ARC/02/4


 

VINGT-DEUXIÈME CONFÉRENCE RÉGIONALE
POUR L'AFRIQUE

LE CAIRE (ÉGYPTE), 4-8 FÉVRIER 2002

SOUTIEN DE LA FAO AU "NOUVEAU PARTENARIAT POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE": QUESTIONS LIÉES AUX RESSOURCES EN TERRES ET EN EAUX ET AU DÉVELOPPEMENT AGRICOLE

Table des matières


a) Les ressources en terres et en eaux: deux piliers essentiels
b) L'irrigation

c) La mise en valeur des ressources en eau et l'amélioration des terres dans les régions de culture pluviale moins favorisées


 

I. INTRODUCTION

1. Le "Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique" (NEPAD), lancé en octobre 2001 à partir de la "Nouvelle initiative africaine", adoptée par l'Organisation de l'Unité africaine (OAU) à Lusaka (Zambie) en juillet 2001, vise à encourager le redressement et le développement économiques de l'Afrique au cours des quinze prochaines années. La croissance et le développement souhaités devront être obtenus en concentrant l'attention sur cinq secteurs prioritaires, au nombre desquels l'agriculture. L'initiative vise, certes, à favoriser un développement équilibré et durable au moyen d'actions complémentaires dans les secteurs connexes; toutefois, c'est indéniablement au secteur agricole qu'il reviendra, en tant que principal secteur productif, de sous-tendre la croissance générale. Afin d'atteindre les niveaux requis de croissance agricole, on prévoit d'accroître les investissements destinés à la mise en valeur des ressources en terres et en eaux, parmi les autres démarches visant à renforcer tant la production que la productivité. Le partenariat établit un mécanisme permettant d'analyser plus en détail les besoins des cinq secteurs prioritaires, en partant de l'échelon national pour progresser ensuite vers les niveaux régional et continental.

2. Le présent document a pour objet d'appuyer le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique dans le domaine agricole, notamment en ce qui a trait à la mise en valeur des ressources en terres et en eaux et à l'intensification de la production. La contradiction apparente entre d'une part la nécessité impérieuse d'augmenter les investissements pour la mise en valeur des ressources en terres et en eaux en vue du développement, tel qu'envisagé par le NEPAD, et, de l'autre, le déclin ou la stagnation des investissements dans ces secteurs, est analysée dans le document. Pour y faire face, une procédure est proposée aux gouvernements; elle vise à élaborer des scénarios tournés vers les investissements nationaux favorisant spécifiquement la mise en valeur des ressources en terres et en eaux ainsi que l'intensification de la production. Cette procédure, du fait qu'elle place l'agriculture dans le contexte de l'économie rurale, prend également en considération les besoins en investissements dans les domaines de la transformation, de la commercialisation et des éléments d'infrastructure rurale. De la sorte, cette procédure fournit aux États intéressés un instrument permettant de quantifier les coûts et les avantages des investissements dans le secteur, tout en permettant de mieux comprendre comment de tels investissements influencent le développement et la croissance rurale, l'objectif ultime étant de prôner, à l'échelle nationale, une augmentation des crédits alloués à l'agriculture.

3. La procédure permettra en outre d'obtenir, grâce à des informations actualisées, une appréciation plus réaliste et plus précise des besoins en investissements agricoles au niveau national. En outre, cette démarche présente le net avantage de laisser le processus et les résultats entre les mains des pays africains, ce qui en rend les résultats plus crédibles vis-à-vis des partenaires de développement et des donateurs éventuels.

II. LE NOUVEAU PARTENARIAT POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE

4. Le "Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique" a fixé le cap à maintenir pour le redressement et le développement économiques du continent1. L'objectif à long terme consiste à éradiquer la pauvreté en Afrique et placer les pays africains, à titre individuel et collectif, sur la voie de la croissance et du développement durables pour mettre un terme à la marginalisation de l'Afrique dans le processus de mondialisation; et promouvoir le rôle de la femme dans tous les secteurs d'activité.

5. Le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) souligne la détermination des Africains à prendre en main leur propre avenir en faisant des choix délibérés en matière de développement, de renforcement des capacités d'intervention et d'autonomie. Les partenaires du développement sont invités à appuyer ces efforts en créant des conditions équitables et propres à accélérer la participation effective de l'Afrique à l'économie et aux directions politiques mondiales.

6. Dans le cadre de cet objectif général, il s'agira d'atteindre des sous-objectifs tels qu'un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) de plus de 7 pour cent par an au cours des quinze prochaines années, tout en veillant à ce que le continent atteigne les objectifs internationaux de développement convenus2. Ces objectifs englobent de façon implicite celui retenu par le Sommet mondial de l'alimentation, à savoir réduire de moitié, d'ici 2015, le nombre de personnes souffrant de la faim.

7. Pour atteindre les objectifs de croissance et de développement, il conviendra d'accorder une attention prioritaire à cinq secteurs:

8. L'agriculture, principal secteur productif, occupera un rôle central comme source de moyens de subsistance et de revenu pour la population rurale de l'Afrique. La productivité et la croissance du secteur agricole devront être stimulées afin de répondre aux besoins nationaux comme à ceux de l'exportation, par le biais d'une série de mesures telles qu'une meilleure utilisation des ressources en terres et en eaux, un régime foncier plus sûr, l'amélioration des systèmes financiers ruraux, une commercialisation plus efficace, une part accrue des dépenses publiques affectée aux zones rurales, de meilleures méthodes de préservation et d'entreposage, de meilleurs programmes de recherche et de vulgarisation, un renforcement du rôle des femmes et une inversion de la tendance à la lassitude des donateurs à l'égard de l'aide à l'agriculture. La capacité de contribution de l'agriculture au développement sera renforcée grâce à une diversification accrue de la production et à une transformation créatrice de valeur ajoutée.

9. Le NEPAD établit un processus/mécanisme visant à susciter des propositions plus concrètes, notamment grâce à une évaluation des besoins sectoriels partant de l'échelon national et aboutissant aux niveaux régional et continental. Il appartiendra aux pays développés ainsi qu'aux institutions multilatérales d'apporter une assistance propre à accélérer la mise en œuvre du programme.

III. PLAIDOYER POUR L'INVESTISSEMENT

10. La croissance de l'agriculture est encore plus essentielle pour l'Afrique que pour tout autre continent. En effet, 70 pour cent de la population africaine, et près de 80 pour cent des pauvres du continent, habitent dans les campagnes. Ces populations dépendent donc de l'agriculture et des activités rurales non agricoles pour leur subsistance; toutefois, cette dernière devient de plus en plus difficile à assurer à mesure que s'intensifie la pression démographique sur les terres disponibles, et que les ressources en terres et en eaux se raréfient ou se dégradent parallèlement à une stagnation de la productivité agricole. Aujourd'hui, l'agriculture représente l'activité la plus importante du monde rural africain, et sa contribution est en moyenne de 30 pour cent du produit intérieur brut global de l'Afrique subsaharienne (à l'exclusion de l'Afrique du Sud), et de plus de 40 pour cent dans un tiers des pays du continent. En outre, le secteur agro-alimentaire, lui-même tributaire de la croissance agricole, représente une tranche supplémentaire de 20 pour cent du produit intérieur brut et d'environ 25 pour cent de l'ensemble des revenus ruraux. Ajoutons qu'il faut attribuer à l'agriculture et à l'économie rurale près de 67 pour cent des emplois et 40 pour cent des exportations. Au cours des quinze prochaines années, l'augmentation de la productivité agricole et de celle des entreprises non agricoles se répercutera de façon directe sur la croissance économique dans la majorité des pays africains. L'augmentation de la croissance agricole et rurale peut en outre contribuer à ralentir la dégradation de l'environnement en facilitant l'évolution technologique nécessaire à une augmentation des rendements agricoles accomplie de façon durable, avec une réduction correspondante de la pression sur des écosystèmes fragiles (Banque mondiale, 2001).

11. L'augmentation de la productivité agricole joue un rôle pivot dans la croissance, la distribution des revenus et l'amélioration de la sécurité alimentaire ainsi que l'atténuation de la pauvreté dans les économies rurales. L'augmentation de la production agricole, outre qu'elle accroît le revenu des agriculteurs, crée des emplois agricoles et réduit le prix des denrées alimentaires; ces deux facteurs atténuent la pauvreté, étant donné qu'en règle générale, les pauvres dépensent entre 60 et 70 pour cent de leur revenu pour se nourrir. Selon des études récentes, l'augmentation des revenus des ruraux agit de façon encore plus marquée en stimulant la demande de biens et services offerts par les micro-entreprises. Lorsque la main-d'œuvre est abondante, la croissance agricole génère des revenus importants et agit comme multiplicateur d'emplois pour l'économie locale non agricole. Lorsque de tels facteurs d'entraînement existent, l'évolution technologique de l'agriculture présente le potentiel de générer, pour les catégories pauvres, de nouveaux gains substantiels d'origine non agricole (Mellor, 2000; FIDA, 2001).

a) Les ressources en terres et en eaux: deux piliers essentiels

12. La terre et l'eau sont les deux ressources naturelles essentielles qui, dans la plupart des pays, sont à l'origine de l'activité agricole, de la production alimentaire et du développement rural. Elles représentent également des facteurs de production importants qui, associés aux technologies et aux facteurs connexes tels que la main-d'œuvre, l'investissement et le cadre institutionnel, en renforcent la productivité. Cette heureuse association a permis à la production agricole mondiale de croître plus rapidement que la demande, et ce malgré la moindre disponibilité de ressources en terres et en eaux par habitant de la planète. Afin que cette tendance se poursuive, l'augmentation des volumes obtenus devra provenir principalement d'une intensification de la production, étant donné que l'extension des terres cultivables n'aura jamais qu'une incidence limitée. La disponibilité de ressources en terres et en eaux est donc une condition clé du développement, de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté.

13. Selon les estimations de la FAO, entre 1995/97 et 2030, près de 75 pour cent de la croissance agricole projetée en Afrique subsaharienne proviendra de l'intensification de l'agriculture, sous la forme d'une augmentation des rendements (62 pour cent) et d'une plus grande intensité des cultures (13 pour cent), les 25 pour cent restants provenant d'une extension des terres arables. La portion de l'augmentation attribuable à l'intensification de l'agriculture dépassera 90 pour cent dans les pays du Proche-Orient et d'Afrique du Nord, où les terres arables sont rares. La production intensive intéresse le plus souvent des terres déjà mises en culture (FAO, 2000a).

14. Le problème le plus aigu posé par l'eau ne tient pas à la quantité disponible, mais plutôt à sa répartition inégale et à sa gestion dans le temps et dans l'espace. L'effet conjugué d'une distribution inégale et d'une augmentation de la population exerce une pression croissante sur les ressources disponibles en eau dans plusieurs pays, et plus particulièrement en Afrique et au Moyen-Orient. L'aggravation de la pénurie d'eau découlera en grande partie des besoins en croissance rapide correspondant aux utilisations agricoles, industrielles et ménagères. Parallèlement, on voit diminuer le potentiel d'augmentation des approvisionnements dans de nombreux pays et localités. En outre, les problèmes de pénurie d'eau se trouveront aggravés par la dégradation de la qualité de l'eau et des conditions environnementales, la détérioration des terres irriguées, l'insuffisance du débit des cours d'eau, la dégradation des terres en amont et les crues saisonnières. Si des mesures ne sont pas prises rapidement, un certain nombre de pays d'Afrique risquent de se voir confrontés à de graves pénuries d'eau, qui pourraient en limiter l'utilisation à des fins industrielles et ménagères et peser sur la production agricole (FIDA, 2001).

15. La menace que représente ce phénomène est particulièrement grave pour le secteur agricole, principal utilisateur d'eau dans la plupart des pays d'Afrique - où il représente souvent 90 pour cent, voire davantage, de l'utilisation totale de l'eau. L'irrigation étant la principale utilisatrice de cette eau, souvent à des taux hautement subventionnés, l'attention est centrée sur les modalités d'utilisation, dont l'efficience laisse souvent à désirer.

b) L'irrigation

16. En 1995/97, le total des surfaces irriguées dans les pays en développement représentait environ 197 millions d'hectares, soit les trois quarts de la surface irriguée mondiale, et se répartissaient ainsi: 74 pour cent en Asie, 14 pour cent au Proche-Orient/Afrique du Nord, 9 pour cent en Amérique latine et 3 pour cent en Afrique subsaharienne. Entre 1961/63 et 1995/97, la surface irriguée des pays en développement a augmenté au taux annuel de 1,9 pour cent, pour atteindre 197 millions d'hectares. C'est l'Asie qui a enregistré la principale augmentation, en atteignant 70 millions d'hectares (principalement en Inde, au Pakistan et en Chine), tandis qu'en Afrique subsaharienne, l'augmentation était de 2 millions d'hectares. Selon les prévisions, la superficie des terres irriguées devrait augmenter de 0,6 pour cent par an, pour atteindre 242 millions d'hectares en 2030. L'insuffisance et le déclin des investissements dans le secteur agricole, dans le secteur de l'eau en général et celui de l'irrigation en particulier, illustrent le ralentissement de l'expansion de l'irrigation.

17. L'irrigation est essentielle à l'intensification de l'agriculture. L'agriculture irriguée, qui se pratique sur 20 pour cent des terres arables représente, dans les pays en développement, 40 pour cent de la production agricole totale et près de 60 pour cent de la production céréalière. On estime que, dans les prochaines décennies, près de 80 pour cent de la croissance de la production agricole proviendra d'une intensification rendue possible en grande partie par l'irrigation. Ainsi, 70 pour cent de l'augmentation de la production céréalière prévue d'ici 2030 sera attribuable à l'irrigation. Étant donné que l'agriculture pluviale n'a pas vraiment les atouts requis pour remplacer à grande échelle l'agriculture irriguée, cette dernière constitue une solution obligée face au défi posé par l'augmentation de la demande d'aliments et par d'autres besoins du secteur agricole dans les pays en développement.

18. En stimulant la productivité agricole, l'irrigation contribue de façon non négligeable aux revenus ruraux, à l'emploi rural, à la sécurité alimentaire, à l'atténuation de la pauvreté, et, de manière générale, à la croissance et au développement. En outre, elle maintient le prix des denrées alimentaires à des niveaux abordables pour les catégories pauvres. Sans une expansion de l'irrigation, de nombreux pays seront incapables de parvenir à la sécurité alimentaire et de réduire la pauvreté. Par ailleurs, l'irrigation ciblant les petits exploitants agricoles a des effets de répartition bénéfiques, qui profitent principalement aux régions rurales, où vivent les trois quarts des populations pauvres de notre planète.

19. Dans l'avenir, l'essentiel des investissements concernant l'irrigation se fera au titre de la remise en état, de l'amélioration et de l'expansion des périmètres. De tels investissements bénéficieront de la portion importante de dépenses à fonds perdus qui caractérise les périmètres existants, ce qui leur conférera une rentabilité accrue. Au demeurant, le domaine de l'irrigation attire, dans le monde entier, un volume d'investissements qui témoigne indéniablement des résultats obtenus. Par ailleurs, la plupart des problèmes techniques, économiques, sociaux et environnementaux provoqués par l'irrigation ont à présent trouvé une solution. En conséquence, lorsque les projets respectent les normes en matière de conception et de mise en œuvre, l'irrigation peut représenter un atout pour l'environnement.

20. Étant donné que l'irrigation utilise d'importants volumes d'eau, les améliorations apportées à l'efficience de son utilisation - généralement médiocre aujourd'hui - permettront de rendre disponibles d'importants volumes pour son expansion, mais aussi pour son utilisation par d'autres secteurs. L'application de nouvelles technologies et méthodes dans le domaine de l'exploitation et de la gestion améliore les niveaux d'efficience. En outre, l'application de principes favorisant la participation de l'agriculteur, son autonomie financière et la privatisation, ne manqueront pas d'améliorer la viabilité des investissements futurs dans les périmètres nouveaux ou existants. L'irrigation réduit le risque de pertes de récolte liées à l'incertitude des précipitations, elle permet de produire dans des régions ou durant des périodes sèches, tout en fournissant aux agriculteurs une eau qui augmente le rendement à l'hectare. Ajoutons qu'il existe de puissantes synergies entre l'irrigation et les autres grands facteurs de croissance agricole tels que les engrais, l'amélioration des variétés cultivées et des pratiques d'élevage, le renforcement de l'infrastructure et une meilleure intégration aux marchés. Tous ces éléments encouragent les agriculteurs à investir dans l'amélioration des terres et dans les autres intrants. En outre, grâce à son influence sur les revenus agricoles, l'irrigation a un effet de multiplication sur les revenus non agricoles, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire et à l'atténuation de la pauvreté.

c) La mise en valeur des ressources en eau et l'amélioration des terres dans les régions de culture pluviale moins favorisées

21. Les stratégies de développement agricole qui mettent l'accent sur l'agriculture irriguée ont permis d'augmenter la production agricole tout en stimulant la croissance économique. Parallèlement, d'importantes superficies cultivées en sec, moins favorisées, ont été négligées et accusent un retard en matière de développement économique. Ces terres se caractérisent par un faible potentiel agricole, souvent lié à la mauvaise qualité des sols, à des pentes raides, à la brièveté des campagnes agricoles, et enfin à l'insuffisance et au caractère incertain des précipitations. À cela s'ajoute souvent la négligence, qui se traduit par la faiblesse de l'infrastructure, des institutions et de l'accès aux marchés. À mesure qu'augmente la densité démographique, parallèlement à une stagnation de la production, l'insécurité alimentaire et la pauvreté s'aggravent tandis que s'étend généralement le phénomène de dégradation des sols et des ressources en eau.

22. C'est dans de telles régions qu'habitent près de 60 pour cent des populations pauvres, souvent composées d'autochtones marginalisés au plan politique et de groupes de personnes déplacées ou d'immigrants (FIDA, 2001). Ces personnes n'ont guère de chances de quitter la région à court ou à moyen terme et de s'intégrer à d'autres secteurs de l'économie. En outre, il s'agit de zones écologiquement vulnérables méritant une attention prioritaire, car elles constituent une part importante des ressources terrestres de la planète. Rappelons que 40 pour cent de la surface du continent africain sont représentés par des terres arides, dont près de 70 pour cent sont dégradées, parfois gravement. En outre, les régions de collines et de montagne, qui couvrent près de 21 pour cent de la superficie terrestre, exercent une fonction importante de bassins versants. La dégradation des terres et la réduction du couvert végétal sont des facteurs de réduction de la biodiversité et de la capacité d'échange de carbone.

23. S'agissant des seuls domaines du développement et de l'environnement, il conviendra d'insister davantage sur les régions défavorisées lors de l'établissement de priorités en matière d'interventions et d'investissements publics. Dans certains cas, l'expansion des terres peut contribuer à l'augmentation de la production agricole. Cependant, dans de nombreuses régions difficiles, les crises d'ordre social et environnemental sont déjà fréquentes, et elles forcent parfois les gouvernements et les donateurs à dépenser davantage au titre de l'aide d'urgence qu'à investir dans le développement à proprement parler. Des études ont démontré que les investissements stratégiquement orientés vers le développement économique des régions moins favorables peuvent être plus rentables que des secours, même sur une période relativement brève (Owens et Hoddinott, 1998). En effet, l'accroissement des investissements publics au titre des technologies et de l'infrastructure dans les régions défavorisées peut entraîner une augmentation plus élevée des rendements marginaux que ne le ferait un surcroît d'investissements dans l'agriculture irriguée (Fan et Hazzell, 1997). Des stratégies de gestion telles que la mise en valeur intégrée des bassins versants ont démontré que les investissements dans ces secteurs peuvent donner des rendements acceptables tout en atteignant le double objectif représenté par la croissance de la productivité et l'atténuation de la pauvreté.

24. Lorsqu'on investit dans un projet de mise en valeur des ressources en terres et en eaux, les effets bénéfiques ne se limitent pas à ce simple domaine, car l'investissement intéresse tout un éventail d'autres éléments tels que les pratiques agricoles, la diversification des espèces végétales et les nutriments, les ressources humaines, l'élargissement de l'infrastructure et la mise en œuvre de politiques bénéfiques. Il ne s'agit pas, pour autant, de réduire les investissements publics dans les régions d'agriculture irriguée ou d'agriculture pluviale à haut potentiel, mais plutôt d'établir un meilleur équilibre, en matière d'investissements, entre les terres irriguées et les terres défavorisées, étant donné que la bonification et/ou la mise en valeur de ces dernières peut profiter au nombre important de personnes pauvres qui les occupent. Le montant d'investissements publics économiquement justifiables dont bénéficie une localité peut être déterminé par le rendement social net, lequel se mesure au moyen de la croissance de la productivité, de la réduction de la pauvreté et de l'endiguement de la dégradation environnementale.

25. Les besoins en investissements des régions rurales comprennent l'amélioration de la santé et l'éducation, l'infrastructure et la production agricole, selon des combinaisons différentes dictées par une démarche intégrée. En règle générale, les systèmes agricoles des régions moins favorisées incorporent l'agriculture mixte et les autres pratiques contribuant à la conservation des sols, des nutriments et de l'eau. Ainsi, tout en reconnaissant la pertinence d'une amélioration des produits dans les régions moins favorisées, l'on convient de plus en plus que l'essentiel des gains de productivité devra provenir de l'amélioration des pratiques de gestion des ressources naturelles et de l'application de techniques adaptées aux conditions écologiques, sociales et économiques des communautés rurales. En outre, les techniques d'amélioration des terres et de mise en valeur intégrée des bassins versants ont donné des résultats prometteurs et méritent une place au cœur des stratégies de développement dans les régions de culture pluviale moins favorisées de nombreux pays. Rappelons que de tels investissements peuvent donner des rendements économiques acceptables tout en profitant directement aux participants. Lorsque les conséquences bénéfiques aux plans social et environnemental sont pleinement prises en considération au moment de l'évaluation, on constate que le rendement est parfois supérieur à celui des autres investissements agricoles. Toutefois, étant donné que la pénurie d'eau limite le potentiel productif de la plupart des régions moins favorisées, leur contribution à l'augmentation de la production céréalière destinée à la consommation humaine et à la sécurité alimentaire de la plupart des pays est vouée à demeurer relativement modeste. Les régions à fort potentiel dotées de réseaux d'irrigation resteront donc les greniers de la plupart des pays en développement.

IV. LE DÉCLIN DES INVESTISSEMENTS ET SES CONSÉQUENCES

26. Il est largement admis que les investissements destinés à augmenter la capacité de production agricole concernent les actifs physiques, mais aussi la diffusion de la science et de la technologie, la mise en valeur du capital humain et l'accumulation de capital social. Le capital est un facteur déterminant de la croissance agricole, dont l'absence ou la présence insuffisante entrave la croissance. C'est pourquoi il importe de s'attacher à mettre en œuvre des politiques favorables à l'investissement en vue d'augmenter les niveaux de productivité et de réaliser les changements structurels nécessaires. Enfin, le cadre politique et institutionnel doit être, dans son ensemble, propice aux investissements des agents privés, et en particulier des agriculteurs.

a) L'investissement privé

27. Dans les pays en développement, plus de la moitié des investissements effectués dans le secteur agricole et dans les secteurs d'activités connexes concernent l'exploitation agricole, à savoir, pour l'essentiel, la main-d'œuvre familiale engagée dans le défrichage, le nivellement et le terrassement, l'irrigation et le drainage, l'horticulture et l'accroissement du cheptel. L'irrigation représente plus de la moitié des investissements, si l'on considère notamment que, sur un total de 264 millions d'hectares, environ 70 millions d'hectares ont été pourvus de systèmes d'irrigation privés échappant au contrôle des pouvoirs publics.

28. Entre 1990 et 1997, les investissements privés (d'origine nationale ou étrangère) effectués dans les pays en développement ont quintuplé. En dépit de la pénurie de données concernant les investissements privés nationaux, on est fondé à penser que cette augmentation a été nettement moindre dans les pays d'Afrique en général, par suite du très faible niveau des revenus et de l'épargne. De plus, les pays pauvres ont du mal à attirer les investissements extérieurs directs, du fait du sous-développement de leurs marchés financiers et des risques élevés et à longue échéance que doivent assumer les investisseurs potentiels. Au cours de la période citée, l'Afrique a reçu environ 1 pour cent des investissements extérieurs directs à l'échelle mondiale, et 4 pour cent des investissements extérieurs directs dans les pays en développement. C'est pourquoi les investissements publics dans le secteur agricole restent d'une importance vitale pour la plupart des pays d'Afrique.

b) Les dépenses publiques

29. Malgré le manque de données utilisables concernant les dépenses et les investissements publics au titre de l'agriculture en Afrique, il semble bien, d'après les éléments dont on dispose, que le niveau de ressources publiques allouées à l'agriculture depuis les années 90 a toujours été faible relativement à la taille du secteur et à sa contribution à l'activité économique. Dans la plupart des pays d'Afrique, ce secteur reçoit moins de 10 pour cent des dépenses publiques (dépenses échelonnées et immobilisations ponctuelles), alors qu'il génère entre 30 et 80 pour cent du PIB. En outre, les pays où la faim sévit durement se caractérisent également par un niveau de dépenses publiques qui ne reflète pas l'importance du secteur agricole.

30. De manière générale, les dépenses publiques dans le secteur agricole ont été inférieures aux transferts directs et indirects de revenus dont il a fait bénéficier le trésor public et le reste de l'économie. L'insuffisance des ressources publiques a pesé sur le développement des prestations publiques dans le secteur rural (infrastructures, institutions, services de soutien, capital humain) et sur la capacité de développement du secteur privé. De plus, cette carence des investissements publics a entravé le développement en privant l'économie des effets d'entraînement puissants que peut avoir, pour l'ensemble de l'économie, une croissance agricole vigoureuse.

31. Même lorsque les investissements publics ont été élevés, leur répartition laissait souvent à désirer et les budgets ne prévoyaient pas leur maintien pendant la durée nécessaire.

c) L'aide publique au développement

32. Compte tenu de la faiblesse de ses niveaux de revenu et d'épargne, l'Afrique reste étroitement tributaire de ressources financières extérieures pour le soutien de la croissance nécessaire à la promotion du développement et à l'atténuation de la pauvreté. La plupart des pays d'Afrique n'ont pas réussi à attirer des montants significatifs de capitaux privés, en particulier d'investissements extérieurs directs, pour les raisons évoquées plus haut. Il faudra donc augmenter de façon substantielle le financement public du développement si l'on veut que le continent atteigne le niveau de croissance qui lui permettra, à terme, d'attirer les investissements extérieurs et de réduire sa dépendance à l'égard de l'aide (CNUCED, 2000).

33. Lorsqu'on la mesure en prix constants de 1995, l'aide publique au développement provenant de donateurs bilatéraux et multilatéraux est inférieure de 8 pour cent aux niveaux de 1990. Tout au long des années 90, le flux de financement destiné à l'agriculture primaire n'a cessé de décliner, tandis que l'attention se portait vers d'autres secteurs, en particulier la protection de l'environnement, le développement rural et l'infrastructure (FAO, 2000 b). La proportion de l'aide sectorielle dirigée vers l'agriculture, la foresterie et les pêches est tombée à 20 pour cent en 1987-1989, puis à 12,5 pour cent en 1996-1998. Le niveau réel de l'aide versée à l'agriculture, à la fin des années 90, représentait 35 pour cent du niveau de la fin des années 1980 (FIDA, 2001). En 2000, la proportion des prêts consentis au secteur agricole relativement à l'ensemble du portefeuille de la Banque mondiale était inférieure à 10 pour cent contre une moyenne de 14 pour cent au cours de la décennie précédente. Il s'agit du niveau le plus bas jamais atteint, tant en pourcentage qu'en montant absolu (Banque mondiale, 2000). Parallèlement, on a enregistré, au cours des années 90, une chute de 82 pour cent des travaux visant à obtenir une base analytique sous-tendant l'aide au développement rural en Afrique, et ce déclin, qui ne semble guère devoir ralentir, risque fort de se traduire par un amenuisement supplémentaire des prêts et de la qualité des projets au cours des prochaines années.

d) Conséquences

34. L'attention insuffisante accordée au secteur agricole et à l'économie rurale de l'Afrique a eu des conséquences graves pour le continent. La comparaison des résultats agrégés obtenus par les continents au cours des quarante dernières années montrent que l'Afrique est le seul continent ayant enregistré un déclin de la production par travailleur. Ainsi, en 1997, sur 49 pays africains, 34 (70 pour cent) produisaient moins de denrées alimentaires par personne qu'une décennie auparavant. Depuis 1990, la productivité agricole par travailleur stagne à l'échelle du continent, à environ 375 dollars américains (dollars américains constants de 1995). Il s'agit d'un recul de 12 pour cent par rapport à 1980, et le fossé entre la production et les besoins ne cesse de se creuser.

35. La médiocrité de la productivité découle de la faiblesse des investissements qui pourrait la potentialiser tels que l'irrigation, l'utilisation d'engrais et d'autres intrants commerciaux, ainsi que la mécanisation. Sur le continent africain, l'irrigation ne concerne que 4 à 7 pour cent des terres cultivées, soit moins de 20 pour cent des terres irrigables. Il faut comparer ce chiffre aux pourcentages enregistrés dans la région Amérique latine et Caraïbes, qui présente une densité démographique et un potentiel de ressources naturelles comparables. L'insuffisance des investissements pour l'amélioration des sols est à l'origine d'une extraction excessive de nutriments par les activités agricoles (Scherr, 1999). Au cours des cinquante dernières années, la dégradation des sols a considérablement pesé sur la productivité et sur les rendements agricoles du continent africain (Oldman, 1998).

36. Durant la période 1988-1992, l'accumulation de capital par hectare de terres agricoles représentait, sur le continent africain, un sixième du chiffre correspondant en Asie et moins d'un quart de l'accumulation réalisée en Amérique latine (CNUCED, 1998). Il existe une corrélation entre cette sous-capitalisation et le manque de compétitivité des produits africains sur les marchés mondiaux. Depuis 1970, l'Afrique a vu se rétracter la part des marchés mondiaux occupés par ses exportations agricoles, en particulier pour des denrées comme les arachides, le cacao et le café.

37. Le développement insuffisant du secteur agricole est un facteur d'insécurité alimentaire et de pauvreté. Aujourd'hui, plus de 180 millions d'habitants du continent africain n'ont pas accès à une nourriture suffisante pour mener une vie saine; ils représentent près d'un tiers de la population totale. Le tableau 1 décrit les dernières projections de la FAO en ce qui a trait à la sous-alimentation en Afrique et au Proche-Orient/Afrique du Nord.

Tableau 1. Évolution projetée de la sous-alimentation

 

1990-92

1997-99

2015

2030

1990-92

1997-99

2015

2030

 

Pourcentage de la population

Millions de personnes

Afrique subsaharienne

35

34

22

15

168

194

184

165

Proche-Orient/Afrique du Nord

8

9

8

6

25

33

38

35


Source: Agriculture: Horizon 2015/30, Rapport technique provisoire, FAO, 2000.
L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde 2000, FAO, 2001.

38. Ces projections indiquent qu'aucun progrès n'a été accompli depuis 1992, période de référence pour la fixation de l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation, dans l'une ou l'autre de ces deux régions pour ce qui est de réduire le nombre de personnes sous-alimentées. Du fait de la croissance démographique et compte tenu du niveau actuel des investissements dans l'agriculture, le nombre de personnes souffrant de la faim est destiné à rester à peu près constant jusqu'à 2015, avant de commencer à décliner vers 2030. Ces résultats sont loin de répondre à l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation - à savoir réduire de moitié d'ici 2015 le nombre des personnes souffrant de la faim. Ces données masquent par ailleurs des différences entre pays au sein des régions concernées. Ainsi, en Afrique subsaharienne, six pays ont accompli des progrès notables vers la sécurité alimentaire, tandis que d'autres n'ont jamais connu une situation aussi difficile au cours des trois dernières décennies, et devront donc atteindre des taux de croissance exceptionnellement élevés pour atteindre l'objectif du SMA.

e) Le paradoxe

39. Dans leur poursuite des objectifs fixés pour l'agriculture dans le cadre du NEPAD, les pays africains se trouvent confrontés à une contradiction flagrante. D'une part, tout démontre que seule une croissance rapide du secteur agricole permettra d'atteindre les buts souhaités de développement, de sécurité alimentaire et d'atténuation de la pauvreté, ce qui exige, de l'avis général, une intensification des investissements dans les ressources créatrices de productivité telles que la terre et l'eau; mais, d'autre part, les crédits alloués par les gouvernements et par les partenaires du développement pour potentialiser l'agriculture ainsi que les ressources en terres et en eaux sont nettement insuffisants par rapport à la tâche à accomplir et ne cessent, au demeurant, de décliner. L'attention a été attirée de façon répétée sur ce paradoxe, mais sans effet, semble-t-il.

40. Diverses explications ont été proposées face à ce déclin de l'investissement dans l'agriculture, les terres et les eaux. L'on a attribué la faiblesse des investissements alloués à la mise en valeur des terres et des eaux, et notamment de l'irrigation, aux coûts élevés de développement qui seraient à l'origine de la médiocrité des rendements de l'investissement, des retombées négatives des grands périmètres aux plans social et environnemental, du gaspillage de l'eau, et enfin du manque de durabilité financière et organisationnelle liée aux carences au niveau de l'exploitation et de la gestion. Il faudra donc intensifier les efforts pour dissiper les conceptions erronées en matière de coûts et d'avantages des investissements visant à mettre en valeur les ressources en terres et en eaux. Cependant, on pourrait envisager de résoudre de façon peut-être plus efficace le paradoxe de l'insuffisance et du déclin des investissements, en démontrant de façon plus convaincante que par le passé quel est l'impact de ces investissements, mesuré à l'aune des objectifs de développement.

V. L'ÉVALUATION DES BESOINS EN INVESTISSEMENTS DANS LES RESSOURCES EN TERRES ET EN EAUX

a) Généralités

41. L'utilisation de coefficients macro-économiques ne fournit que des informations approximatives, notamment lorsqu'on les applique aux pays en développement pour lesquels n'existent souvent que des données lacunaires et peu fiables. En outre, cette démarche ne fournit aucun éclairage sur les corrélations entre investissement et développement, ni sur les investissements faits par les agriculteurs en vue d'augmenter leurs actifs, par exemple en ce qui concerne les terres, les eaux, les intrants et les éléments connexes contribuant de façon marquée à augmenter la production. Le défi qui consiste à mettre au jour la relation entre les investissements et la production agricole est de taille, car de nombreux facteurs viennent influencer l'efficacité de tels investissements. On ne dispose guère de relevés détaillés d'investissements précédents, et rares sont les projections qui ont véritablement tiré les conséquences, en matière d'investissements, de projets visant à stimuler la croissance agricole (FAO, 1996).

42. Selon les estimations de la FAO, il convient, pour atteindre l'objectif du SMA consistant à réduire de moitié le nombre des personnes souffrant de la faim d'ici 2015, d'investir chaque année, dans le secteur agricole des pays en développement, un montant annuel brut d'environ 180 milliards de dollars E.-U. Ce montant comprend les investissements dans le secteur agricole primaire ainsi que dans les installations d'entreposage et de transformation et dans l'infrastructure de soutien. La même étude démontre que la poursuite des taux antérieurs d'investissements annuels jusqu'à 2015 entraînera, relativement à l'objectif du SMA, un déficit de 12 pour cent pour tous les pays en développement et de 38 pour cent pour l'Afrique subsaharienne (FAO, 2001). Même si ces estimations à long terme peuvent contribuer à attirer l'attention du monde politique et de l'opinion publique sur la question, il convient de fournir aux planificateurs, aux donateurs et aux investisseurs au niveau national, davantage d'informations quantitatives concernant les investissements dans le secteur agricole et leur impact probable à court terme au niveau national.

43. Faute d'informations plus spécifiques, les propositions budgétaires émises à l'échelon national pour le financement du secteur agricole sont trop souvent basées sur des généralisations concernant la contribution de l'agriculture au développement et les effets présumés que pourraient avoir les dépenses dans le domaine agricole sur la réalisation des objectifs de développement, par exemple en matière de croissance économique. Pour valables que soient de telles généralisations et hypothèses, elles ne réussissent guère à convaincre les représentants des autorités nationales chargés d'allouer des ressources budgétaires limitées entre les différents secteurs économiques. Il faut donc asseoir l'argumentation concernant les investissements dans l'agriculture sur une analyse rigoureuse permettant de mieux comprendre les corrélations qui déterminent l'impact économique probable des investissements sur les facteurs d'amélioration de la productivité tels que la terre et l'eau. Une meilleure compréhension de ces corrélations conduirait à une allocation plus rationnelle des fonds, non seulement au niveau intersectoriel mais également au sein du secteur agricole.

b) La démarche proposée

44. Justification. Une procédure a été élaborée à l'intention des organismes étatiques chargés de mettre au point des scénarios d'investissements visant à mettre en valeur les terres et les eaux, dans un cadre national, tout en intensifiant la production. Cette procédure, qui place l'agriculture dans le contexte de l'économie rurale, prend également en considération les besoins en investissements touchant la transformation, la commercialisation et les éléments de l'infrastructure rurale. Elle fournit ainsi aux pays un instrument servant à quantifier les coûts et les avantages des investissements dans le secteur; elle aide en outre à comprendre comment de tels investissements se rattachent à des objectifs spécifiques de développement; ce faisant, elles renforcent l'argumentation en faveur d'une augmentation des crédits alloués à l'agriculture au niveau national.

45. Une telle procédure a été conçue en vue d'apprécier les besoins en investissements nécessaires pour obtenir un surcroît de production permettant de couvrir l'augmentation prévue des besoins alimentaires du pays. Mais elle ne peut pas répondre à la question de savoir si, et de quelle manière, de tels besoins peuvent se traduire par une demande effective. La procédure, quoique empirique et approximative, présente l'avantage de la simplicité, de la transparence et de l'adaptabilité aux caractéristiques nationales, ce qui dépose en faveur de la précision et de la fiabilité des résultats obtenus. En outre, cette démarche présente, relativement à des approches plus globalisantes, l'avantage de permettre aux autorités nationales d'identifier la corrélation entre les investissements portant sur un choix de facteurs contribuant au développement, et des objectifs précis en matière de développement tels que la croissance et la réduction du déficit alimentaire. L'attention se trouve ainsi concentrée sur la démonstration de la relation de cause à effet entre les investissements dans le secteur agricole et le développement, laquelle n'est plus considérée comme allant de soi. La procédure peut alors être adaptée aux conditions et aux options propres à chaque pays, en privilégiant un objectif de développement et en incorporant les volets d'investissement les plus appropriés et, enfin, en appliquant des coûts unitaires spécifiques au pays pour chaque volet d'investissement. Nous soulignons que la méthode ne prescrit pas les volets d'investissement ni leurs modalités de financement.

46. Le principal avantage de la procédure tient sans doute au fait qu'elle fournit aux autorités, dans le domaine agricole, un instrument visant à quantifier les coûts et les avantages probables des investissements dans le secteur. Une telle quantification - en particulier à mesure que l'usage permet de l'affiner - devrait servir à convaincre les responsables nationaux des finances, les donateurs et les investisseurs potentiels de la nécessité de faire une place accrue à l'agriculture dans les débats de politiques et à lui accorder davantage de crédits d'investissement. Cette démarche constitue une avancée vers une analyse relativement détaillée de l'incidence des investissements agricoles sur des objectifs spécifiques de croissance, ce qui constitue une condition préalable de toute politique réaliste. Elle permet en outre d'analyser dans les grandes lignes les objectifs des politiques en fonction des besoins en investissements. Cette meilleure compréhension des corrélations qui existent entre l'investissement dans le domaine agricole et les résultats souhaités en matière de développement au niveau national devrait aider à renverser la tendance au déclin des investissements dans le secteur agricole.

47. Augmentation de la demande. Dans le cadre de l'approche précitée, la procédure est utilisée pour estimer les besoins en investissements nécessaires à une augmentation de la production permettant d'atteindre les objectifs fixés par le SMA pour 2015, comme l'illustre la projection «guidée» (orientée vers l'objectif du SMA) du diagramme ci-après. Il convient de quantifier les besoins alimentaires supplémentaires avant de fixer, selon un éventail d'hypothèses, le volume des investissements visant à répondre à ces besoins accrus.

Graphique: 
Millions de personnes sous-alimentées
Tendance
Résultats si les tendances actuelles se poursuivent
Vers l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation
Période de référence du Sommet mondial de l'alimentation 1990-92

Source: L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde 2001, FAO

48. La FAO a exprimé les prévisions concernant la demande supplémentaire de nourriture selon une formule révisée d'apport calorique par habitant pour chaque pays, qui correspond à l'objectif consistant à réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées. L'hypothèse présume que l'objectif du SMA s'applique à chaque pays et que le schéma de consommation de calories par habitant demeure identique à celui de l'année de référence (1995/1997)3. Les prévisions concernant l'augmentation de la demande alimentaire au niveau national sont, de la sorte, basées sur de nouvelles prévisions concernant la consommation quotidienne de calories par habitant et l'évolution démographique. Les hypothèses concernant tant la population que la croissance du revenu répondent à la question de savoir si les besoins alimentaires se traduiront par une demande effective, tant dans le scénario «normal» que dans le scénario «cap sur l'objectif».

49. L'augmentation de la production intérieure. Le volume souhaitable d'augmentation de la production intérieure s'obtient en soustrayant les dernières estimations de la FAO concernant les disponibilités alimentaires probables en 20154 , de la demande de nourriture correspondant aux prévisions. La portion de la demande accrue devant provenir de l'augmentation de la production intérieure est obtenue, elle, en maintenant à un niveau constant les coefficients d'autosuffisance (SSR) du document Agriculture: Horizon 2015/30, l'hypothèse étant que les importations nettes de denrées alimentaires augmenteront à la même cadence que la production intérieure. L'augmentation requise de la production varie selon les options retenues par chaque pays; les calculs ne prennent pas en considération les politiques en cours ni les interventions sous forme d'investissements qui pourraient influencer de façon marquée la production intérieure - par exemple, la priorité accordée à la production rizicole au Ghana.

50. L'augmentation des rendements et l'expansion des terres cultivées. L'augmentation requise de la production nationale provient de l'expansion des terres cultivées (cultures pluviales et cultures irriguées) associée à l'augmentation des rendements. Les facteurs de croissance de la production agricole retenus dans le document Agricole: Horizon 2015 (augmentation des rendements et expansion des surfaces cultivées) pour chacune des 34 cultures faisant partie du scénario «normal» ont été appliqués. La consommation accrue d'engrais est censée contribuer également à l'augmentation des rendements. Étant donné que les engrais sont peu utilisés en Afrique, l'augmentation des rendements généraux ne sera obtenue, au niveau national, qu'une fois l'utilisation des engrais devenue plus rentable. Cette hypothèse suppose que l'augmentation de la demande alimentaire devienne effective, que l'amélioration des approvisionnements alimentaires provienne principalement de la production intérieure, et que se matérialise le changement d'attitude à l'égard des engrais, lequel exige, comme préalable, des investissements améliorant la fertilité des sols.

51. Les investissements. Afin d'établir une corrélation entre l'augmentation de la production et les investissements, la FAO propose, après les avoir élaborées, un certain nombre de rubriques de capitalisation propres à renforcer la production agricole. Elles concernent les besoins en ressources et en intrants de l'agriculture primaire, les services de commercialisation et de transformation, de même que d'autres éléments sous-tendant le développement rural tels que l'infrastructure. Aucune disposition directe n'a été prise en vue des investissements concernant le développement et le transfert de technologies, compte tenu de la difficulté à établir une base d'estimation de ce secteur pour l'ensemble de l'Afrique. Il appartiendra donc à chaque pays de décider s'il veut incorporer la recherche et la vulgarisation comme rubriques de capitalisation contribuant au développement agricole.

c) Résultats provisoires

52. Lorsqu'on exprime la production additionnelle destinée à réaliser l'objectif du SMA sous forme de pourcentage de la production projetée en 2015, les résultats indiquent que, d'ici 2015, sept pays africains devraient augmenter leur production alimentaire d'un maximum de 10 pour cent, 27 pays africains devraient l'augmenter de 10 à 25 pour cent, et 12 pays africains devraient augmenter leur production de plus de 25 pour cent. Il semble, sur la base des hypothèses retenues, que l'augmentation de production alimentaire nécessaire à l'obtention d'un tel résultat soit substantielle pour la plupart des pays. Elle nécessitera que l'on mette en culture des terres supplémentaires, en sec ou sous irrigation.

53. L'évaluation des besoins indique qu'il faudra effectuer des investissements supplémentaires pour obtenir ce surcroît de production; ainsi, 21 pays devront augmenter jusqu'à 25 pour cent leurs investissements au titre de la mise en valeur des ressources en terres et en eaux, 14 pays entre 25 et 50 pour cent, et 11 pays de plus de 50 pour cent - cet investissement étant exprimé en pourcentage de l'investissement additionnel total effectué dans le secteur primaire (agriculture et élevage). Ce volet intéresse tant les investissements publics que les investissements privés, y compris ceux des agriculteurs. Soulignons que ces estimations sont provisoires et approximatives.

VI. CONCLUSION

54. Le bien-fondé d'une campagne d'investissement dans le secteur agricole de l'Afrique, notamment pour la mise en valeur des terres et des eaux, apparaît clairement. Selon les estimations, au cours des prochaines décennies, près des trois quarts de la croissance projetée de la production agricole en Afrique subsaharienne résulteront du processus d'intensification, et le quart restant de l'expansion des terres arables. L'irrigation est un facteur essentiel de l'intensification de l'agriculture, et il faut y ajouter la nécessité de renforcer les investissements dans la mise en valeur des terres et dans l'agriculture pluviale des régions moins bien loties, où se trouvent concentrées en majorité les populations pauvres des campagnes. Malgré la pénurie d'informations, il semble bien que l'on enregistre, sur le continent africain, un déclin, ou tout au plus une stagnation des investissements au titre de l'agriculture, des terres et des eaux.

55. Dans un tel contexte, nous proposons d'agir sur deux fronts pour renforcer le plaidoyer en faveur de l'investissement dans l'agriculture:

 

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Banque mondiale. 2001.Africa Rural Development Strategy; Vision to Action Update, (Draft, février, 2001). Washington, D.C.

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1 Le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, octobre 2001

2 Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion des personnes vivant dans la pauvreté extrême; scolariser, d'ici 2015, tous les enfants en âge de fréquenter l'école primaire; accomplir des progrès en matière d'égalité homme/femme et renforcer le statut des femmes en éliminant les disparités de scolarisation primaire et secondaire, d'ici 2015; entre 1990 et 2015, réduire de deux tiers le taux de mortalité des nouveaux-nés et des enfants; entre 1990 et 2015, réduire des trois quarts le taux de mortalité maternelle; d'ici 2015, offrir un accès universel aux services de santé génésique; d'ici 2005, mettre en oeuvre des stratégies nationales de développement durable afin de renverser, d'ici 2015, la tendance à la dégradation des ressources environnementales.

3 On notera que le scénario de la publication Agriculture: Horizon 2015/30 est basé sur l’évaluation des projections démographiques faites en 1998 par l’ONU, et sur les données publiées par FAOSTAT en juin 1999. Le scénario est actuellement en cours de révision et sera présenté dans la version finale d’Agriculture: Horizon 2015/30 dont la publication est attendue début 2002.

4 Les estimations concernant les approvisionnements alimentaires en 2015 sont présentées dans le document Agriculture à l’Horizon 2015/30, rapport technique provisoire, avril 2000. Toutefois, les données utilisées par la FAO sont sujettes à constante révision, et seules les informations spécifiques d’origine nationale fournies par les pays membres de l’OUA permettent des estimations plus précises. Ces dernières sont particulièrement sensibles à la croissance démographique, et il en va de même des estimations utilisées pour l’apport calorique journalier par habitant.