SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE SUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE DE LA FAO
PROGRAMME ALIMENTAIRE MONDIAL

R A P P O R T   S P É C I A L

MISSION FAO/PAM D'ÉVALUATION DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

À MADAGASCAR

14 décembre 2010

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Faits saillants

  • Du fait d’une pluviométrie généralement favorable, la performance de l’agriculture vivrière malgache a été globalement bonne en 2010, avec notamment une production de riz estimée à environ 4,7 millions de tonnes, en augmentation de plus de 4 pour cent par rapport à 2009.
  • Pour la campagne de commercialisation 2010/11, le bilan de la demande et de l’offre de céréales met en évidence des surplus de riz et de tubercules en équivalent céréale, mais aussi un déficit de maïs, suite à une production réduite dans le Sud, qui sera comblé par une majeure consommation de riz. Les besoins d’importations de blé, qui n’est pas produit dans le pays, sont estimés à 123 000 tonnes. En plus, des quantités peu significatives de riz continueront à être importées comme les années précédentes.
  • La bonne performance globale de la campagne 2010 ne doit pas occulter le fait que les régions du Sud-Ouest (Menabe, Atsimo Andrefana, Androy, Ihorombe et Anosy) ont connu de faibles précipitations, de surcroît mal réparties durant les mois de janvier à avril, provoquant l’échec quasi total des récoltes de maïs, du sorgho et duiébé dans la région d’Androy, et des pertes de l’ordre de 40 pour cent de la récolte de riz dans la région d’Anosy pour cette période. Les inondations consécutives au cyclone Hubert ont causé des dégâts considérables dans les régions orientales de Vatovavy Fitovinany et Atsimo Atsinanana de l’ordre de 70 pour cent de la production rizicole de deuxième saison.
  • Dans les régions affectées par la sécheresse ou cyclones pendant la campagne agricole, plus de 80 pour cent des ménages ont connu une baisse drastique de leurs revenus et sont ainsi affectés par l’insécurité alimentaire en 2010. Près de 60 pour cent de ces ménages, soit 2 253 000 personnes sont frappées par l’insécurité alimentaire sévère. Également, dans les grandes zones rizicoles, environ 331 000 personnes sont touchées par l’insécurité alimentaire sévère.
  • La mission recommande donc l’intensification des opérations d’urgence telles que l’aide alimentaire aux plus démunis, la fourniture d’intrants agricoles ainsi que de soins vétérinaires et phytosanitaires dans les régions affectées. L’éradication de l’invasion acridienne dans le Sud constitue une priorité dans ce domaine. A cet effet, 68 000 tonnes de céréales seront nécessaires pour atténuer l’insécurité alimentaire sévère en 2010-2011 dans les zones à risque.
  • Au moyen terme, des mesures destinées à accroître la productivité et les revenus des agriculteurs devront être engagées, telles que la réhabilitation et l’extension des infrastructures hydro-agricoles, la réfection des routes de desserte, la construction des greniers villageois, la production locale des semences améliorées, le renforcement des services de vulgarisation ainsi que des associations villageoises et des institutions de micro-finance pour faciliter l’acquisition des intrants, la promotion de l’agriculture de conservation et des cultures de contre-saison.
  • Dans cette perspective, la mission recommande que les partenaires au développement libèrent les fonds destinés au secteur agricole et rural, car l’économie malgache a jusqu’à présent évité l’effondrement total grâce notamment à la bonne tenue du secteur agricole.

1. VUE D’ENSEMBLE

Une mission FAO/PAM composée de cadres techniques du Ministère de l’agriculture, ainsi que des consultants (PAM/FAO) a été conduite à Madagascar du 28 juin au 31 juillet 2010, avec pour objet l’évaluation des récoltes et de la sécurité alimentaire dans le pays pour la campagne agricole 2009/10. Dans cette optique, la mission devait identifier et évaluer les facteurs influant sur la production agricole tels que la pluviométrie, les maladies et ennemis des plantes, l’approvisionnement en intrants agricoles, l‘encadrement des producteurs, les circuits de commercialisation et les conditions d’accès des ménages aux denrées alimentaires de base. Dans son rapport, elle devait dresser un bilan de la demande et de l’offre des céréales au niveau national, identifier les zones et les ménages sujets à l’insécurité alimentaire et proposer des solutions appropriées.

Pour la collecte des informations nécessaires, les membres de la mission ont visité les ménages et responsables dans des villages, communes et districts des régions représentatives : a) des grands bassins de production agricole, notamment les greniers rizicoles : Alaotra-Mangoro, Sava, Sofia, Vakinankaratra, Sud-Ouest nord (district de Morombe); b) des plaines côtières de l’Est sujettes aux cyclones: Sava (partie Est), Analanjirofo, Atsinanana, Vatovavy-Fitovinany, Atsimo-Atsinanana, Anosy (partie Est); c) du Sud et Sud-ouest constamment victimes de la sécheresse : Anosy, Androy, Atsimo-Andrefana.

L’analyse des informations recueillies et les séances de travail que la mission a tenues avec les ménages et divers responsables confirment que globalement, la production vivrière malgache a enregistré une progression appréciable pendant la campagne 2009/10. Ainsi, pour le riz, denrée essentielle à l’alimentation des malgaches, la production devrait s’établir à environ 4,7 millions de tonnes, en augmentation de plus de 4 pour cent par rapport à la campagne précédente.

Pour la campagne de commercialisation 2010/11, le bilan de la demande et de l’offre de céréales met en évidence des surplus de riz et de tubercules en équivalent céréale, mais aussi un déficit de maïs, suite à une production réduite dans le Sud, qui sera comblé par une majeure consommation de riz. Les besoins d’importations de blé, qui n’est pas produit dans le pays, sont estimés à 123 000 tonnes. En plus, des quantités peu significatives de riz continueront à être importées comme les années précédentes.

Mais cette bonne performance, qui tient essentiellement à une pluviosité relativement favorable dans la plupart des grands bassins de production, ne doit pas occulter le fait que les régions du Sud-Ouest (Menabe, Atsimo-Andrefana, Androy, Ihorombe et Anosy principalement) ont accusé un déficit de précipitations de surcroît mal réparties qui a entravé le développement des cultures, alors que des inondations consécutives au cyclone Hubert causaient des dégâts considérables dans les régions orientales de Vatovavy- Fitovinany et Atsimo- Atsinanana. Ainsi, dans cette dernière région, le cyclone Hubert survenu au mois de mars a détruit près de 70 pour cent de la production rizicole de deuxième saison; dans la région d’Androy, la sécheresse combinée à la mauvaise répartition des pluies de la période de janvier à mai 2010 a provoqué l’échec total des récoltes de maïs, de sorgho et de niébé; la région d’Anosy, quant à elle, estime des pertes de l’ordre de 40 pour cent par rapport à sa prévision de récolte de riz de deuxième saison du fait d’une pluviométrie insuffisante et mal répartie, notamment dans la partie intérieure de la région.

Dans ces régions sujettes à la sécheresse ou aux cyclones, plus de 80 pour cent des ménages enquêtés (représentant environ 3 710 000 personnes) ont connu une baisse drastique de leurs revenus et sont ainsi affectés par l’insécurité alimentaire en 2010. Près de 60 pour cent de ces ménages (soit 2 253 000 personnes) sont frappés par l’insécurité alimentaire sévère car gagnant moins de 5 000 MGA par mois et ayant moins de 3 mois de réserves alimentaires provenant de leur propre production.

L’enquête relève également que dans les grandes zones rizicoles, environ 1 075 000 de personnes sont touchées par l’insécurité alimentaire, dont plus de 331 000 par l’insécurité alimentaire sévère.

Outre les aléas climatiques, les ennemis et maladies des plantes causent aussi des dégâts considérables à l’agriculture. Dans la région d’Anosy, district d’Amboasary et à l’ouest de Taolagnaro, la mission a constaté des ravages causés par les criquets migrateurs lors de son passage au mois de juin. Parmi les ravageurs se comptent aussi les chenilles et cochenilles, le charançon et le puceron, pendant que la mosaïque attaque le manioc, alors la pyriculariose se répand rapidement dans presque toutes les régions visitées, menaçant d’anéantir la riziculture.

Dans les périmètres rizicoles inondés, la vétusté des infrastructures hydro-agricoles, le manque d’entretien et l’absence de barrage de rétention favorisent l’ensablement des terres cultivables. C’est le cas par exemple dans la région d’Alaotra-Mangoro, où certaines communes estiment à environ 10 pour cent annuellement les pertes des surfaces arables dues à l’ensablement.

L’insuffisance des pâturages et des soins vétérinaires entrave le développement de l’élevage dans l’ensemble des régions visitées. Dans les zones semi-arides du Sud, le cactus est la principale nourriture des ruminants pendant la saison sèche et que des maladies, comme le charbon, causent des ravages parmi les troupeaux dont les effectifs sont en constante diminution ces dernières années du fait des ventes de stress pendant les soudures successives.

La faiblesse des services de vulgarisation, la non disponibilité ou la cherté d’intrants performants tels que les semences améliorées et les engrais, le manque de structures de financement susceptibles de faciliter l’achat des intrants et équipements nécessaires, l’inexistence ou la faiblesse des organisations paysannes sont autant de facteurs qui brident la productivité agricole dans les localités couvertes par la mission.

Parmi ses recommandations, la mission insiste sur la nécessité urgente de prendre et/ou d’intensifier les mesures nécessaires pour atténuer l’insécurité alimentaire dans les régions durement touchées par les cataclysmes climatiques et autres fléaux comme indiqués plus haut. Ces mesures comprennent les interventions d’urgence telles que l’aide alimentaire aux plus démunis, la fourniture d’intrants aux agriculteurs pour leur permettre de maintenir ou, mieux, d’accroître la production alimentaire, l’éradication des maladies et ennemis des plantes et d’animaux d’élevage. L’éradication de l’invasion acridienne dans le Sud constitue une priorité dans ce domaine.

Parallèlement doivent être engagées des activités de réhabilitation ou de reconstruction afin de pérenniser les acquis des interventions d’urgence. À cet égard sont cités la réhabilitation des infrastructures hydro-agricoles pour la maîtrise de l’eau, la réfection des routes de desserte et la construction des greniers villageois, la production des semences au niveau des districts et communes, le renforcement des services de vulgarisation ainsi que des associations villageoises et des institutions de micro-finance pour faciliter l’acquisition des intrants, la promotion de l’agriculture de conservation et des cultures de contre-saison, toutes mesures destinées à accroître la productivité et les revenus des agriculteurs.

Dans cette perspective, la mission recommande que, nonobstant la crise politique que connaît le pays, ses partenaires au développement libèrent les fonds nécessaires pour relancer les projets dans le secteur agricole et rural. Cette recommandation est fondée sur le fait que l’économie malgache, fortement affaiblie par la crise politique dont les conséquences ont exacerbé la pauvreté de millions de citoyens, a jusqu’à présent évité l’effondrement total grâce à la bonne tenue du secteur agricole. Il importe par conséquent de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour éviter la dégradation de l’agriculture et favoriser sa relance. Par ailleurs, négliger longtemps l’agriculture et la façon dont elle est conduite accroîtrait considérablement la dégradation de l’écosystème malgache avec sa faune et sa flore considérées comme patrimoine de l’humanité.

2. CONTEXTE SOCIOÉCONOMIQUE

2.1 Situation macroéconomique

Alors que Madagascar a affiché une croissance économique de l’ordre de 6-7 pour cent en moyenne annuelle de 2005 à 2008, la crise politique qui paralyse le pays depuis le début de l’année 2009 et la récession mondiale amorcée en 2007 ont contribué à une contraction du PIB d’environ 8 pour cent en 2009 – 2010. La crise sociopolitique a, par ailleurs, causé le gel des aides publics au développement et la suspension des privilèges conférés par l’AGOA (African Growth and Opportunity Act) pour les exportations vers les USA et a bloqué des grands projets d’infrastructure et paralysé le secteur manufacturier qui, dans la seule zone franche, a mis au chômage 16 pour cent de sa main-d’œuvre pendant que les exportations notamment des produits textiles vers les USA chutaient de 53 pour cent en janvier 2010 par rapport à l’année précédente. Le tourisme a été également durement frappé, perdant 50 pour cent du nombre de touristes en janvier 2010 par rapport à janvier 2009. La vente des biens manufacturiers a fléchi de 63 pour cent, et près de 20 pour cent d’entreprises du secteur ont fermé boutique ou sont sur le point de le faire. L’indice de la production industrielle a reculé de 30 pour cent de près de 150 points en 2008 à 116,1 points en 2009, comme illustré dans le graphique ci-dessous.

Graphique 1: Indice de la production industrielle (2001-2009)

Source: Banque centrale de Madagascar, Bulletin d’information et de statistiques,
supplément annuel 2009

Quant à la balance des paiements, elle a basculé d’un surplus de 80,2 millions de droits de tirage spéciaux en 2008 à un déficit de 12,1 millions de droits de tirage spéciaux en 2009.

Le ralentissement de l’activité économique se traduit par une baisse des recettes fiscales et douanières qui ont reculé respectivement de 26 pour cent et 32 pour cent entre mars 2009 et février 2010.

Mais selon la Banque Mondiale (juillet 2010)1 une conjonction de facteurs contribue à éviter l’effondrement de l’économie malgache, malgré la crise politique. Il s’agit notamment des facteurs suivants:

Une reprise timide du secteur privé, en particulier les secteurs du bâtiment et des transports, comme l’atteste la bonne tenue relative de la demande de ciment et de matériel électrique, ainsi que la hausse des commandes de nouveaux véhicules. Le secteur touristique a enregistré un redressement de 11,5 pour cent de janvier à mai 2010, bien que n’atteignant que 52 pour cent de son niveau d’activités en 2008. La paix sociale qui prévaut depuis un certain temps serait à l’origine du regain de confiance qui anime un nombre croissant d’opérateurs économiques.

L’expansion du secteur informel dont les activités, en hausse de 13 pour cent sur le premier semestre 2010, sont dopées par la reconversion des personnels mis à pied du secteur manufacturier en travailleurs autonomes dans l’agriculture, le commerce et les transports, l’exploitation artisanale des minerais et le trafic illicite des espèces menacées dont le bois rose.

La bonne performance du secteur agricole, avec notamment l’accroissement de la production et de la stabilisation des prix du riz dans les principales zones rizicoles et les grands centres de consommation. L’on note dans les graphiques 2 et 3 ci-après que l’indice des prix du riz usiné est demeuré relativement stable de janvier 2008 à décembre 2009, malgré une hausse significative de l’indice global des prix à la consommation. Cette situation s’est confirmée en 2010, marquée de surcroît par une tendance globalement baissière dès le premier trimestre.

Graphique 2: Indices des prix à la consommation 2000 – 2009 (base 100: janvier – décembre 2000)

Source: Banque centrale de Madagascar, Bulletin d’information et de statistiques,
supplément annuel 2009

Graphique 3: Indice de prix du riz usiné (base 100 : moyenne jan.-déc.2000)

Source: Banque centrale de Madagascar, Bulletin d’information et de statistiques,
supplément annuel 2010

S’agissant des redevances forestières, l’exploitation du bois rose a rapporté à l’État 120 milliards de MGA en 2009 et 32 milliards de MGA au premier semestre 2010.

Graphique 4: Taux de change MGA:USD, MGA: Euro oct. 2009-mai 2010

Source: Economist Intelligence Unit, Country Report Madagascar (June 2010)

Mais globalement, la situation économique et l’accalmie dans les actes de violence restent précaires, conclut la Banque Mondiale. L’incapacité de l’État à accroître substantiellement ses recettes fiscales et douanières dans le court terme pour faire face aux dépenses d’investissement, l’impasse politique et ses conséquences dont la suspension des financements des grands travaux d’infrastructures et des projets de développement, le fait que le maintien à flot de l’économie tient pour une large part à la bonne performance du secteur agricole fortement tributaire des aléas climatiques, la reprise de l’économie mondiale qui peine à se réaliser sont autant de facteurs qui font planer le doute sur la relance de l’économie malgache et la consolidation de la paix sociale.

Cette précarité est d’autant préoccupante que, malgré le redressement économique enregistré entre 2002 et 2008, Madagascar reste dans le groupe des pays les plus pauvres de la planète avec un indice de développement humain de 0,543 en 2007, le classant 147ème sur 186 pays; le PIB par habitant est de 391 USD et la population, estimée à 19,953 millions en 2009 croît à un rythme annuel de 2,92 pour cent alors que le PIB, ayant subi une forte contraction suite à la crise politique, peine à se stabiliser. C’est dire qu’un choc déstabilisant (cataclysme d’ordre climatique, mauvaises récoltes, troubles sociaux, forte détérioration des termes de l’échange, entre autres) plongerait rapidement le pays dans une catastrophe humanitaire.

Consciente de cette situation, la Haute Autorité de Transition a publié, en avril 2010, une nouvelle stratégie de développement économique centrée sur la mise en place d’une Agence de développement économique et social (ADESM) qui aurait pour mandat la création d’emplois et la construction de la nation et serait, à ce titre, chargé de concevoir, de planifier et d’exécuter les investissements publics et les grands projets. Il est prévu, dans ce cadre, la création de nouvelles institutions de financement et les restrictions de l’indépendance de la Banque centrale de Madagascar, notamment en matière de politique de changes et de gestion de la masse monétaire. Mais les autorités n’ont pas encore précisé les moyens nécessaires à la mise en œuvre d’un tel programme, qui ramènerait le pays aux décennies décevantes du dirigisme économique. Quoi qu’il en soit, l’adoption d’une telle orientation économique dépendra de la résolution de la crise politique qui perdure, et des institutions qui en découleront.

Pourtant avant la crise, la Grande Ile avait élaboré, avec l’appui des partenaires au développement, des programmes de développement dont le Programme sectoriel agricole (PSA) en 2002, le ‘Madagascar Action Plan’ (MAP) et, en 2007, la Stratégie d’assistance au pays (Country Assistance Strategy –CAS-) pilotée par la Banque mondiale. La mise en œuvre de ces programmes avait soutenu la croissance économique remarquable des années 2002-2008 comme signalée antérieurement. Mais actuellement au niveau des ministères nulle référence ne semble être faite à ces programmes dont les qualités techniques, hormis les mises à jour nécessaires, ne sont pourtant pas remises en question.

Le souci d’alléger les souffrances du peuple malgache exacerbées par la crise politique est largement partagé par les partenaires au développement du pays, malgré le gel de leur appui aux grands projets d’investissement et au budget de fonctionnement de l’Etat. Ainsi par exemple, la Banque Mondiale, lors de la mise à jour de son programme pour Madagascar en juillet 2010, a autorisé la continuation des décaissements concernant le VIH/SIDA, la nutrition, la sécurité alimentaire, la protection de l’environnement, le développement rural, le projet «Bassins Versants et Périmètres Irrigués» (BVPI), le transport rural, une composante du projet «Pôles Intégrés de Croissance» (PIC), ainsi que le fonds ACGF pour la microfinance.

Les partenaires au développement sont aussi soucieux de réunir les conditions nécessaires à la mise au point d’une feuille de route post-crise qui permettrait une relance rapide de l’économie malgache. C’est pourquoi, en collaboration avec les autres partenaires au développement et les services techniques des ministères concernés, la Banque mondiale a élaboré des notes de politique économique ‘visant à encourager le débat sur les enjeux économiques prioritaire’ du pays publiées le 18 juin 2010 sous le titre «Madagascar : vers un agenda de relance économique».

La Banque mondiale a aussi informé la mission qu’elle avait également entrepris des études sur la commercialisation des produits agricoles et sur les filières des principales cultures vivrières, à savoir le riz, le maïs et le manioc, mais aussi du lait. Ces études sont susceptibles de déboucher sur des projets que la Banque pourrait financer.

Le pré-positionnement des partenaires au développement en matière de programmation économique pilotée par la Banque mondiale est fort louable. Mais il est également souhaitable de consolider, sur le terrain, les acquis susceptibles de stabiliser l’économique et, mieux encore, de la positionner sur la trajectoire d’une croissance durable et pro-pauvre. Pour le secteur agricole, ceci passe par la réhabilitation des infrastructures desservant le monde rural où vit la majorité des pauvres, le renforcement des associations villageoises pour une meilleure auto-prise en charge des paysans, de même que l’amélioration des services de vulgarisation, d’approvisionnement en intrants et de financement. Les initiatives de la Banque mondiale mentionnées plus haut s’inscrivent dans cette logique; elles mériteraient d’être conçues et menées à la hauteur des besoins, notamment dans les zones les plus défavorisées et celles à forte potentialité agricole. Ceci nécessiterait les interventions d’autres partenaires qu’il faudrait coordonner dans le cadre d’un plan de reconstruction et de relance du secteur agricole. La nécessité de la mise au point d’un tel plan a été signalée à la mission tant par des représentants des partenaires au développement que par des responsables des services des ministères concernés.

Pour le secteur manufacturier, Il convient de maintenir l’outil de production en état de fonctionnement et de le mettre à contribution pour alléger la souffrance des Malgaches les plus démunis. À cet effet, la levée des sanctions ayant entraîné des pertes massives d’emplois, notamment dans la zone de libre-échange, est fortement recommandée.

2.2 Secteur agricole

Agriculture

Plus de 80 pour cent de la population malgache, estimée à 19,954 millions en 2009, vit dans le secteur rural, et l’agriculture, qui contribue pour 28,3 pour cent au produit intérieur brut (PIB), emploie 70 pour cent de la main-œuvre active.

Avec ses variétés de climats –tempéré sur les Hautes Terres, tropical sur les plaines côtières du Nord, Est et Ouest, semi-aride dans les régions du Sud et Sud-ouest – Madagascar offre un environnement propice à la production d’une large gamme de cultures. Les plus représentatives pour l’exportation sont la vanille dans le Nord-est, l’Est et le Sud-est; le café et le cacao dans les zones côtières du Nord, Nord-ouest et Est; le coton dans l’ouest et le nord-ouest, le sisal sur les plateaux semi-aride du Sud, et le poivre et le clou de girofle sur les plaines côtières de l’Est.

En tête des cultures vivrières vient le riz, aliment de base des malgaches cultivé dans tout le pays à l’exception des certaines zones du Sud et Sud-ouest semi-arides. Il est suivi du manioc, du maïs, de la patate douce, de la pomme de terre, entre autres.

La production agricole à Madagascar est fortement tributaire de la pluviométrie, particulièrement de sa répartition durant le cycle végétatif des cultures. La pluviosité, nourrie par les alizés du Sud-ouest, est généralement abondante sur l’ensemble de la côte Est (environ 2000 mm par an sur 11 mois, atteignant parfois plus de 3000 mm par an par endroits); elle diminue considérablement sur les Hautes Terres et se réduit jusqu’à moins de 500 mm par an dans les zones semi-arides du Sud et du Sud-ouest. L’essentiel des précipitations interviennent généralement de novembre à avril. La Grande Ile est souvent frappée par des cyclones dévastateurs, traversant parfois presque toutes les régions de l’Ile, alors que les régions du Sud et Sud-ouest sont aux prises avec des sécheresses récurrentes dont l’intensité et la durée varient selon les années.

Élevage

Les données chiffrées récentes sur le cheptel animal de la Grande Ile sont éparses mais le Recensement de l’Agriculture de 2004/2005 dénombrait pour l’année 2004, 9 687 342 têtes de bovins dont 2 319 115 sont des bœufs de trait, 1 249 227 têtes de caprins, 703 343 têtes d’ovins et 29 442 039 têtes de volailles. En fait, la quasi-totalité des ménages agricoles possède des animaux d’élevage qui servent à différentes fonctions: s’agissant des bovins, ils sont utilisés comme source d’énergie animale pour les attelages (traction de charrue, charrette, herse) ou le piétinage des rizières en sus du rôle de ‘banque du paysan’, par ailleurs la taille du troupeau, particulièrement dans le Sud, confère à son propriétaire un prestige et un pouvoir conséquent. Pour les autres espèces, les animaux sont considérés comme des actifs à liquider, procurant de l’argent rapide pour faire face aux dépenses urgentes telles que l’achat de nourriture en période de soudure, le paiement des frais de scolarité ou de frais médicaux et enfin comme moyen d’échange ou de compensation lors de certaines cérémonies traditionnelles.

Mais hormis, l’aviculture intensive et moderne qui prend de l’essor dans les zones des grandes agglomérations, la productivité de l’élevage, tout comme celle de l’agriculture, stagne du fait du faible encadrement vétérinaire et zootechnique, de l’absence d’espèces animales performantes et de plantes fourragères améliorées. Si les efforts pour introduire ces dernières ont connu un succès technique, leur adoption à grande échelle continue à buter contre des pratiques coutumières bien ancrées: mode extensif d’élevage des zébus et des petits ruminants, exploitation peu responsable des pâturages communautaires. La pratique des cultures fourragères et leur utilisation impliquent par ailleurs des coûts d’approche et une technicité que le paysan ordinaire n’est pas en mesure d’assumer dans les conditions où font défaut le financement et les services de vulgarisation appropriés. Ainsi, ce ne sont que des fermes laitières, notamment sur les Hautes-Terres centrales (Vakinankaratra, Analamanga, Itasy, Amoron’i Mania et Haute-Matsiatra), et des élevages intensifs dans les zones périurbaines qui, dotés d’un capital adéquat, utilisent des fourrages améliorés.

Pêche

Les nombreuses rivières, lacs, étangs et les quelques 5000 km de côte dont jouit Madagascar font de la pêche un des piliers de son économie. Autant sur les Hautes Terres que sur les côtes, bon nombre de paysans pratiquent la pêche comme activité complémentaire à l’agriculture et l’élevage. Mais, la pêche en milieu paysan, dont près de 70 pour cent des prises sont autoconsommées, demeure essentiellement traditionnelle, caractérisée par l’utilisation d’outils et matériels rudimentaires et le manque de moyens de conservation adéquats.

La pisciculture, introduite dans la Grande Ile dans les années cinquante avec les tilapias du Continent, se développe progressivement dans les rizières irriguées, les étangs aménagés et les cages avec une plus grande variété d’espèces, dont les carpes royales et les truites sur les Hautes Terres notamment. L’aquaculture continentale procurait, en 2003, près de 70 000 emplois directs et indirects. Les possibilités de développement du secteur restent énormes, puisque seuls étaient mis en valeur pour la pisciculture, 15 km2 de rizières irriguées et 4 km2 d’étangs, au regard d’un potentiel de 16 000 km2 de plans d’eau et 340 km2 de rizières irriguées.

Mais ce sont la pêche et l’aquaculture marines des crustacées principalement destinées à l’exportation qui ont connu une expansion remarquable pendant la dernière décennie, avec notamment l’élevage de la crevette géante tigrée (Penaeus monodon). L’aquaculture marine procurait en 2004 environ 4 300 emplois à temps plein et 30 000 emplois indirects. Les produits de la pêche et l’aquaculture ont rapporté 28 millions d’USD en recettes d’exportation en 2008, avec comme clients l’Union Européenne (France, Italie, Allemagne) et dans une moindre mesure, les USA.

3. PRODUCTION ALIMENTAIRE EN 2009/10

3.1 Évolution de la production agricole

Comme énoncé plus haut, l’agriculture malgache est fortement tributaire des aléas climatiques. Mais hormis le cyclone Hubert qui a frappé le Sud-est le 10 mars causant des pertes de vie et des dégâts considérables dans le secteur agricole, la Grande Ile a été épargnée de grands cyclones dévastateurs pendant la campagne 2009/10. Mais la pluviosité, bien que jugée globalement bonne, s’est avérée déficitaire et mal répartie dans certaines régions. Ainsi sur la base d’images satellitaires et des données recueillies auprès des stations météorologiques, le Ministère de l’Agriculture a établi que le cumul des précipitations sur la période de juillet 2009 à avril 2010 n’a été que de 50 – 80 pour cent de la moyenne historique dans la plupart des régions des Hautes Terres alors qu’il a été conforme à la normale dans la partie septentrionale de l’Ile (excepté la région de Diana frappée par la sécheresse). Il en a été de même du Sud du pays où les précipitations sont restées très déficitaires.

Ce constat est reflété dans la Carte 1 ci-après, qui illustre une appréciation qualitative de la pluviosité par rapport aux besoins des cultures pendant la campagne 2009 – 2010.

Il y apparait que les précipitations ont été satisfaisantes dans les régions centrales et septentrionales des Hautes Terres, à l’exception des régions de Diana et d’Analamanga où elles ont été déficitaires à l’instar des régions méridionales des Hautes Terres. La zone côtière Est et Sud-est a, quant à elle, connu des précipitations excédentaires alors que sur la partie Nord de la côte Est, elles ont été jugées normales.

Ce tableau globalement satisfaisant contraste avec la situation des régions du Sud et Sud-ouest (Anosy, Androy, Atsimo Andrefana) où les précipitations étaient largement déficitaires.

Si la répartition des pluies dans le temps a été jugée satisfaisante dans les régions Ouest, Nord-ouest et la côte Est de l’Ile, favorisant le déroulement normal de la saison culturale, elle a été irrégulière dans certaines régions des Hautes Terres centrales et le Sud-est.

Carte 1: Appréciation qualitative de la pluviométrie, par rapport au besoin des cultures, campagne 2009/10

Source: Ministère de l’Agriculture – Projet SIRSA II, Évaluation de la campagne 2009/10

Sur base de ces conditions météorologiques et d’autres informations recueillies à différents niveaux des régions, notamment des districts, le Ministère de l’Agriculture estime que pour l’ensemble des cultures, la campagne agricole 2009/10 peut être globalement considérée comme satisfaisante. Cette performance est due aussi au développement des cultures de contre-saison en 2009, notamment du riz de première saison, dont l’essor est considérable suite aux actions menées par le ministère chargé du développement rural et surtout de l’abondance de la pluviométrie de la campagne précédente, notamment dans les principales zones de production rizicole. Ainsi, comme il apparaît dans le Tableau 1 ci-dessous, la production de riz est estimée à 4 737 966 tonnes, en augmentation de 4,35 pour cent par rapport à 2008/09. Pour le maïs et le manioc, des baisses de l’ordre de 3,13 pour cent et de 0,37 pour cent respectivement sont attendues, étant la mauvaise pluviométrie dans le Sud, principale zone de production du maïs et du manioc.

Tableau 1: Production des principales cultures vivrières (tonnes)

Culture 2006 2007 2008 2009 2010*
Riz 3 484 946 3 595 764 3 914 168 4 540 435 4 737 966
Maïs 405 344 416 767 430 334 425 204 411 914
Haricot 79 104 79 854 80 613 82 118 82 153
Manioc 2 982 481 2 993 577 3 021 080 3 019 966 3 008 886
Patate douce 886 518 894 553 902 665 910 857 919 127
Pomme de terre 216 631 218 627 220 655 224 683 224 787
Source : Ministère de l’Agriculture, Service de la Statistique agricole
*Estimations provisoires

Parmi les facteurs ayant contribué à l’amélioration de la production du riz par rapport à la campagne agricole 2008/09, ont fait état d’une augmentation générale des superficies emblavées en 2009/10, de même que l’adoption des systèmes de riziculture intensive (SRI) et améliorée (SRA) à maints endroits.

Mais, il relève parallèlement que les régions du Sud et Sud-ouest (Atsimo Andrefana, Anosy, Ihorombe et Androy principalement) ont accusé un déficit de précipitations de surcroît mal réparties qui a entravé le développement des cultures, alors que des inondations consécutives au cyclone Hubert causaient des dégâts considérables dans les régions orientales de Vatovavy Fitovinany et Atsimo Atsinanana.

Parmi les ennemis des plantes, ont signale le passage de criquets migrateurs dans plusieurs régions, particulièrement dans Menabe, Atsimo Andrefana et Anosy où ils causent le plus de dégâts. Le mildiou est également cité comme provocant des pertes sur la pomme de terre dans la région d’Amoron’l Mania, entre autres. Comme il apparaît dans les sections qui suivent, les conclusions du rapport du Ministère de l’Agriculture sont dans l’ensemble étayées par les résultats des missions de terrain que les équipes FAO/PAM ont entreprises dans 12 régions du pays du 28 juin au 31 juillet 2010.

3.2 Situation agricole dans les régions visitées

Les régions faisant l’objet de l’enquête FAO/PAM ont été groupées en trois catégories représentatives des zones agro-écologiques et des bassins de production agricole de Madagascar. La première concerne les régions à haute production agricole : Alaotra Mangoro, Sava (Sud-ouest), Sofia, Vakinankaratra; la seconde se compose des régions ou parties des régions formant les plaines côtières de l’Est sujettes aux cyclones et aux dégâts qu’ils occasionnent: Sava (est), Analanjirofo, Atsinanana, Vatovavy Fitovinanay, Atsimo Atsinanana, Anosy (sud-est); la troisième comprend les régions du Sud et du Sud-ouest constamment victimes de la sécheresse : Anosy, Androy et Atsimo Andrefana. Les constats et conclusions relatives à chacune des régions enquêtées sont résumés ci-après.

3.2.1 Alaotra-Mangoro

Considérée à juste titre comme le grenier à riz de Madagascar, la zone rizicole autour du Lac Alaotra relevant des districts d’Ambatondrazaka et d’Amparafaravola s’étend sur plus de 90.000 ha de périmètres irriguées auxquels s’ajoutent un peu plus de 5.000 ha de parcelles consacrées en culture de riz pluvial et environ 2.000 ha de riz de contre-saison. Ce dernier type de terroir, situé en bordure du Lac ou dans les zones inondables des vallées est actuellement en forte progression durant les 3 dernières années.

La saison pluvieuse s’étale d’habitude dans la zone de fin novembre à mi-avril. Même si 92.8 pour cent des superficies sont dites ‘’irriguées'’, celles-ci restent dans leur totalité dépendante des apports pluviométriques. L’ensemble de la zone, mis à part les périmètres Imamba, Ivakaka et PC23 Aval, a connu une arrivée tardive des pluies et une forte sécheresse durant tout le mois de février 2010, comme il apparait au tableau 2 ci-après.

Tableau 2: Données pluviométriques (en millimètres) des stations autour du Lac Alaotra (Campagne 2009/10)

Mois BEVAVA IMERIMANDROSO AMPANEFY ANDRANOBE
Hauteur (mm) Nombre jours de pluie Hauteur (mm) Nombre jours de pluie Hauteur (mm) Nombre jours de pluie Hauteur (mm) Nombre jours de pluie
Octobre 6.3 3 0.0 0 0.0 0.0 0.0 0
Novembre 77.6 8 37.7 6 80.5 3 74.1 4
Decembre 102.5 9 98.4 7 216.0 7 81.2 6
Janvier 311.4 16 347.3 24 384.5 16 378.3 14
Fevrier 15.2 5 60.0 7 37.0 4 111.4 5
Mars 346.3 18 301.5 17 317.5 15 286.9 9
Avril 4.6 1 6.1 6 0.0 0 0.0 0
Mai 0.0 0 7.3 3 3.5 1 35.5 2
Juin 0.0 0 9.2 4 0.0 0 0.0 0
Source: BRL

Cette situation a mis à mal le développement des plants de riz. Ainsi, comme le montre le tableau ci-dessous, la production rizicole a globalement peu évolué, n’augmentant que d’environ 2 pour cent entre les deux campagnes agricoles 2008/09 et 2009/10 si l’on ne tient pas compte de la production de contre-saison.

Tableau 3: Production rizicole dans la région d’Alaotra- Mangoro 2004-2010

  Riz
Campagne agricole Irrigué Pluvial Contre saison TOTAL
2004/05 Superficie (ha) 84 872 4 427   89 299
Production (tonnes) 283 676 11 344   295 020
2005/06 Superficie (ha) 78 510 4 995   83 505
Production (tonnes) 306 113 12 988   319 101
2006/07 Superficie (ha) 93 190 3 619 1 495 98 304
Production (tonnes) 318 394 4 715 3 608 326 717
2007/08 Superficie (ha) 81 782 2 159 2 620 86 561
Production (tonnes) 346 339 3 032 8 254 357 625
2008/09 Superficie (ha) 105 850 5 540 2 820 114 210
Production (tonnes) 416 762 14 678 8 660 440 100
2009/10* Superficie (ha) 104 850 5 773 n.d. 110 623*
Production (tonnes) 422 900 16 360 n.d. 439 260*

*Provisoires, car les superficies emblavées et la production de contre-saison ne sont pas prises en compte

Les rendements sont de l’ordre de 3,5t/ha – 4t/ha, mais d’autres facteurs que les aléas pluviométriques contribuent à la faible performance du secteur agricole, notamment rizicole. Si les deux dernières campagnes ont été épargnées par les prédateurs et la maladie, la campagne agricole 2009/10 connaît un développement relativement important de la pyriculariose et des foreurs de tiges. De plus, une prolifération croissante des rats détruisant les plants en développement et les récoltes sur pied a été surtout évoquée dans la plupart des localités, – particulièrement aux environs de la ville d’Ambatondrazaka.

Par ailleurs, si la grande majorité des bassins versants dans la région sont équipés d’ouvrages hydro-agricoles, ceux-ci, datant pour la plupart de l’époque coloniale, sont vétustes et souvent mal entretenus. Les versants des collines, dénudés par la déforestation, sont soumis à une forte érosion qui provoque l’ensablement des périmètres rizicoles, des canaux d’irrigation, des drains et barrages de dérivation. Ainsi, le barrage en béton de Sahamaloto, qui pouvait contenir plus de 30 millions de mètres-cube d’eau à ses débuts pendant les années 1950, est aujourd’hui réduit à la moitié de sa capacité initiale du fait de l’envasement. Les paysans interviewés par nos équipes estiment qu’ils perdent chaque année près de 10 pour cent de leurs terres arables en raison de l’ensablement. La plupart sont membres d’associations regroupées en une fédération d’usagers des eaux, à travers laquelle ils contribuent à un fonds destiné à l’entretien et à la réhabilitation des infrastructures hydro-agricoles. La contribution est de 190 kg de paddy par hectare, et la fédération des associations d’usagers de l’eau est censée prendre en charge la totalité des entretiens courants en utilisant des petits matériels et le système HIMO. Quant aux activités de réhabilitation, elle ne contribue qu’à environ 20 pour cent du financement et sollicite les 80 pour cent restants auprès des bailleurs (AFD par exemple). Mais les travaux de réhabilitation étant les plus importants et les plus urgents, le gel de l’aide au développement consécutif à la crise politique hypothèque fortement la relance de la riziculture dans la région.

Bien plus, les programmes de distribution d’intrants subventionnés ayant été abrogés, les paysans rencontrés ont déclaré ne pas être en mesure de se procurer les engrais, les semences améliorées, les produits phytosanitaires au prix du marché, d’autant que leur pouvoir d’achat, lié au prix du paddy, diminuait en tandem avec celui-ci. En effet, le prix du paddy au producteur était d’environ 450 MGA/kg dans le district d’Ambatondrazaka et de 480 MGA/kg dans celui d’Amparafaravola durant le passage de la mission en juillet 2010. À la même période l’année dernière, le kilo de paddy valait 500 MGA à Ambatondrazaka et 550 MGA à Amparafaravola, soit des réductions de 11 pour cent et de près de 15 pour cent respectivement. Les agriculteurs s’attendaient à d’autres baisses du prix du paddy généralement attribuables aux ventes de stress à l’approche du 15 août, dernier délai de remboursement des dettes auprès des organismes de micro finance (CECAM et OTIV). Ils avaient d’ailleurs déclaré à la mission que suite aux politiques de libéralisation, ils n’avaient aucune emprise sur les prix qui leur étaient imposés par les acheteurs, généralement des commerçants ambulants disposant de camions.

Par le passé, on a observé une hausse des prix de paddy en décembre-janvier, c’est-à-dire au milieu de la période de soudure. Mais l’arrivée sur le marché du riz de contre-saison récolté de novembre à janvier atténue la montée des prix pendant cette période. Ces dernières années, en effet, il n’y a pas eu à proprement parler de soudure grâce au riz de contre-saison, pratiquée particulièrement sur les bords du lac Alaotra comme culture de décrue et dont le nombre de producteurs et les surfaces emblavées connaissent une forte croissance. En 2009, elle représentait environ 20 pour cent de la production de riz de la saison principale.

Pour éviter des baisses de production et relancer l’agriculture dans la région, la mission formule les recommandations suivantes:

3.2.2 Sava

La région de Sava est propice à une production agricole variée, comprenant le riz, le maïs, le manioc, la patate douce, le haricot et l’arachide comme cultures vivrières, avec la vanille, la banane, la canne à sucre et le café comme cultures de rente.

La pluviométrie pour la campagne agricole 2009/10 a été excellente selon l’avis des agriculteurs et des responsables locaux rencontrés par la mission. Ce qui est confirmé par le graphique ci-dessous, où il apparait que la pluviosité n’a pas connu de décalage important par rapport à la normal de janvier à juillet 2010.

Graphique 5: Pluviométrie dans la région de Sava 2010

Source : FAO/GIEWS-Agrometeorology Group

De fait, les pluies utiles arrivées au mois de novembre 2009 n’ont pas connu d'interruption importante (plus de deux semaines) jusqu’en juillet 2010, sauf pour le district de Vohémar qui a connu de la sécheresse durant ces deux dernières années. Dans le reste de la région, le calendrier cultural a été respecté pour le riz irrigué et le riz pluvial de deuxième saison (vary taona) qui s’étale de novembre à mai- juin. Quant aux cultures de contre-saison, pratiquées à partir du mois de juillet, comprenant le riz de première saison (vary ririnina) et le riz Jeby, elles ne connaissent généralement pas d’aléas climatiques importants.

Ces bonnes conditions pluviométriques ont permis une augmentation tant de la production de riz que des superficies emblavées, d’après les rapports des enquêtes menées par la mission. La plupart des cultures vivrières ont suivi cette tendance, bénéficiant de la désaffection croissante des agriculteurs pour les cultures de rente (vanille et café notamment) du fait de la baisse de leurs cours.

Néanmoins, des maladies dévastatrices des plantes ont été signalées par endroit. C’est le cas des communes d’Ampondra, de Milanoa et d’Ampanefena du district de Vohémar où la pyriculariose a ravagé près de 30 pour cent du riz de deuxième saison, les pertes atteignant jusqu’à 90 pour cent de la production dans certaines localités, selon les informations recueillies par la mission. Quant au vanillier, 30 pour cent des plants sont touchés par la fusariose.

Les paysans ont déclaré ne pas disposer de moyens financiers ni d’appui technique pour faire face à ces fléaux, ce qui les poussent à utiliser des herbes et d’autres produits locaux dont l’efficacité n’est pas prouvée. Ils ne peuvent pas non plus se procurer les engrais et les semences améliorées, trop chères au regard du prix du paddy qui avoisinait 400 MGA/kg lors du passage de la mission en juillet 2010. Seules les cultures maraîchères bénéficient quelques fois d’apports de fumures organiques.

Une partie importante de la production du riz et d’autres cultures de deuxième saison, constituant la grande partie de la production de la campagne, étant vendue pour subvenir à d’autres besoins essentiels, l’agriculture de contre-saison s’avère essentiel à l’alimentation des ménages pendant la période de soudure. Mais son essor est entravé par la pénurie de terres arables et l’absence de systèmes d’irrigation adéquats qui pourraient augmenter les superficies cultivables tout en améliorant leur productivité. Plus de 200 ha de la grande plaine d’Antanimbary pourraient ainsi être mis en valeur.

La durée moyenne de couverture des besoins alimentaires des ménages par la production locale est d’environ 4 à 6 mois. En cas d'achat des produits alimentaires, les ménages se ravitaillent généralement auprès des épiciers du Fokontany (village) et au marché de la commune. Mais pendant la période de soudure, les prix des denrées de base sont souvent deux ou trois fois plus élevés qu’au moment de la récolte, ont déclaré les personnes interviewées, notant que les prix des céréales avaient néanmoins tendance à se stabiliser depuis 2009.

L’élevage bovin et l’aviculture sont pratiqués dans les zones visitées selon des méthodes traditionnelles, sans appui technique ni soins vétérinaires. Des épizooties ont été signalées dont le charbon symptomatique pour les bovins et la maladie de Newcastle pour la volaille, qui provoquent des dégâts non négligeables.

Malgré les quelques problèmes signalés dans le secteur agricole, les ménages et les responsables rencontrés ont affirmé que la saison culturale 2009/10 était la meilleure du point de vue situation alimentaire qu’ils aient connue ces dix dernières années, notamment dans le district d’Andapa qui est la principale zone rizicole de la région.

3.2.3 Sofia

Dotée de vastes plaines fertiles, la région de Sofia compte parmi les principales zones de production de riz du pays, notamment les districts de Mandritsara et de Bealanana, ravitaillant essentiellement la région de Diana, notamment le district d’Ambanja. En plus du riz, d’autres cultures aussi bien vivrières que de rente sont aussi pratiquées dans la région, par ordre d’importance, l’on peut citer le maïs, l’arachide, le manioc, la canne à sucre et l’oignon; la culture du tabac, aussi bien industrielle que paysanale fait la spécialité du district de Mampikony.

Selon les techniciens de la Direction Régionale du Développement Rural (DRDR), la principale saison culturale (octobre–mai) a connu une arrivée tardive des pluies légèrement déficitaires dans l’ensemble de la région. Les précipitations ont aussi fortement diminué vers février-mars et enfin, les dernières pluies se sont arrêtées précocement, vers fin mars. Ceci est illustré dans le graphique 6 ci-dessous où, après un mois de janvier bien arrosé, les décades relatives au mois de février n’enregistrent qu’environ 50 mm de pluies. De même, les précipitations plutôt abondantes du mois de mars sont suivies d’une sécheresse aigüe dès la première décade d’avril.

Graphique 6: Pluviométrie dans la région de Sofia

Source: FAO/GIEWS-Agrometeorology Group

Toutefois, si dans certaines zones cette situation a été préjudiciable au développement des cultures, dans d’autres elle s’est avérée favorable, notamment dans celles souvent victimes de crues. Aussi, pris globalement, les effets de la pluviométrie n’ont pas eu d’impact sensible sur le niveau de la production agricole en général et de la production rizicole en particulier.

En ce qui concerne les superficies emblavées, une baisse de l’ordre de 5 à 10 pour cent par rapport à celle de la campagne précédente a été avancée par les techniciens de la DRDR. La raison de cette baisse est la cessation des actions gouvernementales dans le cadre de la Révolution Verte qui mettait à la disposition des agriculteurs des intrants et des matériels subventionnés, ainsi que l’arrêt des encadrements par les Volontaires du Développement Agricole (VDA), tous programmes qui motivaient les paysans.

Quant au rendement, il restait stable entre 2,5 et 3 tonnes à l’hectare en moyenne selon les zones et les méthodes culturales pratiquées, les rares riziculteurs utilisant les semences améliorées pouvant atteindre 5 à 6 tonnes à l’hectare. Mais du fait de la diminution des superficies, la production rizicole de la région a aussi baissé du même ordre de 5 à 10 pour cent par rapport à la campagne précédente, selon toujours les techniciens et les agriculteurs rencontrés.

En général, on ne cultive le riz qu’une seule fois dans l’année, bien que dans certaines localités où les ouvrages hydro agricoles permettent une certaine maîtrise de l’eau, par exemple à Marotandrano dans le district de Mandritsara et à Ambatosia dans le district de Bealanana, les paysans obtiennent deux récoltes par an. Ils pratiquent aussi des cultures de décrue par endroit, surtout dans les zones dotées de marais (matsabory), comme certaines localités des districts de Port-Berger et de Mampikony.

Le mode de culture courant est le repiquage en foule, le semis direct traditionnel étant en voie de disparition. L’âge des plants au repiquage est compris entre 15 et 30 jours et le riz cultivé est le riz de cycle végétatif relativement court, de 80 à 120 jours.

Les semences utilisées sont généralement prélevées sur les récoltes précédentes et ne subissent aucun traitement particulier; la fertilisation des sols aussi bien avec des fumures organiques qu’avec des engrais minéraux est quasi inexistante.

La non maîtrise de l’eau, conséquence de l’insuffisance des infrastructures hydro-agricoles, vétustes et souvent mal adaptées quand il en existe, est une des principales entraves au développement de l’agriculture dans la région. Non seulement elle contribue à la faiblesse des rendements pendant la saison principale, mais, elle freine aussi la pratique des cultures de contre-saison et la mise en valeur d’avantage de terres arables.

Au problème des infrastructures hydro-agricoles s’ajoute celui des voies de desserte qui sont quasiment inexistantes ou fortement délabrées dans certaines zones productrices. C’est le cas de la commune de Marotandrano du district de Mandritsara et des communes environnant la grande plaine de l’Ankaizina dans la partie Est du district de Bealanana, dont les pistes sont pratiquement non carrossables presque toute l’année. Ainsi, les rares collecteurs qui arrivent à s’y rendre se trouvent en position de monopsones face aux producteurs, à qui ils imposent des prix dérisoires. L’enclavement de ces zones productrices bride aussi l’agriculture de contre-saison, dont l’essor nécessite des débouchés facilement accessibles.

La région de Sofia étant une région où la production est excédentaire, l’utilisation de la production se répartit comme suit: 65 pour cent pour la consommation familiale, 5 pour cent réservée pour les semences et 30 pour cent sont commercialisées. La destination des parts commercialisées est surtout la région de DIANA, notamment le district d’Ambanja.

Le prix du riz est resté stable par rapport à celui de la campagne précédente, le prix moyen du riz blanchi étant de l’ordre de 600 MGA/kg avant la fête nationale du 26 juin au niveau des chefs lieux des districts; le paddy se vendait à 5 000 MGA le bidon (daba ou vata) de 15 kg au niveau des communes, soit 330 MGA/kg. À partir du mois de juillet, les prix du riz blanchi ont connu une augmentation conséquente par rapport au mois de juin, variant entre 770 et 840 MGA/kg.

Bien qu’ils vendent une bonne partie de leur production, les ménages ruraux de la région de Sofia sont, en général, autosuffisants en riz pendant 10 mois, bien qu’ils mangent du riz cuit (et non le bouillon de riz, même le matin) trois fois par jour, même en période de soudure.

L’élevage bovin revêt une importance particulière dans la région, où près de 90 pour cent des ménages possèdent au moins un bœuf. En effet, les bovins servent avant tout comme animaux de travail pour les tractions des matériels agricoles (charrue, herse, charrette) et le piétinage des rizières qui est encore courant, avant d’être la banque du paysan et en plus des fins socio culturelles et du prestige que confère l’importance du troupeau à son propriétaire. Si les pâturages sont abondants et l’eau généralement disponible, les animaux manquent de soins vétérinaires, particulièrement dans les localités éloignées où le manque d’électricité rend difficile la conservation des vaccins.

Les prix du bovin mâle adulte évoluaient entre 500 000 MGA et 700 000 MGA selon sa taille et son embonpoint lors du passage de la mission au mois de juillet 2010. Quant aux jeunes et femelles, ils se vendaient pour le prix unitaire de l’ordre de 300 000 MGA.

Après, les bovins viennent les porcs dont l’élevage est facilité par l’abondance de son de riz servant à leur alimentation. Mais le mode d’élevage nécessite une grande amélioration, car en plus de l’insuffisance de soins vétérinaires, les éleveurs ne possèdent même pas d’abri pour leurs animaux.

3.2.4 Vakinankaratra

Les interlocuteurs clés rencontrés à Vakinankaratra ont fait état du caractère très aléatoire des précipitations pendant la saison culturale 2009/10 par rapport aux années précédentes, notamment 2008/09, soulignant l’arrivée tardive de la première pluie survenue en mi-novembre au lieu du mois d’octobre. Cette anomalie a été suivie d’une alternance quasi mensuelle de pluies abondantes et de déficit pluviométrique de janvier à avril quand a commencé une longue sécheresse, comme le montre le graphique 7 ci-dessous.

Graphique 7: Pluviométrie moyenne mensuelle dans la région Vakinankaratra, 2008/09 et 2009/10

Source: Station méteorologique Antsirabe- juillet 2010

Ces aléas climatiques, ont eu pour conséquence le non-respect du calendrier agricole et un stress hydrique préjudiciable à la bonne évolution des cultures. À cela s’est ajoutée la grêle qui a endommagé 80ha de cultures dans la commune de Mangarano, dans le district d’Antsirabe II, provoquant une perte d’environ 40 pour cent de la récolte de riz dans cette localité. Tout ceci explique, d’après les mêmes interlocuteurs, la baisse de la production de riz de l’ordre de 5 pour cent par rapport à la saison précédente pour l’ensemble de la région de Vakinankaratra.

D’autres facteurs, parmi lesquels la faible utilisation des semences améliorées, de fertilisants et de produits phytosanitaires, contribuent à la stagnation de la productivité, les rendements du riz restant en-deçà de 3 t/ha. Pourtant, selon les informateurs, les communes chefs lieux de district possèdent des points de vente d’intrants agricoles appropriés dont les stocks seraient regarnis en permanence. Mais les agriculteurs rencontrés ne s’estiment pas en mesure d’acheter de tels intrants, tant leurs prix sont élevés. Ils utilisent en revanche les intrants de leur cru, notamment les semences issues des récoltes précédentes et le fumier de ferme.

L’absence d’un programme phytosanitaire encourage la propagation des maladies telles que la pyriculariose qui attaque le riz ou encore le mildiou et la bactériose qui ravagent la pomme de terre à maints endroits.

La pratique des cultures de contre-saison est bien ancrée dans la région, soutenue par des opérateurs faisant la promotion de certaines spéculations. C’est le cas notamment de LECOFRUIT, spécialisé dans la filière fruits et légumes, et de MALTO, intéressé à la vulgarisation de la culture de l’orge. Leur appui consiste à fournir aux producteurs des intrants subventionnés et l’encadrement technique, et à leur garantir à la récolte l’achat des produits.

L’engouement croissant pour l’agriculture de contre-saison s’accompagne de l’abandon graduel par les paysans des cultures à cycle relativement long tels que le manioc et le taro, au profit des spéculations à cycle court dont la patate douce et la pomme de terre.

Selon les informateurs-clés, la durée moyenne de stock des productions agricoles à des fins d’autoconsommation oscille entre 6 et 7 mois pour les ménages moyens, contre 2 mois pour ceux défavorisées. Les cultures de contre-saison atténuent la période de soudure à un degré fort appréciable, mais les ménages optent souvent pour la migration temporaire des pères de famille à la recherche de travail, les principales destinations étant le Moyen Ouest (la région du Bongolava et le district de Mandoto) et, pour les jeunes, les grandes agglomérations telles que Antananarivo et Toamasina.

De nombreux programmes et entreprises privées implantés dans la région du Vakinankaratra ont été focalisés sur la promotion de l’élevage bovin, notamment des vaches laitières, à l’instar du groupe TIKO. Cet élevage, de type intensif, se caractérise par la production et l’utilisation des cultures fourragères, ainsi que la préparation ou l’achat d’aliments composés. Mais les difficultés que connaît la production laitière de la zone depuis l’année 2009 seraient essentiellement attribuables à la réduction de la taille de l’entreprise TIKO consécutive à la crise politique. En l’absence des intrants subventionnés et autres appuis que fournissait cette entreprise, les prix du lait se sont effondrés de 650 MGA à 300 MGA le litre en 2009. Même à 400-500 MGA le litre, niveau observé en juillet 2010, ils se situaient encore en deçà du prix de revient, d’après les éleveurs rencontrés. Ces derniers ont en effet déclaré vendre une bonne partie de leur cheptel qu’ils ne trouvent plus rentable.

Cependant, les animaux de trait sont toujours prisés non seulement pour les travaux de champ ou le transport, mais également pour la fumure qu’ils produisent. De ce fait, ils sont soigneusement traités sur le plan vétérinaire et alimentation.

L’aviculture du type extensive et traditionnelle est pratiquée par quelques 80 pour cent des ménages dans les communes visitées. Les oiseaux de basse- cour sont généralement vendus pour défrayer les besoins urgents tels que la scolarisation des enfants ou les soins de santé. Mais une maladie mal identifiée, probablement la maladie de Newcastle, avait ravagé une grande partie du cheptel avicole, selon les informateurs.

L’élevage porcin est pratiqué par la grande partie des éleveurs selon des méthodes semi-modernes, la race la plus utilisée étant le large white souvent croisé avec la race locale. En raison de la difficulté d’accès aux intrants et aux soins vétérinaires en 2009, le cheptel porcin a diminué, estiment les informateurs, alors que la demande de la viande de porc reste fort soutenue dans les centres de consommation, notamment Antananarivo.

Au vu des contraintes relevées dans les sections qui précèdent, et dans l’optique de relancer la prochaine campagne agricole sur de bases susceptibles de renforcer la sécurité alimentaire, la mission propose les recommandations suivantes:

3.2.5 Analanjirofo

Le riz est la principale culture vivrière, suivi du manioc, du maïs et de la patate douce, tandis que le clou de girofle, le café et la vanille sont destinés à l’exportation.

Suivant à peu près la moyenne des précipitations depuis 1996 comme il apparait dans le graphique 8 ci-après, la pluviométrie a été relativement bonne pour les besoins des cultures durant la grande saison allant d’octobre 2009 à mai 2010, ce qui a permis le respect du calendrier agricole.

Graphique 8: Pluviométrie dans la région d’Analanjirofo 2010

Source: FAO/GIEWS

Par ailleurs, l’appui du Ministère de l’Agriculture et l’aide fournie par des partenaires au développement (CARE, FAO, par exemple) en matière de distribution d’intrants, notamment des semences de riz hybride, et d’encadrement technique, ont contribué à l’augmentation de la production de riz de 124 507 tonnes à 130 313 tonnes (soit 4,66 pour cent) par rapport à la campagne précédente.

Les rendements moyens de 3,5 t/ha pour le riz irrigué et de 1 à 2 t/ha pour le riz pluvial pour la campagne 2009/10, s’apparentent à ceux observés dans les grands greniers rizicoles tels qu’Alaotra-Mangoro. Les semences de riz hybride distribuées par l’ONG CARE permettent d’obtenir jusqu’à 6 t/ha en milieu paysan. Cependant, l’engouement grandissant des paysans pour les semences performantes subventionnées se trouve bridé par des ruptures de stocks au niveau de la Direction Régionale du Développement Rural.

L’entretien des infrastructures hydro-agricoles dans les zones encadrées par les ONG et les projets, l’extension des superficies emblavées sont aussi cités parmi les facteurs ayant contribué à l’accroissement de la production du riz, mais aussi pour d’autres cultures vivrières comme le maïs et le manioc.

La couverture des besoins des ménages en riz par leur propre production est estimée à environ 4 mois. Mais, la période de soudure est allégée par les cultures de contre-saison (riz, manioc, mais) et les revenus procurés par les cultures maraîchères, qui se développent grâce aux efforts de sensibilisation et de vulgarisation du ministère, des ONG et de la FAO, entre autres.

En général, les prix des produits agricoles connaissent une tendance à la baisse durant la campagne 2009/10, notamment pour le riz dont les prix ont beaucoup chuté cette année se situant autour de 300 MGA/kg pour le paddy et 750 MGA/kg pour le riz blanchi s’ils étaient respectivement de l’ordre de 600 MGA et 1000 MGA en 2008 à la même période du mois de juillet, du fait de la bonne récolte de la production rizicole.

La vente du riz demeure le principal moyen de paiement pour les paysans (achat de PPN, soins médicaux, habillement, éducation). Mais comme dans les autres régions visitées, le mauvais état des pistes rurales reste le principal obstacle aux échanges commerciaux.

3.2.6 Atsinanana

Alors que l’année 2009 avait enregistré des augmentations notable de la production grâce à l’appui des ONG et des services gouvernementaux et surtout grâce à une bonne pluviométrie, la campagne 2009/10 est plutôt caractérisée par la non atteinte du niveau de production attendu, notamment pour le riz dans les trois districts visités par la mission, à savoir Toamasina II, Vatomandry et Mahanoro. Les facteurs déterminants de cette mauvaise récolte varient d’une zone à l’autre, mais se résument essentiellement à une pluviométrie capricieuse alternant inondations et sécheresses dévastatrices. Le graphique ci-dessous révèle en effet de grands écarts (excès et faiblesse des précipitations) entre la pluviométrie enregistrée pendant la période cruciale du cycle végétatif des cultures (janvier à avril) en 2010 et la moyenne des 14 dernières années.

Graphique 9: Pluviométrie dans la région d’Atsinanana 2010

Source: FAO/GIEWS

Ainsi, dans Toamasina II, presque la quasi-totalité des rizières ont été inondées du fait de l’absence des canaux de drainage. À Vatomandry en revanche, c’est la faiblesse des précipitations qui a été préjudiciable au développement des cultures, de même qu’à Mahanoro où 50 à 60 pour cent des manques à gagner sur les productions (pertes) sont dus à la sécheresse selon les déclarations unanimes de différentes personnes ressources.

Les maladies des plantes (behatoka, bebonga, entre autres), les insectes et les animaux prédateurs (rat, moineau, toloho) ont également causé d’importants dégâts pendant la campagne 2009/10. À cela s’ajoutent la non utilisation généralisée des semences améliorées plus performants et adaptées, le vieillissement des cultures de rente (café, litchis) comme facteurs de blocage de la production agricole et, partant, de l’amélioration de la situation alimentaire dans les trois districts visités.

Presque partout, aussi bien dans le district de Toamasina II que dans les districts de Vatomandry et Mahanoro, les besoins en riz sont loin d’être satisfaits, la récolte de la campagne 2009/10 ne pouvant couvrir les besoins que pour trois mois au plus. Le manioc et la patate douce constituent des aliments de substitution durant la période de soudure notamment pendant les mois de septembre à novembre.

Bon nombre de communes pratiquent l’élevage bovin, porcin et de volailles selon les méthodes traditionnelles. Dans la Région Atsinanana, l’élevage des zébus est destiné surtout à des fins socio-culturelles (cérémonies traditionnelles, sambatra).

L’élevage porcin est plus important dans la partie Sud de la région, dans les districts de Vatomandry, de Mahanoro et surtout de Marolambo. Durant la campagne 2009/10 cependant, 60 à 70 pour cent du cheptel a été ravagé par la peste porcine africaine (PPA).

Quant à la pêche traditionnelle, essentiellement maritime, son potentiel économique reste à développer, les principales contraintes étant la carence de matériel approprié (filet, matériel de communication et de secours, moteurs hors-bord) ainsi que les difficultés de conservation et d’évacuation des produits.

Les principales recommandations émanant des diverses entités consultées (autorités locales, chefs fokontany, paysans, organismes de secours ou de développement) peuvent se résumer en ces termes:

3.2.7 Vatovavy Fitovinany

Comme le montre le graphique ci-après, la région de Vatovavy Fitovinany a connu une pluviosité abondante au premier trimestre de 2010, particulièrement entre février et avril, avec un pic de plus de 1000 mm pendant le seul mois de mars.

Graphique 10: Pluviométrie (mm) à Vatovavy Fitovinany 2009/10 (station de Mananjary)

Source des données : Service météorologique de Mananjary

Ceci a provoqué des inondations dévastatrices pour les cultures, avec des rendements rizicoles d’environ 0,5 t/ha, en baisse de 70 à 80 pour cent par rapport à la campagne 2008/09, selon les agriculteurs et la Direction Régionale du Développement Rural. Les fortes pluies ont également accéléré l’érosion et l’ensablement des terres arables.

Du fait de la rareté des produits sur les marchés, les commerçants contactés ont déclaré des baisses de l’ordre de 50 pour cent de leur chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente. La couverture des besoins par le riz local ne serait que de 2 mois pour 50 pour cent des ménages enquêtés, présage d’une soudure précoce et longue. Cependant, les producteurs, obligés de vendre, cédaient leur paddy à 350 MGA/kg en moyenne, pour acquérir les produits de première nécessité, ne disposant pas d’autres sources de revenu.

Lors du passage de la mission au mois de juillet, un grand nombre de ménages avaient déjà adopté des stratégies alternatives pour subvenir tant bien que mal à leurs besoins alimentaires: diminution de la ration journalière, consommation d’aliments de disette (tubercules sauvages, fruit de jaquier, entre autres), activités non-agricoles (fabrication de charbon de bois, exploitation de l’or).

Hormis les aléas climatiques, le faible encadrement des producteurs et la faible utilisation d’intrants performants (semences améliorées, engrais minéraux ou organiques, produits phytosanitaires) sont, comme ailleurs dans le pays, autant de contraintes à la production agricole dans la région.

Au vu de ce qui précède, la mission recommande, comme actions immédiates, l’intensification des interventions des ONG, l’utilisation des méthodes HIMO pour le curage des canaux d’irrigation endommagés par le cyclone, le renforcement du programme de distribution des semences améliorées initié par la FAO ainsi que de l’encadrement des paysans bénéficiaires.

Pour le moyen terme, la mission préconise (i) la construction d’infrastructures hydro-agricoles appropriées dans les périmètres rizicoles et la mise en place d’associations villageoises pour assurer leur entretien; (ii) l’introduction de l’agriculture de conservation comme substitut à l’agriculture sur brûlis, principale cause de l’érosion et de l’ensablement des terres arables; (iii) la facilitation de l’accès au crédit par le renforcement des institutions de micro-finance.

3.2.8 Atsimo-Atsinanana

L’agriculture vivrière dans la région d’Atsimo Atsinanana est dominée par le riz, le manioc, la patate douce, les cultures de rente étant représentées par le café, suivi par le girofle, la vanille et le litchi.

La région a connu une pluviométrie abondante durant la campagne 2009/10 et reçoit des précipitations abondantes pouvant atteindre jusqu’à une moyenne annuelle de 2500mm. Durant la préparation de la campagne rizicole de la saison principale, la première pluie utile est arrivée au mois de novembre, suivie de précipitations abondantes en janvier. Le mois de mars a été marqué par le passage du cyclone Hubert, accompagné de pluies dévastatrices survenues immédiatement après le repiquage, inondant les rizières, qui sont restées submergées pendant plus de dix jours.

Tableau 4: Pluviométrie dans la région d’Atsimo-Atsinanana 2008-2010

Mois NORMALE 2008/09 2009/10
Hauteur (mm) Nbre jours pluie Hauteur (mm) Nbre jours pluie Hauteur (mm) Nbre jours pluie
Juillet 189.8 20 134.7 18 158.8 23
Août 129.7 17 50.8 09 132.6 20
Septembre 90.4 14 43.3 11 239.9 18
Octobre 132.3 16 40.0 07 112.0 16
Novembre 129.4 17 97.8 15 115.4 18
Decembre 255.0 20 121.5 11 87.1 17
Janvier 294.8 21 306.7 23 436.4 20
Février 309.8 20 230.0 22 172.7 24
Mars 336.6 23 329.3 23 789.2 25
Avril 269.8 20 219.8 17 254.9 13
Mai 214.2 17 104.4 15 226.7 21
Juin 165.3 17 99.6 12 83.0 13
Source: Service Météorologique , Aéroport de FARAFANGANA

Les dégâts causés par le cyclone Hubert et les inondations consécutives ont été considérables. Dans les régions d’Atsimo-Atsinanana et de Vatovavy-Fitovinany, d’importantes superficies rizicoles estimées par le DRDR à environ 37 000 ha ont été endommagés causant une perte de production de l’ordre de 50 à 70 pour cent pour le riz de deuxième saison de la campagne 2009/10, selon les services techniques décentralisés du Ministère de l’Agriculture. Les autres cultures –café et girofle, manioc, patate douce et maïs sur les versants des collines- ont, quant à elles, enregistré des pertes d’environ 10 pour cent.

Mais le riz a aussi été attaqué par plusieurs maladies dont la pyriculariose, et les oiseaux et les rats ont causé des dégâts importants.

Par ailleurs, les agents de vulgarisation ont signalé que sauf dans les zones bénéficiant d’un encadrement, peu de paysans (18 pour cent) adoptent le système de riz intensif (SRI) ou le système de riz amélioré (SRA). En effet, ces types de riziculture exigent une bonne maîtrise de l’eau et des inputs performants qui sont difficilement à la portée des producteurs du fait de leurs faibles revenus. Ainsi, l’engrais (NPK) trouve rarement preneur même lorsqu’il se livre à un prix subventionné de 500 MGA/kg au niveau de la DRDR.

Le déficit de production signalé ci-avant a réduit la couverture des besoins des ménages par leurs propres productions à 2,5 mois pour le riz, et à 3 mois environ pour le manioc et la patate douce. Ceci s’avère insuffisant au regard de la soudure, dont la première période s’étale de juillet à novembre et la seconde, de février à avril.

En juillet 2010, le prix du paddy variait entre 280 MGA/kg et 400 MGA/kg selon les localités et leurs enclavements. Toutefois, les collecteurs de riz au marché hebdomadaire de Mizilo peinaient à remplir leurs camions, situation qui contrastait avec l’abondance relative dont ils jouissaient en 2009. Pour le riz blanchi en revanche, les prix moyens ont évolué d’environ 750 MGA/kg en 2009 à 1150 MGA en juillet 2010, soit une hausse de plus de 50 pour cent.

Des augmentations de prix ont été aussi observées pour le manioc (200 MGA le tas de 550g en 2009 à 300 MGA le tas en juillet 2010), alors que le café enregistrait une baisse, de 2 000 MGA/kg à 1 600 MGA à la même période.

Comme dans les autres régions, la commercialisation des produits agricoles est fortement tributaire de l’état des infrastructures desservant les zones de production. Le délabrement non seulement des pistes rurales mais aussi d’importants segments des routes nationales, favorisent la segmentation des marchés au détriment des producteurs qui se voient imposés des prix inéquitables par des commerçants souvent qualifiés de ‘requins’.

Confrontés à l’épuisement des stocks de leurs productions et à l’envolée des prix des produits de base pendant la période de soudure ou celle consécutive aux catastrophes naturelles, les stratégies de survie adoptées par la population consiste généralement à changer d’habitude alimentaire en diminuant les repas quotidiens, et en consommant des aliments de substitution ou d’appoint (manioc, maïs, patate douce, fruit à pain). Parallèlement, les chefs de ménage ou d’autres membres actifs entreprennent des activités alternatives pour augmenter leurs revenus: salariat agricole, pêche, fabrication de charbon de bois ou de briques. Ils font aussi recours à des emprunts auprès des usuriers, payables au moment de la récolte à des taux excédant souvent les 100 pour cent.

En vue de renforcer la sécurité alimentaire en partant des constats évoqués ci-avant, il est recommandé, comme activités d’urgence, d’intensifier la distribution des semences, notamment celles des cultures adaptées à la production de contre-saison (maïs, manioc, patate douce et culture maraîchère). À cet effet, il faudrait renforcer les capacités des caisses de proximité de micro-finance pour faciliter l’acquisition des intrants par les agriculteurs.

En matière de reconstruction, les actions souhaitées concernent la réhabilitation et l’entretien des ouvrages hydro-agricoles, particulièrement les canaux de drainage des périmètres rizicoles; le renforcement des associations rurales pour faciliter l’auto-prise en charge des paysans et servir de point d’entrée pour les appuis extérieurs qu’ils pourraient recevoir, la diversification des activités génératrices de revenus comme l’apiculture, la pisciculture, la fabrication des briques.

3.2.9 Androy

La région d’Androy est essentiellement une zone semi-aride où sont pratiquées les cultures sèches dans la partie sud sédimentaire et la riziculture dans la partie nord cristalline. Le manioc et le maïs sont les principales cultures vivrières, suivis par la patate douce, le niébé et le riz. La région est aussi connue pour ses élevages bovins, ovins et caprins ainsi que des volailles.

La production agricole est fortement tributaire du changement climatique, particulièrement des longues sécheresses récurrentes. Ainsi, la grande saison culturale 2009/10 a été marquée par l’arrivée particulièrement tardive des précipitations; aussi, certaines communes telles que Kopoky dans le district de Beloha et Marovato dans le district de Tsihombe n’ont reçu de pluies qu’après le passage du cyclone Joël vers fin mai. La mauvaise répartition des pluies a été fortement préjudiciable au développement des cultures, provoquant un échec quasi-total des récoltes de maïs, de sorgho et de niébé pendant la saison principale. Quant au manioc, plus résilient, d’assez bonnes productions ont été enregistrées dans la partie sud d’Ambovombe. Néanmoins, selon les informations recueillies par la mission, la production totale de manioc pour la campagne 2009/10 connaîtrait une baisse sensible par rapport à celle de la campagne 2008/09. Les autres cultures devraient enregistrer des déficits beaucoup plus importants.

L’arrivée tardive des pluies a aussi eu pour conséquence des semis multiples avec pertes de semences, des réductions de superficies emblavées et une prolongation de la soudure. En effet, lors du passage de la mission au mois de juillet 2010, peu de ménages avaient encore des réserves de manioc pour trois mois et aucune pour les autres produits vivriers.

Pendant la période de soudure, la vente du bétail reste la source principale de revenu pour les ménages. Mais l’insuffisance des pâturages et des soins vétérinaires entravent le développement de l’élevage; aussi, le troupeau est cachectique et en mauvais état d’embonpoint. Le cactus constitue la principale alimentation des ruminants alors que des maladies comme le charbon causent des ravages parmi les troupeaux dont les effectifs sont en constante diminution ces dernières années du fait des sécheresses successives.

Il est à signaler que pendant la période de soudure de 2008/09, la région avait reçu l’aide du PAM et de l’UNICEF, entre autres.

La promotion de l’agriculture de contre-saison avec diversification des spéculations, l’éradication des maladies et ennemis des plantes, le renforcement des services vétérinaires, la réhabilitation des ouvrages de captage d’eau, le renforcement des services de vulgarisation et l’appui aux associations rurales sont autant de recommandations émises par les responsables et agriculteurs rencontrés.

3.2.10 Anosy

Le début de la campagne a été marqué par le développement des cultures de contre-saison, appuyées par les projets et le ministère, notamment dans les zones irriguées comme le haut bassin du Mandrare et de Behara du district d’Amboasary; aussi, les récoltes de la première saison a connu un bon niveau de production des cultures vivrières.

Mais, pour la saison principale, une pluviométrie insuffisante et mal répartie a marqué la campagne 2009/10. Sur le graphique ci-après, le pic de précipitations survenues au mois de mars au lieu de janvier comme à l’accoutumé traduit ce retard qui a entraîné le non respect du calendrier agricole, forçant plus de 50 pour cent de riziculteurs à faire de multiples repiquages.

Graphique 11: Pluviométrie dans la région d’Anosy (Communes d’Amboasary et de Behara)

Du fait de ces anomalies climatiques, la production du riz TSIPALA (deuxième saison) ne représente en moyenne qu’environ 41 pour cent de celle de la campagne 2008/09 pour les deux districts, comme le montre le tableau 5 ci-dessous.

Tableau 5 : Production de riz (en tonnes) dans la région d’Anosy 2008-2010

  2008/09 Deuxième saison 2009/10 Deuxième saison Pourcentage
Taolagnaro 18 305 6 960 38,0
Amboasary sud 8 286 3 847 46,4
Total 26 591 10 807 40,6
Source: Direction régionale de développement rural, Taolagnaro

Les déficits de production ont provoqué la hausse du prix du riz usiné provenant de Toliara. Il était de 1100 MGA/kg en juin 2010, en augmentation de 15 pour cent par rapport à la même période de l’année précédente (950 MGA/kg).

Le riz est la culture la plus pratiquée pendant la contre-saison, suivi des cultures maraîchères qui prennent de plus en plus de l’importance. Mais l’interdiction faite aux paysans de ne pas vendre directement leurs produits aux marchés de Taolagnaro limite les possibilités de commercialisation.

Alors que l’érosion éolienne ensable environ 10 pour cent des terres agricoles chaque année, la maîtrise de l’eau est entravée par l’insuffisance des infrastructures hydro-agricoles et, notamment, la cessation des activités d’aménagement des superficies cultivables, de construction et/ou de réhabilitation des barrages et canaux durant la campagne 2009/10. Ceci a entraîné la diminution de moitié des superficies cultivées par rapport à la campagne 2008/09 comme le montre le tableau 6 ci-dessous.

Tableau 6: Superficies (ha) cultivées dans la région d’Anosy 2008-2010

Nom du District     Pourcentage
2008-2009   2009-2010
Fort-Dauphin 5764   2620 45,5
Amboasary sud 3630   1539 42.4
Total 9394   4159 44,3
Source: Direction régionale de développement rural, Fort-Dauphin

D’autres contraintes à la production concernent le manque de semences améliorées, la faible utilisation d’engrais, le manque d’encadrement pour l’utilisation du GUANOMAD (fertilisant à base des déjections de chauves-souris), ainsi que le manque de produits phytosanitaires. Seulement 10 pour cent des agriculteurs labourent à la charrue et 5 pour cent utilisent des sarcleuses.

Mais ce sont les criquets migrateurs qui causent le plus de dégâts à l’agriculture, notamment dans le district d’Amboasary Sud et la partie ouest de Fort-Dauphin, comme l’a constaté la mission lors de son passage. Parmi les ravageurs se comptent aussi les chenilles et cochenilles, le charançon et le puceron, alors que la mosaïque attaque le manioc.

L’élevage, dominé par les bovins, se pratique selon les méthodes traditionnelles. Ici comme dans les autres régions du Sud, le zébu est la ‘banque du paysan’, car ses ventes constituent la principale source de revenu pendant la période de soudure. Mais l’insuffisance des pâturages, le faible accès aux soins vétérinaires et le vol des animaux constituent de fléaux pour le secteur de l’élevage.

Quant à la pêche, elle concerne les 11 communes longeant le littoral du district de Taolagnaro et 2 communes littorales du district d’Amboasary Sud. La langouste, le thon, les crevettes, le requin et les crabes constituent les principaux produits.

Le prix moyen d’un kilo de langoustes est passé de 8 000 MGA en 2009 à 10 000 MGA en 2010. Le prix des crevettes a suivi la même tendance : 4 000 MGA/kg en 2010 contre 3000 MGA/kg en 2009. Ces produits de luxe sont essentiellement destinés à l’exportation et aux grands restaurants locaux.

Toutefois, le manque de matériels de pêche adéquats, les méthodes de conservation inadaptées, les difficultés de transport plombent le secteur de la pêche traditionnelle et artisanale.

Les recommandations issues des constats et des consultations que la mission a eues avec les personnes rencontrées se résument comme suit:

3.2.11 Atsimo Andrefana

La campagne agricole 2009/10 dans la région d’Atsimo-Andrefana a été marquée par une très faible pluviométrie et une arrivée tardive des précipitations par rapport à la campagne précédente, comme l’indique le graphique 12 ci-après. Ceci a entrainé une perturbation du calendrier agricole surtout pour la culture du maïs, du manioc, du pois du cap et du haricot.

Graphique 12: Pluviométrie de juillet 2008 à juillet 2010 à Toliara

Source : CNA Poste MIARY Tuléar II

D’où des réductions de production par rapport à 2008/09 allant de 33 pour cent pour le riz de deuxième saison à 40 pour cent pour le manioc et 80 pour cent pour le maïs par rapport à la campagne 2008/09, comme il ressort du tableau 8 ci-après. Toutes les cultures ont suivi cette tendance baissière, à l’exception de la patate douce dont la production a augmenté d’environ 20 pour cent, du fait essentiellement de l’expansion des superficies cultivées dans les bas-fonds.

Tableau 7 : Production des cultures vivrières dans le district de Tuléar II 2008-2010

CULTURE Campagne 2008/09 Campagne 2009/10 production 2009/10/ 2008/09 (pourcentage)
Production (tonnes) Superficie (ha) Rendement (t/ha) Production (tonnes) Superficie (ha)
Riz irrigué 2ème session 23 800 5 180 4.6 16 100 4 600 -33
Riz irrigué 1ère session 18 785 4 750 3.9 11 200 4 000 -40
Manioc 22 400 4 930 4.5 13 300 2 500 -40
Maïs 8 255 6 450 1.2 1 792 3 200 -80
Patate douce 20 010 1 360 14.7 24 320 2 350 +20
Pois du cap 1 682 1 430 1.10 1 034 998  
Arachide 339 410 0.8 259 367  
Haricot 331 305 1.09 157 125  
Canne à sucre 13 375 660 20.2 11 342 578  
Source: CIRDR Tuléar II, EDL CSA Tuléar II

Par ailleurs, en avril-mai 2010, le district de Tuléar II a été victime d’invasions acridiennes causant des pertes de production de l’ordre de 15 à 70 pour cent pour les principales cultures selon les communes, malgré les interventions du Centre national antiacridien (CNA).

Dans le district de Morombe, les pertes de production dues à l’arrivée tardive des pluies de surcroit insuffisantes sont également considérables selon les données fournies par la DRDR : -82 pour cent pour le manioc, -90 pour cent pour la patate douce, -20 pour cent pour le maïs.

Pour le riz, les réductions (-60 pour cent) sont aggravées par l’ensablement des principaux périmètres généralement irrigués grâce au captage des eaux des fleuves comme le Fierenana et le Manombo, qui néanmoins restaient asséchés depuis le mois d’avril lors du passage de la mission en juillet 2010. Les travaux de curage des canaux d’irrigation sont lourds et nécessitent l’utilisation de pelle mécanique (cas de Miary = 12 km) et du système d’Himo (cas de Milenaky = 17 km). Mais ils restent la priorité de la région, selon les agriculteurs contactés.

Malgré la présence des projets actifs dans la production et la distribution des semences à Tuléar II (Maïs, sergot, pois du cap ,haricot ) tels que le MDP ( Maison du Paysan), le FOFIFA, et le PACA ( Projet d’Appui aux Communautés Agricoles), seule une minorité de paysans utilisent les semences améliorées du fait de leur coût élevé (1200 Ar/ Kg pour le mais et le pois du cap ) et de leur rareté.

Concernant la riziculture, environ 50 pour cent des exploitants utilisent les semences améliorées (MR, PHILIPINE, X 265) à cycle court (80 à 120 jours).

L’amélioration de la fertilité des sols par des apports de fumures minérales ou organiques intéresse à peine 10 pour cent des agriculteurs, exception faite des riziculteurs. La pénurie des engrais et surtout le manque d’encadrement des producteurs seraient à l’origine de cette désaffection. Ainsi, le Guanomad distribué par le DRDR pour la campagne 2009/10 n’a pas été utilisé parce que les paysans ne savaient pas s’en servir.

La baisse de production s’est traduite par des prix relativement élevés des principales denrées : le paddy se vendait à 500 MGA/kg en moyenne lors du passage de la mission en juillet 2010, pendant que le manioc frais se livrait pour 450 MGA/kg et la patate douce pour 350 MGA/kg en moyenne. Ces prix, d’après les informateurs-clés étaient en hausse de quelque 25 pour cent par rapport à 2008/09.

Au niveau des ménages ruraux, la pénurie des denrées de base a réduit à 2 mois l’autosuffisance alimentaire, annonçant par là une soudure longue et pénible. Dès juillet 2010, les populations s’adonnaient à des activités alternatives pour subvenir à leurs besoins alimentaires : exploitation illicite des forêts et vente de charbon de bois, cueillette d’aliments sauvages, petit commerce, vente de biens personnels. Selon l’ONN, 20 à 35 pour cent des enfants de 6 à 59 mois souffrent de malnutrition.

S’agissant de l’agriculture de contre-saison, le passage de la dépression tropicale « JOEL » s’est accompagné de pluies relativement abondantes au mois de mai et juin 2010, incitant les paysans à planter le maïs, la patate douce et le manioc dans l’espoir de compenser les pertes de récolte de la saison principale.

Comme ailleurs dans le Sud, la production animale dans la région Atsimo Andrefana est dominée par l’élevage bovin et de petits ruminants selon les méthodes traditionnelles. Outre les maladies qui attaquent périodiquement le cheptel (exemple, la douve pendant la période de pluie, le charbon pour les gros ruminants) et la rareté des pâturages due à la sécheresse, l’insécurité (malaso) reste l’une des principales contraintes au développement du secteur de l’élevage dans la région.

La filière pêche ne cesse, quant à elle, de se développer, avec notamment l’appui technique du projet PACP (Projet d’Appui à la Communauté des Pécheurs), projet de lutte contre la pauvreté dont les activités comprennent la transformation des produits halieutiques. Ces efforts sont renforcés par la présence de la société COPEFRITO qui fait la collecte des produits de pêche. Si les revenus des pêcheurs sont relativement conséquents (entre 10 000 MGA et 50 000 MGA par jour et par ménage), ces derniers n’adhèrent guère aux notions d’épargne et d’investissement.

En vue du renforcement de la sécurité alimentaire et de la relance de l’agriculture dans la région, la mission recommande, pour le court terme, l’intensification des programmes nutritionnels du PAM, l’utilisation des méthodes HIMO (notamment ‘vivres-contre-travail’) pour la réhabilitation des ouvrages hydro-agricoles.

Pour le moyen terme, la mission préconise (i) l’introduction des cultures adaptables au climat de la région telles que le sorgho et les variétés de riz à cycle court (80 à 120 jours); (ii) une action au niveau national pour la réhabilitation et l’extension des infrastructures hydro-agricoles; (ii) le renforcement des services de vulgarisation.

3.3 Estimation des disponibilités céréalières pour la campagne de commercialisation 2010/11

De la revue des régions visitées, il se dégage les faits marquants suivants:

4. MARCHÉS ET PRIX DES DENRÉES ALIMENTAIRES

Les graphiques 13 à 14 ci-dessous illustrent la stabilité relative des prix du riz, suite à des bonnes productions rizicoles depuis la saison culturale 2008/09, mais aussi du manioc et du maïs dans les grands centres de consommation dont les chefs lieux des ex-provinces du pays pour la campagne agricole 2009/10.

Graphique 13: Prix du riz blanc (MGA/kg) dans les six ex-provinces 2009/10

Source : Données de l’Institut national de la statistique

Graphique 14: Prix du manioc frais (MGA/kg) dans les ex-provinces2009/10

Source : Données de l’Institut national de la statistique

Graphique 15 : Prix du maïs grain (MGA/kg) dans les six ex-provinces 2009/10

Source : Données de l’Institut national de la Statistique

De manière générale, les prix du riz et du maïs ont amorcé leur hausse légère vers septembre-octobre 2009 qui s’est estompée en avril-mai 2010, période correspondant au début des récoltes et à la fin de la soudure. Si on tient compte du taux d’inflation qui a avoisiné les 10 pour cent pendant cette période, les prix constants en juin 2010 seraient plus proches de ceux de juillet 2009, voire plus bas dans certains cas.

L’on notera aussi que les différentiels de prix d’une région à l’autre expriment le degré d’intégration des marchés, qui sont relativement moins importantes pour le riz et le maïs que ceux du manioc frais. En effet, le manioc frais est pondéreux et se conserve mal. L’essentiel de son commerce se déroule près des lieux de production surtout si les moyens adéquats de transport font défaut, ce qui est généralement le cas à Madagascar.

Quant au différentiel entre le prix payé aux producteurs et le prix dans les centres de consommation, les informations recueillies par la mission ont révélé que pour le paddy, ils pouvaient représenter entre 50 pour cent et 100 pour cent du prix payé au producteur selon les localités et leur degré d’enclavement.

En général, les prix aux producteurs par rapport à la campagne 2009/10 sont en net recul. Ainsi, par exemple, le prix du paddy au producteur était d’environ 450 MGA/kg dans le district d’Ambatondrazaka et de 480 MGA/kg dans celui d’Amparafaravola au passage de la mission en juillet 2010 dans la région d’Alaotra Mangoro. À la même période l’année dernière, le kilo de paddy valait 500 MGA à Ambatondrazaka et 550 MGA à Amparafaravola, soit des réductions de 11 pour cent et de près de 15 pour cent respectivement. Les agriculteurs s’attendaient encore à d’autres baisses du prix du paddy généralement attribuables aux ventes de stress à l’approche du 15 août, dernier délai de remboursement des dettes auprès des organismes de micro finance (CECAM et OTIV). Ils avaient d’ailleurs déclaré à la mission que suite aux politiques de libéralisation, ils n’avaient aucune emprise sur les prix qui leur étaient imposés par les acheteurs, généralement des commerçants ambulants disposant de camions. L’impuissance des producteurs désorganisés face aux collecteurs de produits indélicats a été signalée à la mission dans d’autres régions visitées

Par ailleurs, les programmes de distribution d’intrants subventionnés ayant été abrogés, les paysans rencontrés ont déclaré ne pas être en mesure de se procurer les engrais, les semences améliorées, les produits phytosanitaires au prix du marché, car leur pouvoir d’achat, lié au prix du paddy, diminuait en tandem avec celui-ci. Par exemple, alors que le prix du paddy oscillait entre 450 MGA/kg et 500 MGA/kg dans les districts autour du lac Alaotra, les semences produites par l’Unité Agricole d’Anosiboribory se vendaient à 1500 MGA/kg. Des 500 tonnes de semences produites pour la campagne 2009/10, ce centre semencier privatisé n’en avait vendu que la moitié à ce prix, et comptait écouler le reste comme riz ordinaire à environ 600 MGA/kg.

Dans les districts rizicoles cependant, la vente du riz demeure le principal moyen de paiement des paysans: achat des produits de première nécessité, soins médicaux, habillement, éducation, dettes. S’agissant des dettes, elles sont souvent payées en nature à la récolte, d’où le terme de ‘riz vert’ désignant le moyen de paiement.

Par le passé, on a observé une hausse importante des prix de paddy en décembre-janvier, c’est-à-dire au milieu de la période de soudure. Mais dans certaines régions, l’arrivée sur le marché du riz de contre-saison récolté en novembre-janvier atténue la montée des prix pendant cette période. C’est le cas des zones au bord du lac Alaotra, où il n’y a pratiquement pas eu de soudure ces dernières années grâce au riz de contre-saison, pratiquée comme culture de décrue et dont le nombre de producteurs et les surfaces emblavées connaissent une forte croissance.

Dans les régions semi-arides du Sud où la soudure est vécue péniblement, la vente d’animaux d’élevage permet à ceux qui en possèdent de se procurer de la nourriture et des biens de première nécessité. Mais la campagne culturale 2009/10 dans ces régions a été marquée par l’arrivée tardive et l’insuffisance de pluies, provoquant des retards de semis et causant des pertes de récolte de l’ordre de 40-50 pour cent pour le maïs et le manioc dans certains districts. Au passage de la mission au mois de juillet 2010, les ménages rencontrés dans les districts de Tsihombe et de Beloha déclaraient ne plus avoir de réserves de denrées produites localement. Les marchés des vivres visités vendaient essentiellement des quantités limitées de riz importé, de maïs et de manioc provenant d’Ambovombe, la capitale régionale. Cette situation de pénurie a enclenché dès le mois d’octobre 2009 une envolée des prix, à l’exception du prix du riz importé, stabilisé en partie par les distributions de riz du PAM aux plus démunis, comme l’illustre le graphique 16 ci-dessous.

Graphique 16: Prix du maïs, riz et manioc à Tsihombe 2009/10

Après une augmentation de presque 100 pour cent depuis le mois d’octobre, le prix du maïs s’est stabilisé à 800 MGA/kg à partir du mois de février. Le prix du manioc frais a connu une évolution semblable, avec cependant un fléchissement d’environ 20 pour cent en mars-avril, pour après se stabiliser à environ 600 MGA/kg jusqu’au mois de juin. La stabilisation des prix à partir de février correspond au début (prématuré) de la récolte de manioc local, mais aussi à l’intensification de la distribution des vivres du PAM, selon son bureau à Tsihombe. Cependant, même stabilisés, les prix du manioc et du maïs étaient deux ou trois fois plus élevés en juin 2010 qu’en octobre 2009.

Pour acheter ces denrées de base devenues extrêmement chères, les ménages sont obligés de vendre leur bétail dont l’état est cachectique dans des conditions de stress, précipitant la chute des prix des animaux et de la viande. Il en a résulté une dégradation des termes de l’échange du bétail par rapport à certains produits comme le maïs, ainsi qu’il apparaît sur le graphique 17 ci-après.

Graphique 17: Termes de l’échange céréales/bétail à Tsihombe (2009/10)

Source: Bureau du PAM, Tsihombe

Les termes de l’échange riz- bétail sont restés relativement stables depuis novembre 2009 du fait notamment de la distribution du riz par le PAM aux plus démunis, ce qui a contribué à stabiliser le prix de cette denrée.

La légère reprise des cours du bétail amorcée au mois de mai est attribuable à la repousse des pâturages favorisée par les pluies consécutives au passage du cyclone Joël. Ceci a permis à certains éleveurs de garder plus facilement leurs troupeaux, réduisant par là l’offre du bétail sur le marché. Mais déjà bon nombre de ménages rencontrés par la mission ont déclaré avoir vendu 40-60 pour cent de leurs troupeaux pour acquérir de la nourriture et d’autres produits de première nécessité pendant la période de soudure.

Pour les familles possédant peu de bétail, les stratégies de survie comprenaient la consommation des produits de cueillette (fruits de cactus et de tamarinier, entre autres), la réduction du nombre de repas, souvent jusqu’à un seul par jour, la migration de membres actifs (généralement des jeunes) vers les grandes villes pour trouver du travail.

5. BILAN DE LA DEMANDE ET DE L’OFFRE DE CÉRÉALES 2010/11

Le bilan de l’offre et de la demande des céréales pour la campagne de commercialisation 2010/11, présenté au tableau 8, repose sur les hypothèses et conclusions ci-après:

Tableau 8: Bilan de l’offre et de la demande de céréales 2010/11 (avril/mars) en milliers de tonnes

  Blé Riz (usiné) Maïs Total céréales Tubercules*
Disponibilités intérieures 0 3 206 412 3 618 1 211
Production 0 3 206 412 3 618 1 211
Utilisation totale 123 3 286 412 3 821 1 211
Consommation alimentaire 123 2 733 277 3 132 851
Nutrition animale 0 0 62 62 44
Semences 0 91 11 102 0
Pertes 0 321 62 382 242
Exportations 0 20 0 20 0
Variation des stocks 0 122 0 122 74
Importations commerciales 123 80 0 203 0

Note: Total calculé à partir de chiffres non arrondis.

*Les tubercules –manioc et patate douce- sont convertis en équivalent céréale au taux de 0,3166 et 0,2808 respectivement

 

Le bilan dégage des surplus de 122 000 tonnes pour le riz et 74 000 tonnes pour les tubercules en équivalent céréale, qui devrait augmenter les niveaux des stocks à la fin de l’année commerciale. Normalement, une moindre quantité de riz est exporté chaque année, estimée à près de 20 000 tonnes.  . Les opérateurs privés importent normalement des quantités de riz variant entre 50 000 et 250 000 tonnes en fonction des disponibilités intérieures et les prix du riz importé. À signaler que malgré son prix relativement élevé, le riz importé se substitue utilement au riz local pendant la période de soudure; il a aussi, en temps normal, la faveur des ménagères pour ses qualités extensibles à la cuisson. Les importations commerciales de riz sont estimées à 80 000 tonnes en 2010/11.

Mais comme signalé antérieurement, la bonne performance du secteur agricole –notamment l’augmentation conséquente de la production rizicole- ne doit pas occulter les situations d’extrême précarité et de crise alimentaire que connaissent certaines parties du pays. Il s’agit particulièrement des régions du Sud-ouest (Menabe, Atsimo Andrefana, Androy, Ihorombe et Anosy où des pluies insuffisantes et mal réparties ont été préjudiciables au développement des cultures pendant la saison culturale 2009/10, et les régions de Vatovavy Fitovinany et Atsimo Atsinanana sur la côte orientale que le cyclone Hubert a frappées en mars 2010, causant des dégâts humains et matériels considérables, notamment la réduction de moitié de la production rizicole.

Les observations et enquêtes de la Mission, les conclusions du rapport d’évaluation de campagne agricole 2010 par le ministère de l’Agriculture, les bulletins mensuels de l’Observatoire du riz, tous attirent l’attention sur la nécessité urgente de prendre et/ou d’intensifier les mesures nécessaires pour atténuer l’insécurité alimentaire dans ces régions. Ces mesures comprennent les interventions d’urgence telles que l’aide alimentaire aux plus démunis, la fourniture d’intrants aux agriculteurs pour leur permette de maintenir ou, mieux, d’accroître la production alimentaire, l’éradication des maladies et ennemis des plantes et d’animaux d’élevage.

Parallèlement doivent être engagées des activités de réhabilitation et de reconstruction afin de pérenniser les acquis des interventions d’urgence. À cet égard sont cités la réhabilitation des infrastructures hydro-agricoles pour la maîtrise de l’eau, la réfection des routes de desserte et la construction des greniers villageois, la production des semences au niveau des districts et communes par des associations villageoises, et le renforcement de ces associations en vue de favoriser leur auto-prise en charge.

6. SITUATION ALIMENTAIRE ET NUTRITIONNELLE

Une situation alimentaire proche de la normale était anticipée en Juillet cette année2 à Madagascar du fait de la stabilité des niveaux de récoltes des cultures vivrières et le nombre limité de cyclone ayant touché les côtes3, quand bien même les perspectives de la saison principale de riz et autres cultures dans le grand sud étaient encore incertaines et faisaient douter de la situation alimentaire durant la prochaine période de soudure dans le Sud de l’île.

Cette mission a été une nouvelle fois l’occasion de visiter un certains nombres de régions (les régions rizicoles du centre et du nord (Lac Alaotra, Vakinankaratra, Sofia), les régions de l’Est classiquement affectées par les cyclones (Atsinanana) ainsi que les régions du sud classiquement affectées par la sécheresse (Androy, Anosy, Atsimo Andrefana) et d’interviewer quelques 2000 ménages. Au total, 2091 ménages répartis dans 3 catégories de district ont été enquêtés. Ces interviews ont couvert aussi bien la production alimentaire, les marchés que les revenus, la situation alimentaire et les perspectives de récolte. Cette phase de l’évaluation s’est déroulée du 13 au 31 juillet 2010.

6.1 Sources de revenu et moyens de subsistance des ménages

L’agriculture et l’élevage de subsistance sont logiquement les activités économiques les plus répandues en zone rurale. Comme dans la plupart des pays en voie de développement le secteur agricole malgache reste encore dominé par des pratiques culturales de type extensif fortement dépendant des aléas climatiques.

Les cinq principales sources de subsistance citées par les ménages interviewés par la mission sont, sans surprise, les ventes de produits agricoles (53 pour cent), les ventes d’animaux (28 pour cent), les travaux ouvriers/journaliers  (26 pour cent), le secteur informel  (23 pour cent) et le secteur informel des services (14 pour cent).

Pour la majorité des régions, la principale activité est la vente de produits agricoles sauf dans l’Androy, où c’est la vente d’animaux, et dans Vatovavy Fitovinany où ce sont les travaux ouvriers/journaliers. Alaotra Mangoro a le revenu moyen et médian le plus élevé car il bénéficie des revenus de la récolte de riz.

Il est intéressant aussi de noter qu’en terme de montant, les salariés en retraite, suivis des fonctionnaires/ salariés et des personnes bénéficiant de pensions/ retraites gagnent le plus (en terme de revenu monétaires), revenus respectivement estimés a 34,375 MGA/ mois, 31,389 MGA/ mois et 20,833 MGA/ mois.

La mission s’est aussi intéressée à l’évolution des revenus (telle que perçue par les ménages interviewés) : 16 pour cent seulement des ménages ont déclaré une hausse de leur revenu, 58 pour cent ont reporté une baisse et 26 pour cent ont vu leur revenu inchangé. La principale source de revenu qui a enregistré le plus de hausse est « la vente de produits maraîchers». Le revenu des «fonctionnaires et des salariés du secteur privé et ONG » ont plutôt stagné. Au contraire, beaucoup de « vendeurs d’animaux » (70 pour cent) et d’« ouvrier/journalier » ont constaté une baisse de leur revenu.

Au niveau régional, les ménages du Sud-Ouest ont déclaré une baisse de leur revenu par rapport à juillet 2009 : 86 pour cent des ménages d’Atsimo Andrefana, 82 pour cent à Androy et 81 pour cent à Atsimo Atsinanana. La hausse de revenu, en revanche, est souvent citée dans la partie Nord : à Sofia (35 pour cent), à Sava (32 pour cent) et à Alaotra Mangoro (25 pour cent).

Au niveau district, plus de 90 pour cent des ménages de Betioky Sud, d’Ampanihy et de Tsihombe ont déclaré une baisse de revenu, 89 pour cent à Vohipeno et 87 pour cent à Morombe et Beloha. La hausse de revenu, en revanche, est souvent citée à Andapa (38 pour cent), à Mandritsara (37 pour cent) et à Bealanana (35 pour cent).

Carte 2: Revenus des ménages

6.2 La situation alimentaire au moment de la mission

La diversité du régime alimentaire et la fréquence de consommation sont utilisées ici comme mesure Proxy de la consommation alimentaire et de la sécurité alimentaire des ménages.

Les données sur la consommation alimentaire sont analysées suivant la méthodologie standard du PAM. En combinant la diversité alimentaire à la valeur nutritionnelle de chacun de ces groupes consommés, un score de consommation est calculé pour chaque ménage. Un profil de consommation des ménages sera ensuite établi à l’aide de ce score : ménage à profil alimentaire « pauvre » s’il a un score inférieur à 21, « modéré » s’il a un score compris entre 21 et 35, et « acceptable » si son score est supérieur à 35. Pour l’ensemble des ménages enquêtés en 2010, 18 pour cent ont un profil de consommation « pauvre », 41 pour cent de profil « limite » et 41 pour cent de profil « acceptable ». La proportion de ménages classés comme ayant une consommation « pauvre » et « limites » a connu une hausse comparée à celle de 2009.

Graphique 18: Comparaison pourcentage de ménages par profil de consommation

Les ménages qui ont un profil de consommation « pauvre » basent leur alimentation sur le manioc 5 jours par semaine, du riz 3 jours par semaine et des légumes 3 jours par semaine. Ce régime alimentaire ne satisfait pas les besoins nutritionnels minimum et révèle la situation d’insécurité alimentaire des ménages concernés. Par contre, les ménages qui ont un profil de consommation « limite » consomme assez souvent du riz (6 fois par semaine en moyenne), du manioc, des légumes et du sucre un jour sur deux. Ils mettent rarement de l’huile dans leur repas et prennent une fois par semaine des protides (légumineuses ou viande). Ceux qui ont un profil de consommation « acceptable » mangent du riz tous les jours et des légumes 5 jours par semaine. Ils consomment régulièrement de l’huile et du sucre (5 fois en une semaine) et de la viande et du manioc (3 fois par semaine).

Au niveau des régions, Vatovavy Fitovinany a le pourcentage de ménages où le profil de consommation « pauvre » est le plus élevé. Alaotra Mangoro a la meilleure consommation alimentaire avec 82 pour cent de ménage ayant un profil « acceptable ». La consommation semble acceptable dans les régions d’Atsinanana et de Vakinankaratra. Cette situation est liée à un accès plus facile aux produits agricoles de base (céréales, tubercules) ainsi qu’aux aliments pouvant apporter des protéines animales ou végétales (poisson, volailles, légumineuses).

Graphique 19: Profils de consommation alimentaire des ménages

Au niveau des districts, la grande majorité des ménages du district de Nosy Varika a un profil de consommation « pauvre ». De même, dans le district de Beloha, la plupart des ménages sont dans cette catégorie de « pauvre ». Le district d’Ambovombe a aussi une partie non négligeable de ménages appartenant à ce groupe, dans la même catégorie se trouvent Tsihombe et Mananjary. En revanche, une grande partie des ménages des districts de la partie Est de Madagascar sont dans la catégorie « acceptable » : tel Ambatondrazaka, Amparafaravola, Vatomandry et Toamasina II.

Carte 3: Profils de consommation alimentaire des ménages

Les ménages dont le chef est une femme ont plus de chance d’appartenir à la classe de consommation « pauvre » que les ménages dirigés par les hommes. De même pour les ménages qui ont subi un choc au niveau des activités agricoles. En dernier lieu, les ménages à profil « acceptable » ont un revenu mensuel par tête significativement supérieur aux ménages des autres profils « limite ou pauvre ».

Même s’il s’agit de milieu rural, les aliments consommés durant la semaine précédant l’enquête proviennent principalement des achats en route (dans les petites échoppes ou au marché), des achats dans les magasins principaux et en dernier ressort de la propre production du ménage.

Durant la semaine précédant l’enquête, les ménages d’Atsimo Atsinanana et d’Atsimo Andrefana se procurent des aliments principalement par des achats. Ceux de Sava, de Vakinakaratra et d’Anosy tirent leurs aliments de leur propre production. Habituellement, plus de la moitié des aliments que consomment les ménages d’Androy proviennent de ce qu’ils produisent en cette période, mais cette année, une semaine avant l’enquête la moitié des aliments proviennent plutôt de l’aide alimentaire et une partie non négligeable provient des crédits, de la chasse/pêche ou de cueillette. Nous pouvons également remarquer à l’aide du graphique ci-dessous, la diminution, par rapport à la normale, des aliments issus de la propre production qui sont consommés durant la semaine précédant l’enquête dans les régions Atsimo Andrefana, Atsimo Atsinanana et Vatovavy fitovinany.

Graphique 20: Sources des aliments consommés par les ménages

6.3 Les perspectives de la période de soudure

Beaucoup de ménages, notamment ceux du Sud et du Sud Est du pays, risquent de faire face à une période de soudure difficile. Les facteurs de risque concernent particulièrement la hausse des prix dans les prochains mois dans un contexte de faible résilience,- faible pouvoir d’achat et faible production de contre-saison.

En effet, la majorité des ménages de ces zones estime que les récoltes de cette année sont moins bonnes que celles de l’an passé. Leur stock d’aliments provenant de la propre production dure en moyenne un peu plus 4 mois dans la zone à fort risque de cyclone et 3 mois dans la zone sujette à la sècheresse. Malgré cela, beaucoup d’entre eux prévoient de faire la culture contre-saison. Mais, bien que les cultures de contre-saison n’affichent pas de besoin direct de pluie, leur succès dépend du niveau de stock d’eau retenue de la saison pluvieuse pour humidifier ou irriguer les parcelles. Ainsi, vu le déficit hydrique qui a sévi dans le Sud, la perspective d’une bonne récolte de contre-saison est aléatoire.

De plus, depuis les dernières récoltes, près de la moitié de ménages se sont endettées et, au moment de l’enquête, la majorité n’a pas commencé à rembourser. Posséder du bétail fait partie des stratégies de gestion de risque dans la région. La plupart des ménages qui ont vendu une partie de leur capital bétail durant la période de soudure de l’année dernière et en début d’année cherchent actuellement à le reconstituer.

En ce qui concerne les prix sur le marché au mois de juin, ceux-ci affichaient un niveau général plus élevé que l’an passé. Les prix des céréales et des tubercules, par exemple, ont légèrement augmenté. Le prix du kilo de maïs a augmenté d’environ 24 pour cent passant de 422 MGA en juin 2009 à 515 MGA en juin 2010. De même, le prix du riz est passé de 1 107 MGA/kg en juin 2009 à 1170 MGA en juin 2010, soit une hausse de 6 pour cent. Quant aux tubercules, le manioc a connu une hausse de prix de l’ordre de 7 pour cent passant de 562 MGA/kg en juin 2009 à 600 MGA en juin 2010 ; tandis que le prix de la patate douce a baissé de 15 pour cent.

À l’inverse des prix des céréales, ceux des animaux d’élevage, notamment du mouton et du bovin, quant à eux, ont baissé pouvant ainsi détériorer momentanément les termes de l’échange des éléveurs. Le prix de la chèvre, en revanche, est légèrement supérieur à celui de l’an dernier.

Graphique 21: Évolution des prix dans la zone SAP

Source: Données SAP et (*) prévisions pour Décembre 2010

Au moment de son passage, la mission a toutefois noté un niveau d’approvisionnement acceptable des marchés en céréales et en tubercules; surtout ceux d’Ambovombe et d’Amboasry. Ces districts exportent leur surplus vers d’autres districts de la région.

6.4 Situation nutritionnelle

Les évaluations conduites dans le sud du pays dans les 3 districts de la région d’Anosy et dans 2 districts de la région d’Androy depuis Avril 2009, selon la méthodologie SMART par l’UNICEF et l’ONN, ont montré que l’état nutritionnel de la population s’est significativement amélioré dans ces cinq districts en Avril 2010 comparé à Avril 2009. La prévalence de la malnutrition aiguë globale est passée de 14,5 pour cent à 8,7 pour cent à Anosy et de 10,9 pour cent à 7,2 pour cent à Androy. Quelques soit les références (OMS ou NCHS), ces taux sont inférieurs au seuil d’alerte de 10 pour cent. Quant à la malnutrition aiguë sévère, elle aurait touché environ 3 pour cent des enfants dans les districts enquêtés à Anosy en Avril 2009 contre 1 pour cent seulement en Avril 2010. Dans les districts enquêtés à Androy par ailleurs, ce taux était de 1,5 pour cent en avril 2009 et de 1,7 pour cent en Avril 2010. La différence n’est pas très significative. Cette situation nutritionnelle d’Avril 2010 ne diffère pas significativement de celle de novembre 2009, mais s’avère meilleure comparée à Avril 2009. Cependant, elle reste à surveiller de près car elle reste toujours à risque.

Graphique 22: Taux de malnutrition aigüe globale dans les régions d’Anosy et d’Androy*

* référence NCHS 1977

Sur le plan national, l’Enquête démographique et de santé de 2008/09 a montré que la moitié des enfants malgaches de moins de 5 ans  accusent un retard de croissance: 24 pour cent sous la forme modérée et 26 pour cent sous la forme sévère. Cette proportion a peu changé comparée à 2003/04. La malnutrition demeure donc un probléme majeur qui affecte le développement du pays. La proportion d’enfants souffrant de malnutrition chronique varie de manière sensible avec le niveau d’instruction de la mère et en fonction du niveau socio-économique du ménage dans lequel vit l’enfant. La prévalence du retard de croissance présente des variations selon le milieu et la région de résidence : plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain, maximale à Amoron’i Mania et minimale à Betsiboka. La forme sévère est élevée dans les régions d’Amoron’i Mania et d’Anosy.

Au nombre des facteurs évoqués dans l’explication de la malnutrition, figurent les habitudes alimentaires, les phénomènes culturels, l’accès à l’eau et aux soins de santé de base, le niveau d’éducation de la mère, etc. L’alimentation de la majorité de la population malgache est basée sur le riz et très souvent les compléments nutritionnels sont absents du régime alimentaire. Il fournit plus de la moitié de la valeur énergétique des aliments consommés par les ménages. Cette proportion atteint 60 pour cent pour les ménages urbains pauvres. Le manioc constitue le deuxième aliment de base des ménages malgaches après le riz et contribue pour environ 14 pour cent de la valeur calorifique des aliments consommés par les ménages sur le plan national. Il est essentiellement consommé en milieu rural et par les ménages pauvres urbains et constitue en quelque sorte « la nourrriture des pauvres ». Les conditions de préparation des repas sont également mises en doute en l’occurrence dans les régions réculées où le problème d’accès à l’eau potable et le poids des interdits (fady) se posent encore avec accuité. La forte croissance démographique, les naissances rapprochées ainsi que le bas niveau d’instruction des mères constituent d’autres facteurs de risque qui affectent la sécurité alimentaire et nutritionnelle des enfants. La dégradation des infrastructures ou l’absence des services publics de base tels que l’éducation et la santé constituent également une autre dimension dans l’explication du phénomène. S’il est difficile d’établir une hiérarchisation des causes de la malnutrition des enfants de moins de 5 ans à Madagascar, la pauvreté y contribue pour beaucoup. Le taux de croissance économique négatif de 2009 a anéanti les efforts de ces dernières années à la réduction de la pauvreté dans la grande île. Cette année 2010, beaucoup d’institutions prévoient une croissance autour de zéro, ce qui n’améliore pas la situation.

6.5 Description par la mission de la situation d’insécurité alimentaire 2009/10

Le tableau ci-dessous donne les pourcentages de ménages en insécurité alimentaire dans les différentes zones enquêtées au cours de la phase de collecte des données primaires de la mission. Au total, 2091 ménages répartis dans 3 catégories de district ont été enquêtés. L’analyse des résultats est basée sur la combinaison des indicateurs de consommation alimentaire et d’accès économique à la nourriture (sources de revenu, niveau de revenu et de stocks d’aliments disponibles).

Les ménages classés en l’insécurité alimentaire sévère (IAS) sont ceux qui ont généralement un score de consommation faible. Ces ménages ont un accès très limité aux aliments avec de sources de revenu moins stable (ventes de produits vivriers, travail agricole, pêche...) et un faible niveau de revenu (moins de 5 000 MGA par tête par mois), ou ayant un stock d'aliments de base venant de la propore production éphémère, qui dure moins de 3 mois. Les ménages classés en insécurité alimentaire modérée (IAM), quant à eux, sont ceux qui ont généralement un score de consommation limite. Ces ménages mangent en moyenne 3 fois par jour. Ils n'ont pas de problèmes majeurs d'accès: source de revenu assez stable (emplois indépendants, petit commerce) mais un revenu mensuel par tête faible (entre 5 000 et 22 000 MGA), ou ayant un stock d'aliments de base venant de la propore production qui dure entre 3 et 6 mois. Enfin, les ménages classés en Sécurite Alimentaire (SA) sont ceux qui ont un score de consommation acceptable. Ils mangent en moyenne 3 fois par jour. Ces ménages n'ont aucun problème d'accès aux aliments

Dans l’ensemble, les résultats révèlent que près de 7 ménages sur 10 sont en insécurité alimentaire. Comparé à 2009, ce taux n’a pas changé; par contre, une légère hausse de l’insécurité alimentaire sévère de 6 points a été constatée; tandis que l’insécurité alimentaire modérée a baissé de 5 points. Comme en 2009, ces taux sont beaucoup plus élevés dans les zones à risque de sécheresse (partie Sud du pays) et dans les zones à risque de cyclone et inondation (partie Est et Sud-Est du pays). En effet, un peu plus de 8 ménages sur 10 enquêtés dans ces zones sont en situation d’insécurité alimentaire. Ces résultats montrent que l’insécurité alimentaire affecte de manière chronique une grande partie de la population malgache. Deux raisons majeures peuvent expliquer cette situation dans le Sud du pays. La première est d’ordre climatique où plus précisément pluviométrique. En effet, depuis au moins une dizaine d’années, et ce de manière régulière, la Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT) n’arrive plus à descendre suffisamment vers le Sud pour apporter la pluie en saison estivale. La seconde raison est d’ordre économique : la presque totalité de la population est agricole et pourtant il n’y a pas à proprement parler d’infrastructure hydroagricole en mesure de répondre au besoin en matière d’irrigation, par exemple.

Tableau 9: Pourcentage des ménages en insécurité alimentaire dans les différentes zones enquêtées

Zones Insécurité alimentaire sévère Insécurité alimentaire modérée Insécurité alimentaire sévère et modérée
  2009 (pourcentage) 2010 (pourcentage) 2009 (pourcentage) 2010 (pourcentage) 2009 (pourcentage) 2010 (pourcentage)
Zones à risque de sécheresse 42 63 40 22 82 85
Zone à risque de cyclone et inondation 41 44 34 38 75 81
Zones de production rizicole 10 15 41 33 51 47
Total échantillon 32 38 38 33 70 71

La hausse d’insécurité alimentaire sévère dans le Sud et le Sud-Est s’explique surtout par l’augmentation de la proportion de ménages qui consomment des aliments à faible poids nutritionnel. Leur régime est essentiellement basé sur le manioc et les légumes vertes (feuilles sauvages) ou les fruits (pastèques, cactus). Une baisse du revenu moyen a été également constaté dans ces zones (sauf dans une partie de la région d’Atsimo Andrefana du côté de Tulear II et Benenitra où le niveau de l’an dernier est maintenu). Ceci est lié à la détérioration des termes de l’échange des éléveurs due à la baisse des prix des animaux d’élevage, car la vente de bétail constitue l’une des principales sources de revenu des ménages du Sud. De ce fait, la proportion de ménages ayant subis des chocs agricoles reste au même niveau que l’an passé. Toutefois, la sévérité des chocs est plus élevée dans certains districts. Par contre, plus de ménages ont subis de chocs économiques (baisse du revenu ou perte de source de revenu, hausse de prix) ou de chocs sanitaires (décès, maladie ou hausse de prix des services sanitaires) surtout sur la côte Sud-Est.

Carte 4: Taux d’insécurité alimentaire sévère

Face à ces chocs, les stratégies adoptées par les ménages pour se procurer assez de nourritures sont variées. Ceux qui sont en insécurité alimentaire sévère diminuent leur nombre de repas par jour, ou leur ratio journalier ou encore la diversité des aliments qu’ils consomment. Ce qui aggrave de plus en plus leur cas car cela affaiblit davantage leur score de consommation. Les ménages en insécurité alimentaire moderée, par contre, adoptent la stratégie d’acheter des aliments moins chers mais moins préférés pour survivre.

Conformément aux résultats de l’enquête, le pronostic du SAP prévoit des difficultés alimentaires assez importantes dans le sud durant le dernier trimsestre de cette année 2010. En effet, 53 communes de la zone SAP (soit la moitié des communes que le système suit) seront en difficulté alimentaire pour la prochaine soudure : 10 communes seront en difficulté alimentaire très aigüe (la majorité se trouvent dans les districts d’Ampanihy Ouest et Betioky Sud), 42 seront en difficulté alimentaire et 7 en difficulté alimentaire localisée.

Le nombre de population par zone qui pourrait être affectée par l’insécurité alimentaire est éstimé dans le tableau qui suit.

Tableau 10: Estimation du nombre de personnes en insécurité alimentaire dans les zones enquêtées*

Zones Insécurité alimentaire sévère Insécurité alimentaire modérée Insécurité alimentaire sévère et modérée
Zones à risque de sécheresse 967 000 339 000 1 306 000
Zone à risque de cyclone et inondation 1 287 000 1 116 000 2 403 000
Zones de production rizicole 331 000 744 000 1 075 000
Total 2 585 000 2 199 000 4 784 000
* Par application des taux d’insécurité alimentaire sur la population par district de l’INSTAT 2008/09.

Compte tenu du maintien du haut niveau d’insécurité alimentaire dans les zones à risque, la mission estime que l’aide alimentaire ciblée sur les populations les plus vulnérables notamment les enfants, les femmes enceintes et allaitantes ainsi que les personnes les plus démunies est toujours nécéssaire pour la prochaine soudure qui commençe dès le mois de septembre pour certains districts (Cas de Ampanihy et Vohipeno). On peut également cibler les ménages à très faible profile de consommation pour des activités de « vivres-contre-travail » : ménages dont le chef est une femme ou dont le chef est âgé, ménages de grande taille, ménages vulnérables avec des malades chroniques, ménages pauvres (chroniquement en insécurité alimentaire, très faible revenu).

Cependant, d’autres activités comme la vulgarisation agricole sont également à prévoir pour pouvoir protéger les prochaines cultures de contre-saison contre toutes intempéries qui risquent de les vouer à l’échec. Ces cultures sont très importantes pour l’atténuation de la prochaine soudure. Des activités de « cash for work » peuvent également être envisager là ou les marchés fonctionnent afin de relever le revenu des populations et leur permettrent d’avoir plus d’accès aux nourritures. Les activités d’éducation nutrionnelle sont aussi à renforcer pour permettre aux populations d’avoir une alimentation adéquate à partir des aliments qui sont disponibles dans leur région. Des sensibilisations à la diversification de revenu peuvent aussi avoir des effets positifs sur la sécurité alimentaire, notamment la promotion des activités liées à la pêche.

7. PRINCIPALES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Comme souligné antérieurement, la bonne performance relative du secteur agricole malgache ne doit pas occulter le fait que les régions du Sud-ouest (Menabe, Atsimo Andrefana, Androy, Ihorombe et Anosy principalement) ont accusé un déficit de précipitations de surcroît mal réparties, qui ont réduit à plus de 40 pour cent la production de riz , alors que des inondations consécutives au cyclone Hubert détruisaient près de 70 pour cent de la récolte de riz dans les régions orientales d’Atsinanana, de Vatovavy-Fitovinany et d’Atsimo-Atsinanana. Dans ces régions sujettes à la sécheresse ou aux cyclones, plus de 80 pour cent des ménages enquêtés (représentant environ 3 710 000 personnes) ont connu une baisse drastique de leurs revenus et sont ainsi affectés par l’insécurité alimentaire en 2010. Près de 60 pour cent de ces ménages (soit 2 253 000 personnes) sont frappés par l’insécurité alimentaire aiguë car gagnant moins de 5 000 MGA par mois et ayant moins de 3 mois de réserves alimentaires provenant de leur propre production.

L’enquête relève également que dans les grandes zones rizicoles, environ 1 075 000 de personnes sont touchées par l’insécurité alimentaire, dont plus de 331 000 par l’insécurité alimentaire sévère.

Ainsi, la mission estime à environ 68 000 tonnes de céréales les besoins des populations en insécurité alimentaires sévères en 2010-2011 dans les zones à risque cyclonique du Sud Est et à risque de sécheresse du Sud, parmi lesquels 58 000 tonnes serait administrés par Distribution Ciblée et 10 000 tonnes par VCT. Il faudrait ajouter à cela 10 000 tonnes de légumineuses et 800 tonnes d’huile alimentaire pour compléter les aliments de certains groupes les plus vulnérables (femmes enceintes, malades chroniques….).

Outre les aléas climatiques, les ennemis et maladies des plantes causent aussi des dégâts considérables à l’agriculture. Dans la région d’Anosy, dans le district d’Amboasary et dans la partie ouest du district de Taolagnaro, la mission a constaté des ravages causés par les criquets migrateurs lors de son passage au mois de juillet. De même, la pyriculariose, dont la présence a été notée dans les régions visitées, menace d’anéantir la riziculture.

Dans les périmètres rizicoles inondés, la vétusté des infrastructures hydro-agricoles, le manque d’entretien et l’absence de barrages de rétention favorisent l’ensablement des terres cultivables, alors que l’érosion qu’accélère la déforestation, sape la fertilité du sol.

L’insuffisance des pâturages et des soins vétérinaires entrave le développement de l’élevage dans l’ensemble des régions visitées.

La faiblesse des services de vulgarisation, la non disponibilité ou la cherté d’intrants performants tels que les semences améliorées et les engrais, le manque de structures de financement susceptibles de faciliter l’achat des intrants et équipements nécessaires, l’inexistence ou la faiblesse des organisations paysannes sont autant de facteurs qui brident la productivité agricole dans les localités couvertes par la mission.

Au vu de ce qui précède, la mission souligne la nécessité urgente de prendre et/ou d’intensifier les mesures nécessaires pour atténuer l’insécurité alimentaire dans les régions durement touchées par les cataclysmes climatiques et autres fléaux comme indiqué plus haut. Ces mesures comprennent les interventions d’urgence telles l’aide alimentaire ciblant les populations les plus vulnérables notamment les enfants, les femmes enceintes et allaitantes ainsi que les personnes les plus démunies y compris les ménages à très faible profile de consommation pour des activités de « Vivres-contre-travail », ainsi que les ménages dont le chef est une femme ou dont le chef est âgé, les ménages de grande taille, les ménages vulnérables avec des malades chroniques. Des activités de « Cash For Work » peuvent également être envisagé là ou les marchés fonctionnent afin de relever le revenu des populations et leur permettrent d’avoir plus d’accès aux nourritures. Les activités d’éducation nutrionnelle sont aussi à renforcer pour permettre aux populations d’avoir une alimentation adéquate à partir des aliments qui sont disponibles dans leur région. La fourniture d’intrants aux agriculteurs pour leur permettre de maintenir ou mieux, d’accroître la production alimentaire, l’éradication des maladies et ennemis des plantes et des animaux d’élevage constitue également un volet essentiel des opérations d’urgence. À ce sujet, la lutte antiacridienne dans le Sud doit retenir une attention particulière.

Parallèlement doivent être engagées des activités de réhabilitation ou de reconstruction afin de pérenniser les acquis des interventions d’urgence. À cet égard sont cités la réhabilitation et l’extension des infrastructures hydro-agricoles pour la maîtrise de l’eau et la récupération des terres arables, la réfection des routes de desserte et la construction des greniers villageois, la production des semences au niveau des districts et communes par des associations villageoises, le renforcement des institutions de micro-finance pour faciliter l’acquisition des intrants, la promotion de l’agriculture de conservation et des cultures de contre-saison avec diversification des spéculations, le renforcement des services de vulgarisation ainsi que des associations villageoises en vue de favoriser leur auto-prise en charge. Toutes ces mesures visent l’accroissement de la productivité et des revenus des agriculteurs, permettant à ces derniers de tirer davantage parti de l’amélioration des circuits de commercialisation qui en résulterait.

Dans cette perspective, la mission recommande que, nonobstant la crise politique que connaît le pays, ses partenaires au développement libèrent les fonds nécessaires pour relancer les projets du secteur agricole et rural. Cette recommandation est fondée sur le fait que l’économie malgache, fortement affaiblie par la crise politique dont les conséquences ont exacerbé la pauvreté de millions de citoyens, a jusqu’à présent évité l’effondrement total grâce à la bonne tenue du secteur agricole. Il importe par conséquent de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour éviter la dégradation de l’agriculture et favoriser sa relance. Par ailleurs, négliger longtemps l’agriculture et la façon dont elle est conduite accroîtrait considérablement la dégradation de l’écosystème malgache avec sa faune et sa flore considérées comme patrimoine de l’humanité.

Le présent rapport a été établi par Benjamin Badjeck (FAO) et Maherisoa Rakotonirainy(PAM) sous la responsabilité des secrétariats de la FAO et du PAM à partir d’informations officielles et officieuses. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s’adresser aux soussignés pour un complément d’informations le cas échéant.

Liliana Balbi
Chef d'équipe, SMIAR, FAO
Télécopie: 0039-06-5705-4495
Courriel: [email protected]

Mustapha Darboe
Directeur régional
PAM, OMJ

Télécopie: 0027-11-5171642
Courriel: [email protected]

Veuillez noter qu’il est possible d’obtenir le présent Rapport spécial sur le site Internet de la FAO (www.fao.org) à l'adresse suivante: http://www.fao.org/giews//

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1. World Bank (July 2010) : Madagascar Economic Update

2. Évaluation de la campagne 2009/10, Dispositif SNIA, Exploitation des données du système d’information régional, Antananarivo, Juillet 2010.

3. Seule la tempête tropicale Hubert a frappé la région Sud-est et a dévasté bon nombre d’infrastructures et de cultures.