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I PRÉFACE ET INTRODUCTION

Préface

1. L'éradication de la faim est énoncée explicitement dans l'objectif, établi à l'occasion du Sommet mondial de l'alimentation, de diminuer de moitié le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation avant 2015 et, comme convenu lors du Sommet du Millénaire, de «diminuer de moitié, avant la même année, le nombre de personnes souffrant de la faim».

2. Dans la Déclaration de Rome portant sur la Sécurité alimentaire mondiale, les chefs d'État et de gouvernement ont réaffirmé «le droit de chaque être humain d'avoir accès à une nourriture saine et nutritive, conformément au droit à une nourriture adéquate et au droit fondamental de chacun d'être à l'abri de la faim». L'Objectif 7.4 du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation préconise de «clarifier le contenu du droit à une nourriture adéquate et le droit fondamental de chacun d'être à l'abri de la faim, tel qu'il figure dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et autres instruments internationaux et régionaux pertinents, et [d’]accorder une attention particulière à l'exécution et à la réalisation pleine et progressive de ce droit comme moyen de parvenir à la sécurité alimentaire pour tous».

3. Le Plan d'action «invite le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, en consultation avec les organes pertinents des traités, et en collaboration avec les institutions et programmes spécialisés pertinents du système des Nations Unies et les mécanismes intergouvernementaux appropriés, à mieux définir les droits concernant la nourriture figurant à l'Article 11 du Pacte et à proposer des moyens d'appliquer et de matérialiser ces droits afin de remplir les engagements et d'atteindre les objectifs du Sommet mondial de l'alimentation, prenant en compte la possibilité de formuler des lignes directrices facultatives en vue de la sécurité alimentaire pour tous».

4. En réponse à l'invitation du Sommet mondial de l'alimentation, et suite à plusieurs consultations internationales, le Comité des droits économiques et culturels a adopté l'Observation générale 12, qui précise l'avis de ses experts concernant la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate.

5. Au paragraphe 10 de la Déclaration adoptée en 2002 au Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après, les chefs d'État et de gouvernement ont invité le Conseil de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture à établir, à sa cent vingt-troisième session, dans le cadre de la suite donnée au Sommet mondial de l'alimentation, un Groupe de travail intergouvernemental chargé «d’élaborer, dans un délai de deux ans, avec la participation des parties prenantes, une série de Directives volontaires à l'appui des efforts faits par les États Membres pour assurer la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate, dans le cadre de la sécurité alimentaire nationale».

6. Ces directives volontaires ont pour objet d'apporter aux États des indications pratiques leur permettant d'assurer la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, en vue d'atteindre les objectifs établis dans le Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation. Les parties prenantes pourraient également bénéficier de ces indications pratiques.

7. Les présentes Directives volontaires tiennent compte d'un grand nombre de considérations et de principes importants, notamment l'égalité, la non-discrimination, la participation, la non-exclusion, le respect des obligations redditionnelles, la primauté du droit, ainsi que le principe selon lequel tous les droits de l'homme sont universels, indivisibles, interdépendants et étroitement liés. L'alimentation ne devrait jamais être utilisée comme moyen de pression politique et économique.

8. Lors de l'élaboration de ces Directives volontaires, le Groupe de travail intergouvernemental a bénéficié de la participation active d'organisations internationales, d'organisations non gouvernementales et de représentants de la société civile. Il convient que l'application des présentes directives, qui relève en premier chef des États, bénéficie de la contribution de tous les membres de la société civile, y compris des ONG et du secteur privé.

9. Les présentes Directives volontaires sont un instrument pratique fondé sur les droits de l'homme destiné à tous les États. Elles n'entraînent aucune obligation ayant force de loi pour les États ou pour les organisations internationales, et aucune de leurs dispositions ne doit être interprétée comme portant amendement, modification ou, à un autre titre, dérogation des droits et des obligations régis par le droit national et international. Les États sont invités à appliquer les présentes Directives volontaires lors de la mise au point de leurs stratégies, de leurs politiques et de leurs activités, sans discrimination aucune fondée notamment sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, le patrimoine, la naissance ou toute autre situation.

Introduction

Instruments fondamentaux

10. Les présentes Directives volontaires tiennent compte des instruments internationaux pertinents1, notamment ceux dans lesquels la concrétisation progressive du droit de tous à un niveau de vie adéquat, y compris à une alimentation adéquate, est consacrée.

1 La mention, dans les Directives volontaires, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et d'autres traités internationaux ne compromet pas la position d'un État concernant la signature, la ratification ou l'adhésion à ces derniers.

Déclaration universelle des droits de l'homme, Article 25:

1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Article 11:

1. Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l'importance essentielle d'une coopération internationale librement consentie.

2. Les États parties au présent Pacte, reconnaissant le droit fondamental qu'a toute personne d'être à l'abri de la faim, adopteront, individuellement et au moyen de la coopération internationale, les mesures nécessaires, y compris des programmes concrets:

  1. pour améliorer les méthodes de production, de conservation et de distribution des denrées alimentaires par la pleine utilisation des connaissances techniques et scientifiques, par la diffusion de principes d'éducation nutritionnelle et par le développement ou la réforme des régimes agraires, de manière à assurer au mieux la mise en valeur et l'utilisation des ressources naturelles;

  2. pour assurer une répartition équitable des ressources alimentaires mondiales par rapport aux besoins, compte tenu des problèmes qui se posent tant aux pays importateurs qu'aux pays exportateurs de denrées alimentaires.

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Article 2:

1. Chacun des États parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives.

2. Les États parties au présent Pacte s'engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

11. Les Directives volontaires relèvent, entre autres, des Articles 55 et 56 de la Charte des Nations Unies.

Charte des Nations Unies, Article 55:
En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront:

  1. le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l'ordre économique et social;

  2. la solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé publique et autres problèmes connexes, et la coopération internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l'éducation;

  3. le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.

Charte des Nations Unies, article 56:
Les Membres s'engagent, en vue d'atteindre les buts énoncés à l'Article 55, à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l'Organisation.

12. Les présentes Directives volontaires relèvent également de dispositions d'autres instruments internationaux, notamment de la Convention relative aux droits de l'enfant, de la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, des quatre Conventions de Genève et des deux protocoles additionnels y afférents.

13. Lors de l'élaboration des présentes Directives volontaires, les engagements pris dans le cadre de la Déclaration du Millénaire, y compris les Objectifs pour le développement, ainsi que les conclusions et les engagements des grandes conférences et des sommets des Nations Unies dans les domaines économiques, sociaux et autres, ont également été pris en compte.

14. Le Groupe de travail intergouvernemental a également tenu compte de plusieurs résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies et de la Commission des droits de l'homme, ainsi que des observations générales adoptées par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

Droit à une alimentation adéquate et sécurité alimentaire

15. La sécurité alimentaire est concrétisée lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. La sécurité alimentaire repose sur les quatre piliers que sont la disponibilité, la stabilité de l'approvisionnement, l'accès et l'utilisation.

16. Afin de garantir la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate, les États doivent s'acquitter des obligations auxquelles ils souscrivent au titre du droit international dans le domaine des droits de l'homme. Les présentes Directives volontaires ont pour objet de garantir qu'une nourriture de bonne qualité est disponible en quantité suffisante, de façon à répondre aux besoins diététiques des individus, que tous y ont accès, du point de vue physique et économique, y compris les groupes vulnérables, qu'elle est exempte de substances nocives, qu'elle est acceptable du point de vue culturel et que tous ont les moyens de l'obtenir.

17. Les États souscrivent à des obligations au titre des instruments internationaux pertinents traitant de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate. Notamment, les États parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels sont tenus de respecter, de promouvoir, de protéger et de prendre les mesures nécessaires pour concrétiser progressivement le droit à une alimentation adéquate. Il convient que les États parties respectent l'accès existant à l'alimentation adéquate, en évitant de prendre des mesures qui pourraient l'entraver et protègent le droit de chacun à une alimentation adéquate en prenant les dispositions nécessaires pour que les entreprises et les particuliers ne privent pas d'autres personnes de leur accès à une alimentation adéquate. Il convient également que les États parties préconisent des politiques visant à favoriser la concrétisation progressive du droit de leurs peuples à une alimentation adéquate, en entreprenant, à titre préventif, des activités visant à renforcer l'accès des populations aux ressources et aux moyens nécessaires pour assurer leur subsistance, notamment la sécurité alimentaire, ainsi que leur utilisation de ces ressources et moyens. Dans la mesure où les ressources le permettent, il convient que les États parties créent et préservent des filets de protection ou d'autres formes d'aide, afin de protéger ceux qui ne peuvent pas assurer leur propre subsistance.

18. Les États non parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels sont invités à envisager de le ratifier.

19. À l'échelle nationale, l'approche de la sécurité alimentaire fondée sur les droits de l'homme met l'accent sur les droits de l'homme, universels, indivisibles, interdépendants et étroitement liés, sur les obligations des États et sur le rôle des différents intervenants. Elle souligne également la concrétisation de la sécurité alimentaire en tant que résultat de la concrétisation des droits existants et englobe certains principes fondamentaux: nécessité de permettre aux individus de concrétiser leur droit à participer à la conduite des affaires publiques, droit à la liberté d'expression et droit de solliciter, d'obtenir et de communiquer des informations, notamment concernant le processus décisionnel lié aux politiques de concrétisation du droit à une alimentation adéquate. Il convient qu'une telle approche tienne compte de la nécessité de mettre l'accent sur les populations démunies et vulnérables, trop souvent exclues des processus d'élaboration des politiques axées sur la promotion de la sécurité alimentaire, et de la nécessité de garantir l'existence de sociétés ouvertes, libres de toute discrimination de la part de l'État concernant l'obligation de promouvoir et de respecter les droits de l'homme. Cette approche suppose que les populations demandent des comptes à leur gouvernement et participent au processus de développement humain, au lieu d'en être les bénéficiaires passifs. L'approche fondée sur les droits de l'homme requiert non seulement de viser l'objectif ultime qu'est l'éradication de la faim, mais également de proposer les moyens permettant d'atteindre cet objectif. L'application des principes sous-tendant les droits de l'homme fait partie intégrante du processus.


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