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La surveillance des forêts tropicales dans le monde

Avec l'achèvement du Projet d'évaluation des ressources forestières tropicales FAO/PNUE, on dispose maintenant d'une base objective de mesure et de comparaison pour les forêts des tropiques. Cela signifie qu'il est enfin possible, en théorie comme en pratique, de surveiller les surfaces occupées par ces écosystèmes et de suivre l'évolution de leur situation dans le monde entier

Hans Jurg Steinlin

HANS JURG STEINLIN est professeur de sylviculture internationale et d'aménagement des terres, et directeur de l'Institut d'aménagement des terres à l'université Albert Ludwigs, Fribourg-en-Brisgau (République fédérale d'Allemagne). De 1973 à 1976, il a été Directeur de la Division des ressources forestières au Département des forêts de la FAO.

Un tiers à peu près de la surface terrestre jouit de conditions climatiques et environnementales favorables à la croissance des forêts. Un autre tiers - constitué principalement par des steppes, des semi-déserts et des déserts - est trop sec pour porter des formations arborées denses et la plupart des formations ouvertes, et le tiers restant est trop froid pour que des arbres puissent y pousser. Sur le plan historique, le point à noter est que les zones propices au développement des forêts sont aussi celles qui offrent les conditions les plus favorables à la vie humaine. Dés les temps les plus reculés, le genre humain - et par suite le développement économique et social - a eu tendance à se concentrer dans les régions boisées de la planète. C'est là que tout au long des siècles l'homme a défriché de vastes étendues de forêts pour les convertir à d'autres utilisations, et c'est là qu'il a apporté les plus grandes modifications à la végétation terrestre.

Ce processus de conversion se poursuit, mais il s'est déplacé des zones tempérées d'Asie, d'Europe et d'Amérique du Nord vers les régions tropicales et subtropicales qui enregistrent actuellement une croissance démographique extrêmement rapide. Dans les pays industrialisés des zones tempérées, la superficie boisée totale est désormais à peu près constante ou augmente même légèrement; là où des forêts continuent d'être sacrifiées, les pertes sont compensées par le reboisement ou par une expansion de la forêt naturelle dans les zones rurales ayant un intérêt marginal sur le plan agricole ou une population clairsemée.

Le tableau est différent en ce qui concerne les forêts tropicales. En premier lieu, parce qu'elles revêtent des formes très diverses. Dans les régions qui reçoivent de fortes précipitations uniformément réparties tout au long de l'année, on trouve de luxuriantes forêts ombrophiles à production élevée de biomasse. Dans celles où les précipitations annuelles sont moins abondantes et où il existe de longues périodes de sécheresse, les forêts denses humides sempervirentes cèdent la place à des forets denses qui se dépouillent périodiquement de leurs feuilles. Enfin, dans les régions peu arrosées ou connaissant de longues périodes sèches - ou les deux - la végétation consiste en forêts claires, savanes boisées, formation d'arbrisseaux et fourrés, et semi-déserts où les plantes ligneuses sont marginales. Du point de vue écologique, toutes les formes de forêt tropicale ont leur importance, et la disparition de l'une quelconque d'entre elles, même dans une unique région, peut avoir de graves conséquences.

La diminution de la superficie totale des terres forestières dans les pays tropicaux tient à plusieurs raisons qui varient d'une région à l'autre, mais la première et la plus importante est la rapide croissance démographique qui a pour effet d'accroître la demande de terres agricoles et de pâturages en vue de subvenir aux besoins alimentaires. En outre, dans les pays où la population augmente, on a besoin de terres pour des productions telles que la viande, le caoutchouc, les huiles végétales et le café, dont l'exportation assure les recettes indispensables en devises étrangères. Quelquefois, cette conversion des superficies boisées à d'autres utilisations est le résultat d'un développement méthodique planifié. Parfois aussi, elle se produit spontanément et échappe au contrôle des autorités, en particulier sous l'effet de divers types de culture itinérante. Dans certaines zones, l'exploitation commerciale du bois est également un facteur qui facilite cette conversion en ouvrant la forêt à une agriculture non planifiée.

La demande de terres dans les pays en développement ne finit pas avec les cultures vivrières et de rapport. Il faut édifier des habitats et des usines, extraire des minéraux et construire des barrages, ce qui résulte en une conversion permanente des terrains boisés à quelque autre utilisation.

COLOMBIE. PROSPECTION FORESTIÈRE aménager les ressources naturelles, non les laisser à l'abandon

Depuis le début des années soixante-dix, ce déclin sensible de la forêt tropicale - en particulier la destruction des forêts ombrophiles - suscite les plus vives préoccupations dans le monde entier. Les estimations relatives à l'ampleur de la destruction diffèrent considérablement - de même que les opinions sur les mesures à prendre. Il faut toutefois faire ressortir que la définition adoptée pour les termes «conversion» ou «destruction» n'est pas la même dans toutes les études. Certaines définissent la a conversion D comme la disparition complète de la forêt au profit d'autres formes d'utilisation des terres; pour d'autres, la conversion est ou fait intervenir une modification profonde des écosystèmes originaux, une simple dégradation plutôt qu'une destruction de la forêt naturelle. Dans le second cas, quelques études considèrent les terres «dégradées» comme encore boisées, tandis que d'autres considèrent qu'elles ont été a converties r.

La réduction de la couverture forestière tropicale - qu'il s'agisse de forêt humide ou sèche - doit être examinée à la lumière de ses conséquences écologiques, économiques et humaines. La dégradation ou la disparition de ces systèmes a des effets écologiques évidents sur l'environnement immédiat, mais elle peut également affecter des zones plus éloignées, par exemple des plaines ou des vallées cultivées qui sont tributaires des hautes terres boisées pour leur alimentation en eau: la destruction des forêts peut provoquer leur inondation ou leur assèchement. Les dommages d'ordre génétique et les pertes de plantes, d'animaux et d'insectes peuvent aussi être graves et parfois permanents. Sous sa forme la plus sévère, la destruction de la forêt peut avoir pour résultat un degré d'érosion suffisant pour causer la désertification.

Parmi les conséquences économiques et humaines figurent les pertes en produits tels que bois et papier qu'il faudra alors importer. La réduction du couvert forestier peut en outre aller à l'encontre de ce qui est pour bien des pays en développement l'exigence la plus pressante, à savoir la production de bois de feu pour la cuisson des aliments et le chauffage des habitations.

La surveillance continue des superficies boisées de la planète a été recommandée par la Conférence des Nations Unies sur l'environnement, qui s'est tenue à Stockholm en 1972. La conférence a proposé que la FAO et l'Unesco soient chargées de cette tâche et qu'il soit fait pour cela appel aux inventaires forestiers existants et à la télédétection. Par la suite, et en conséquence directe de la conférence de Stockholm, le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a été créé à Nairobi. Au milieu des années soixante-dix, la FAO et le PNUE avaient préparé des projets conjoints pour la surveillance des forêts tropicales dans le monde. Il était prévu d'utiliser principalement à cet effet des méthodes de télédétection, des images satellite et la photographie aérienne. Il avait été convenu que la superficie à examiner serait l'entière zone géographique des tropiques dans l'hémisphère austral.

Des difficultés financières et des doutes au sujet de la faisabilité technique et des possibilités d'organisation d'une opération aussi vaste ont empêché d'entreprendre immédiatement un projet de grande envergure. Mais un projet expérimental, portant sur trois pays africains - Bénin, Cameroun et Togo - a été mené à bonne fin.

Ce projet a connu un grand succès. En premier lieu, il a permis de démontrer qu'il est possible de surveiller le couvert forestier en utilisant une approche polyvalente faisant appel aux images satellite, à la photographie aérienne et aux observations sur le terrain. En deuxième lieu, il a permis de recueillir des données extrêmement intéressantes sur les forêts des trois pays et sur l'ampleur et les causes de leur destruction. La valeur pratique de cette entreprise est clairement apparue et ses résultats devraient convaincre les sceptiques que les méthodes employées sont réellement applicables à la surveillance continue des forêts tropicales sur une grande échelle.

Le PNUE et la FAO étaient conscients du fait qu'il fallait s'acquitter simultanément de deux tâches pour que la surveillance continue sur une grande échelle de la couverture forestière tropicale puisse un jour devenir une réalité.

L'une était d'aider certains pays en développement à se doter des moyens qui leur permettraient de surveiller eux-mêmes aussitôt que possible leur couvert forestier. Le projet Togo-Bénin-Cameroun était axé sur cet objectif.

Le même type de renforcement des capacités nationales en matière d'inventaire/surveillance du couvert forestier sera nécessaire dans beaucoup d'autres pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, afin que le niveau fondamental de compétences techniques indispensable dans ce domaine puisse finalement être assuré dans tous les pays forestiers du monde tropical.

Il est évident que cela exigera un certain nombre d'années et, dans l'intervalle, il faudra s'attaquer à la seconde tâche, à savoir l'évaluation des ressources forestières tropicales sur une base mondiale, grâce à la mise en forme et à l'organisation du vaste ensemble de renseignements déjà disponibles sur les superficies occupées et l'état actuel de ces écosystèmes. Ces informations sont actuellement largement dispersées et trop hétérogènes pour être utiles aux fins de comparaison. Il faudra les rassembler en un lieu unique et les ramener à un dénominateur commun si l'on veut obtenir dans un délai relativement bref un panorama satisfaisant de la situation actuelle des ressources forestières tropicales.

La destruction des forêts tropicales entraîne la famine, l'inondation, l'érosion et la disparition d'espèces végétales et animales. Les nouveaux boisements ne compensent que dans une faible mesure le recul de la forêt sous les tropiques

Un projet à cet effet a été lancé à la fin de 1978 dans le cadre du système mondial de surveillance continue de l'environnement (GEMS), la FAO étant chargée des aspects conceptuels et opérationnels. Ce projet a été dirigé par M. J.-P. Lanly qui, pendant de nombreuses années, a été chargé du vaste programme d'inventaires forestiers de la FAO. Une équipe d'experts internationaux lui a apporté son aide.

Les résultats ont commencé d'être publiés au bout de 32 mois de travail intensif, correspondant à environ sept années/homme d'expertise-conseil sous contrat. Ils sont présentés sous la forme de trois rapports techniques, concernant respectivement l'Amérique tropicale, l'Afrique tropicale et l'Asie tropicale. Chaque rapport décrit les conditions dans les divers pays de la région considérée, fournit des données sur les sources utilisées ainsi qu'un résumé régional. Dans un volume à part, les résultats régionaux sont mis en forme et examinés sous l'angle de problèmes écologiques plus généraux.

Ces publications enrichissent considérablement nos connaissances sur les forêts tropicales. Les études ne sont pas limitées aux forêts ombrophiles, mais examinent en détail tous les types de forêts et de végétation dans 76 pays. En outre, des images satellite (Landsat) ont été acquises et interprétées dans les cas où les données disponibles étaient insuffisantes. Le traitement du matériel documentaire a été entrepris en étroite collaboration avec les services forestiers nationaux qui ont ensuite été invités à faire part de leurs observations sur les conclusions dégagées pour leurs pays.

L'un des objectifs fondamentaux était l'élaboration d'une classification uniforme et simple des divers types de forêt et de végétation car, jusqu'alors, il n'en existait tout simplement aucune qui soit acceptée dans le monde entier. Divers systèmes avaient été suggérés par des phytogéographes, mais ils ne convenaient pas aux fins d'un inventaire comprenant également des données économiques et des données sur les forêts créées par l'homme ou, du moins, fortement influencées par lui. Le projet, comme on peut le voir dans le rapport correspondant, reconnaît à juste titre l'importance du système de classification. Le système employé a rempli son but et il est relativement facile à appliquer.

Dans le cadre du projet, la végétation ligneuse naturelle a été répartie en quatre catégories: formations forestières denses, formations forestières ouvertes, jachères forestières (forêt dense et forêt claire) et formations arbustives. Dans les forêts denses, les effets combinés des cimes des arbres, des sous-étages et du sous-bois privent presque complètement le sol de lumière si bien qu'il ne peut s'y former de couverture herbacée continue. Par contre, les formations ouvertes sont caractérisées par la présence sur le sol d'une couverture herbacée continue. Par jachère, on entend la végétation secondaire qui apparaît après le défrichement de la végétation originale (dans le cas qui nous intéresse, les forêts), défrichement imputable le plus souvent à l'agriculture itinérante. Une jachère est une sorte de mosaïque d'arbres et d'arbrisseaux de divers âges et de diverses formes.

ROUTE FORESTIÈRE EN AMAZONIE la culture itinérante suit les routes de débardage

Les formations forestières denses couvrent à peu près 1,2 milliard d'ha, dont 96,6 pour cent en feuillus, 2,9 pour cent en résineux et 0,5 pour cent en bambous. Plus de la moitié de cette superficie, à savoir 57 pour cent, se trouvent en Amérique tropicale, 25 pour cent en Asie tropicale et 18 pour cent en Afrique. En ce qui concerne les résineux, 72 pour cent se trouvent en Amérique tropicale, 25 pour cent en Asie et 3 pour cent seulement en Afrique. L'étude subdivise les formations denses en forêts «productives» et a improductives s. Les forêts productives sont celles qui contiennent du bois qui, du fait des caractéristiques de terrain et de peuplement, ainsi que du statut juridique, peuvent être utilisées à des fins industrielles. Elles comprennent à peu prés 860 millions d'ha de forêts feuillues, soit 74 pour cent de la superficie totale de celles-ci et 72 pour cent de la superficie totale des formations denses. Dans les forêts improductives, le bois ne peut pas être exploité, soit pour des raisons légales (par exemple dans le cas des parcs nationaux, des réserves de la biosphère), soit parce que des conditions de terrain ou de peuplement difficiles font que sa récolte est impossible. Sur les 300 millions d'ha de forêts feuillues improductives, 13 pour cent ne peuvent être exploités pour des raisons légales (39 millions d'ha) et 87 pour cent parce que les caractéristiques de terrain et de peuplement ne le permettent pas. La répartition géographique des forêts productives et improductives est analogue à celle des forêts denses considérées dans leur ensemble.

A peine plus de 4 pour cent - soit seulement 38 millions d'ha - de l'ensemble des forêts denses productives de feuillus tropicaux font actuellement l'objet de plans d'aménagement de longue durée et 80 pour cent à peu prés de cette superficie - soit 29 millions d'ha - se trouvent en Inde. Dix-huit pour cent de l'ensemble des forêts denses sont utilisés pour la récolte du bois sans faire l'objet de plans d'aménagement et 78 pour cent se trouvent encore à l'état naturel. Les différences régionales sont particulièrement marquées: alors qu'en Asie 49 pour cent des forêts feuillues productives ont été exploités au moins une fois, le chiffre correspondant n'est que de 27 pour cent en Afrique et 10 pour cent en Amérique tropicale.

Les 76 pays couverts par le Projet d'évaluation des ressources forestières tropicales

Amérique tropicale (23 pays): Belize. Bolivie, Brésil, Colombie, Costa Rica, Cuba, El Salvador, Equateur, Guatemala, Guyana, Guyane française, Haïti, Honduras, Jamaïque, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, République Dominicaine, Suriname, Trinité-et-Tobago, Venezuela.

Afrique tropicale (37 pays): Angola, Bénin, Botswana, Burundi, Cameroun, Congo, Côte-d'Ivoire, Ethiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Haute-Volta, Kenya, Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mozambique, Namibie, Niger, Nigéria, Ouganda, République centrafricaine, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Zaïre, Zambie, Zimbabwe.

Asie tropicale (16 pays): Bangladesh, Bhoutan, Birmanie, Brunéi, Inde Indonésie, Kampuchea, Lao, Malaisie, Népal, Pakistan, Papouasie Nouvelle-Guinée, Philippines, Sri Lanka, Thaïlande, Viet Nam.

Si les formations forestières denses se trouvent principalement dans les régions humides et semi-humides, les formations ouvertes sont typiques des zones plus sèches. Elles recouvrent 734 millions d'ha, contre 1,2 milliard pour les premières. Ces forêts claires se trouvent principalement en Afrique, qui en possède 486 millions d'ha - soit 66 pour cent de l'ensemble des formations ouvertes - suivie par l'Amérique tropicale avec 217 millions d'ha (30 pour cent) et l'Asie avec 31 millions d'ha (4 pour cent).

Les formations dites «arbustives» se substituent aux formations ouvertes lorsque les conditions climatiques sont plus rigoureuses ou lorsque la pression exercée par le pâturage devient supérieure à celle normalement observée dans ce type de forêt. Elles couvrent 624 millions d'ha, superficie inférieure de 15 pour cent seulement à celle occupée par les forêts claires. Là aussi, l'Afrique, avec 443 millions d'ha, soit 71 pour cent de la superficie totale, vient en tête de liste, suivie par l'Amérique tropicale avec 146 millions d'ha (23 pour cent) et l'Asie avec 35 millions d'ha (6 pour cent).

Les jachères peuvent se trouver aussi bien dans des formations denses que dans des formations ouvertes.

Elles couvrent actuellement environ 410 millions d'ha, dont 239 millions à la place d'anciennes forêts denses et 170 millions à la place d'anciennes forêts claires. Il en existe seulement 73 millions d'ha, soit 17 pour cent du total, en Asie, mais elles couvrent 170 millions d'ha (42 pour cent) en Amérique tropicale et 166 millions d'ha (41 pour cent) en Afrique. En comparaison avec la superficie totale des terres forestières, la proportion de jachères est très élevée: elle représente 20 pour cent des superficies actuellement occupées par des formations denses et 23 pour cent de celles occupées par des formations ouvertes. Dans de nombreuses zones, les jachères s'étendent rapidement aux dépens de la forêt naturelle.

Compte tenu du rythme de dégarnissement de la forêt tropicale au cours des cinq dernières années et des objectifs des divers plans nationaux de développement, on estime qu'environ 7,5 millions d'ha de forêts denses et 3,8 millions d'ha de forêts claires disparaîtront chaque année entre 1981 et 1985, réduction annuelle équivalant à 0,62 pour cent de la superficie des premières et 0,52 pour cent de celle des secondes, ce qui donne un taux global de déboisement de 0,6 pour cent par an. On est frappé par le fait que ce taux est approximativement le même pour les trois régions. Toutefois, les forêts de résineux sont plus menacées que les forêts feuillues: en Amérique tropicale, 1,25 pour cent des forêts de résineux encore existantes disparaissent chaque année.

En outre, il faut prendre en considération les utilisations industrielles du bois sous les tropiques. Elles ne visent pas la destruction des forêts, mais elles peuvent en fait les perturber notablement.

Chaque année le bois est exploité sur 4,4 millions d'ha de forêts denses non perturbées. La plus grande partie de cette superficie consiste en forêts feuillues. L'intensité de l'exploitation est extrêmement variable: 8 m³/ha en Amérique tropicale, 13 m³/ha en Afrique tropicale et 31 m³/ha en Asie tropicale.

En Asie, les forêts naturelles de diptérocarpes sont actuellement exploitées à raison de 40 à 100 m³/ha, la valeur commerciale de ces espèces étant ce qu'elle est.

Par conséquent, aux 11,3 millions d'ha de forêts tropicales perdus chaque année par suite d'un déboisement essentiellement motivé par la croissance démographique et les besoins d'agriculture de subsistance, il faut ajouter 4,4 millions d'ha de forêts denses affectés par de nouvelles activités d'exploitation, ce qui donne un total de 15,7 millions d'ha perdus par an. Etant donné qu'à l'heure actuelle le défrichage des forêts se fait principalement au profit de l'agriculture, à raison de 0,6 pour cent par an, et que l'exploitation forestière affecte 0,2 pour cent par an de plus des superficies, le taux annuel de réduction et de perturbation des forets tropicales est de 0,8 pour cent. Bien que cette estimation soit inférieure à d'autres, elle n'en représente pas moins une lourde perte de terres forestières. En outre, comme nous l'avons déjà dit, la construction de nouvelles routes forestières ouvre des formations denses jusqu'ici non perturbées à des activités additionnelles d'agriculture de subsistance non planifiées et non contrôlées. Les causes de la destruction des forêts varient d'une région à l'autre et d'un pays à l'autre. Seule une petite partie des pertes est imputable à des projets planifiés.

CÔTE-D'IVOIRE. EXPLOITATION. EXPLOITATION HAUTEMENT RENTABLE pour maintenir ces profits élevés il faut savoir quelles sont exactement les ressources

En Afrique, l'agriculture itinérante est responsable à environ 70 pour cent de la destruction des forêts. Ses pires manifestations peuvent être observées dans les neuf pays de l'Afrique occidentale. Plus de la moitié du déboisement total en Afrique se produit dans cette zone. En certains endroits, l'agriculture n'est plus praticable. Rien qu'en Afrique occidentale 4 pour cent de la superficie totale des forêts denses et jusqu'à 6 pour cent de la superficie totale des forêts denses productives disparaissent chaque année.

En Afrique centrale, la situation est très différente. Les 350 000 ha de forêts denses qui disparaissent annuellement dans le bloc Congo-Cameroun ne représentent que 0,2 pour cent de la superficie totale. En revanche, en Afrique orientale et à Madagascar, les forêts détruites chaque année représentent 1 pour cent du total de la superficie des forêts denses et 1,65 pour cent de la superficie productive.

En Asie, les principales zones de destruction se situent en Asie du Sud-Est - insulaire et continentale - où le taux annuel de déboisement atteint, respectivement, 1 et 1,1 pour cent de la superficie totale des forêts denses productives. Là aussi, le principal responsable est l'agriculture itinérante qui fait souvent suite à l'exploitation industrielle du bois. La superficie forestière est relativement stable en Inde, au Pakistan, dans de grandes parties de la Birmanie et du Kampuchea, ainsi qu'en Papouasie Nouvelle-Guinée. Le déboisement planifié par les gouvernements joue un rôle plus important en Asie que dans les deux autres régions, et cela, notamment, en Malaisie péninsulaire, à Sumatra et au Kalimantan (Indonésie), ainsi qu'à Sri Lanka, où de vastes projets de colonisation agraire sont prévus pour les années à venir.

Seule une petite partie des pertes annuelles sous les tropiques est compensée par l'installation de nouvelles plantations. Dans les rapports du projet, les nouvelles plantations sont définies soit comme des zones de boisement de terres qui ne portaient pas de couvert forestier auparavant, soit comme des zones de reboisement par des peuplements nouveaux et fondamentalement différents de terres qui ont déjà porté un couvert forestier. Pour la période 1981-85, on estime que les plantations annuelles dans les pays tropicaux ne couvriront qu'à peu près 1,1 million d'ha, dont 29 pour cent de résineux, 55 pour cent de feuillus à croissance rapide et 16 pour cent d'autres feuillus.

Le grand mérite de l'étude FAO/PNUE est qu'elle fournit des données et une analyse prudentes, plutôt que des estimations et des rapports tendancieux. Cette remarque vaut en particulier pour les taux de réduction des forêts tropicales que l'on peut escompter à l'avenir dans le monde. La question de savoir si les prévisions de cette étude se réaliseront ne pourra être résolue qu'en procédant à une réévaluation dans quelques années. Autrement dit, le travail n'a pas été effectué une fois pour toutes; il devra se poursuivre et la surveillance ininterrompue des superficies forestières tropicales devra être institutionnalisée de quelque manière. La présente étude montre qu'une surveillance immédiate et continue revêt une importance particulière et s'impose d'urgence pour certaines zones tropicales où les dommages écologiques sont particulièrement graves ou sur le point de le devenir.

Etant donné que les ressources forestières ne se trouvent pas toutes dans les régions tropicales, l'étape suivante consisterait à inclure les autres forêts du monde afin d'obtenir un tableau complet de la situation. Pour les forêts des zones tempérées et boréales, on pourrait très bien s'inspirer des lignes suivies dans la présente étude. Les difficultés seront probablement moindres que dans le cas des pays tropicaux, car on dispose déjà d'une documentation plus importante et, dans la plupart des cas, plus détaillée.

Le Comité des forêts de la FAO à sa sixième session, tenue en mars 1982 et à laquelle ont assisté de nombreux chefs des services forestiers des principaux pays concernés dans le monde, a vigoureusement appuyé le projet et les activités de surveillance continue. Dans son rapport final, le comité a expressément recommandé que l'étude soit étendue aux zones plus sèches en dehors des tropiques, «ainsi qu'à d'autres éléments des écosystèmes forestiers, tels que la faune et la flore sauvages et les sols».

Le présent article ne peut naturellement prendre en considération toutes les questions étudiées et les conclusions dégagées dans les quatre volumes riches de renseignements qui constituent le rapport du projet. Mais on peut dire que ces publications sont une importante source d'informations pour tous ceux qui s'intéressent aux ressources forestières ou aux questions d'écologie ou de protection de la nature dans le monde. Le rapport du projet montre que les forêts ombrophiles ne sont pas les seules forêts tropicales actuellement menacées et que les risques qu'elles courent ne figurent peut-être même pas parmi les plus graves si l'on considère les divers écosystèmes tropicaux. La disparition annuelle de 4 millions d'ha de forêt claire, associée à une dégradation presque imperceptible des forêts restantes du fait d'une surexploitation ininterrompue, imputable en particulier à l'extraction excessive de bois de feu et au surpâturage, sont peut-être de bien plus grands dangers.

Le feu enfin est la cause d'importants dégâts sur de vastes superficies boisées; il soulève un problème particulièrement important dans les formations ouvertes qui se trouvent dans des zones à densité de population relativement élevée.

Les rapports du Projet d'évaluation des ressources forestières tropicales constituent un ouvrage extrêmement précieux et ils contiennent abondance de renseignements importants. Les données bibliographiques qui accompagnent chaque rapport par pays revêtent un intérêt particulier pour le lecteur qui souhaiterait étudier de manière approfondie les problèmes de l'un ou de l'autre. Malheureusement, sur ces quatre volumes, seul le rapport succinct, intitulé avec une simplicité trompeuse Les ressources forestières tropicales (Etude FAO: Forêts n° 30), a été publié en français, anglais et espagnol. Les autres volumes devraient être rendus accessibles dans ces trois langues au moins.

Le degré de fiabilité des chiffres présentés n'est pas le même dans tous les cas et certaines données peuvent être erronées. Les auteurs eux-mêmes insistent à plusieurs reprises sur ce point, en indiquant les limitations découlant de la manière dont certains renseignements ont été obtenus.

Le Projet d'évaluation des ressources forestières tropicales FAO/PNUE a un résultat évident puisqu'il a permis d'établir la base - jusqu'ici manquante - à partir de laquelle pourront procéder les activités de surveillance continue. S'il trouve effectivement un tel prolongement, il prendra une importance historique non seulement pour le développement de la sylviculture en tant que science appliquée, mais aussi pour l'exercice par les gouvernements de leurs responsabilités en matière d'environnement La surveillance continue des écosystèmes tropicaux dans le monde représenterait une étape importante dans le sens d'une gestion satisfaisante - au lieu d'un gâchis - des ressources naturelles. Et c'est ce résultat qui aurait une véritable signification.

Comment se procurer les rapports du Projet d'évaluation des ressources forestières tropicales

Les rapports du Projet d'évaluation des ressources forestières tropicales peuvent être obtenus auprès des agents et dépositaires nationaux de la FAO, ou bien directement auprès de la Section distribution et ventes de la FAO, via delle Terme di Caracalla, 00100 Rome, Italie. Leurs prix sont sujets à modifications.

· Etude FAO: Forêts n° 30. Les ressources forestières tropicales. Rapport succinct de l'ensemble du projet, disponible en français, anglais et espagnol. Version française: 113 pages, 4,70 dollars U.S.

· Rapport technique FAO n° 1, Los recursos forestales de la América tropical. Synthèse régionale, disponible en espagnol seulement. Synthèses par pays en français, anglais ou espagnol, selon le pays. 343 pages, 14,00 dollars U.S.

· Rapport technique FAO né 2, Les ressources forestières de l'Afrique tropicale. Première partie, «Synthèse régionale», disponible en français et anglais; 108 pages, 4,60 dollars U.S. Deuxième partie, «Synthèses par pays», disponible en français, anglais et espagnol, selon le pays; 586 pages, 23,60 dollars U.S.

· Rapport technique FAO n° 3, Forest Resources of Tropical Asia. Anglais seulement, à l'exception d'une synthèse nationale concernant l'Indochine en français. 475 pages, 19,40 dollars U.S.

MÉDAILLE FAO EN L'HONNEUR DE LA SYLVICULTURE

La sylviculture au service du développement est le message de cette médaille originale de la FAO dédiée à la forêt. En or, en argent ou en bronze, elle constitue un souvenir personnel idéal. Une de ses faces montre l'importance du bois pour l'homme auquel il sert de combustible et de matériau de construction. L'autre face, sur laquelle apparaît un jeune arbre jaillissant d'une souche, illustre comment la forêt se renouvelle grâce à un aménagement rationnel. La médaille fait ressortir l'urgente nécessité d'accroître la production de bois de feu, comme le préconise l'étude de la FAO Agriculture: Horizon 2000. Cette médaille a été frappée au titre du Programme FAO des monnaies et médailles consacré aux thèmes forestiers en 1984, année du 9e Congrès forestier mondial qui se tiendra à Mexico. Les abonnés à Unasylva bénéficieront d'une remise de 10 pour cent. Prière d'utiliser le bon de commande ci-dessous.

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