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Que vaut l'enseignement forestier d'aujourd'hui?

Marc J. Dourojeanni

Marc J. Dourojeanni est professeur à la faculté des sciences forestières de l'Université nationale agronomique de La Molina (Pérou) et professeur invité à la faculté forestière de l'Université de Toronto (Canada). Le présent article est adapté d'un document présenté au 9° Congrès forestier mondial, qui s'est tenu a Mexico du 1er au 10 juillet 1985.

COURS DE DENDROLOGIE EN ÉQUATEUR un enseignement aussi large que possible

Cet article se propose d'examiner les questions qui se rapportent, d'une part, à l'enseignement académique - études universitaires et techniques et, dans une certaine mesure, primaires et secondaires - et, d'autre part, à l'éducation extrascolaire - formation, vulgarisation et sensibilisation. Comme chaque thème sera traité d'une manière générale, les indications données ne refléteront pas forcément la situation réelle de chaque pays. Néanmoins, les tendances ou les exceptions les plus notables seront relevées. Bien que ne citant pas de références, l'auteur s'est largement inspiré dans cet article des rapports des réunions du Comité consultatif de l'enseignement forestier de la FAO et d'autres documents que la FAO a eu l'amabilité de mettre à sa disposition.

Problèmes actuels

Priorités erronées. On a très souvent tendance à considérer l'enseignement universitaire, c'est-à-dire la préparation des cadres, comme primant sur l'ensemble des activités que recouvre l'éducation forestière.

Or l'objet principal de l'éducation forestière doit être de faire prendre conscience au grand public de la valeur sociale et de l'utilisation rationnelle des ressources naturelles du secteur forestier, aussi bien par le biais de l'école et de l'université en général que par l'intermédiaire des médias. Il est tout aussi important d'inculquer aux populations actives rurales, par la vulgarisation forestière, les connaissances nécessaires pour bien gérer leurs ressources forestières. Pourtant, jusqu'à ce jour, la sensibilisation des masses et la vulgarisation forestière n'ont pas bénéficié de la part du secteur forestier de l'intérêt et de l'appui qu'elles méritent. Ce que l'on privilégie c'est la formation de niveau supérieur, et notamment universitaire.

La foresterie mondiale a ainsi perdu l'occasion de susciter l'appui politique dont elle a désespérément besoin, entre autres raisons parce que beaucoup de ses objectifs sont à long terme. Elle a également manqué son but dans les campagnes, où la grande majorité des ruraux demeure indifférente à la forêt ou ignorante des bienfaits qu'elle pourrait en tirer.

Déséquilibre croissant entre niveau ingénieur et niveau technicien. Il faut bien reconnaître que ces 20 dernières années de grands progrès ont été faits dans la formation d'ingénieurs et de techniciens et leur préparation à des tâches spécialisées. Un certain nombre de nouvelles facultés forestières et de nouveaux programmes d'études supérieures, ainsi que des dizaines de milliers d'étudiants et de jeunes forestiers diplômés, en témoignent.

De même, bien que dans une mesure beaucoup plus modeste, de nouvelles écoles techniques ont été créées, et les établissements existants ont continué de fonctionner activement. Malgré cela, le déséquilibre entre niveau ingénieur et niveau technicien ou cadre moyen s'est accru, en particulier mais non uniquement dans les pays les moins avancés. Le décalage le plus marqué est le fait de l'Amérique latine, où en 1978 il y avait presque trois ingénieurs pour un technicien, et cette proportion a manifestement encore augmenté ces dernières années. A l'autre extrême se trouve l'Afrique, où la pénurie d'ingénieurs forestiers reste extrêmement aiguë dans de nombreux pays. D'autres continents ou régions présentent un meilleur équilibre, mais, à l'exception d'un petit nombre de pays, la proportion entre ingénieurs et techniciens n'est pas satisfaisante. Même dans les pays développés, il arrive fréquemment que des titulaires de diplômes supérieurs accomplissent des tâches normalement dévolues à des techniciens de niveau moyen quoique, en l'occurrence, cela tienne principalement au manque de postes correspondant à leurs aptitudes.

Le grand objectif manqué au 20e siècle est l'aménagement des forêts naturelles. La preuve en est donnée par les forêts tropicales, dont la superficie s'amenuise dramatiquement d'année en année sans que personne y gagne vraiment. Cela vaut aussi pour la plupart des forêts naturelles exploitées dans les pays tempérés, notamment dans la partie européenne de l'Union soviétique et en Amérique du Nord, où la dégradation des ressources forestières est palpable. Si ces ressources sont aussi capitales pour l'humanité que le disent les forestiers, cette situation ne devrait pas exister. L'importance économique et sociale aussi bien qu'écologique du patrimoine forestier mondial n'étant pas mise en doute, ce qui arrive est de la faute d'une profession qui n'a pas su établir de meilleurs liens avec la société. Les grandes et belles idées sur l'utilisation multiple de la forêt, la forêt au service de l'homme, et autres du même genre, n'ont guère eu de retentissement sur la profession forestière ni sur les ressources qu'elle administre.

Foresterie et conservation: des routes divergentes?

Les forestiers, surtout ceux d'Europe continentale et d'Amérique latine, se sont depuis toujours sentis responsables de la conservation de la nature et de ses ressources, et les services forestiers de ces régions sont également chargés des aires protégées, de la faune sauvage et parfois même de la conservation des sols et des eaux. Cependant, il n'en reste pas moins vrai que même là, comme dans le reste du monde, la conservation a toujours été considérée par les forestiers comme un aspect secondaire de la profession, si bien qu'une grande part de leurs responsabilités dans ces domaines est peu à peu passée en d'autres mains. Le travail non négligeable qui a été accompli à cet égard ces 20 dernières années est dû davantage à l'enthousiasme de particuliers qu'à une action délibérée de la part des administrations forestières. Cette attitude des forestiers a fortement contribué à réduire l'impact social de la foresterie dans un monde où les préoccupations écologiques se font rapidement de plus en plus vives.

A cela s'ajoutent les problèmes qui touchent tous les aspects de l'éducation forestière. Le premier est la qualification souvent inadéquate des techniciens, parce que leur formation est très théorique, au point de n'être parfois qu'une pâle réplique de la formation universitaire. Ce problème est particulièrement grave en Amérique latine. D'autres techniciens, notamment ceux qui exercent des activités de surveillance (gardes forestiers, gardes de parcs, gardes-chasse), reçoivent en général une formation de trop courte durée, de quelques mois ou parfois moins, qui est loin de leur donner les éléments théoriques et pratiques suffisants pour mener à bien leurs tâches. Cette lacune est particulièrement sensible lorsque ces fonctions sont exercées en totalité ou en partie par des préposés armés ou par des forces de police, comme c'est le cas notamment au Venezuela, au Pérou et au Brésil. Il faut dire néanmoins que le niveau de formation des techniciens forestiers en Europe, en Amérique du Nord et dans une grande partie de l'Asie est assez satisfaisant.

La formation professionnelle tant des travailleurs forestiers que des ouvriers des industries forestières reste une bonne intention plutôt qu'une réalité dans une grande partie du tiers monde. Le secteur privé ne s'y est jamais intéressé et a toujours refusé de participer tant soit peu aux frais de formation supplémentaire de ses ouvriers.

Enseignement forestier supérieur: une tâche délicate

La critique exprimée ci-dessus sur la priorité attribuée à la formation universitaire par rapport aux autres niveaux de l'éducation forestière ne saurait minimiser l'importance intrinsèque de ladite formation. L'ingénieur forestier peut être un agent de l'évolution sociale. Il doit savoir reconnaître où se situe l'intérêt public à moyen et à long terme, et en quoi il prime sur l'intérêt immédiat, qu'il soit public ou privé. Son devoir, qui n'est pas toujours facile ni apprécié, est de veiller à faire passer l'intérêt public avant l'intérêt immédiat. De là vient, entre autres raisons, l'importance d'une bonne formation des forestiers, qui leur permette non pas de se laisser porter par le courant dominant, mais de chercher à le détourner vers des voies moins destructives.

Résistance au changement, naïveté, repli sur soi, isolement et autres traits propres au forestier. Il y a de bonnes raisons d'affirmer que, dans l'ensemble, la qualité moyenne des ingénieurs forestiers laisse à désirer. C'est une première conséquence de l'énorme résistance au changement des institutions universitaires, qui étend ses effets dans le monde entier, parce que les nouvelles institutions calquent leurs programmes d'enseignement et leur organisation sur les anciennes. Il faut bien, malheureusement, reconnaître que les établissements d'enseignement forestier, comme les autres, se caractérisent non seulement par un manque d'originalité et d'adaptation aux réalités locales, mais aussi par la naïveté, par un repli sur soi et par une place excessive donnée à la théorie. Le reproche que l'on fait à l'université d'être une tour d'ivoire, isolée du reste du monde, est bien plus fondé qu'on ne veut l'admettre en général.

Malheureusement, on ne peut arriver à une conclusion plus optimiste lorsqu'on observe des faits aussi généralisés que les suivants: les programmes d'études et le contenu des cours n'ont pratiquement pas changé ces 20 dernières années, malgré les progrès scientifiques et techniques impressionnants accomplis et, surtout, la crise écologique, démographique, énergétique et économique qui secoue la planète. L'université, haut-lieu de la pensée humaine, n'a pas su redéfinir le rôle de la foresterie ni, par suite, le sien à l'avenir. Les nouveaux cours d'économie et surtout de sciences sociales dont on parle tant depuis 30 ans sont restés lettre morte. Les «forestiers» qui mettent en valeur les terres vierges de l'Amazonie n'ont jamais entendu un seul exposé sur les Indiens qui les peuplent, pas plus que les jeunes forestiers africains savent quoi que ce soit de la vie tribale qui se poursuit de manière visible ou occulte dans les régions forestières. Les forestiers travaillant dans un pays en développement ne connaissent des réalités rurales et agropastorales de leur pays que ce qu'ils en ont appris par eux-mêmes ou par intérêt personnel. L'expression «réforme agraire», a toujours pour les forestiers une consonance étrangère, voire subversive. La culture itinérante, qui transforme les forêts tropicales en fumée, continue d'être considérée, ainsi que le sont les chèvres, comme un «fléau» incontrôlable, et non comme un thème essentiel d'étude académique sur les aspects sociaux de la profession.

ÉTUDIANTS IRANIENS PRÉLEVANT DES ÉCHANTILLONS A LA TARIÈRE les priorités de l'enseignement sont-elles bien œ qu'elles devraient, être?

LABORATOIRE DE TECHNOLOGIE DU BOIS AU PÉROU trop de forestiers, trop peu de techniciens?

La naïveté des universitaires se manifeste par l'idée, si répandue parmi eux, que la recherche scientifique est exempte de couleur politique et de motivations impures. Pourtant, une part colossale du gâteau budgétaire et du temps des chercheurs est consacrée à des recherches qui servent essentiellement à permettre à quelques-uns de gagner encore plus d'argent, tout en offrant toujours moins d'emplois. En outre, comme la recherche universitaire n'a pas son propre budget, elle doit le plus souvent se vendre au plus offrant, c'est-àdire en général à la grande industrie. L'université doit se demander quelles fractions de la société elle sert. Elle doit savoir si elle agit au profit de la société tout entière, ou si les services qu'elle fournit favorisent des intérêts immédiats aléatoires et non de grands intérêts sociaux permanents.

Le déséquilibre entre niveau ingénieur et niveau technicien ou cadre moyen s'est accru.

Encore l'environnement. Les problèmes d'environnement, si justement en vogue depuis les années 60, ont suscité surtout en Amérique du Nord l'instauration de quelques nouveaux cours-quoique le plus souvent éphémères. Les facultés forestières d'Amérique du Nord, comme celles d'Europe, sont généralement satisfaites du contenu environnemental de leurs programmes. Pourtant, en Europe, on n'a pas autant de raisons d'être satisfait, notamment en Europe de l'Est où en matière d'environnement les cours se contentent d'effleurer les aspects traditionnels de l'écologie appliquée à la, sylviculture et à l'aménagement, avec quelques mentions en passant sur les loisirs et la chasse sportive. C'est manifestement une vision singulièrement limitée des problèmes environnementaux du monde d'aujourd'hui. On peut présumer que les ravages causés par les pluies acides dans les forêts européennes sont en train de changer cette attitude.

L'auteur a examiné divers programmes d'enseignement dans lesquels ne figure même pas le terme «écologie forestière», et s'il y figure, il se rapporte essentiellement aux facteurs physiques du milieu. Mais il y a aussi des exceptions: certaines facultés forestières vont même jusqu'à avoir des départements de conservation qui dispensent toute une gamme de cours obligatoires et facultatifs sur l'aménagement des espaces naturels (protégés ou non), le développement rural intégré, l'agroforesterie, l'aménagement de la faune, la pollution en milieu rural, la conservation des sols et l'aménagement des bassins versants. Ces cours viennent en sus des matières écologiques traditionnellement enseignées, telles que sylviculture ou aménagement forestier.

Encore l'aménagement forestier. Les universités offrent toujours un ou deux cours d'aménagement forestier, qui s'inscrivent dans un large éventail de cours se rapportant à la gestion et à l'aménagement des forêts. Mais, curieusement, le contenu et la structure de ces cours d'aménagement forestier sont en général creux. Les universités peuvent donc former d'excellents spécialistes de l'interprétation photo ou de l'inventaire, sylviculteurs, voire généticiens ou pathologistes, mais cela ne fait que contribuer à créer des situations absurdes, comme de dépenser des sommes énormes pour inventorier minutieusement des forêts tropicales qui seront détruites par la culture itinérante avant d'être exploitées ou qui, dans le meilleur des cas, seront exploitées sans aucun plan. Un autre exemple, très courant dans les pays riches de l'hémisphère Nord, est de tenter de remédier par les pesticides et autres poisons aux erreurs ou aux faiblesses de l'aménagement.

Il est également préoccupant de noter que l'on tend de plus en plus à séparer et à isoler la formation aux industries forestières en domaines de spécialisation qui ne devraient être enseignés qu'en troisième cycle des études universitaires. L'aménagement forestier et la sylviculture sont des éléments clefs de la formation de tout forestier digne de ce nom. Lorsque le «forestier» responsable d'une industrie ignore ou oublie les règles et les limites d'une production équilibrée, il se transforme en ennemi d'une foresterie bien conçue et des intérêts sociaux à moyen et à long terme. Le simple transfert de l'exploitation forestière du domaine de l'aménagement à celui de l'industrie suffit pour produire des répercussions négatives. En fait, l'exploitation est bien plus le couronnement de l'aménagement que le point de départ de l'industrie. Les erreurs dans cette délicate opération risquent de compromettre l'avenir d'une forêt pour des décennies. Ainsi faut-il la rendre aux aménagistes et, plus important encore, entretenir en permanence des relations étroites et harmonieuses entre ces deux branches complémentaires de la profession: aménagement et industries.

Qualité de l'enseignement La qualité de l'enseignement forestier supérieur, strictement parlant, n'a pas dû baisser dans les pays riches, mais en revanche elle se détériore lamentablement dans tous les pays du tiers monde touchés par la crise économique. Cette dernière, en dehors de la pénurie de moyens matériels, se traduit surtout par la perte d'enseignants compétents, tant sur le plan de la quantité que de la qualité. Comment pourrait-il en être autrement alors que leurs émoluments, en valeur constante, sont tombés parfois à 30 pour cent de ce qu'ils étaient il y a à peine trois ou quatre ans? En Amérique latine, la majorité des professeurs d'université touchent moins de 300 dollars par mois et doivent pour survivre se livrer à d'autres activités. Autre cause évidente de la baisse de qualité de l'enseignement: la prolifération explosive de facultés forestières dans des pays où les ressources humaines et économiques suffisent à peine pour une ou deux. En outre, ces facultés sont souvent intégrées à des universités créées uniquement pour répondre à des intérêts régionaux secondaires. La situation la plus paradoxale à cet égard se rencontre en Amérique latine, où par tempérament et en raison des conditions ambiantes tout le monde cherche à obtenir un diplôme universitaire. D'où la pénurie extrême de techniciens.

La notion de qualité est également liée au nombre d'ingénieurs formés. Il n'est pas douteux que dans les pays développés à économie libérale, de même qu'en Amérique latine en général, il y a un excédent d'ingénieurs forestiers par rapport à la demande réelle. La cohorte des forestiers au chômage ou sous-employés ne cesse de grossir. Dans les pays socialistes, où l'admission dans les universités obéit à un plan, l'équilibre est meilleur. En Afrique, on manque sérieusement d'ingénieurs, en particulier d'ingénieurs formés sur place. Le nombre croissant d'ingénieurs forestiers en Amérique latine s'accompagne d'une diminution manifeste de leur qualité, qui baissera encore d'ici à la fin du siècle.

Dans l'estimation du nombre d'ingénieurs requis, on n'a pas tenu compte des indices utilisés par la FAO et autres organismes internationaux, parce qu'ils sont aussi optimistes économiquement que pratiquement irréalisables. Ces indices - nombre d'ingénieurs et de techniciens par millier d'hectares de forêts - doivent être revus ou remplacés par d'autres. Par ailleurs, il est évident que les femmes occupent un pourcentage croissant de places dans les universités. C'est l'une des évolutions positives les plus notables.

Un aspect négatif de la formation de l'ingénieur forestier, notamment dans les pays en développement, est l'absence de travaux pratiques en forêt et en usine. Comme le séjour sur le terrain des étudiants et des professeurs revient très cher, le contact indispensable avec la réalité est réduit au minimum (souvent moins de deux mois sur toute la durée des études). Il est même inexistant dans certains cas, se limitant à des visites de pépinières, de boisements et d'usines sans aucune activité pédagogique d'accompagnement.

En Afrique, la pénurie d'ingénieurs forestiers reste extrêmement aiguë dans de nombreux pays.

INSTRUMENTS DE TOPOGRAPHIE FOURNIS PAR LA FAO lu recherche doit se préoccuper des besoins sociaux

Un autre problème, partiellement lié à ce qui précède et particulier aux pays en développement, est que les ingénieurs, y compris les plus jeunes, préfèrent travailler dans les villes. Si les circonstances les amènent à se trouver en face d'une forêt, ils se gardent bien d'y pénétrer, se réfugiant dans les bureaux ou ne s'aventurant qu'aussi loin que peuvent aller les véhicules tout-terrain. Apparemment, ils n'ont pas la vocation, et peut-être cela est-il, en vérité, une autre partie de l'explication. Les études supérieures sont en général considérées d'abord comme un moyen d'acquérir le prestige social, et partant, de mieux gagner sa vie. Il est hélas incontestable que les forestiers des villes ont des traitements plus élevés et des perspectives meilleures I que les forestiers de terrain, qui I sont souvent oubliés.

Enseignement universitaire supérieur. La préparation des forestiers au niveau de la maîtrise ou du doctorat a également évolué au cours des 10 dernières années, notamment en Amérique latine. Il y a davantage de programmes d'études et de disciplines, et aussi beaucoup plus d'étudiants et de diplômés. En général, ceux-ci sont d'un meilleur niveau que les ingénieurs déjà en service, mais ils ont plus ou moins les mêmes tendances. Toutefois, ils prennent d'ordinaire plus au sérieux des sujets tels que l'environnement ou les questions économiques et sociales. En Amérique du Nord, en Amérique latine et en Asie, il y a proportionnellement davantage de forestiers titulaires de diplômes supérieurs au chômage qu'autrefois, alors qu'en Afrique cette catégorie fait nettement défaut par rapport aux ingénieurs forestiers. En Europe, la majorité des candidats au doctorat sont déjà employés dans le secteur forestier, et leur surcroît de qualification n'implique pas nécessairement la création de nouveaux emplois.

Identification des thèmes prioritaires

Au 20e siècle, la foresterie a surtout cherché à alimenter en matières premières une industrie essentiellement préoccupée de répondre aux besoins, parfois exacerbés, des plus riches dans une société de consommation. C'est pourquoi la sylviculture et la transformation industrielle ont fait tant de progrès, et d'autres branches, tout aussi importantes sinon plus de la foresterie, en ont fait si peu en comparaison. Tout s'est passé comme si les forestiers, qui jadis considéraient l'intérêt à long terme de la société, avaient raccourci leur champ de vision à mesure qu'ils raccourcissaient la révolution des pins, des peupliers et des eucalyptus. Ce souci d'objectifs à court terme, qui n'est pas répréhensible en soi, comporte néanmoins d'énormes risques pour le patrimoine forestier mondial et pour la société du siècle à venir. Le jour approche où les avantages «indirects» tant vantés de la forêt, mais dont on fait si peu de cas, recevront la place qu'ils méritent. En d'autres termes, les services offerts par la forêt auront autant de prix sinon plus que les biens qu'elle produit.

Ce changement est déjà perceptible et se manifeste, entre autres symptômes, par le renouveau d'intérêt pour le bois de feu ou pour l'agroforesterie. En même temps, dans les milieux urbains, on prend de plus en plus conscience des conséquences néfastes de l'insouciance actuelle à l'égard des fonctions écologiques des forêts et autres espaces boisés, comme le démontre bien la naissance de «partis verts» ou «écologistes», de même que l'essor irrésistible des organisations non gouvernementales. Compte tenu de ces facteurs et autres paramètres, il faudra prendre des mesures qui confèrent à la foresterie un contenu social bien plus profond, et remettre à l'ordre du jour la notion de l'effort à longue échéance et de la vision des choses dans une optique générale. En résumé, il est probable qu'à l'avenir les activités forestières seront davantage orientées vers les couches sociales nécessiteuses, et moins régies par les théories économiques classiques. Elles seront sans aucun doute plus politisées, au meilleur sens du terme.

Quels seront, dans ce contexte, les thèmes prioritaires de la foresterie et de l'enseignement forestier? Il est vraisemblable qu'on privilégiera fortement la production de services et que, pour ce qui est de la production de biens, on fera une plus large place aux biens d'intérêt social pour les zones rurales ou à ceux qui, tout en étant destinés aux nantis, procurent le plus d'avantages sociaux, par exemple l'emploi. Aussi l'action portera-t-elle sur des domaines tels que ceux évoqués dans les paragraphes qui suivent.

Le reboisement avec des essences à croissance rapide de même que la gestion de ces peuplements artificiels conserveront leur importance car lesdits peuplements devront, sans aucun doute, pourvoir dans une proportion sans cesse croissante à la demande de matières premières des industries. Toutefois, cette activité doit être replacée dans sa juste perspective, c'est-à-dire vue comme un des domaines de la foresterie, et non comme l'essentiel de celle-ci. Par ailleurs, il est certain que des reboisements établis sur des terrains déjà dépouillés de leurs forêts naturelles contribuent à alléger la pression sur celles-ci. Cependant, une proportion croissante des plantations forestières ne sera pas destinée à l'industrie, mais servira directement à couvrir les besoins des ruraux pauvres en bois et char bon de bois, fourrage pour leurs animaux et nourriture pour eux-mêmes. Reboisement et aménagement des bassins versants revêtiront aussi beaucoup plus d'importance qu'actuellement.

Un développement rural véritablement intégré ne saurait ignorer un seul des aspects de la foresterie, et encore moins ceux qui concernent des services tels que régularisation des débits hydriques, qualité de l'eau, prévention ou lutte contre l'érosion hydrique et éolienne. Les forestiers n'ont pas su ou pas voulu jusqu'à présent «vendre» ou «prêter» leur assistance dans ce domaine. Dans les rares cas où ils l'ont fait, c'est toujours timidement, ne parvenant trop souvent qu'à décevoir les planificateurs du développement rural. A l'avenir les forestiers devront être les principaux acteurs du développement rural sur des terres inexploitables par l'agriculture.

L'aménagement des forêts naturelles doit retrouver son importance dans la production tant de biens que de services. Avec le temps, la production de services primera sur celle des biens, mais pas encore avant des dizaines et des dizaines d'années. Le combat pour l'aménagement des forêts naturelles qui subsistent sera dur et long, mais il est inévitable si l'on veut que ces forêts survivent. Ce sera une bataille essentiellement politique, qui sera perdue d'avance si les forestiers ne la considèrent pas comme nécessaire.

A ce qui précède est étroitement liée la nécessité d'éviter la destruction des forêts, ou la conversion de terres d'aptitude forestière à d'autres utilisations, en particulier dans les tropiques humides et secs. Les forestiers doivent à cet égard agir de manière franche et énergique, ajoutant leurs voix à celles des autres secteurs concernés, au lieu de dissimuler ou minimiser les problèmes, comme cela a trop souvent été le cas.

Les forestiers tropicaux devront en effet trouver des modes d'aménagement et d'utilisation pour les centaines de millions d'hectares de forêts secondaires créées par l'expansion de l'agriculture. Ces forêts sont à présent abandonnées à elles-mêmes, alors qu'elles pourraient contribuer efficacement à fixer les ruraux à la terre et à améliorer leurs conditions de vie.

Il faudra que les forestiers s'occupent beaucoup plus sérieusement d'établir davantage de parcs nationaux et autres aires protégées, et surtout de bien les gérer. Cela est important non seulement parce que ces espaces quasi vierges acquièrent une valeur scientifique, récréative et économique sans cesse plus grande grâce au tourisme et à la conservation des ressources génétiques, forestières ou autres, mais aussi parce que si toutes les autres mesures prises pour éviter la destruction du patrimoine forestier échouent, ce seront les seuls espaces naturels qui subsisteront.

La lutte contre la désertification et l'aménagement des bassins versants, domaines dans lesquels on a fait peu de chose jusqu'à maintenant, acquerront une importance croissante.

L'industrie forestière continuera dans ses voies actuelles, mais on verra probablement se développer deux branches plus ou moins nouvelles: celle des petites industries locales, faisant appel à des technologies appropriées, pour répondre à la demande locale ou encore, grâce à des moyens adéquats de stockage, pour approvisionner les marchés extérieurs; et celle de la chimie du bois. Cette dernière, à cause de la crise de l'énergie, devrait connaître un énorme essor, en utilisant des sources de matières premières telles que les plantations d'essences à croissance rapide ou, dans les tropiques humides, les forêts secondaires naturelles, les résidus des industries de transformation mécanique du bois et, éventuellement, les forêts primaires (bien que cela puisse mettre sérieusement en danger leur survie).

L'UNIVERSITÉ FORESTIÈRE DE PESHAWAR (PAKISTAN) combien faut-il de nouvelles écoles?

En outre, ces industries chimiques fondées sur la biomasse pourront fournir de l'alcool, des plastiques, des aliments du bétail et bien d'autres sortes de substances chimiques.

L'aménagement de la faune sauvage, dont les forestiers se sont désintéressés à tel point qu'ils n'ont plus grand-chose à y voir bien qu'il s'agisse d'une ressource forestière, doit retrouver l'importance qu'il mérite, et cela pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la faune sauvage contribue à l'alimentation des ruraux pauvres dans des régions administrées par les forestiers; en second lieu, elle constitue pour la science une ressource génétique de grande valeur; et, enfin, elle est source de loisir et support de l'industrie touristique dans de nombreux pays.

La croissance explosive des zones urbaines entraînera le développement d'un aspect relativement nouveau de la foresterie. Les habitants des grandes villes, et en particulier les plus pauvres, ne connaissent la «nature» et ne peuvent en jouir que dans les parcs urbains ou dans les îlots boisés qui subsistent ou que l'on plante. Déjà des millions de personnes dépendent de la foresterie urbaine pour satisfaire nombre de leurs besoins et aspirations. C'est là évidemment une branche de la foresterie qui diffère sensiblement de toutes les autres.

La redécouverte de l'agroforesterie et les perspectives nouvelles qu'elle offre suscitent de nouveaux thèmes d'étude, qui devront être pris en compte dans l'avenir immédiat, en particulier mais non exclusivement dans les pays en développement.

Enfin, mention doit être faite de la nécessité croissante d'aménager et d'exploiter les ressources génétiques forestières, tant pour relever la productivité des plantations artificielles que pour servir l'agriculture et l'élevage. A cet égard, la conservation in situ jouera un rôle de plus en plus important.

Ordre général de priorités

Les questions abordées dans cet article méritent toutes quelque attention, mais vu les considérations évoquées ci-dessus il faudrait en modifier l'ordre de priorité.

Action politique. Il faut avant tout que le secteur forestier cesse, tant au niveau mondial que national, d'agir dans ce domaine de manière faible et incohérente. Il doit se fixer des objectifs généraux et particuliers, et définir des stratégies et des tactiques qui le rapprochent de cette société qu'il prétend servir et qui lui permettent de proposer des orientations, en sachant qu'il sera écouté et appuyé, pour finalement aboutir aux décisions politiques voulues. A cette fin, il peut:

· utiliser méthodiquement les médias;

· reconnaître les organisations non gouvernementales liées au secteur; collaborer avec elles et les encourager;

· inscrire de nouveaux cours aux programmes d'études et adapter ceux qui existent déjà pour former du personnel à l'utilisation des ressources naturelles renouvelables et aux politiques de l'environnement; préparer à ces disciplines des enseignants d'établissements publics primaires et secondaires;

· instaurer de nouveaux cours ou adapter les cours existants pour fournir une information sur la politique de l'environnement à tous les étudiants universitaires, quelle que soit la carrière à laquelle ils se destinent.

Peu de services forestiers et encore moins d'autres organismes du secteur forestier mènent une action méthodique et soutenue pour informer l'opinion publique des problèmes de ce secteur. Il existe bien des bureaux de relations publiques, mais ils n'ont pratiquement pas d'impact. Le potentiel des moyens de diffusion massive de l'information est aujourd'hui si énorme que c'est un véritable gaspillage de ne pas les mettre à contribution. On dédaigne à tel point ce potentiel que même les responsables de moyens d'information qu'intéresse la question de la foresterie reviennent parfois les mains vides et très fâchés contre les services forestiers ou autres organismes du secteur dont ils ont sollicité le concours.

De nombreuses organisations non gouvernementales se rattachent directement ou indirectement au secteur forestier. Pourtant, jusqu'à présent, leurs relations avec le secteur public sont plus antagonistes que complémentaires. Par ailleurs, les associations professionnelles de forestiers ont un fort esprit de clan et reflètent certains des travers conceptuels qui imprègnent déjà l'enseignement forestier et l'ensemble du secteur qu'elles régentent dans une large mesure. Cependant, ces associations tout comme d'autres organisations non gouvernementales, qui influent sur l'opinion publique ou sur les politiciens-dans les couloirs, comme conseillers des partis d'opposition, voire en organisant elles-mêmes des activités politiques - seront les principaux artisans de l'action politique de demain. Les forestiers doivent reconnaître cette nouvelle possibilité et en tirer le meilleur profit.

Dans divers pays, et par différents mécanismes, l'enseignement primaire, secondaire et universitaire inculque déjà des connaissances pratiques sur l'utilisation et l'importance mondiale des ressources naturelles, notamment celles qui sont renouvelables. Des milliers d'enseignants ont été ou sont préparés à ces questions au Chili et au Venezuela, où l'on met au point à l'intention du secondaire divers cours susceptibles de transmettre ce savoir. On y explique, par exemple, les raisons pour lesquelles les eaux marines péruviennes ont perdu leurs richesses, les effets de la culture itinérante sur les forêts tropicales, l'érosion des sols dans les Andes et les moyens de l'éviter, etc. Au niveau universitaire, on a institué dans certaines universités du Pérou un cours général obligatoire sur ces sujets, qui est dispensé par les facultés forestières à tous les étudiants, quelle que soit leur branche d'études. Ce cours a beaucoup de succès; lancé il y a une dizaine d'années, son exemple est largement suivi ailleurs.

Vulgarisation forestière dans les zones rurales. En ville, il est nécessaire d'informer pour sensibiliser l'opinion et mettre en œuvre les actions politiques appropriées. A la campagne, il faut, outre cette sensibilisation, inculquer les aptitudes pratiques voulues pour gérer les ressources naturelles renouvelables que possède chaque famille paysanne ou chaque petite communauté rurale. Cela exige un travail de vulgarisation forestière, laquelle est en tous points comparable à la vulgarisation agricole. Mais cette dernière est relativement beaucoup plus développée. La vulgarisation forestière a toujours été, dans la pensée et dans l'action, reléguée au second plan.

La vulgarisation forestière doit être une des grandes priorités de l'avenir. Qu'elle soit menée directement par les ingénieurs et techniciens forestiers dans les zones sylvicoles de grande importance (parce qu'elles possèdent d'abondantes ressources forestières ou parce que celles-ci ont été détruites), ou qu'elle soit associée à la vulgarisation agricole là où ces ressources sont secondaires, elle est partout nécessaire, même dans les régions d'agriculture irriguée intensive. Les universités et les écoles techniques doivent enseigner les techniques de la vulgarisation, et les forestiers doivent élaborer des programmes de formation ad hoc pour les vulgarisateurs agricoles. Outre son importance intrinsèque, la vulgarisation forestière offre d'énormes possibilités de création d'emplois pour des ingénieurs et des techniciens forestiers. formation des techniciens forestiers. Elle doit avoir la priorité absolue en Amérique latine et continuer de faire l'objet de beaucoup d'attention en Afrique, en Asie et dans le reste du monde. Il faut avant tout que le technicien soit un complément et non un concurrent de l'ingénieur. Il est nécessaire pour cela que sa formation soit essentiellement pratique et qu'elle ne soit ni trop longue ni trop courte. Quant aux programmes d'études, ils doivent toujours être étroitement adaptés aux réalités locales.

Formation des ouvriers forestiers. La formation professionnelle des ouvriers du secteur forestier, tant ceux travaillant en forêt que ceux des industries forestières, doit être considérablement renforcée dans les pays en développement, mais plus particulièrement en Afrique et en Amérique latine. Pour cela, il faut continuer à développer les écoles professionnelles, mais aussi institutionnaliser, au moins dans les grandes entreprises, la pratique ancienne du «maître avec ses apprentis». Cette dernière est particulièrement applicable dans les industries.

Formation des ingénieurs forestiers. Bien que la formation des ingénieurs exige, comparativement, une attention moindre, elle reste prioritaire en Afrique, où les pays, avec un appui international sans réserve, doivent mettre tout en œuvre pour créer et développer davantage de facultés forestières et autres établissements de niveau universitaire.

Dans le reste du monde, il s'agira à l'avenir d'un problème de qualité plus que de quantité, cette dernière paraissant assurée par les centres d'enseignement existants ou projetés. Au niveau universitaire supérieur, chaque continent ou région, et même chaque pays, devrait avoir ses propres écoles d'application, sans préjudice au nécessaire échange international d'expérience.

Recyclage Par comparaison avec d'autres domaines, de grands progrès ont été accomplis en matière de recyclage au cours des dernières décennies, grâce à l'action de nombreux organismes internationaux et des pays eux-mêmes. Malgré tout, ce qui a été fait est encore insuffisant, et cette formation reçue à l'étranger a souvent été faussée par des intérêts personnels. Certains fonctionnaires sont actuellement surqualifiés pour les tâches qu'ils accomplissent, tandis que d'autres, moins influents, n'ont pas bénéficié des mêmes possibilités, même si c'est à eux que devraient en fait s'adresser en général de tels recyclages.

Vers une foresterie à visage plus humain

Pour assumer pleinement ses multiples et complexes responsabilités actuelles et futures, la profession forestière doit acquérir toute une série de caractéristiques qu'elle a perdues ou qu'elle n'a jamais eues, et qui devront imprégner tous les aspects de l'enseignement forestier, mais plus particulièrement au niveau universitaire.

En conséquence, il faut revoir les programmes d'études pour faire place à de nouveaux cours ou pour introduire de nouveaux chapitres ou de nouvelles orientations dans les cours existants. Une meilleure connaissance de la réalité sociale nationale, en particulier dans les zones rurales, est indispensable pour mieux apprécier les intérêts de la population. Les études sociologiques devront être complétées par de solides connaissances en anthropologie, ethnologie et même histoire agricole.

Mais les composantes humaines de la profession ne doivent pas se limiter à cela. Elles doivent aussi comporter une réévaluation morale. La foresterie avec ses objectifs à long terme constitue une sorte d'apostolat, dont le message ne sera accepté par les populations que si on le fait passer avec sincérité, force et véritable conviction.

Pour bien servir le développement rural, il faut l'étudier et le comprendre. Trop souvent, les forestiers ignorent tout de l'agriculture et de l'élevage, qui sont leurs concurrents les plus proches et les plus rudes dans la course à la terre. C'est là une grave erreur que l'on ne peut corriger que par des cours spéciaux, de caractère général, montrant les conflits potentiels mais surtout les possibilités d'intégration des deux secteurs. En outre, il faut que les forestiers aient quelque idée de la planification de l'aménagement des terres et du développement rural pour pouvoir y insérer des thèmes tels qu'agroforesterie, aménagement des bassins versants, aménagement des forêts et des aires protégées, ou gestion de la faune sauvage. La contribution de la foresterie au développement communautaire - par les reboisements destinés à produire du bois de feu ou du fourrage, l'agroforesterie et l'aménagement des jachères forestières - est un des sujets particuliers de ce vaste domaine d'action.

L'économie forestière doit incorporer la planification à long terme. Il faut développer et enseigner l'Economie avec un grand E. et non seulement ses théories classiques qui, en toute tranquillité d'esprit, écartent comme étant «non rentables'' tant de projets réellement importants, parce qu'elles ne savent pas ou ne veulent pas évaluer les services que ces projets sont susceptibles d'engendrer. L'économie doit apprécier les ressources forestières pour ce qu'elles sont, et non chercher à tout prix à les assujettir à des règles faites pour une société de consommation qui, au moins sous sa forme actuelle, sera sans doute incapable de survivre.

Les forestiers doivent en apprendre davantage sur la planification en tant qu'outil du développement rural intégré, de l'aménagement des forêts et espaces naturels, et de la conservation des ressources forestières. L'aménagement du territoire est un domaine qui se prête en toute logique à l'intervention des forestiers.

Donner à la foresterie un visage plus humain est une tâche que doit endosser l'enseignement forestier supérieur, et la foresterie doit notamment être inscrite aux programmes d'études des futurs ingénieurs forestiers. On pourra sans aucun doute y parvenir sans accroître le nombre de cours ou le total des heures de classe, ni réduire le travail sur le terrain - toutes choses qui seraient peu souhaitables. Il y aura évidemment moins d'heures de cours traditionnels, mais la formation spécialisée doit être acquise plus tard, au niveau du troisième cycle universitaire.

Les grands problèmes scientifiques et techniques seront abordés au stade de ces études d'application. C'est à ce niveau que seront inculquées les connaissances nécessaires pour conduire, par exemple, les nouvelles industries de chimie du bois ou pour aménager les forêts et aires protégées, les sols et la faune sauvage, et que les forestiers se perfectionneront dans l'art d'utiliser les ressources génétiques pour accroître la productivité des plantations artificielles.

Conclusion

Peut-être verra-t-on dans le présent article une critique injuste du rôle de l'enseignement dans le secteur forestier, mais nous ne pouvons guère nous contenter de consigner les progrès accomplis. Nous avons le devoir de nous autocritiquer, de réfléchir et de préparer l'avenir. Nous devons oublier les succès pour penser à ce qui n'a pas été fait ou qui pourrait être mieux fait.


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