (Ahmad at Hashnath, 1983) sans être conduits sur le terrain. Les différents chercheurs ci-dessus sont arrivés à la conclusion que, même si l'amélioration des races locales de volailles pouvait être bénéfique, il était essentiel d'évaluer ces races et leurs croisements préalablement à la mise en place d'une stratégie de sélection.

Des recherches menées en Tanzanie (Katule, 1991) ont conclu que la sélection pour les caractères à deux fins au sein des populations locales demandait du temps tout en étant coûteuse. Le croisement avec des races améliorées, suivi d'une sélection au sein de ces populations composites, est préférable.

Quoique, dans la plupart des pays en développement, la préférence soit accordée à des races à deux fins, il est important de réaffirmer que, chez le même oiseau, l'amélioration de la production d'œufs et de l'instinct de couvaison sont génétiquement incompatibles tout comme accroissement d'œufs et de production de viande. La sélection à l'intérieur d'une paire de ces caractères, va forcément réduire l'autre trait.

Modification des races locales par utilisation de gènes dominants

L'utilisation de gènes dominants simples ou combinés pour la réduction (Na) ou la structure (F) du plumage, ainsi que celle du gène récessif lié au sexe pour la réduction du poids corporel (dw) a été estimée comme particulièrement appropriée pour les tropiques (Horst, 1989; Harren-Kiso, Horst et Valle Zarate, 1995). La recherche sur l'effet de ces gènes sur les répercussions économiques a été entreprise en Malaisie (Khadijah, 1988; Mathur et Horst 1989). A titre d'exemple, la réduction du plumage ou Cou Nu (Na) entraîne une diminution totale de plumage de 40% avec la partie inférieure du cou presque totalement nue. Ceci réduit considérablement le besoin nutritionnel protéique pour la production de plumes, alors que ce besoin représente souvent le facteur limitant dans la Base des Aliments Résiduels Picorables (voir chapitre 3). Barua et al. (1998) a parcouru l'information disponible sur les performances des volailles indigènes locales à "cou nu » dans l'espoir d'attirer l'attention des chercheurs à travers le monde sur ses intéressantes caractéristiques et faciliter les recherches futures.

L'incorporation de ces gènes pourrait être significative pour le développement de races et de souches appropriées dans l'aviculture tropicale à petite échelle. Il est naturellement recensé sept gènes majeurs potentiellement utiles:

L'utilisation de gènes majeurs afin d'améliorer la productivité dans les programmes de sélection d'aviculture à petite échelle a été expérimentée dans différents pays tropicaux: Indonésie. Malaisie, Thaïlande, Bangladesh, Bolivie, Inde, Cameroun, Nigéria.

D'autres caractères morphologiques qui permettent une meilleure dissipation de la chaleur comprennent: le développement de la crête et des barbillons, l'allongement des pattes. Dans ce cas, il s'agit du résultat de l'action combinée de gènes multiples. Cela peut également être envisagé favorablement pour être incorporé dans le développement de races locales hautement performantes sous les tropiques.

POUR UNE PRODUCTION MEILLEURE: AMÉLIORATION GÉNÉTIQUE OU MEILLEURE GESTION ?

L'aviculture familiale est bien intégrée dans la majorité des systèmes fermiers villageois, où les races locales fournissent 40 à 70 pour cent de la production nationale en viande et en œufs de la plupart des pays tropicaux. Du fait de leur adaptation à la recherche de la nourriture, de leur capacité à produire et de leur faible coût, les races locales sont élevées par les petits exploitants ruraux, les fermiers sans terre et les travailleurs de l'industrie. Il est difficile d'imaginer des oiseaux mieux adaptés à survivre en conditions de libre divagation que les races qui ont déjà évolué dans le même environnement et qui ont démontré leur capacité à y survire. Cependant, il reste un potentiel considérable et largement inexploité à augmenter la production des races locales à partir de meilleures conditions de gestion.

Pour les systèmes divagants en liberté, l'objectif critique est de réduire le taux élevé de mortalité tant chez les animaux en croissance et les adultes, mais plus spécialement chez les premiers où il se situe entre 60 à 70 pour cent. Ce taux élevé de mortalité signifie que beaucoup d'œufs pondus doivent être gardés pour la reproduction et le maintien de l'effectif du troupeau, plutôt que d'être vendus ou consommés. Il signifie aussi que beaucoup d'oiseaux meurent plutôt que d'être utilisés pour le revenu ou la consommation.

Le problème des races locales n'est donc pas intrinsèquement une faible productivité en œufs ou en viande, mais une forte mortalité. L'amélioration génétique aux fins d'accroître la production en viande ou en œufs ne résoudra pas les problèmes de santé et de nutrition. De plus, l'accroissement de la production en œufs créera un nouveau problème avec la disparition de l'instinct de couvaison dans le troupeau, qui forcera le petit exploitant à acheter ses animaux plutôt que de les voir couver et élever par ses poules.

La mortalité peut être significativement réduite par une prise de conscience progressive par le fermier des besoins de santé à travers la fourniture de vaccins (spécialement contre la maladie de Newcastle) et par l'amélioration des conditions d'alimentation des sujets en croissance (par exemple, en utilisant des systèmes de creep-feeding). Ces méthodes représentent les améliorations les plus substantielles dans la gestion et permettront au fermier de mieux exploiter le potentiel existant de ses races locales en conditions de divagation.

Si, pour le fermier, les ressources disponibles pour la conduite de l'élevage se diversifient, au point de lui fournir localement un aliment équilibré pour ses volailles, les options qui lui sont offertes pour générer son revenu seront améliorées. Cependant, la solution ne sera pas de confiner les races locales au sein de systèmes de conduite intensifs. En effet, les performances des races indigènes n'augmenteront que très légèrement en batterie ou en litière profonde (Akinokun, 1975; Oluyemi, 1979; Nwosu, 1979). Du fait du faible potentiel génétique tant pour la viande que pour les œufs, comparé à celui des souches commerciales hybrides, il est plus rentable de réserver ce type d'investissement à ces dernières.

Si un aliment équilibré, des produits vétérinaires et des poussins d'un jour de souches hybrides sont localement disponibles, la production avicole intensive représente une option possible. Si non, élever des races locales dans des conditions de libre divagation, demeure le meilleur choix.

Le vaste potentiel pour augmenter le revenu de l'aviculture familiale conduite selon le système divagant réside clairement dans le domaine de réduction de la mortalité chez les jeunes sujets. Ceci représente déjà un défi suffisant pour les ressources restreintes du personnel de vulgarisation du gouvernement et des ONG dans les pays en développement.

Le potentiel d'amélioration génétique pourra être considéré dans le futur, mais seulement lorsque l'objectif plus immédiat de réduction de la mortalité sera atteint. Entretemps, les efforts seront poursuivis afin de maintenir le matériel génétique comme ressource pour l'avenir.


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