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Etat de la recherche forestière au Bénin - Bilan et perspectives

Jean Cossi Ganglo 1 & Henrix-Félix Maître 2


RESUME

La République du Bénin n'est pas un grand pays forestier, même si le domaine classé de l'Etat couvre 2,6 millions d'hectares, en grande majorité constitué de formations ligneuses ouvertes, ce qui représente 50% du territoire. Les reboisements ont démarré en 1949, mais la recherche forestière d'accompagnement n'a pas eu l'envergure escomptée. Un acquis en matière de sylviculture du Teck Tectona grandis est certes disponible, mais il est encore mal diffusé auprès des planteurs privés. Par ailleurs, les forêts de production ne bénéficient pas de normes techniques d'aménagement étayées par la recherche. Ainsi, il s'agit de concentrer les efforts dans le cadre d'une politique nationale cohérente et finalisée et ceci, dans des domaines prioritaires que sont succinctement: l'étude de la dynamique des peuplements naturels et le bilan des connaissances sylvicoles des plantations, sans oublier la formation adhoc de terrain.


Introduction

La République du Bénin n'est pas un grand pays forestier. Le domaine classé de l'Etat y couvre 2 664 000 ha. Il est constitué de formations en grande majorité ouvertes (plus de 50% du territoire) et les actions de dégradation pour cause d'agriculture itinérante, de feux de brousse et de surpâturage, ont tôt fait d'entamer de façon quasi irréversible les lambeaux restants. Les plantations forestières ont démarré en 1949, mais les travaux de recherche qui doivent éclairer les décisions d'aménagement et de gestion des ressources forestières ont évolué en dents de scie. En fait, il n'est pas exagéré de dire qu'il n'y a pas encore une politique soutenue de recherche forestière au Bénin. Lors des dernières années (2000 à ce jour) des efforts de définition de programmes de recherche adaptés au besoin des utilisateurs, s'observent dans le pays à travers le Système National de Recherches Agricoles (SNRA) qui se met progressivement en place.

L'objectif de cet article est de définir la problématique de recherche forestière au Bénin, de donner un bref aperçu des principaux domaines d'investigations et de faire des suggestions sur l'orientation future des travaux de recherche dans le pays.

Bref aperçu sur le climat, les grands types de sols et la végétation du Bénin

La République du Bénin est un pays de l'Afrique de l'ouest. Il est situé entre les latitudes 06° 20' et 12° 30' nord; entre le sixième et le neuvième parallèle nord, il s'étend entre les longitudes 1°30' et 2°45'est; plus au nord, le pays s'élargit entre les longitudes 0°45' et 03°70' est (Adjanohoun et al., 1989) (fig. 1). Selon le travail réalisé par la FAO (1980) sur la cartographie du couvert végétal et ses modifications au Bénin, le pays est composé de trois zones écologiques:

Problématique de la recherche forestière au Bénin

L'estimation des ressources forestières du Bénin par la FAO (1980) a nettement situé les limites de ses ressources forestières naturelles: les forêts denses et galeries forestières importantes couvrent 63100 ha, soit moins de 1% de la surface du pays, les forêts claires et savanes boisées couvrent 1 274 000 ha soit environ 11% de la surface du pays et les formations plus ouvertes - savanes arborées et arbustives - font environ 53% de la surface du pays, soit 6 095 000 ha. Ces maigres ressources forestières disponibles en 1980 sont le résultat d'une dégradation des forêts par l'homme depuis plusieurs décennies et de nos jours, les pressions humaines sur les forêts sont encore très fortes et on estime que chaque année au Bénin, environ 150 000 ha de forêts disparaissent du fait de l'agriculture itinérante et des feux de brousse (SIEC & BCG, 1997).

Figure 1: République du Bénin: Positions des principales teckeraies

Depuis la fin des années 1940, pour pallier l'insuffisance des ressources forestières naturelles, l'Etat béninois a réalisé un programme de reboisement à grande échelle. On estime que les plantations domaniales couvrent aujourd'hui environ 20 000 ha (tableau 1). Du fait du succès de celles-ci et des usages multiples des principales espèces de reboisement au Bénin (Tectona grandis et Acacia auriculiformis), les planteurs privés ont commencé par s'investir dans les plantations forestières pour environ 12 000 ha (SIEC & BCG, 1997).

Plusieurs formations forestières, naturelles et artificielles ont fait l'objet de plans d'aménagement. C'est le cas notamment des forêts de Djigbé, Toffo, Ouèdo, Pahou, Sèmè (sud-Bénin), Agrimey, Tchaourou-Toui-Kilibo (centre et nord-Bénin), Pénéssoulou, Sota (nord-Bénin)... Les planifications sylvicoles prévues dans ces plans d'aménagement ne reposent sur peu de connaissances concrètes faute de recherche d'accompagnement et les traitements sylvicoles prévus ne sont guère adaptés à la dynamique des peuplements.

Un programme cohérent de recherche forestière n'est pas en cours au Bénin, les travaux ayant évolué en dents de scie. En dehors des ceux entamés par le Centre Technique Forestier Tropical (CTFT) dans les années 1960 et au début des années 1970, c'est souvent à l'occasion des mémoires et des thèses que les recherches sont faites mais sans continuité. Des contraintes importantes se posent donc pour la gestion durable des ressources, notamment:

Aperçu sur les domaines couverts par les travaux de recherche forestière au Bénin.

Etudes des facteurs écologiques des formations forestières

Etudes de la sylviculture des espèces forestières

Etudes sur la phytopathologie forestière

Etudes phytosociologiques

Bilan des principaux travaux de recherche effectués au Bénin

Les travaux de recherche en sylviculture sont multiples, cependant force est de constater que les normes de sylviculture des principales espèces de reboisement ne sont pas encore définies dans le pays. Il en résulte alors une dispersion des énergies car les travaux menés se complètent rarement et sont surtout l'œuvre de chercheurs isolés, en fin de formation qui abandonnent les préoccupations de recherche une fois leurs mémoires achevés.

Les travaux qui ont porté sur les facteurs écologiques (climat, sol, topographie...) sont bien maigres. Or les facteurs écologiques conditionnent la production forestière et on devrait davantage s'investir dans l'étude de leurs impacts sur la production. Des travaux orientés vers l'identification des stations forestières sont souhaités pour mieux éclairer des décisions sylvicoles réalistes et une gestion appropriée des ressources en fonction des potentialités des stations.

Depuis les investigations sur la phytopathologie par le CTFT, la relève n'est presque pas assurée et des efforts sont à faire absolument si on ne veut pas prendre le risque de subir des pertes énormes par suite des attaques parasitaires.

Les plus récents développements de la recherche forestière au Bénin ont utilisé l'approche phytosociologique pour mieux rendre compte de l'organisation structurelle et fonctionnelle des écosystèmes forestiers naturels et semi-naturels. Ces études ont pour but de mieux cerner l'interaction des facteurs écologiques (climat, topographie, sol) sur les formations végétales. La finalité de certains de ces travaux (Ganglo, 1999) est de mieux cerner l'identification et la délimitation des stations forestières qui sont nécessaires pour une bonne connaissance des potentialités des forêts et la définition d'une politique réaliste d'aménagement et de gestion durable des ressources. Ces travaux doivent être étendus à la plupart des formations forestières du pays.

Conclusion: le devenir de la recherche forestière au Bénin.

L'analyse de l'état de la recherche forestière au Bénin est certes préoccupante, raison pour laquelle beaucoup de pragmatisme s'avère nécessaire en concentrant les activités et les efforts vis-à-vis de deux domaines majeurs. Il s'agit avant tout d'éviter la dispersion des ressources et la duplication des travaux par la mise en place d'une politique cohérente et finalisée sur le plan national avec des priorités de recherche adaptés aux besoins des planteurs. Des projets de recherche sont à formuler dans le cadre d'un programme national, concernant donc deux domaines majeurs, incluant la formation de terrain:

Principales références bibliographiques citées

Adjanohoun, E. J., Adjakidjè, V., Ahyi M.R.A., Ake Assi, L., et al. 1989. Contribution aux études ethnobotaniques et floristiques en République populaire du Bénin. ACCT. 895 p.

Adjakidjè, V., 1984. Contribution à l'étude botanique des savanes guinéennes de la République Populaire du Bénin. Thèse de 3è Cycle. Université de Bordeaux III, 285 p.

Akossou, A. Y. J., 1997. Contribution à la modélisation de la production des peuplements de teck (Tectona grandis L. f.) au Sud-Bénin. Mémoire Ing. Agro. FSA. 79 p.

Braun-Blanquet, J., 1932. Plant sociology - The study of plant communities - translated revised and edited by Fuller G. D. & Conard H. S. 439 p.

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C.T.F.T., 1969. Compte rendu d'un déplacement effectué au Dahomey du 19 au 27 décembre 1968. 15 p.

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Ganglo, J. C., 1990. Etude du comportement de deux provenances de teck (Tectona grandis Lf) dans les plantations forestières de la Lama-Nord. Rapport technique. Office National de Bois (O.NA.B). 23 p.

Ganglo J. C., 1999. Phytosociologie de la végétation naturelle de sous-bois, écologie et productivité des plantations de teck (Tectona grandis L. f.) du Sud et du Centre Bénin: 391 p. Thèse de Doctorat. Université Libre de Bruxelles. Section Interfacultaire d'Agronomie. Laboratoire de Botanique, Systématique et de Phytosociologie.

Houayé, P., 1993. Etude de la variabilité des peuplements du teck au Bénin. Thèse pour l'obtention du titre de Docteur en sciences forestières à l'Université Georg-August Göttingen. 170 p.

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Sokpon, N., 1995. Recherches écologiques sur la forêt dense semi-décidue de Pobè au sud-est du Bénin. Groupements végétaux, structure, régénération naturelle et chute de litière. Thèse de Doctorat. Université Libre de Bruxelles. Section Interfacultaire d'Agronomie. Laboratoire de Botanique, Systématique et de Phytosociologie. 350 p.


1 Université d'Abomey-Calavi, Faculté des Sciences Agronomiques 01 BP 526 Cotonou. République du Bénin. [email protected]

2 CIRAD-Forêt, Campus International de Baillarguet 34398 Montpellier Cedex 5 France [email protected]