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CHAPITRE 5
POLITIQUES FONCIÈRES1 (Cont.)

5.6.3 L'État propriétaire terrien

Dans presque tous les pays, l'État est propriétaire d'étendues importantes de terres rurales, qu'il s'agisse de réserves naturelles, de zones de foresterie commerciale, de parcours collectifs ou de terres agricoles. La tendance dans le monde, cependant, est à la diminution de la possession par l'État des terres agricoles. Dans la plupart des pays asiatiques, il existe une longue tradition de propriété privée des terres agricoles. L'Amérique latine, à l'exception de Cuba, a émergé d'une ère de propriété étatique des terres en adoptant de manière décisive des politiques favorables à la propriété privée, bien qu'il existe encore des terres agricoles appartenant à l'État dans certains pays. L'Afrique et l'ancienne Union soviétique sont les principales régions où les terres étatiques jouent encore un rôle assez prééminent101. Comme l'a commenté Zvi Lerman:

la propriété privée de la terre n'est pas reconnue dans les États d'Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan et Ouzbékistan; au Turkménistan, la propriété privée de la terre est purement hypothétique, sans droit de cession), [de même qu'] au Bélarus (sauf pour les petites parcelles familiales) et dans plusieurs républiques autonomes de la Fédération de Russie102.

Alden Wily a émis les commentaires suivants sur la propriété étatique généralisée des terres agricoles dans l'est et le sud de l'Afrique et les problèmes que cette forme de régime foncier est susceptible de susciter:

… tous les États sauf un (l'Ouganda) se sont dotés d'un droit fermement établi de propriété première sur les terres … placé entre les mains de l'État (ou du Président), qui ne permet aux citoyens que de détenir des «intérêts» dans ces terres. De cette situation découle le pouvoir de désigner, de réglementer, d'intervenir et de s'approprier les terres à volonté. Au cours des récentes décennies, de nombreux gouvernements de la région ont usé plus que fréquemment de cette possibilité à des fins douteuses et sans rendre de comptes, ce qui, sans doute, a encouragé l'apparition d'une classe de seigneurs terriens capteurs de rentes103.

Dans de nombreux cas en Afrique, la propriété coutumière des terres est passée entre les mains de l'État, comme en Mauritanie, au Nigéria, au Sénégal, en sus des pays de l'est et du sud du continent. Cette situation est parallèle aux expériences historiques, surtout européennes et latino-américaines, notées à la section 5.4, où les terres coutumières sont devenues la propriété de grands domaines ou haciendas. Au Sénégal, en principe les dispositions de la Loi foncière nationale stipulent que les allocations de terres aux cultivateurs et la fin des droits d'utilisation doivent être gérées par les conseils de villages, comme elles l'avaient été sous les systèmes traditionnels104. En pratique, la loi s'est avérée vague sur des points importants et elle n'a pas toujours été respectée.

À l'époque moderne, les raisons pour lesquelles l'État est devenu propriétaire des terres agricoles sont diverses, mais relèvent, pour la plupart, de cinq catégories:

Compte tenu des commentaires sans détours d'auteurs tels que Platteau, Ntangsi et Alden Wily, il convient d'ajouter que la possibilité du clientélisme peut aussi avoir incité certains gouvernements à conserver des terres qu'ils auraient pu, sinon, céder au secteur privé. Dans ce type de cas, le manque de volonté politique de privatiser les terres constitue un obstacle majeur au changement. D'un autre côté, en Estonie et dans d'autres pays de l'ancienne Union soviétique, l'État est devenu un grand propriétaire terrien par défaut, parce que le processus de privatisation des terres agricoles a été plus lent que prévu et n'est pas encore terminé.

Une position idéologique ne peut pas être contrée par les arguments techniques de l'économie. Après tout, aucun pays au monde ne permet à ses citoyens de posséder les ressources naturelles en eau, mais leur confère plutôt des droits d'utilisation. Les tenants de la propriété étatique des terres demandent en quoi les terres agricoles diffèrent fondamentalement de ce point de vue? Chaque pays doit trouver sa propre réponse. Celle-ci dépend en partie de la conception en vigueur du rôle de la production agricole dans l'économie et la société. Si on la considère principalement comme une source de revenu pour les producteurs, la politique tendra à traiter la terre comme n'importe quelle autre ressource productive, même si elle reste astreinte à des restrictions spéciales, comme indiqué précédemment. Si, d'un autre côté, on considère que l'agriculture doit servir des objectifs plus larges tels que l'équité socio-économique et la sécurité alimentaire, il est probable que la propriété privée jouera un rôle plus restreint et la propriété étatique des terres un rôle plus important - quoiqu'il existe d'autres instruments de politique pour promouvoir ces objectifs.

Lorsque l'on étudie les problèmes liés aux terres d'État, il est impératif de garder à l'esprit la distinction entre propriété et droits d'usufruit. Comme dans d'autres activités faisant intervenir des ressources productives, l'État n'a généralement pas fait la preuve de ses capacités de gestionnaire de terres agricoles. Comme on l'a noté dans le cas des exploitations collectives, ou des coopératives de production, la propriété étatique des terres signifie en général que les gestionnaires de l'exploitation sont privés d'options économiques importantes que possèdent les agriculteurs privés: prise ou mise en location, achat et vente, hypothèque. Les régimes fonciers dans lesquels l'État loue ses terres à des cultivateurs connaissent tous le même problème: les loyers risquent d'avoir peu de rapport avec la valeur marchande (annualisée) des terres, comme cela a été le cas au Guyana106. Quand les loyers déterminés administrativement sont inférieurs à ceux du marché, il se crée une liste d'attente pour accéder aux terres étatiques et la sous-location illégale des terres aux taux du marché apparaît également (ce qui encourage l'existence de «seigneurs terriens capteurs de rentes», pour reprendre l'expression d'Alden Wily). Ceux qui ont eu la chance d'accéder les premiers aux terres perçoivent des gains ‘tombés du ciel’, et la tentation de capture de rente, débouchant sur une manipulation politique du processus d'allocation des terres, est une évidence.

Quand les droits d'usufruit des individus et des communautés sur les terres de l'État ne sont pas clairs, le conflit avec les formes traditionnelles de tenure peut être source de confusion, comme cela a été le cas au Mali:

La propriété étatique est de règle pour la terre et les ressources naturelles. La propriété individuelle est l'exception. Dans ce contexte, comme la législation ne correspond pas aux normes et aux valeurs de la population locale, de nombreux cas d'évasion, de mauvaise interprétation et de mauvais usage ont accompagné un autre problème majeur, celui de la superposition de multiples droits s'appliquant à la terre, aux parcelles forestières, aux pâturages et aux bassins versants107.

Un autre problème est le manque de sécurité foncière dont souffrent les cultivateurs des terres étatiques. Les contrats de location sont souvent d'une durée trop courte pour encourager les agriculteurs à investir dans l'amélioration des terres ou à protéger la qualité des sols et ils ne peuvent pas servir de garantie. Dans le cas des terres étatiques de Namibie, on a observé que «la sécurité foncière des occupants est faible. Ils peuvent avoir le droit d'utiliser et d'occuper la terre, mais pas de vendre ou de léguer les terres résidentielles et/ou arables, ni d'en exclure d'autres personnes»108.

Afin de résoudre les problèmes de cette nature, le gouvernement guyanien a entrepris de créer une formule juridique de baux négociables de longue durée et renouvelables, pour des parcelles situées sur des terres de l'État109. Le gouvernement de Trinidad et Tobago a lancé un système de ce type en 1995. Une variante promulguée au Guyana et en Estonie permettrait de transformer les tenures à bail en tenures franches (avec ou sans paiements supplémentaires) au bout d'un nombre donné d'années de culture de la parcelle par l'agriculteur. Une approche similaire a été mise en œuvre en Zambie où, lors de la nationalisation de l'ensemble des terres en 1975, «la plupart des titres de tenure franche ont été convertis en baux de 99 ans»110. Dans le cadre du système éthiopien de baux sur les terres étatiques, «les détenteurs de terres peuvent les sous-louer, les vendre ou céder le bail et donc utiliser celui-ci comme garantie»111.

Ainsi, au vu de l'expérience internationale, les avantages supposés de la propriété et de la gestion des terres par l'État sont plus que contrebalancés par leurs inconvénients en termes de baisse des niveaux de production et d'investissement, ainsi que de dégradation accrue des terres. Si le gouvernement conserve la propriété des terres agricoles, la seule manière d'éviter ces conséquences négatives est qu'il se démette de la gestion directe des terres elles-mêmes. On peut, par exemple, concéder aux agriculteurs des droits d'usufruit permanents et négociables par le biais de baux négociables de longue durée. L'autre grande option consisterait à laisser la gestion des terres étatiques au niveau local en recourant aux régimes de droits coutumiers, comme suggéré par Nadia Forni (2000) ci-dessus.

Pour maintenir la transparence, c'est-à-dire éviter toute distorsion de l'allocation initiale des terres dans ce type de baux gouvernementaux, on pourrait envisager de vendre aux producteurs qui vivent dans ces régions, par enchères locales, les parcelles des nouvelles zones cultivables, avec un plafond de superficie pour les lots mis aux enchères. On pourrait aussi afficher la liste des ayant droit aux baux avec explication des critères de sélection. Une troisième possibilité consisterait à sélectionner les preneurs par loterie parmi les personnes répondant aux critères d'éligibilité. Pour les terres agricoles existantes, la préférence serait donnée en principe aux familles qui cultivent leurs parcelles sans interruption depuis un nombre d'années donné (là encore avec un plafond de superficie pour les parcelles données à bail).

Dans tous les cas, il est essentiel que le prix des baux soit défini au niveau du marché afin d'inciter à l'utilisation productive des terres et de décourager ceux qui souhaiteraient bénéficier d'un bail uniquement dans le but de sous-louer en réalisant un profit. Comme déjà dit, ce problème était très répandu au Guyana. Un autre exemple de ce phénomène existait en Zambie, où le prix des baux des terres étatiques était très faible: «les terres en tenure à bail se sont avérées considérablement sous-utilisées. Les tenures à bail sont accordées gratuitement à un loyer minime, ce qui ne suffit pas à motiver l'utilisation optimale des terres» (Chinene et al., 1998, p. 95).

À Taiwan, où la réforme agraire a renforcé la propriété privée, les terres appartenant à l'État ont été adjugées de manière équitable, en petites parcelles (Platteau, 1992, p. 227). Dans les conditions de production de l'agriculture taiwanaise, les petites parcelles se sont avérées un facteur d'efficacité, ainsi qu'un vecteur d'équité de la distribution des terres. Cet exemple confirme que la manière dont on dispose des terres étatiques est très importante.

La réforme agraire menée au Honduras pendant les années 70 fournit un exemple de gestion non transparente des terres étatiques. Environ un tiers des terres agricoles appartenait au gouvernement national ou aux autorités locales. Après le vote de la législation sur la réforme agraire, ces terres, parfois des parcelles de plusieurs centaines d'hectares, ont continué à être occupées par des squatters sans titre officiel. Une approche différente aurait permis à la réforme agraire de placer un plafond strict sur la superficie de ces parcelles, d'insister pour que leurs occupants les paient (de manière échelonnée) et de distribuer aux sans-terres les terres dépassant les plafonds. Au contraire, les sans-terres ont été tacitement encouragés à envahir les terres privées existantes, qui faisaient ensuite l'objet d'une expropriation, souvent sur des bases juridiquement douteuses. Ainsi, la réforme agraire a orienté la quête de l'accès aux terres sur les voies les plus conflictuelles et créé une importante incertitude de tenure pour les agriculteurs privés, au lieu d'utiliser les terres étatiques pour donner accès aux terres aux ruraux pauvres.

Comme discuté plus loin dans ce chapitre, il est possible de déployer des instruments de politique indirects pour décourager la concentration de la propriété foncière et lutter contre la non exploitation des terres productives. Après la définition d'une stratégie d'accès aux terres pour les ruraux pauvres, et d'incitations agricoles convenables, la mise en œuvre de ce type de politiques affaiblit l'essentiel des arguments favorables à la propriété et à la gestion des terres par l'État.

D'un autre côté, l'État a un rôle extrêmement important à jouer dans la définition de la politique foncière, l'élaboration de ses réglementations et instruments d'application détaillés et le contrôle de son fonctionnement. Un régime foncier clair et efficace est l'une des conditions préalables les plus essentielles au développement agricole durable. En général, il est plus productif d'orienter les capacités de gestion de l'État dans cette direction, plutôt que vers l'administration directe des terres.

5.7 EXPÉRIENCES DE RÉFORME AGRAIRE

5.7.1 Retour aux sources

À l'origine, la réforme agraire était une idée économique libérale, qui reposait sur la vente volontaire de terres aux agriculteurs pauvres. Ce n'est qu'au siècle dernier qu'elle s'est transformée en un concept basé sur la coercition par le pouvoir de l'État:

Les concepts modernes de réforme agraire sont probablement les héritiers directs de la transformation entamée au Danemark à la fin des années 1700. S'appuyant sur des idées émergentes, en particulier en Grande-Bretagne, mais aussi en France et en Allemagne, des réformateurs tels que les Comtes de Bernstorff et Reventlow lancèrent un programme de consolidation des champs de leurs paysans, introduisirent de nouvelles technologies et vendirent des terres à leurs paysans … ces réformateursétaient également conscients que les paysans devenus propriétaires terriens avaient peu de chance de réussir sans protection institutionnelle … le processus profita également du mouvement émergent des coopératives pour assurer les économies d'échelle qui transformèrent le statut des petits propriétaires danois de celui de serviteurs sous contrat de 1770 à celui d'agriculteurs prospères de 1870 … Dans le monde occidental, la révolution russe de 1917 et divers régimes nationaux-socialistes et populistes qui virent le jour entre la première et la seconde guerre mondiale ont déplacé l'idéologie de réforme agraire d'un processus économique libéral à une redistribution dirigiste par l'État visant à instaurer l'équité dans les campagnes … La plupart des réformes agraires d'Amérique latine, d'Asie et du Proche Orient dérivent de ce modèle112.

Du point de vue du développement économique, la réforme agraire est apparue, aux yeux des analystes et des politiciens, comme un moyen de promouvoir l'équité et l'efficacité dans les régions rurales et l'on a justifié la coercition, ou d'autres types d'interventions gouvernementales, par leur nécessité pour la réussite de la réforme agraire:

La plupart des réformes agraires avec redistribution sont motivées par la préoccupation publique que soulève l'augmentation des tensions dues à la répartition inégale des terres. Le schéma fréquent est celui de la concentration des biens fonciers entre les mains d'un nombre relativement restreint de gros propriétaires dans une économie où la main d'œuvre est abondante et où les terres sont rares. Dans cette situation, la masse de travailleurs sans terres et de fermiers qui tire sa subsistance de l'agriculture reçoit un revenu relativement moindre parce que son seul avoir est la main d'œuvre. La réforme agraire avec redistribution peut également augmenter l'efficacité en transférant les terres de grandes unités moins productives à des petites unités familiales plus productives … en général, les marchés fonciers n'effectuent pas ce type de transformation des schémas de propriété113.
Banerjee a résumé des arguments comparables:
Les tenants de la réforme agraire s'appuient sur deux arguments distincts: tout d'abord, qu'une distribution plus équitable des terres est désirable et ensuite, que réaliser une distribution plus équitable en vaut la peine, même après avoir bien pesé les coûts de la redistribution des terres et les autres usages auxquels on aurait pu consacrer les ressources [requises pour appliquer la réforme] … Au cœur de l'argument en faveur d'une distribution plus équitable des terres on trouve l'observation que les petites exploitations des pays en développement tendent à être plus productives que les grandes114.
En Afrique, l'argument de l'équité prend une résonance particulière:
Les droits de propriété existants … ont légalisé plus d'un siècle d'appropriation des terres par les blancs, une situation que les Africains de toute la région acceptent très mal115.

En général, les réformes agraires coercitives ont livré des résultats décevants, même si quelques unes, comme celles d'Asie orientale dans les années 50 et la Phase I de celle du Zimbabwe dans les années 80, ont été jugées réussies aussi bien en termes d'équité que d'efficacité. Dans la plupart des pays d'Amérique latine, les réformes agraires ont battu en retraite ces dernières années. Herrera, Riddell et Toselli ont indiqué que «le type de réforme agraire qui envisage la redistribution des terres des riches aux pauvres, soit par confiscation, soit par exercice du droit de préemption, appartient au passé». Les raisons en sont l'absence de volonté politique et de capacité économique à indemniser les expropriations – «les politiques foncières agricoles ne peuvent prendre forme que dans le cadre d'un projet économique et politique plus vaste» – et l'échec des programmes de réforme agraire en matière de lutte contre la pauvreté – «au lieu de faire reculer la pauvreté rurale, ils l'ont le plus souvent généralisée. Les services et les intrants subventionnés prévus dans les programmes de réforme agraire ont beaucoup trop rarement profité aux bénéficiaires de la réforme … et il n'y avait pas de sécurité foncière … »116.

Herrera, Riddell et Toselli concluent que, pour qu'une réforme agraire fonctionne, elle doit être accompagnée de politiques ciblées assurant «le développement de la capacité de ses bénéficiaires à accumuler du capital humain (éducation, formation) [et] du capital social (associations de la société civile), ainsi que du capital productif»117.

En ce qui concerne la disparition de l'intérêt pour la réforme agraire en Amérique latine, Alain de Janvry, Nigel Key et Elisabeth Sadoulet ont indiqué:

L'orientation générale des réformes qui codifient l'accès aux terres a été de mettre fin ou de limiter fortement les anciens systèmes de confiscation et de redistribution des terres gérées par l'État. Les limites imposées à la taille des propriétés foncières ont été assouplies ou supprimées118.

Au vu de ces expériences, l'approche de la réforme agraire a bouclé la boucle ces dernières années et est revenue à l'idée du XVIIIe siècle: négocier la vente de terres avec des volontaires en vue de les céder aux pauvres, toujours avec un élément de subsides gouvernementaux puisque les bénéficiaires de la réforme agraire ne peuvent en général pas payer la pleine valeur de leurs terres119. La nouvelle approche diffère considérablement selon les quelques pays où elle a été tentée. Ses variantes portent différents noms, y compris réforme agraire assistée par le marché, réforme agraire négociée et fonds fonciers (subventionnés).

5.7.2 Justifications, échecs et reformulations

Quelle que soit l'approche adoptée, les arguments en faveur de la réforme agraire n'ont rien perdu de leur pouvoir dans certaines sphères. Ils sont clairement à l'ordre du jour dans l'est et le sud de l'Afrique, bien qu'Alden Wily souligne que «la volonté politique» de mener la réforme faiblit souvent, comme cela a été le cas jusqu'à maintenant en Ouganda, en Tanzanie, au Zimbabwe, en Afrique du Sud, au Malawi, au Lesotho et en Namibie120. Parlant pour la Banque mondiale, Deininger et Binswanger ont défini ainsi deux des «quatre principes clé» du «large consensus sous-tendant la réflexion actuelle sur les problèmes fonciers»:

Ils expliquent plus avant les arguments favorables à la réforme agraire:
En dépit des difficultés pratiques de la mise en œuvre d'une réforme agraire, l'attrait conceptuel d'une telle politique repose sur trois piliers: tout d'abord, lorsque les marchés du crédit et des produits sont incomplets, l'accès aux terres peut apporter une contribution importante à la sécurité alimentaire, au bien-être nutritionnel des ménages et à leur capacité à supporter les chocs … Ensuite, la propriété foncière influe sur la croissance économique et le recul de la pauvreté au moyen d'investissements financés par le crédit … Et enfin, plusieurs études ont avancé qu'une distribution plus égalitaire des avoirs (pas nécessairement des terres) améliorerait la stabilité politique122.

Ces auteurs justifient sous la forme très condensée ci-après l'utilité de la réforme agraire:

Un grand nombre des obstacles au bon fonctionnement des marchés de la terre, de la main d'œuvre et des produits remontent à l'ère coloniale; parce que des barrières aussi anciennes entretiennent une répartition très inégale des terres, de larges superficies de terres productives ne sont pas exploitées, tandis que des paysans doivent arracher leur subsistance à des terres marginales et souvent fragiles du point de vue environnemental. L'inégalité de la propriété foncière n'a pas seulement réduit la productivité, elle est également source de troubles et de violence sociaux123.

Ils ajoutent cependant que, dans la plupart des cas, les réformes agraires [coercitives] entreprises au cours des 20 à 30 dernières années … relevaient de motivations politiques et n'ont pas répondu aux attentes.

Deininger et Binswanger attribuent l'échec des réformes agraires coercitives au manque d'investissement des gouvernements dans une infrastructure de complément, à la tendance à regrouper les bénéficiaires de la réforme dans des exploitations collectives, au manque d'expérience des bénéficiaires en matière de gestion d'entreprise et à l'absence de capital de démarrage (manque d'accès au crédit).

Herrera, Riddell et Toselli ont dressé le bilan de la réforme agraire dans les termes suivants:

Même si nous interprétons les performances économiques des programmes de réforme agraire conçus dans les années 60, 70 et 80 comme un coût consenti pour le bien-être social pour les populations rurales, ils n'en demeurent pas moins un échec. Au lieu de faire reculer la pauvreté rurale, ils l'ont en général répartie sur un plus grand nombre. Les services et les intrants subventionnés prévus dans les programmes de réforme agraire ont beaucoup trop rarement profité aux bénéficiaires de la réforme. La redistribution des terres a rarement obtenu un soutien politique. Les coûts économiques de la distribution et de la régularisation des terres étaient trop élevés et la sécurité foncière n'était pas assurée du fait de programmes de cadastre et d'enregistrement des titres fonciers inadéquats (ou inexistants) …124

Les réformes agraires ont souvent été suivies d'un retour à la concentration des exploitations redistribuées et de l'abandon de l'exploitation de vastes superficies de terres redistribuées, surtout dans les coopératives de production. Ainsi, «un récent recensement des exploitations issues de la réforme agraire brésilienne a révélé qu'environ 60 pour cent seulement des bénéficiaires de la réforme cultivaient leurs terres»125.

Bien que l'incapacité à mettre en place des initiatives, des programmes et des politiques complémentaires explique en partie ces résultats, l'échec de la réforme agraire coercitive a des explications plus profondes. Pour évaluer convenablement le phénomène, il faut prendre conscience des répercussions plus larges de la réforme agraire sur la société et le régime politique. Il ne s'agit pas simplement d'un outil économique parmi tant d'autres. Normalement, il n'est pas possible de concevoir la réforme agraire comme un instrument de politique que les gouvernements pourraient choisir pour des raisons purement techniques et mettre en œuvre rapidement à une échelle significative. La réforme agraire est, de manière inhérente, un processus politique et, en général, elle monte en puissance pendant les crises sociopolitiques, précisément au moment où les gouvernements ne disposent pas nécessairement de la capacité technique à l'appliquer. Pour citer Alden Wily:

Le changement politique entérine et oriente toujours la réforme agraire. Ce fait a été observé dans la vague d'indépendances et de nouveaux régimes politiques qui a marqué la dernière décennie (Érythrée, Éthiopie, Rwanda, Mozambique, Namibie, Afrique du Sud, Zambie, Malawi et Ouganda). Ou bien elle peut naître de l'évolution des relations sociopolitiques au sein de la société elle-même, qui s'opère par le biais du «multipartisme», du renforcement des stratégies de dévolution et de la pression de la demande populaire. La nature éminemment politique de la distribution des terres et de la sécurité foncière signifie que la «réforme» devient facilement un point de focalisation dans les périodes d'incertitude politique. Comme l'illustre la crise actuelle au Zimbabwe, on peut s'en servir trop facilement pour déclencher ou contrôler la montée de l'opposition politique126.

D'un autre côté, Binswanger, Deininger et Feder sont davantage enclins à souligner les risques de conflits et, dans certains cas, de guerre civile, que sont susceptibles de générer les «périls d'une réforme agraire incomplète»127. Certes, ils s'aventurent là sur le terrain des spéculations, quelle que soit la relation de cause à effet, l'expérience historique montre clairement que s'engager sur la voie de la réforme agraire coercitive conduit souvent à de graves troubles politiques et même à la violence.

La mise en œuvre de la réforme agraire se heurte aussi à des obstacles pratiques formidables. Dans leur étude de la réforme agraire sud-africaine, Adams et Howell ont souligné que des barrières techniques, administratives et économiques tendent à ralentir le processus, que la réforme agraire soit assistée par le marché ou expropriatrice:

Pour les ruraux pauvres, la redistribution a été largement limitée par les problèmes techniques et économiques soulevés par la subdivision de grandes exploitations d'élevage en régions semi-arides … Les programmes d'installation d'éleveurs en Afrique suggèrent que, ni la subdivision de ranchs commerciaux en élevages familiaux, ni l'élevage extensif collectif ou coopératif ne sont des options viables. Le coût de l'installation de familles avec de petits troupeaux sur des exploitations individuelles avec des normes raisonnables d'infrastructure sociale et économique est très élevé et les rendements économiques, tout comme les conséquences environnementales, sont presque à coup sûr négatifs …
Peut-on redistribuer les terres en encourageant les propriétaires à vendre volontairement ou le gouvernement doit-il faire l'acquisition obligatoire des terres pour les redistribuer? Le Zimbabwe, la Namibie et l'Afrique du Sud ont adopté une réforme agraire assistée par le marché, bien que le Zimbabwe semble maintenant y avoir renoncé …
Dans l'Afrique du Sud d'après 1994, le but principal était de lutter contre la pauvreté et les injustices engendrées par la politique antérieure d'apartheid. L'effet redistributif du programme était limité par les conditions fixées aux subventions gouvernementales dans le cadre de sa politique d'acheteur volontaire … En moyenne, seulement les deux tiers de la subvention de 15 à 16 000 R ont servi à l'achat de terres, car celle-ci devait aussi couvrir les investissements nécessaires pour rendre les terres productives. En outre, depuis 1994, le Département des affaires foncières n'a jamais consacré la totalité de son allocation en capital annuelle à la réforme agraire, principalement en raison de sa faible capacité administrative. Même si la politique avait été basée sur l'expropriation au lieu des transactions commerciales, cette contrainte aurait été incontournable. La redistribution des terres par le processus légal légitime est longue et contraignante du point de vue administratif… sa complexité dans le cadre d'une démocratie constitutionnelle est largement sous-estimée par ceux qui n'en possèdent pas l'expérience. Il est essentiel de disposer d'une armée nombreuse et largement déployée de personnel de terrain convenablement formé pour informer les populations de leurs droits et faciliter les nombreuses et complexes tâches juridiques, financières et administratives impliquées … Il faut également assurer aux nouveaux agriculteurs un soutien adéquat après leur installation si l'on veut qu'ils réussissent … En Namibie comme en Afrique du Sud, il existe un abîme infranchissable entre les ambitieux objectifs annoncés de la redistribution et les ressources financières et administratives disponibles pour leur réalisation128.

L'expérience du Zimbabwe dans les années 80 - où 3,3 millions d'hectares ont été redistribués à 52 000 familles, avec indemnisation des anciens propriétaires - semble contredire cette évaluation pessimiste de la réforme agraire. L'équité et l'efficacité ont été améliorées dans les régions concernées. Cependant, dans les années 90, le Zimbabwe s'est heurté lui aussi à des difficultés administratives et financières, qui ont considérablement ralenti le rythme de la réforme. Un héritage majeur des récentes tentatives d'accélération du processus est que «l'ensemble du tissu économique et social du pays a été gravement endommagé»129.

Heinz Klug a commenté allant dans le même sens les expériences africaines de réforme agraire:

Comme en Amérique latine, il a été difficile de mener la réforme [agraire] à une échelle qui modifie fondamentalement la structure de la propriété. Cela tient à plusieurs facteurs, dont les contraintes constitutionnelles, le manque de fonds pour l'achat de terres et le manque de fonds, de personnel formé, etc., pour les réinstallations130.

De la même manière, pour l'Asie, Deininger, Pedro Olinto et Miet Maertens ont souligné que les contraintes financières ont ralenti la progression de la réforme agraire aux Philippines, jugeant ce manque de ressources comme la seule et unique contrainte ayant empêché une mise en œuvre plus rapide et plus étendue de la réforme agraire131.

Les précédents historiques positifs de réformes agraires mettant en place des exploitations gérées par leur propriétaire ne doivent pas masquer les énormes difficultés que soulève la mise en œuvre d'une réforme agraire. Schuh et Junguito ont souligné la «tendance très répandue à idéaliser la Révolution mexicaine, dont beaucoup pensent qu'elle a soulagé la pauvreté des campagnes. C'est oublier les difficultés politiques et le coût financier de la réussite d'une réforme agraire. C'est oublier aussi que la réforme agraire mexicaine a institutionnalisé la pauvreté rurale … [et] ne pas reconnaître que la redistribution des terres est un avantage une fois pour toutes, qui ne prépare pas son bénéficiaire à participer à une économie de marché moderne. L'une des principales raisons de l'omniprésence de la pauvreté en Amérique latine est que les gouvernements de la région ont grossièrement sous-investi dans le capital humain de leurs populations rurales». (G. Edward Schuh et Roberto Junguito, Trade and agricultural development in the 1980s and the challenges for the 1990s: Latin America, Agricultural Economics, vol. 8, № 4, juin 1993, p. 398).

L'application de la réforme agraire au Nicaragua dans les années 80 et 90 a limité la capacité institutionnelle du gouvernement à gérer les programmes de développement agricole et rural et affaibli le respect de la loi d'une manière générale. Les expropriations illégales ont laissé en héritage des milliers de conflits de droits de propriété non résolus, ainsi qu'un chevauchement institutionnel et une situation ambiguë. En 2001 encore, seules 35 pour cent des propriétés expropriées avaient été indemnisées et différents organismes gouvernementaux émettaient au moins cinq types de titres fonciers différents132. Le cadre juridique de ce pays interdit aux nouveaux occupants des terres redistribuées de recevoir des titres de propriété inconditionnels tant que les précédents propriétaires n'ont pas été indemnisés pour la confiscation. Un dilemme similaire a ralenti le rythme de l'émission de titres fonciers au Honduras. Les conséquences possibles des effets négatifs sur la structure institutionnelle du pays ne sont pas prises en compte lorsque l'on envisage de mettre en place une réforme agraire, mais elles dérivent souvent de son application. Lorsque l'intégrité institutionnelle d'une nation est dégradée, la restaurer est une tâche ardue et de longue haleine.

Une conclusion qui émerge clairement de ces expériences est que la mise en œuvre d'une réforme agraire coercitive massive est incompatible avec la stabilité du cadre juridique et du régime politique. Perturbatrice par nature, cette approche est favorisée par des circonstances politiques chaotiques. Les réformes agraires du Japon, de la République de Corée et de Taiwan, considérées comme les exemples les plus réussis, ont été menées en période de guerre ou pendant un processus d'effondrement et de reconstruction politique. Comme l'ont remarqué Binswanger, Deininger et Feder (1995, p. 2683):

Pour la plupart, les réformes agraires à grande échelle ont été associées à des révoltes … ou au renversement du pouvoir colonial … Les tentatives de réformes agraires sans bouleversement politique massif ont rarement réussi à transférer une partie importante des terres du pays.

L'alternative que constitue la réforme agraire assistée par le marché peut elle aussi devoir avancer à petits pas du fait de contraintes de mise en œuvre. Évoquant ces deux types de réforme agraire, Adams et Howell ont conclu que:

L'un des enseignements à tirer des tentatives de transformation du régime foncier en Afrique au cours des quarante dernières années est que les changements radicaux des systèmes existants sont rarement faisables immédiatement: les approches évolutives sont lentes mais, comme l'a montré en 2000 le Zimbabwe, les approches révolutionnaires génèrent des coûts sociaux et économiques élevés133.

On peut attendre d'une réforme agraire qu'elle améliore quelque peu les conditions économiques de ses bénéficiaires, mais ceux-ci ne sont pas forcément les familles rurales les plus pauvres.

L'expérience philippine de réforme agraire a suscité de nombreuses études et de nombreux commentaires. Deininger, Olinto et Maertens ont effectué une comparaison statistique scrupuleuse du comportement des bénéficiaires et des non bénéficiaires sur un petit échantillon d'agriculteurs de la province du Luzon central. Leurs principaux résultats sont les suivants:

… du point de vue des gains statiques de productivité, l'argument en faveur de la réforme agraire aux Philippines n'est pas aussi fort que l'on aurait pu s'y attendre … nous sommes incapables de démontrer avec certitude une relation significative entre la nature du régime foncier et la productivité agricole … [mais] nous trouvons que la propriété d'avoirs et de terres exerce un impact plus fort sur le revenu … l'avancement éducatif des enfants touchés par la réforme agraire a été d'environ 0,60 année supérieur à celui des non bénéficiaires … en 1985–98, le revenu des bénéficiaires a augmenté plus rapidement que celui des non bénéficiaires. Le différentiel d'accroissement du revenu entre bénéficiaires et non bénéficiaires est estimé à 86 dollars EU, soit près de la moitié du niveau de revenu d'origine134.
Mais Deininger et al. (pages 15 et 24) ont également constaté que:
La réforme agraire n'a pas profité aux sans-terres, mais plutôt aux métayers et aux fermiers … en général, les fonctionnaires n'ont pas été capables de cibler le programme sur les plus pauvres parmi l'ensemble des agriculteurs … Pour augmenter l'offre de terres, le gouvernement a interdit le métayage et imposé des plafonds de propriété foncière. Non seulement ces mesures sont coûteuses à mettre en œuvre (et souvent tournées par une subdivision fallacieuse), mais elles restreignent l'accès aux terres par le biais du marché de la location et risquent de décourager les investissements fonciers dans des cultures d'exportation et des plantations, fortes consommatrices de main d'œuvre.

Yujiro Hayami a trouvé de graves défauts à la réforme philippine, y compris le renforcement de l'inégalité rurale lié au fait qu'elle ne ciblait pas les familles les plus pauvres, comme l'ont documenté Deininger et al.:

… la réforme agraire a réussi à transférer la plus grosse part du revenu du facteur terre des propriétaires absentéistes aux anciens métayers. Cependant, elle a créé une grave inégalité de revenus au sein des communautés villageoises … [Et] en limitant l'application des programmes principalement aux terres données à bail, les réformes ont fortement incité les propriétaires à chasser leurs fermiers et à cultiver leurs terres directement … C'est pourquoi l'exemption des terres gérées directement par leurs propriétaires a eu pour effet de faire chuter l'emploi de main d'œuvre à l'hectare en dessous d'un niveau optimum, réduisant du même coup le revenu des ouvriers agricoles … Des effets négatifs significatifs de la réforme agraire sur l'efficacité de la production agricole ont également été observés dans d'autres secteurs que le riz et le blé. Le secteur des cultures de rente n'a pas été touché par les programmes de réforme … Cependant, les propriétaires de plantations craignent d'être un jour expropriés. Il est donc naturel qu'ils aient cessé d'investir dans des améliorations de l'infrastructure de leurs terres, dont la plantation et la replantation d'arbres135.

Bien qu'il soit trop tôt pour évaluer les nouvelles approches de réforme agraire par le marché, elles sont censées mieux réussir que les réformes coercitives à aider les bénéficiaires à améliorer leur bien-être économique et éviter les mesures démotivantes pour le reste du secteur, ainsi que d'autres coûts pour la société136. Ceci est particulièrement vrai lorsqu'elles sont complétées par des politiques adéquates en matière de location des terres et autres problèmes de tenure. Cependant le processus redistributif semble condamné à la lenteur, sauf si les gouvernements consentent un sérieux effort pour augmenter les capacités administratives au niveau local pour ce type de programmes. En Colombie, l'expérience récente de réforme agraire appuyée sur le marché a rencontré nombre de complications administratives qui ont conduit le processus à l'arrêt, jusqu'à présent.

La réforme agraire n'est pas le seul moyen d'améliorer l'accès des ruraux pauvres à la terre. La réforme du régime de tenure lui-même peut être efficace en ce domaine. Dans le contexte de l'Asie méridionale, et concernant la politique du fermage en particulier, Banerjee a souligné que:

Contrairement aux réformes agraires, les réformes des baux ne tentent pas de modifier le schéma de propriété des terres. Elles donnent simplement aux fermiers davantage de droits sur la terre … Les réformes des baux opèrent en augmentant le coût d'un fermier … Il n'existe pas assez d'observations pour pouvoir conclure que les réformes des baux constituent un substitut efficace aux réformes agraires. Si, cependant, l'augmentation du coût du travail du fermier peut générer de meilleures motivations, alors diverses interventions - baptisées ailleurs stratégies de responsabilisation – … deviendront pertinentes… Si sa mise en œuvre n'était pas une contrainte, la réforme agraire traditionnelle (coercitive) présenterait plusieurs avantages clairs sur les autres types de réformes agraires… Mais sa mise en œuvre est une contrainte, et même souvent une contrainte dirimante. Dans ce cas, les réformes assistées par le marché ou les réformes des baux peuvent donner de meilleurs résultats137.

Les réformes des régimes fonciers sont traitées plus en détail dans la section suivante, ainsi que d'autres approches pour améliorer l'accès à la terre des familles pauvres.

5.8 POLITIQUES DU MARCHÉ DE LA TERRE

Comme noté à la section 5.5, les droits fonciers sont presque toujours restreints au nom de l'intérêt public, que celui-ci soit représenté par une collectivité locale ou un gouvernement national. De plus, les gouvernements ont souvent imposé des restrictions aux transactions foncières138. Juger du bien fondé de telles restrictions nécessite de répondre à plusieurs questions, dans le contexte du pays concerné, comme toujours.

Dans tous les pays, une question fondamentale de politique est la nature souhaitable des droits fonciers. Faut-il conserver les régimes fonciers coutumiers? Dans l'affirmative, comment les protéger contre l'accaparement? Quelle forme doit prendre la formalisation des droits des systèmes d'utilisation des terres émanant des régimes coutumiers? Quelles options devraient être offertes aux membres des exploitations collectives dans les systèmes en train de sortir de l'agriculture collectiviste? Quels types de droits fonciers coutumiers ou privés faudrait-il reconnaître ou mettre en place dans les pays où l'État détient la majorité des terres, et comment faudrait-il allouer les terres étatiques aux utilisateurs? Dans les pays possédant une tradition de propriété privée des terres, les objectifs d'équité et d'efficacité sont-ils bien servis par les règles et les réglementations des régimes fonciers existants? Dans l'intérêt d'une plus grande équité, quels types de restrictions sont adaptés à la propriété des terres agricoles, le cas échéant? Quelles en sont les conséquences sur l'efficacité?

Platteau s'est vigoureusement élevé contre la promotion de systèmes de droits de propriété privée sans restrictions dans l'Afrique subsaharienne:

… l'émergence d'un marché foncier libre ne devrait pas être autorisée dans l'Afrique subsaharienne d'aujourd'hui. ll conviendrait plutôt de réglementer le marché foncier, c'est-à-dire imposer des contraintes aux droits des individus de posséder, acheter, vendre et accumuler des propriétés foncières privées, afin d'atteindre les objectifs d'équité sociale, de croissance économique et de stabilité politique139.

La Banque mondiale a exprimé comme suit l'argument opposé, c'est-à-dire pour une généralisation des droits de propriété intégraux:

Les droits de propriété sont au cœur de la structure d'incitation des économies de marché. Ils déterminent qui supporte les risques et qui sort gagnant ou perdant des transactions. Ce faisant, ils incitent à investir judicieusement, ils encouragent un contrôle et une supervision prudents, ils incitent à travailler et ils créent une opinion favorable au respect des contrats. En bref, des droits de propriété sans restrictions récompensent l'effort et le jugement et aident donc la croissance économique et la création de richesses. En outre, une large distribution des droits de propriété peut contrecarrer l'éventuelle concentration du pouvoir dans l'appareil politique et contribuer à la stabilité sociale140.

Dans de nombreux pays en développement, le choix entre ces deux points de vue est compliqué par l'existence de régimes fonciers coutumiers très anciens. Avant de traiter de la réglementation des marchés fonciers, nous aborderons la question de savoir s'il convient ou non de transformer les régimes coutumiers en droits de propriété formalisés et enregistrés. Cependant, il faut garder à l'esprit que le critère fondamental pour choisir un régime foncier est ce que les utilisateurs des terres désirent.

5.8.1 Degré de formalisation des droits fonciers

En dehors des problèmes susceptibles d'apparaître pendant le passage des régimes coutumiers aux régimes modernes de droits fonciers, il convient de se poser une question fondamentale: l'émission de titres de pleine propriété est-elle indispensable pour assurer le degré de sécurité foncière nécessaire au développement agricole? Cette question continue à provoquer des débats passionnés. Un exemple des controverses générées à ce sujet est donné comme suit, dans le cas de la Russie, par Alexander Nikonov:

Le thème de la propriété privée de la terre, avec droit d'acheter, vendre et hypothéquer, déclenche une tenace divergence de vues dans la société russe. Le Soviet Suprême de l'URSS avait décidé l'attribution de terres en possession à vie avec droit d'héritage, décision acceptée par tous les paysans. Mais la question d'acheter et vendre la terre reste en suspens, et le débat continue141.

Pour examiner la question de sang-froid, il faut rappeler les quatre principaux avantages de la sécurité foncière: garantir le droit permanent de l'agriculteur à cultiver la terre (sécurité de possession); encourager l'amélioration et la protection des terres; faciliter l'accès au crédit pour les améliorations comme pour l'achat d'intrants de production et faciliter les cessions de terre entre producteurs.

L'existence de transferts fonciers, c'est-à-dire d'un marché de la terre bien huilé, suscite des préoccupations car il risque de porter atteinte à l'équité, du fait de la possibilité d'une concentration croissante de la propriété foncière. Pourtant, [ce marché] contribue de manière importante à l'efficacité économique en facilitant la prise en main des terres par ceux qui en tireront le rendement maximum (et qui ne sont pas nécessairement les gros agriculteurs), que ce soit par la location, la prise en gage, ou la vente-achat. Un marché foncier est jugé efficace si la productivité marginale des différentes parcelles de même qualité de sol parvient à peu près à égalité. Si leurs productivités ne sont pas égales, il faut intensifier la production des parcelles à fort rendement, jusqu'à ce que leur productivité à la marge commence à décliner, et augmenter la productivité des parcelles à moindre rendement, peut-être en les confiant à d'autres cultivateurs. En principe, c'est l'un des principaux arguments en faveur d'un marché foncier et généralement on considère que l'émission de titres fonciers ruraux en est une condition préalable.

D'un autre côté, on a observé que les régimes fonciers coutumiers sont capables d'assurer la sécurité de tenure pour le cultivateur, à moins que la pression démographique sur les terres devienne trop importante ou qu'émerge un système dualiste de droits fonciers. Atwood a noté qu'en Afrique, beaucoup d'améliorations technologiques sur les exploitations sont survenues dans le cadre des droits fonciers traditionnels. Les régimes coutumiers peuvent également assurer l'accès au crédit, par le biais du marché du crédit non institutionnalisé et de la pratique de la «mise en gage», bien que les faits cités par Feder et d'autres auteurs suggèrent que des titres de propriétés formels améliorent cet accès. Les régimes traditionnels ont également favorisé un grand nombre de cessions foncières, comme indiqué plus haut dans le présent chapitre.

Ainsi, en termes pratiques, la question fondamentale en matière de régimes fonciers traditionnels n'est pas de savoir s'il se produit des transactions foncières, mais plutôt: «La nature et la portée des transactions [foncières] suffisent-elles à transférer les terres les plus productives aux agriculteurs les plus productifs afin d'arriver au point d'égalisation de leur productivité marginale?»142. Atwood répond partiellement à sa propre question:

Le travail de Collier (1983143) au Kenya suggère que ce n'est pas le cas, bien qu'il ne soit pas clair si cela est imputable au système indigène informel de cessions foncières, au système d'enregistrement des titres fonciers institutionnels ou aux deux … Johnson (1972144) a clairement montré les problèmes que risquent de poser les régimes fonciers indigènes en matière de ventes de terre. Le problème n'est pas l'interdiction des ventes, mais l'existence de conventions sociales qui risquent d'empêcher certaines transactions foncières visant l'efficacité … Des observations montrent que l'affirmation de Johnson peut s'appliquer à certaines situations africaines. Au début de la colonisation de l'Ouganda et au début de l'indépendance de la Côte d'Ivoire, les deux pays ont voté des lois qui ont fait passer de vastes superficies de l'autorité sociale traditionnelle à la propriété privée. Dans les deux cas, il semble que les types de risques et de coûts de transaction [liés aux conventions sociales] dont parle Johnson aient substantiellement diminué et entraîné une augmentation des transferts, et finalement des ventes sur le marché, aux agriculteurs plus productifs, le tout suivi par un boom de l'agriculture productive dans ces deux pays … Dans aucun de ces cas, cependant, le moteur n'a été un mécanisme d'enregistrement foncier, du moins à l'origine. Ce furent plutôt les décrets de privatisation des terres … »145.

Ces observations semblent suggérer que les systèmes d'émission de titres fonciers institutionnalisés ont davantage de chances d'aller dans le sens d'une utilisation efficace de la terre que les régimes traditionnels. Cependant, la nature de ceux-ci varie beaucoup, et le processus d'émission de titres de propriété formalisés peut s'avérer coûteux, lent, et risque de faire perdre leurs droits d'usufruit à certains petits agriculteurs, ou leurs droits temporaires de pâturage à des éleveurs, au cours de la transition.

Atwood lui-même est sceptique sur les bénéfices, en termes d'efficacité, de la généralisation per se de l'émission de droits de propriété dans le contexte africain:

La plupart des agriculteurs africains sont vraisemblablement en sécurité sur leurs terres à l'heure actuelle. Le fait que des investissements substantiels dans l'amélioration des terres et de nouvelles technologies aient eu lieu sous des régimes fonciers africains très divers … vient appuyer cette remarque … Il existe en Afrique de nombreuses situations où l'émission ou l'enregistrement de titres de propriété n'aurait pas l'impact escompté, ne se justifierait pas économiquement ou irait même à l'encontre du but recherché146.

Les droits traditionnels d'usufruit sont à même d'assurer le degré de sécurité foncière nécessaire pour encourager la production et même l'investissement, bien qu'ils n'autorisent pas la vente des terres ni, en général, leur transmission par héritage. La principale préoccupation concernant les droits d'usufruit est leur durabilité face aux changements socio-économiques inévitables du processus de développement. Le débat sur les avantages des régimes traditionnels, ou coutumiers, de droits fonciers par rapport aux régimes avec titres de propriétés institutionnalisés, a été bien résumé par William Kingsmill et Christian Rogg, dans une sorte de liste de contrôle à laquelle les responsables peuvent se référer pour décider s'il convient de renforcer ou de modifier les régimes fonciers traditionnels:

Les régimes fonciers coutumiers sont souvent décrits comme ayant pour effet une distribution relativement équitable des terres, mais un manque relatif d'efficacité. Que cela soit vrai en pratique dépend toutefois souvent du contexte exact et de la nature précise des dispositions de gouvernance et des conditions d'utilisation qui leur sont associées.
Les réponses à ces questions détermineront, non seulement les opportunités d'accès aux terres pour les pauvres, mais la sécurité de cet accès. Elles auront également des répercussions sur des sujets tels que la motivation des ménages à investir … dans l'amélioration de la productivité de leurs terres et à agir pour éviter d'endommager l'environnement147.

Lorsque la durabilité, l'efficacité et l'équité des régimes coutumiers des droits de propriété sont discutables, formaliser ces droits et y apporter toutes les modifications nécessaires pendant le processus de formalisation pourrait être une solution. Dans l'est et le sud de l'Afrique, Alden Wily a observé les progrès de l'acceptation et de la formalisation des droits fonciers coutumiers, par opposition à l'émission de titres de pleine propriété:

… la transformation la plus spectaculaire [des régimes fonciers de la région] est la manière dont l'ensemble des droits coutumiers non enregistrés est traité par la législation de l'État … en dépit d'un siècle de pénétration résolue d'une idéologie et de dispositions légales opposées aux régimes fonciers coutumiers, les droits fonciers coutumiers non enregistrés non seulement perdurent, mais demeurent de loin le régime foncier majoritaire de la région.
En matière de réforme foncière, le changement peut-être le plus radical auquel on assiste aujourd'hui en Afrique subsaharienne est que, pour la première fois en cent ans, les États sont contraints de reconnaître la légalité des régimes fonciers africains en tant que tels et leur équivalence, au regard de la législation nationale, avec l'idéologie de la pleine propriété et de la tenure à bail.
En Érythrée, les droits coutumiers majoritaires ont été transformés en usufruits à vie, avec protection garantie de l'État (1994)148… En Afrique du Sud, la méthode à adopter pour clarifier les millions de droits de fait dans les homelands et les intégrer à un statut semble poser un défi bien plus considérable que la mécanique plus «simple» de la restitution et de la redistribution. Cependant, l'exemple le plus clair est celui des nouvelles lois foncières de l'Ouganda, de la Tanzanie et du Mozambique. Chacune à sa façon, elles reconnaissent simplement aux terres détenues dans le cadre coutumier une tenure pleinement légale «en l'état», quelles qu'en soient la forme et les caractéristiques actuelles. En outre, il est possible de les transformer en titres de propriété enregistrables. Les recommandations de la politique au Zimbabwe et au Malawi laissent à penser que ces deux États pourraient s'engager dans la même voie (1999).
Ces développements sapent les principes mêmes sur lesquels les relations de propriété ont été légalement construites au cours du siècle dernier. Auparavant, l'enregistrement et l'émission de droits de propriété visaient à développer la propriété individuelle; aujourd'hui, le lien est brisé. Si la légalisation est indispensable à la mise en place de la sécurité foncière, elle n'est plus nécessairement liée à l'individualisation. Par conséquent, les dispositions des nouvelles lois foncières en Afrique du Sud, au Mozambique, en Ouganda et en Tanzanie prévoient la possession légale et enregistrable de terres, non seulement par les individus, mais aussi par deux personnes ou plus, par des groupes, des associations et des communautés. Le processus de légalisation lui-même doit changer: il pourra être verbal et avalisé oralement (Mozambique). La communauté elle-même pourra mener les processus d'attribution, d'enregistrement et d'émission de titres de propriété (Tanzanie). Tout naturellement, les régimes locaux qui créent et soutiennent ces droits - les régimes fonciers coutumiers - sont ainsi investis d'un pouvoir…
… ce qui hier relevait de la vaine pâture, avec tous les maux liés au libre accès que cela implique, constitue aujourd'hui une propriété (de groupe) privée et enregistrable légalement. La propriété communale elle-même est en train d'émerger comme une nouvelle forme de régime foncier149.

Le consensus international est que le besoin de titres fonciers dépend pour une grande part des conditions socio-économiques de la société rurale concernée. Ce besoin augmente lorsqu'il devient douteux que les systèmes coutumiers puissent réguler convenablement la pression sur les transactions foncières, lorsque la valeur des terres augmente, et lorsque plus d'un régime peut s'appliquer à une même transaction. Les conditions ou les moyens d'un passage à un système d'émission de titres au sens propre ne sont pas toujours réunis, comme l'indique Alden Wily. En outre, le choix de passer à un tel système doit être pesé selon que les gains d'efficacité compensent son coût d'établissement150. Selon un point de vue exprimé aussi bien par Platteau que par la Banque mondiale, la formalisation des droits fonciers est principalement un problème pragmatique dont l'urgence dépend en partie de la rareté des terres cultivables:

La formalisation des droits fonciers par l'émission de titres ou d'autres documents d'enregistrement foncier est une mesure urgente à prendre dans tous les cas où la concurrence pour les terres est devenue suffisamment forte pour imposer des coûts élevés de transaction, ex ante et ex post, sur les agents151.

Des analyses plus récentes ont eu tendance à souligner les avantages, ainsi que les faiblesses, des systèmes fonciers traditionnels. Pour citer Deininger et Binswanger:

Quand les terres appartiennent à la communauté et non à l'individu, en principe seule la communauté est habilitée à effectuer d'éventuelles transactions commerciales (vente ou location). Les individus détiennent des droits très sûrs et généralement héritables sur la terre, même après une période d'absence, mais ils ne possèdent pas de droits de propriété permanents sur une parcelle précise, ce qui peut limiter la motivation à investir. Dans certains cas, les systèmes communaux autorisent également une redistribution périodique des terres par le chef du village, pour tenir compte de la croissance de la population.
Dans le passé, les dispositions foncières communales ont souvent été considérées économiquement inférieures et équivalentes à la production collective. On a proposé la création de titres de libre propriété et la subdivision des terres communales afin de prévenir les pertes d'efficacité qu'est supposée entraîner la propriété communale. Une étude plus large et plus approfondie des régimes fonciers communaux et la reconnaissance de leurs multiples fonctions ont cependant conduit à une réévaluation de ces recommandations.
D'un côté, les pertes d'efficacité associées aux régimes fonciers communaux peuvent bien être plus modestes qu'on ne le supposait généralement … Avec la raréfaction croissante des terres arables, de nombreux régimes fonciers communaux, soit reconnaissent les droits de propriété de l'utilisateur en cas d'amélioration des terres, soit l'indemnisent de ses améliorations en cas de redistribution, ce qui atténue le manque de motivation à investir lié à la nature du régime foncier.
lorsqu'il n'existe pas de demande claire de démarcation des parcelles individuelles, la gestion interne transparente des titres communaux pourrait assurer la sécurité foncière pour une fraction du coût des titres individuels152.

Le nouveau Code rural du Niger constitue un exemple «qui reconnaît et responsabilise les pratiques et les institutions des régimes fonciers coutumiers … Il reconnaît les droits de propriété coutumiers et intègre les régimes fonciers et les systèmes de gestion des terres locaux»153.

S'il peut s'avérer utile de renforcer les régimes fonciers coutumiers, il est important que les responsables gardent à l'esprit que ce type de droits est susceptible d'évoluer, afin de surveiller s'ils conviennent toujours et de se préparer à adapter le régime foncier aux besoins. Il faut renforcer les institutions locales et communautaires qui gèrent déjà, ou gèreront, les régimes fonciers. La pression en faveur de droits fonciers plus sûrs, sous quelque forme que ce soit, vient habituellement en premier chef des paysans eux-mêmes. Deininger et Binswanger ont souligné cette préoccupation des agriculteurs:

Une plus grande sécurité des droits fonciers peut être très appréciée des cultivateurs, même lorsque la densité démographique est relativement faible. Ainsi, en Zambie (avec une densité de population de 12 personnes au kilomètre carré et 75 pour cent de terres cultivables), près de la moitié des agriculteurs ont le sentiment que leur régime foncier n'est pas sûr et seraient prêts à payer (40 dollars en moyenne) pour détenir des titres fonciers … Les litiges, les pertes d'efficacité découlant des possibilités limitées de cession et de l'exclusion de certains groupes des droits fonciers, le manque de motivation à investir et l'accaparement de terres en anticipation de leur future valorisation constituent autant de signes révélateurs de l'inadéquation des droits fonciers existants. La clarification et la formalisation des droits de propriété informels par le biais d'un processus qui responsabilise davantage les dirigeants locaux, qui crée une base juridique transparente et applicable, et qui permette de résoudre les litiges territoriaux entre communautés, doit précéder toute émission de titres officiels. Adopter une structure institutionnelle souple qui donne aux communautés la liberté de choix pour atteindre ces objectifs est donc d'une grande importance154.

Une politique d'émission de titres sur les terres coutumières et/ou étatiques s'accompagne de fortes exigences en moyens administratifs:

La modernisation agricole combinée à la pression démographique rendra nécessaire l'émission de titres de propriété. Les régimes fonciers traditionnels doivent être codifiés … Le passage à des titres de pleine propriété prendra du temps dans la plupart des pays africains et ne devra être entrepris qu'à la demande des populations rurales. Des droits créés par une législation nationale ont toutes les chances d'entrer en conflit avec les droits coutumiers. Des mécanismes judiciaires de règlement des litiges entre propriétaires se réclamant des droits traditionnels par opposition aux droits fonciers modernes sont requis d'urgence. Comme avec d'autres actions nécessaires à la croissance agricole, l'élément critique de toute nouvelle politique foncière sera la capacité administrative à la gérer155.

Dans les régions du monde où les droits coutumiers ont été affaiblis ou remplacés, et où l'État n'est pas le seul propriétaire des terres agricoles, la mise en œuvre accélérée de systèmes d'émission de titres apparaît clairement justifiée. Dans ce type de situations, ils assurent sans ambiguïté une plus grande sécurité foncière au cultivateur, facilitent l'héritage éventuel par ses descendants, améliorent sa capacité à trouver du financement pour la production et l'investissement et convertissent la terre en avoir économique que l'agriculteur peut utiliser pour démarrer plus facilement une vie en dehors du secteur agricole, si tel est son choix. L'agriculteur privé du droit de vendre ses terres ne peut pas tirer profit des investissements qu'il a accumulés sur son exploitation au fil du temps - par ses propres économies - s'il décide de la quitter.

En pratique, le passage à un système moderne d'émission de titres fonciers est un processus très lent, et l'on peut s'attendre à ce que les régimes moderne et coutumier coexistent pendant longtemps, comme l'illustre l'expérience de la Zambie:

Le régime foncier coutumier est le système dominant qui régit l'administration des terres sur 94 pour cent du territoire de la Zambie. Pour éradiquer la pauvreté rurale, il faut transformer les agriculteurs en exploitants agricoles ayant le sens des affaires. Ce passage se traduira inévitablement par une demande de changement des régimes fonciers. Les lois foncières doivent pouvoir répondre de manière positive à cette demande …
En dépit des forces et des faiblesses des régimes fonciers existants, tous deux sont si fortement enracinés que le remplacement de l'un par l'autre n'est ni faisable, ni pratique. Dans un avenir prévisible, les deux systèmes devraient coexister. Une nouvelle législation foncière devrait servir des intérêts différents en différentes régions de la Zambie. Elle devra reconnaître les régimes fonciers coutumiers, mais la démarcation du pays en terres étatiques [louées] et terres traditionnelles ne se justifie plus …156

5.8.2 Formalisation de la propriété coutumière

Quand les droits fonciers traditionnels demeurent en vigueur, au moins en partie, une approche de politique possible consiste à proposer des alternatives clairement définies (dont les titres collectifs mentionnés plus haut) pour la formalisation des droits fonciers. Outre l'émission de titres collectifs, il existe en effet plusieurs options de politique pour attribuer des titres fonciers aux terres communales. Dans certains cas, si la situation le permet, des groupes disposant de terres communales pourraient envisager d'instituer un tarif d'utilisation, dont le produit serait affecté, par exemple, à l'amélioration des terres et à des mesures de protection. Lorsque la dégradation des terres communales suscite de graves préoccupations, on pourrait inviter les communautés à participer à un programme d'émission de titres fonciers individuels, avec restrictions partielles sur la vente des terres, afin de ne pas risquer de perdre les terres communales au profit d'acquéreurs extérieurs. Une option possible serait de réglementer qu'avant une vente de terres à une personne étrangère à la communauté, les membres de la communauté aient le droit de faire une proposition d'achat équivalente («droit de préemption», en jargon de l'immobilier). «Lorsqu'il existe des institutions adéquates pour la prise de décision intragroupe … permettre à la communauté de limiter les ventes et lui donner le pouvoir d'autoriser la cession à un étranger peut constituer un compromis acceptable entre équité et efficacité»157.

Un droit de préemption a été intégré au cadre juridique régissant la propriété foncière dans la réforme de 1958 du Sri Lanka, avec des effets à double tranchant:

Cette réforme a permis aux fermiers de vendre leur droit de fermage, mais seulement à des comités de culture locaux. Cette condition décourage les propriétaires terriens d'essayer de contraindre les fermiers à vendre leurs droits fonciers, mais elle empêche également le comité de ré-attribuer les droits fonciers à la personne la plus convenable. La définition de critères efficaces d'attribution des terres - en autorisant l'appel d'offres auprès des fermiers potentiels satisfaisant à certains critères, par exemple - pourrait améliorer l'efficacité de ce système158.

Une autre option consisterait à lever un impôt assez important, dont le produit irait à la communauté, sur les ventes de «terres communales privatisées» à des personnes extérieures à la communauté. On trouve une disposition de ce type, pour le secteur de la réforme agraire dans son ensemble, dans la loi hondurienne de Modernisation et développement du secteur agricole (1992).

Les communautés pourraient aussi envisager d'appuyer une législation leur permettant de choisir entre louer des terres à des personnes extérieures, ou conclure des contrats d'investissement conjoint à long terme, par lesquels le partenaire extérieur apporterait un capital pour investir dans les terres et le village fournirait les terres et la main d'œuvre. Au Honduras, cette dernière possibilité a été accordée aux coopératives de production du secteur de la réforme agraire par la loi ci-dessus, et au Mexique elle fait partie de la législation relative aux ejidos159.

Selon une autre approche encore, la propriété des terres communales peut prendre une forme plus commerciale (droit des sociétés), avec création pour les membres de la communauté de parts sociales cessibles et héritables (et éventuellement droit de préemption sur la vente de parts à des membres extérieurs à la communauté). Le désir de maintenir la valeur de ces parts inciterait à une meilleure gestion des terres. Clairement, ces options de politique, ou leurs variantes, doivent être élaborées en étroite collaboration avec les communautés concernées et accompagnées d'une vaste campagne d'explication.

Forni souligne que l'État peut parfois jouer un rôle essentiel pour faciliter le fonctionnement des ressources communes:

Il a été démontré empiriquement, en particulier dans le cas des groupes communaux pastoraux … que les coûts de transaction augmentent à mesure que le système se complexifie par l'ouverture sur l'extérieur de la ressource commune, comme c'est la cas pour un patrimoine mobile tel que des troupeaux pâturant sur de vastes territoires aux frontières flottantes …
On pourrait donc avancer que l'intervention de l'État est essentielle pour coordonner et assurer le fonctionnement des ressources communes au-delà du niveau purement local et … lorsque les détenteurs de droits sur la ressource commune doivent interagir avec d'autres régimes de propriété communale ou privée sur de vastes territoires …
Dans le cas des régimes de ressources communes pastorales en République islamique d'Iran, par exemple, la planification de la transhumance, sur des itinéraires déterminés à la base par les conditions naturelles, dépendait non seulement de l'état de la végétation, mais aussi de la coordination des mouvements avec d'autres tribus. Celle-ci était assurée par une organisation intertribale complexe160.

En résumé, la législation et la réglementation d'un régime foncier pourraient être conçues en appui de l'une quelconque des nouvelles règles ci-dessous pour les terres communales traditionnelles:

Lorsque l'on propose plusieurs options de régime foncier à une communauté, il faudrait également lui laisser le choix de changer d'option ultérieurement, sans toutefois autoriser tous les sens de changement: passer de terres communales à des terres détenues conjointement sous forme de parts sociales, mais pas l'inverse; passer d'un système réservant la vente aux seuls membres de la communauté à un autre qui autorise n'importe quel acquéreur (éventuellement avec droit de préemption), mais pas vice versa.

5.8.3 Conditions de l'émission de titres

Dans toutes les parties du monde en développement ou en transition, l'émission de titres fonciers sur les terres agricoles peut comporter des effets secondaires indésirables. Si on sait les anticiper, il est possible de mettre en place des mécanismes administratifs et judiciaires visant à les éviter ou à en limiter l'impact. L'un des dangers, évoqué ci-dessus, est l'appropriation des droits fonciers par des membres bien placés du système politico-administratif. Ce danger peut être circonscrit par des campagnes rapides et très larges de diffusion des informations relatives au programme d'émission de titres et à ses implications, ainsi que par la participation accrue de la société civile (dont les ONG) à ces programmes. Ce type de campagnes peut être soutenu par des organismes internationaux. Une volonté politique exprimée aux échelons les plus élevés du pays concerné peut également faire beaucoup pour limiter ce risque.

Un autre effet secondaire potentiel est de priver de terre certaines familles qui ne détenaient pas de droits traditionnels de possession, mais louaient des terres pour de longues périodes. Le danger opposé, la dépossession de propriétaires reconnus par le droit coutumier de leurs terres données à bail, existe aussi. Il s'agit là de dangers très réels, qui peuvent être exacerbés par l'interdiction du fermage dans le nouveau système ou par des droits ambigus des locataires.

Compte tenu de ces préoccupations, il est important que les programmes d'émission de titres: a) procèdent à des consultations locales, de grande envergure si nécessaire, pour confirmer les droits traditionnels de propriété ou de fermage (ou de métayage); et b) contiennent des procédures d'enregistrement de tous les droits secondaires existants. Par exemple, les systèmes d'émission de titres devraient contenir un mécanisme d'enregistrement des contrats de fermage et, dans les contextes plus traditionnels, d'enregistrement des droits qu'ont des tierces parties de pâturer sur les chaumes. Ces dispositions répondent à la crainte émise par des auteurs comme Stanfield161 et Atwood que «de par sa nature même, l'émission ou l'enregistrement de titres fonciers visant à remplacer les régimes coutumiers traditionnels mettra fin à certains droits fonciers secondaires»162. De ce point de vue, un programme d'émission de titres pourrait être appuyé par un décret confirmant tous les droits fonciers traditionnels existants.

Par ailleurs, gérer la transition dans le cadre de programmes de réforme agraire accordant des titres de propriété aux cultivateurs est un sujet délicat. Il est essentiel que la législation laisse un temps suffisant, dans chaque cas, pour que le contrat de fermage d'une parcelle parvienne à échéance et que le propriétaire ait le choix de reprendre lui-même l'exploitation. Par la suite, si le propriétaire ne fait pas la preuve de son engagement à la cultiver directement, le titre de propriété pourrait être accordé au cultivateur. Sans une disposition de cette nature, les propriétaires risquent d'être pénalisés pour une pratique qui était légale dans le cadre du régime foncier précédent. La manière dont la réforme agraire du Honduras a été rédigée imposait ce type de pénalité aux propriétaires fonciers; bien que le gouvernement ait assuré au public que la propriété de biens loués serait respectée, une loi de réforme agraire passée à minuit le 31 décembre 1974 a déclaré expropriables immédiatement les terres mises en fermage. Le type inverse de problème s'est produit en El Salvador: «Environ 45 000 bénéficiaires ont reçu des terres dans [le cadre de cette phase de la réforme agraire], mais de nombreux fermiers ont été chassés avant [que le gouvernement] puisse agir, ce qui a augmenté le nombre de sans-terres»163.

Le financement du coût des programmes d'émission de titres constitue un autre problème à résoudre. L'approche classique consiste souvent à demander aux bénéficiaires des titres de rembourser la totalité des coûts, tout comme on tarifie l'utilisation d'autres services publics: l'utilisateur, qui est le bénéficiaire, devrait payer, plutôt que le contribuable au sens large, et l'argent collecté permettrait d'élargir la couverture du programme. Néanmoins, il faut garder à l'esprit que les coûts d'émission de titres risquent d'être dissuasifs pour les agriculteurs à très faibles revenus. Le même argument peut s'appliquer à l'enregistrement des ventes foncières, visant à tenir à jour les registres de propriété. Comme l'a commenté Atwood, «au Kenya, les coûts de transaction sont suffisamment élevés pour décourager l'enregistrement officiel de certaines ventes»164. L'argument opposé à la facturation de frais aux utilisateurs pour l'émission de titres concernant les petites exploitations s'appuie, d'une part sur la pauvreté des bénéficiaires et, d'autre part, sur le fait que la société dans son ensemble tire profit de la clarification du régime foncier et de la mise en place d'un marché foncier fonctionnel. Cet argument justifierait de subventionner en partie les coûts d'enregistrement des titres et des ventes subséquentes pour les exploitations d'une superficie inférieure à un seuil donné.

Comme le souligne l'ensemble de ce chapitre, la condition préalable, peut-être primordiale, pour l'émission de titres et la mise en œuvre d'une politique foncière quelle qu'elle soit est l'existence d'une capacité administrative adéquate. Celle-ci devant être développée au niveau local, la mise en œuvre d'une politique foncière nécessite la décentralisation des responsabilités administratives. Des organismes locaux prennent de plus en plus de responsabilités, y compris pour allouer des terres (sélection des bénéficiaires), dans le cadre des programmes de réforme agraire assistée par le marché. Des registres fonciers doivent être mis en place d'abord au niveau local, et leurs dossiers doivent être coordonnés sur le plan national. La réforme des systèmes d'enregistrement des droits de propriété dépasse le champ de cette étude, mais leur importance pour l'application des politiques foncières mérite d'être soulignée.

En dépit d'une longue histoire de litiges fonciers, l'El Salvador est maintenant l'un des pays d'Amérique latine à la pointe du progrès en matière d'émission et d'enregistrement des titres fonciers ruraux. La décentralisation intégrée est l'un des buts de ses efforts en ce domaine, en dépit de la très petite taille du territoire national:

Plutôt que d'avoir trois entités [nationales] distinctes [chargées de l'émission et de l'enregistrement des titres fonciers] … quatre bureaux du cadastre régionaux intégrés prendront leur place… Ces bureaux seront connectés entre eux au moyen de réseaux informatiques et ils pourront partager les informations du registre national et y accéder rapidement. Le but de la réforme est de décentraliser l'accès aux dossiers des registres, tout en unifiant les informations topographiques et juridiques165.

Cette forme de décentralisation est requise pour tout système d'enregistrement foncier. Faute de quoi, bon nombre de transactions ne seront tout simplement pas enregistrées.

101 Cependant, «Un pourcentage élevé des terres du Sri Lanka appartient à l'État. Une partie importante de ces terres est occupée par des personnes privées bénéficiaires de programmes d'autorisations, de subventions et de location. L'occupation non autorisée des terres de l'État [est] un problème important… » (Service des régimes fonciers, FAO, 2001, p. 49).

102 Zvi Lerman, Agriculture in ECE and CIS: From Common Heritage to Divergence, The Hebrew University, Rehovot, Israël et Banque mondiale, Washington, D.C., janvier 1999, p. 3; disponible sur www.worldbank.org/landpolicy.

103 L. Alden Wily, 2000, p. 4.

104 J.-P. Platteau, 1992, pages 153–159.

105 Dans certains pays d'Asie centrale, l'interdiction de la propriété privée figure dans la Constitution.

106 Harold Lemel, Patterns of Tenure Insecurity in Guyana, document de travail № 43, Land Tenure Center, Université du Wisconsin-Madison, avril 2001, p. 7.

107 Service des régimes fonciers, FAO, 2001, p. 45.

108 Martin Adams et John Howell, Redistributive land reform in Southern Africa, ODI Natural Resource Perspectives, № 64, Londres, janvier 2001, p. 5.

109 Ministère des finances, Gouvernement du Guyana, National Development Strategy: Shared Development through a Participatory Economy, Georgetown, Guyana, projet, 1996, chapitre 29.

110 R. Watts, 1992, p. 374.

111 Service des régimes fonciers, FAO, 2001, p. 40.

112 Adriana Herrera, Jim Riddell et Paolo Toselli, Recent FAO experiences in land reform and land tenure, Land Reform, 1997/1, pages 53–54.

113 H. Binswanger, K. Deininger et G. Feder, 1995, pages 2730–2731.

114 A. V. Banerjee, 2000, pages 253–254.

115 M. Adams et J. Howell, 2001, p. 1.

116 A. Herrera, J. Riddell et P. Toselli, 1997, pages 53, 54 et 55.

117 Op. cit., p. 55.

118 Alain de Janvry, Nigel Key et Elisabeth Sadoulet, Agricultural and Rural Development in Latin America: New Directions and New Challenges, document de travail № 815, Department of Agricultural and Resource Economics, University of California, Berkeley, mars 1997, p. 18.

119 H. P. Binswanger, K. Deininger et G. Feder, 1995, p. 2731.

120 L. Alden Wily, 2000, p. 2.

121 K. Deininger et H. Binswanger, 1999, p. 248.

122 Op. cit., p. 256.

123 Op. cit., p. 266.

124 A. Herrera, J. Riddell et P. Toselli, 1997, p. 55.

125 K. Deininger et H. Binswanger, 1999, p. 266.

126 L. Alden Wily, 2000, p. 1.

127 H. P. Binswanger, K. Deininger et G. Feder, 1995, p. 2693.

128 M. Adams et J. Howell, 2001, p. 2–3 [souligné par nous].

129 Op. cit., p. 4.

130 Heinz Klug, Bedevilling Agrarian Reform: the Impact of Past, Present, and Future Legal Frameworks, dans: J. van Zyl, J. Kirsten et H. Binswanger, Agricultural Land Reform in South Africa: Policies, Markets and Mechanisms, Oxford University Press, Le Cap, Afrique australe, 1996, p. 197, avec l'autorisation de l'Oxford University Press.

131 Klaus Deininger, Pedro Olinto et Miet Maertens, Redistribution, investment and human capital accumulation: The case of Agrarian Reform in the Philippines, miméo, Banque mondiale, Washington, D.C., 2000.

132 Données non publiées compilées par Gustavo Sequeira au Nicaragua, 2001.

133 M. Adams et J. Howell, 2001, p. 6.

134 K. Deininger, P. Olinto et M. Maertens, 2000, pages 11, 12, 17 et 18.

135 Yujiro Hayami, Ecology, history and development: a perspective from rural Southeast Asia, The World Bank Research Observer, vol. 16, № 2, automne 2001, pages 191–192.

136 Une évaluation détaillée de l'expérience provisoire de trois pays en matière de réforme agraire assistée par le marché figure dans Klaus Deininger, Making negotiated land reform work: initial experience from Colombia, Brazil and South Africa, World Development, vol. 27, № 4, avril 1999, pages 651–672.

137 A. V. Banerjee, 2000, pages 269–271.

138 H. Binswanger, K. Deininger et G. Feder, 1995, p. 2725.

139 J.-P. Platteau, 1992, p. 216.

140 Banque mondiale, 1997, pages 48–49.

141 A. A. Nikonov, Agricultural transition in Russia and the other former states of the USSR, American Journal of Agricultural Economics, volume 74, № 5, Décembre 1992, p. 1160.

142 D. A. Atwood, 1990, p. 662.

143 Paul Collier, Malfunctioning of African rural factor markets: theory and a Kenyan example, Oxford Bulletin of Economics and Statistics, vol. 45, № 2, mai 1983.

144 Omotunde E. G. Johnson, Economic analysis, the legal framework, and land tenure systems, Journal of Law and Economics, vol. 15, 1972.

145 D. A. Atwood, 1990, pages 662–663.

146 Op. cit., pages 665 et 668 [souligné par nous].

147 William Kingsmill et Christian Rogg, Making Markets Work Better for the Poor: A Framework Paper, Ministère du développement international (DFID), Londres, 2000, Annexe 4, avec l'autorisation du DFID.

148 Cependant, en Érythrée, la législation n'a quasiment pas été appliquée, ce qui montre bien que la réussite d'une réforme foncière nécessite bien davantage que le vote d'une loi.

149 L. Alden Wily, 2000, pages 2–3 [souligné par nous].

150 G. Feder et R. Noronha, 1987, p. 163.

151 J.-P. Platteau, 1992, p. 292.

152 K. Deininger et H. Binswanger, 1999, pages 257–258 [souligné par nous].

153 A. Herrera et al., 1997, p. 62.

154 K. Deininger et H. Binswanger, 1999, p. 259 [souligné par nous].

155 Banque mondiale, Sub-Saharan Africa: From Crisis to Sustainable Growth, Washington, D.C., 1989.

156 V. R. N. Chinene et al., 1998, p. 98.

157 H. P. Binswanger et al., 1995, p. 2726.

158 A. V. Banerjee, 2000, pages 270–271.

159 L. Téllez, 1994, p. 257.

160 N. Forni, 2000, pages 10–11.

161 J. David Stanfield, Projects that Title Land in Central and South America and the Caribbean: Expectations and Problems, Land Tenure Centre Paper, University of Wisconsin, Madison, 1984.

162 D. A. Atwood, 1990, p. 661.

163 Latin America and Caribbean Office de la Banque mondiale et Fondation pour le développement économique et social d'El Salvador (FUSADES), Estudio de Desarrollo Rural, vol. 1, août 1997, p. 40 [traduction].

164 D. A. Atwood, 1990, p. 663.

165 Brian Trackman, William Fisher et Luis Salas, The Reform of Property Registration Systems in El Salvador: A Status Report, miméo, Harvard Law School, Cambridge, Massachusetts, 11 juin 1999, pages 13–14.


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