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ÉVOLUTION DES MISSIONS DES FORESTIERS DANS LES PAYS FRANCOPHONES D'AFRIQUE SUB-SAHARIENNE

JEAN BEDEL
Professeur honoraire, Engref, France


1. INTRODUCTION

Un grand bouleversement de l'environnement économique, social, politique et technique a affecté, au cours des dernières décennies, les sociétés rurales des pays africains sub-sahariens. Il génère des prises de conscience et des initiatives porteuses de progrès mais aussi des blocages et des difficultés liés en grande partie à la dégradation des ressources naturelles (sols, eau, couverture végétale).

Après un bref historique de l'évolution des politiques de développement rural menées depuis trente ans par les pays africains, sont présentés:

2. BREF HISTORIQUE DU DÉVELOPPEMENT RURAL EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE

Le développement rural a connu, schématiquement, deux grandes périodes au cours des dernières décennies: celles des grands projets et celles des projets participatifs de gestion des ressources naturelles.

2.1 Les Grands Projets

Dans les années 70, se mettent en place de grands projets soutenus massivement par l'aide internationale qui peuvent être qualifiés de projets productifs. Ils visent en effet, une amélioration de la production, objectif légitimé par le désir de renforcer la sécurité alimentaire des villes, des zones rurales et de permettre à la population rurale de disposer d'excédent pour capitaliser, diminuer leur précarité et sortir d'une situation d'autosuffisance pas toujours assurée.

Ces projets sont axés sur une culture motrice d'exportation (arachide en zone sahélienne, coton en zone soudanienne et Nord guinéenne). Leurs caractéristiques sont les suivantes:

Cette période est caractérisée, pour le secteur forestier, par de grandes plantations d'espèces exotiques à croissance rapide faites, généralement, à proximité des grandes villes. Ces plantations devaient fournir du bois énergie et du bois de service pour couvrir, en partie, les besoins des grandes agglomérations et remplacer, en partie, les produits issus des forêts naturelles soumises à une forte pression et en dégradation rapide.

2.2 Les Réorientations Des Années 80

Dans les années 80, se produisent des changements dans les stratégies de développement des états et des bailleurs de fonds. Ces changements découlent:

Ce constat a amené les États à définir de nouvelles orientations qui correspondent d'ailleurs à des modèles soutenus par une partie de l'opinion des pays développés:

Ces évolutions sont variables d'un pays à l'autre et des projets d'inspirations différentes coexistent dans la plupart des pays. La sensibilité écologique de certains intervenants, notamment des ONG, a permis la mise en place, dès les années 70, de projets basés sur des techniques respectueuses de l'environnement (compost, foyers améliorés, plantations d'arbres).

3. LES PROJETS DE GESTION DES RESSOURCES NATURELLES

La dégradation des ressources naturelles est une réalité commune à la quasi-totalité des pays africains. On attribue cette dégradation à une double origine:

Confrontés à de multiples contraintes (baisse des précipitations, stagnation et diminution des prix des produits agricoles, augmentation du prix des intrants) les paysans s'adaptent en puisant dans leur capital naturel tout en ayant conscience de fragiliser ainsi leur avenir.

Les projets de gestion des ressources naturelles cherchent à se substituer en partie à une approche répressive et à une application souvent maladroite, toujours mal comprise par les ruraux, d'une réglementation nationale menée par des agents de l'État.

Ces projets étaient fondés, à l'origine, sur l'idée qu'un développement durable suppose une gestion patrimoniale des ressources d'un terroir donné, celui sur lequel une communauté rurale exerce des droits (de mise en culture, de pâturage, de chasse, de cueillette, etc.). Il fallait donc développer un réflexe patrimonial, ce qu'ont cherché à faire les projets de gestion des terroirs de la première génération, qui attachaient une grande importance à la fixation des limites des terroirs et au zonage de ces terroirs.

On s'est rapidement aperçu que les populations rurales s'intéressent surtout à des objectifs de court terme, accordant la priorité à un accroissement de leurs revenus, qu'elles adhèrent peu à une proposition de zonage et de gestion durable des ressources naturelles. Ces projets ont donc été confrontés à la difficulté de l'articulation entre les besoins immédiats des paysans et les objectifs, à moyen et long terme, d'une gestion durable du capital écologique. Si la priorité est accordée aux objectifs à moyen et long terme, les populations se démobilisent.

Le zonage et les aménagements à effet différé (aménagements anti-érosifs pour la réhabilitation des terres dégradées) doivent être un des résultats d'une réflexion prospective et très ouverte menée avec les villageois. Les propositions de zonage doivent être abordées au moment de la recherche de solutions aux problèmes identifiés par les villageois. Mettre en avant la nécessité d'un zonage aboutit souvent à révéler prématurément des rapports de force et à créer des blocages en faisant apparaître des inégalités d'accès aux ressources naturelles entre les familles détentrices de droits coutumiers et les autres, entre aînés et cadets, entre femmes et hommes or aucun intervenant extérieur n'a intérêt à chercher à peser sur ces rapports de force.

L'expérience a montré qu'un projet de gestion des ressources naturelles ne peut ignorer l'environnement économique, régional et national de sa zone d'intervention. Cet éclairage économique permet de proposer des solutions pour sécuriser et accroître les revenus monétaires, notamment par la diversification des activités et par la valorisation de certains produits.

Après plusieurs années d'expérience, les projets de gestion des ressources naturelles, conçus de plus en plus comme des projets de développement local, se trouvent confrontés à de nombreux problèmes présentés ci-dessous de façon non exhaustive:

4. LES PERSPECTIVES OFFERTES PAR L'AGROFORESTERIE

4.1 Les Parc Arborés

Les parcs arborés représentent un système traditionnel d'utilisation des terres pratiqué par les agriculteurs des zones sahéliennes et soudaniennes. L'intérêt de ces systèmes est largement reconnu. Ils contribuent au maintient de la fertilité des sols. On a constaté que, sous le couvert des arbres d'un parc, le niveau de fertilité est plus élevé qu'à l'écart des houppiers. Ceci est attribué, notamment, à une activité microbienne plus intense, à une meilleure protection contre l'érosion, à un accroissement de la teneur en azote du sol quand il s'agit d'une espèce légumineuse. Pour Faidherbia albida, dont la feuillaison est inversée, une des espèces les mieux représentées dans les parcs, les déjections des animaux qui s'abritent du soleil sous le couvert des arbres, pendant la saison sèche, contribuent efficacement à l'amélioration de la fertilité. L'effet de fertilisation de Faidherbia albida est plus sensible dans les sols peu fertiles et en années déficitaires en pluie.

Les systèmes représentés par les parcs arborés sont en crise. Différents éléments sont à l'origine de cette crise:

On note cependant une dynamique positive dans quelques pays. L'accroissement démographique récent qui caractérise les piémonts des monts Mandara, au Cameroun, a favorisé la réhabilitation des parcs à Faidherbia albida qui avaient été abandonnés pour des raisons historiques. Les Sérères, qui, au Sénégal, ont adopté un système de parcs arborés avec un élevage étroitement associé à l'agriculture, exploitent un espace avec une forte densité de population et enrichissent leurs parcs.

Cette crise est inquiétante pour l'avenir des parcs mais on voit apparaître, dans les zones soudaniennes et sahéliennes, de nouvelles pratiques de gestion paysanne de l'arbre. Ces pratiques concernent notamment:

4.2 Les Plantations D'espèces Forestières Par Les Agriculteurs

Dans les zones à forte densité de population, on constate une pratique, quelquefois ancienne, de plantation d'arbres par des agriculteurs. Ceci est particulièrement vrai en pays Bamiléké, dans l'Ouest Cameroun, caractérisé par un paysage de bocage. L'arbre est étroitement associé aux cultures, planté en limite et dans les parcelles. Plusieurs espèces sont utilisées, notamment l'Eucalyptus qu'on trouve également en peuplements. Ces peuplements sont conduits suivant un modèle local de sylviculture. Quand le peuplement est jeune, on récolte les belles tiges qui sont commercialisées sous forme de perches, quant les arbres sont trop gros pour produire des perches, les prélèvements sont faits au profit des tiges les mieux conformées qui donneront des grumes. Ces grumes sont débitées à la tronçonneuse, en deux temps, ce qui permet de libérer progressivement les contraintes de croissance (contraintes toujours très fortes chez les Eucalyptus ce qui pose problème pour une utilisation en bois d'œuvre) et d'obtenir des madriers et des planches de qualité. Les agriculteurs Bamiléké «construisent» un paysage de bocage sur les parties hautes de leurs terroirs, au détriment de pasteurs qui exploitaient traditionnellement ces espaces sous la forme de pâturages en les maintenant ouverts par une utilisation raisonnée du feu. On assiste donc, dans cette région du Cameroun, à une très forte dynamique de reboisement par des agriculteurs. Le pays Bamiléké couvre non seulement ses besoins en bois mais il exporte également certains produits; il produit la quasi-totalité des bois ronds supports de lignes utilisés au Cameroun et ce malgré une forte densité de la population.

On observe une dynamique de plantation dans d'autres régions d'Afrique notamment dans la région du Zou, au centre du Bénin. Il s'agit de Teck planté en association avec des cultures (essentiellement igname). Les arbres sont conduits pour produire des perches et du bois énergie. Cette pratique est limitée par la situation foncière car les agriculteurs ne plantent des arbres que dans les parcelles où ils ont un droit de propriété non contesté

On peut considérer que cette dynamique va s'élargir. La difficulté croissante de trouver du bois dans des formations naturelles donnera une valeur sur pied attractive aux arbres de plantation et encouragera un nombre croissant de paysans à planter des arbres.

5. L'AMÉNAGEMENT DES FORÊTS SÈCHES

Dans la majorité des pays africains francophones, l'administration coloniale avait mis en place un cadre politique et législatif inspiré des pratiques eur opéennes. L'État s'est vu confier l'exclusivité du contrôle de la gestion des ressources forestières et des ressources faunistiques. Etaient complètement ignorées les capacités des populations locales à assumer ou à prendre une part importante de responsabilité dans cette gestion.

L'Indépendance a peu changé les choses et les administrations nationales des nouveaux pays ont conservé, pendant plusieurs années, le même modèle.

Mais plusieurs éléments ont abouti à donner aux communautés rurales davantage de responsabilités dans la gestion des forêts:

L'idée d'associer davantage les populations locales à la gestion des ressources forestières est née au milieu des années 80. Ce transfert de responsabilité a donné des résultats très encourageants, notamment au Niger et au Mali, à travers des projets intitulés bois énergie.

Ces projets cherchent à concilier un approvisionnement satisfaisant des villes en bois énergie et une gestion durable des ressources forestières. Ils s'appuient sur le transfert contractuel de la gestion locale des forêts aux communautés rurales riveraines qui font acte de volontariat. Dans le cadre d'un contrat passé entre l'État et les communautés concernées, sont fixées les limites de la forêt soumise à une gestion dite «contrôlée» et un quota annuel de bois énergie est attribué aux villageois. Les forêts concernées font l'objet d'un plan simple de gestion qui définit un parcellaire, fixe la rotation des coupes, désigne les espèces exploitables, arrête un diamètre minimal et une hauteur de coupe, définit des modalités d'aide à la régénération naturelle, limite le pâturage pendant les 2 ans qui suivent la coupe, attribue un quota annuel en bois énergie aux villageois. Le bois exploité dans le cadre de ce contrat est commercialisé par des «marchés ruraux». Ceux-ci bénéficient d'une fiscalité favorable. Cette formule connaît un réel succès et tous les marchés ruraux créés avec l'assistance de projets il y a plusieurs années fonctionnent encore. Ce choix a été au début contesté par certains membres de l'administration qui ont émis des doutes sur la capacité des villageois à s'approprier ces méthodes et à défendre leurs ressources contre les pressions exercées par les exploitants forestiers. Mais ces aménagements simplifiés, basés sur une technique d'exploitation connue des paysans qui est celle du taillis fureté, ont permis d'apaiser les différents traditionnels entre pasteurs et bûcherons.

6. L'AMÉNAGEMENT DES FORÊTS DENSES HUMIDES

Dans les pays d'Afrique Centrale, la forêt n'est pas menacée par l'agriculture à cause de la faible densité de la population rurale. L'exploitation forestière, qui exige des moyens matériels et financiers importants, est aux mains de grandes sociétés privées utilisant des techniques de type industriel. Elle est basée sur la récolte d'un nombre limité de bois d'œuvre.

Au Gabon ont été mises en place, dès 1950, des expériences prometteuses d'aménagement des peuplements naturels d'okoumé. Cependant, le sentiment que la forêt est inépuisable n'a pas incité l'État à généraliser ces expériences. Les entreprises privées n'ont pas eu à faire un effort particulier pour gérer de façon durable leurs concessions. Divers éléments, notamment la menace que représente la pression internationale exercée par les écologistes pour réglementer, voir pour interdire, le commerce des bois tropicaux, ont amené les entreprises privées à modifier leur politique. Celles-ci sont désormais disposées à se donner les moyens d'aménager de façon durable leurs permis d'exploitation. L'État accepte de déléguer l'élaboration des plans d'aménagement au secteur privé, en se réservant le droit de contrôler la qualité de ces propositions et leur conformité à des règles. Un partenariat se met en place entre entreprises privées et service forestier pour permettre l'élaboration et la mise en œuvre de tels plans. Ce partenariat bénéficie d'une assistance internationale. Ces aménagements prennent en compte la nécessité d'assurer la pérennité de l'ensemble des ressources forestières et notamment des produits et des usages traditionnels (pharmacopée, fruits, chasse) mais, également de conserver la bio-diversité qui représente une garantie de production future.

De tels aménagements ont un coût non négligeable que les entreprises privées d'exploitation forestières semblent décidées à supporter. L'État doit veiller à ce qu'aucun exploitant ne déroge à ses obligations d'aménagement pour éviter de donner à ceux qui dérogeraient un avantage concurrentiel.

En Côte d'Ivoire, on a assisté, à partir des années 60 à une déforestation importante. Ceci résulte des choix de développement faits par le pays, fondés sur des cultures de rente et sur la création d'infrastructures lourdes (routes bitumées, port de San Pedro) qui a permis le désenclavement du sud-ouest, peu peuplé. Ceci a eu pour effet l'arrivée massive de migrants et l'apparition de fronts pionniers.

La création, en 1965, de la Sodefor, dans l'esprit de celle des sociétés d`État spécialisée (type Sodepalm pour le palmier à huile) a permis d'engager de grands programmes de reboisement. La Sodefor a été dotée de ressources financières importantes pour réaliser 10 000 ha de plantation par an, celles-ci étaient destinées à prendre, à terme, le relais de la production de bois d'œuvre issue de la forêt naturelle. Ce choix s'est révélé peu réaliste à cause du coût élevé des plantations, notamment de l'abattage mécanisé de la forêt préexistante, et des performances médiocres de certaines espèces de plantation. Ces difficultés ont amené les pouvoirs publics à réorienter les actions de la Sodefor dans les années 85 vers l'aménagement du domaine forestier permanent (forêts classées). Cet aménagement nécessite de solides compétences notamment en matière d'inventaire, de cartographie et de traitement des données. La forêt est découpée en séries:série de production, série de reboisement, série d'amélioration, série agricole. Celle-ci concerne les zones où existent des parcelles de cultures installées illégalement (la mise en culture est interdite dans les forêts classées), parcelles dont l'extension est strictement interdite. Cette formule, qui crée des rapports difficiles entre les agriculteurs et la Sodefor, a été préférée à un déclassement.

La Sodefor a maintenant une bonne expérience de l'aménagement, avec des procédures et des techniques bien rodées. Ceci est la conséquence des moyens importants dont elle a bénéficie et de l'obligation de résultats à laquelle elle est tenue à cause de la pression très forte exercée par l'agriculture sur les forêts classées.

Les choses bougent donc en matière d'aménagement des forêts denses humides mais c'est une tache difficile car les connaissances sur la réaction de ces forêts à des prélèvements sont mal connues.

7. EFFETS DE CES ÉVOLUTIONS SUR LES MISSIONS DES FORESTIERS

Dans les zones soudaniennes et sahéliennes et dans les pays où l'aménagement des forêts se fait en partenariat étroit avec les communautés rurales (Niger, Mali, Burkina Faso) le forestier devient le partenaire des communautés concernées. Il est l'animateur d'une démarche qui consiste à délimiter le massif forestier à aménager, à identifier les utilisateurs de cette ressource, à définir de façon concertée un parcellaire, une rotation, des règles de coupe, des modalités de commercialisation des produits. Il met en place le marché rural, peut délivrer des aides financières à l'équipement. Il arbitre les conflits qui peuvent apparaître dans la mise en œuvre du plan d'aménagement. Il conserve un rôle réglementaire mais il contrôle l'application de règles librement acceptées, en s`appuyant sur un consensus social, plus qu'il n'impose. Sa mission réglementaire cède le pas à son rôle de conseiller et d'animateur.

Les forestiers ont été largement impliqués dans la première génération de projets de gestion des ressources naturelles. Ce choix est légitime dans la mesure où ces projets privilégiaient la gestion de l'espace. Ils ont acquis, à travers cette expérience, une ouverture d'esprit et une compétence de négociateurs. Ils ont eu à connaître les stratégies des différents acteurs d'un terroir et ont participé à des négociations souvent difficiles. Ils doivent rester présents dans les projets de développement local car ils ont une vision globale de l'espace

Les forestiers doivent être davantage attentifs aux dynamiquesagroforestières. Ils ont un rôle important à jouer pour le choix des espèces, la fourniture d'un matériel végétal de qualité, les techniques de production de plants. Ils doivent se sentir concernés par la crise que connaissent la plupart des parcs arborés dans les zones soudaniennes et sahéliennes

Dans l'aménagement des forêts denses humides, le forestier opère dans un domaine qui lui est spécifique. Il doit travailler, dans la plupart des pays d'Afrique Centrale, avec des partenaires privés que sont les grandes entreprises d'exploitation forestière et cela est une situation totalement nouvelle pour lui. Ces entreprises ont rarement, au sein de leur personnel permanent, des compétences pour élaborer les plans d'aménagement de leurs concessions. Elles contractent pour cela avec des entreprises privées qui utilisent des ingénieurs.

On constate l'émergence, dans certains pays, d'une expertise forestière. Cette tendance à la création, par des forestiers, de bureaux d'étude privés, est à encourager avec tout ce que cela exige de compétences et d'initiatives

L'élaboration du document d'aménagement d'une concession s'appuie largement sur la cartographie numérique. Des compétences en télédétection sont donc indispensables.

La plupart des pays ont mis en place des règles pour que l'exploitation durable des ressources d'un massif forestier prennent en compte l'utilisation locales des ressources naturelles. L'aménagiste doit donc identifier les usagers et trouver avec eux des formules pour ne pas exploiter certains arbres intéressants pour l'exploitant mais qui ont un usage local important. Il doit également prendre en compte la demande de desserte de certains villages. Ceci alourdit son travail qui est déjà fort difficile car il manque cruellement de référentiels techniques.

Nul ne conteste la responsabilité et la compétence du forestier dans le domaine de l'aménagement des aires protégées et de la gestion de la faune sauvage. Dans ce domaine, les missions de l'aménagiste évoluent également. La plupart des aires protégées des pays d'Afrique de l'ouest et d'Afrique Centrale ont été créées à une époque où ces régions étaient peu peuplées. La situation a depuis beaucoup changé notamment au Niger, dans la zone proche du parc national du W Niger dont la population a explosé par l'arrivée massive de migrants. C'est également vrai des parcs nationaux de la Marahoué et de Taï, tous deux en Côte d'Ivoire. L'aménagiste ne peut ignorer la pression très forte exercée sur ces aires protégées. Sa tache est d'autant plus ingrate qu'il dispose d'une faible marge de manœuvre, il ne peut guère transiger sur les limitations très fortes d'usages qui caractérisent la zone centrale, il peut certes chercher des formules qui permettent aux populations riveraines d'avoir le maximum de retombées des travaux d`équipement et d'entretien de l'aire protégée. Il peut chercher à encourager des choix qui permettent aux populations riveraines d'avoir un maximum de retombées positives du tourisme de vision dans le parc. Il peut également accepter la collecte de quelques produits dans le parc (notamment de pailles quand elles sont devenues rares à l'extérieur) mais il est tenu de contrôler strictement ces prélèvements pour éviter tout excès. Il doit encourager des actions de type aménagement de terroirs dans la zone périphérique qui devraient soulager la pression sur la zone centrale mais son rôle n'est pas facile car il est porteur d'une image répressive qui rend difficile le dialogue avec les populations riveraines.

8. CONCLUSION

Les missions du forestier ont évolué:

Cette évolution doit se traduire dans les programmes de formation. Comment? avec quels moyens? avec quels outils pédagogiques? ces questions seront traitées par d'autres que moi. Je veux simplement dire que l'ouverture au monde rural s'appuie sur une bonne connaissance des pratiques des agriculteurs et des éleveurs. Ces pratiques se raisonnent à plusieurs niveaux: le système agraire, le système de production, le système de culture, etc. (voir la définition de ces termes en annexe). Cette connaissance ne peut s'acquérir qu'à travers un travail de terrain qui doit avoir une place importante dans la formation. La formule de stages collectifs d'analyse des pratiques de gestion des ressources naturelles dans une petite zone rurale se révèle pédagogiquement efficace. Ces stages doivent être conçus comme une étude diagnostic sur un modèle participatif, avec le souci de faire des propositions pour l'actioni


i Rappels de quelques définitions

Pratiques des agriculteurs: Manières concrètes d'agir des agriculteurs. Une pratique c'est la façon dont un agriculteur met en œuvre une technique. La pratique est le résultat d'un choix de l'opérateur. Elle est raisonnée en fonction de l'objectif que poursuit celui qui la met en œuvre, elle prend en compte les contraintes qu'il subit. La pratique c'est le faire, la technique c'est le savoir. La pratique n'est pas la mise en œuvre accidentelle et aléatoire d'une technique, elle résulte d'un processus structuré de décisions, d'appropriations de connaissances et de savoir-faire.

Système: Ensemble d'éléments liés entre eux par des relations qui lui confèrent une cohérence pour remplir certaines fonctions. Un système se caractérise par deux éléments: sa structure (caractéristiques des éléments qui le compose) et son fonctionnement (relations entre les différents éléments du système et relations entre ces éléments et «l'environnement» du système).

Système agraire: Le système agraire est«l'expression spatiale de l'association des productions et des techniques mises en œuvre par une communauté rurale en vue de satisfaire ses besoins». Il peut se définir comme «un mode d'exploitation du milieu historiquement constitué et durable, un système de force de production adapté aux conditions bioclimatiques d'un espace donné et répondant aux conditions et besoins sociaux du moment». Un système agraire peut être défini comme l'ensemble des relations de production et d'échange que la société locale entretient avec le territoire dont elle exploite les ressources naturelles. L'étude d'un système agraire implique différents niveaux d'analyse: a) l'écosystème cultivé qui résulte des transformations historiques du milieu et des techniques utilisées par la société locale; b) les forces productives qui se caractérisent par les moyens de production (outillage, matériel génétique, équipements lourds, etc.) et la force de travail qui les met en œuvre: c) les relations de production et d'échange: règles de gestion du foncier, relations marchandes, répartition des facteurs de production et du produit du travail entres groupes sociaux; d) les institutions, idéologies, politiques qui assurent la reproduction sociale du système agraire,

Système de production: Un système de production peut se définir comme une « combinaison, dans l'espace et dans le temps, de facteurs de production (force de travail, terre, équipement, capital) en vue d'obtenir différentes productions agricoles, végétales ou animales ». Le chef de l'unité de production est au c_ur du système, puisqu'il le pilote en prenant des décisions qui sont les réponses qu'il estime les plus pertinentes à son environnement. Ces décisions sont relatives d'une part au système de gestion et concerne la mobilisation des moyens de production, et d'autre part au système technique de production. Celui-ci correspond à l'ensemble des processus techniques (pour un éleveur: choix du cheptel, mode de conduite des animaux, etc.). L'exploitant fait des choix pour ajuster ses moyens de production à ses objectifs et inversement. Ses moyens sont limités par des contraintes physiques ou économiques qui vont le limiter dans ses choix de gestion. Il va donc tenter d'optimiser la capacité de son système de production avec ces contraintes pour approcher le plus possible les objectifs qu'il s'est fixés.

La rationalité des choix des acteurs de l'unité de production peut être mise à jour par l'étude des pratiques de ces acteurs: Elles sont définies comme «les façons de faire de ces acteurs», c'est-à-dire l'ensemble des activités matérielles intentionnelles et régulières que ces acteurs développent dans le cadre de la conduite des processus de production agricole.

Système de culture: Le système de culture fait partie du système de production et correspond à l'ensemble des ateliers de l'exploitation ayant pour objectifs d'obtenir un produit végétal.

Système d'élevage: Le système d'élevage est inclus dans le système de production il a pour objectif d'obtenir un produit animal. Il ne peut se décrire que par rapport aux décisions et aux actions de l'éleveur, donc par rapport à ses pratiques. On peut réaliser une typologie des systèmes d'élevage en distinguant les pratiques des éleveurs en: a) pratiques fourragères, qui regroupent toutes les opérations culturales sur les surfaces fourragères; b) pratiques de gestion du pâturage (et des stocks fourragères le cas échéant), qui mettent en relation (directe ou non) les troupeaux et les sous-unités de surface; c) pratiques d'élevage stricto sensu, à travers lesquelles ils interviennent directement sur les animaux. Ces pratiques s'organisent en un mode de conduite des différentes étapes de la gestion du système d'élevage.

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