Des zones de vision bien dégagées sont à mettre en place. Des feux ultra précoces et précoces permettront de les préparer et en même temps de prévenir les feux tardifs. Ils seront allumés le long des pistes longeant en général des cours d'eau bordés de formations vertes qui ne peuvent brûler que tardivement.
Des feux de renouvellement des pâturages compléteront la première opération.
En 1936, M. Aubreville, alors chef du service forestier de Côte d'lvoire, faisait établir dans la forêt classée de Kokondekro, près de Bouaké un dispositif destiné à étudier l'évolution des peuplements de savane arborée soumis à l'action des feux de brousse précoces au tardifs, ou, au contraire, entièrement protégés du feu. Les conclusions tirées de 40 années d'observation rejoignent celles de J. Piot (1983) qui préconise finalement un aménagement de l'espace rural afin de sauvegarder d'une part et d'améliorer d'autre part les espaces en fonction de leur vocation. Le rapport d'étude de l'action des feux de brousse sur la végétation (les parcelles feux de Kokondekro) conclut ses observations en ces termes:
Ainsi, ces quarante années de traitement nous permettent de formuler les conclusions suivantes:
Le feu tardif a un impact désastreux et inéluctable sur la végétation: il conduit à la disparition du matériel ligneux.
L'effet du feu précoce est infiniment moindre: sur bon sol, le feu, au fil des ans, perd de son intensité et finit par disparaître permettant l'installation d'une formation forestière; sur sol médiocre on peut espérer voir l'établissement d'une savane arborée ou, tout au moins, arbustive.
Dans les parcelles intégralement protégées, on assiste à la constitution d'une forêt secondaire qui, dans la zone qui nous occupe, tend vers une forêt dense de type semi-décidue.
A partir de ces résultats, on a conseillé aux agriculteurs et villageois d'adopter la pratique du feu précoce, et de ne brûler qu'une fois l'an au tout début de la saison sèche. C'est une solution partielle qui peut donner de bons résultats.
Mais ces conclusions devraient trouver leur véritable application dans un aménagement rationnel de l'espace définissant des zones de vocation.
Cela signifie qu'il faudrait parvenir à fixer l'agriculture en des lieux où l'amélioration culturale et l'emploi des engrais permettraient l'obtention de bons rendements.
Délimiter des périmètres de reconstitution forestière exempts de toute sujetion humaine et protégés par des réseaux pare-feu suffisamment importants serait alors possible. Soit on y laisserait la nature évoluer à son rythme propre, qui finalement, au vu des résultats de notre parcelle X, est plus rapide qu'on aurait pu le croire; soit on accélérerait le processus par des travaux de reboisement.
Ces périmètres seraient à même de pallier l'insuffisance de l'approvisionnement en bois des villages avoisinants.
Tâche énorme, sans aucun doute. La pratique des feux de brousse est si solidement ancrée dans les esprits que vouloir la faire disparaître ou simplement modifier semble tenir de la gageure.
Il semble bien, pourtant, que ce soit là, la condition élémentaire de la sauvegarde et de la reconstitution de la forêt.
Widou Thiengoly est un petit village du sahel sénégalais équipé d'un forage profond pour l'approvisionnement en eau des populations et l'abreuvement des troupeaux.
L'aménagement porte sur un terrain de plus de 4 kilomètres de rayon ayant le forage comme centre soit 5 024 hectares, divisé en zone d'habitation et en terroirs agricole, pastoral et forestier.
Un projet financé par la République fédérale d'Allemagne lutte contre la désertification (reboisement et lutte contre les feux de brousse) et vise le développement de l'agriculture et de l'élevage en encadrant les populations locales.
Les terroirs sont délimités par des pare-feu périmétraux et de cloisonnement utilisés également comme axes circulatoires.
Le terroir pastoral a bénéficié de l'implantation de nombreux abreuvoirs dans des parcelles et sous-parcelles délimitées par du grillage "Ferlo" (à grandes mailles conçu pour la région sylvopastorale du Nord Sénégal). Chaque parcelle est affectée à un éleveur et à sa famille.
L'effectif de chaque troupeau est limité et grâce à la rotation la surcharge des parcours et la dégradation de l'environnement sont évitées.
Cette organisation a permis de sédentariser des éleveurs qui ne sont plus obligés de se déplacer constamment en saison sèche à la recherche des pâturages.
Des zootechniciens encadrent les éleveurs et leur apportent l'assistance dont ils ont besoin en matière de santé animale, d'alimentation du bétail, etc.
Dans le terroir forestier le projet réalise des plantations de gommiers (Acacia senegal) en régie avec travail du sol à la charrue.
La faune commence à se réinstaller dans le terroir forestier qui constitue également un terroir cynégétique.
Dans le terroir agricole et en dehors de celui-ci le projet aide les populations à réaliser des parcelles individuelles dans lesquelles sont associés gommiers et cultures vivrières avec, ici aussi, travail du sol à cause de la faiblesse de la pluviométrie.
Les pare-feu sont renouvelés chaque année par désherbage et une brigade d'intervention contre les feux de brousse avec 2 à 3 engins équipés pour la lutte est stationnée à Widou Thiengoly durant toute la saison sèche.
Des comités villageois équipés de matériels légers de lutte (pompes dorsales, seaux, râteaux, etc.) participent à la protection des terroirs et de la zone habitée contre les feux de brousse accidentels ou venant de l'extérieur.
L'expérience de Widou Thiengoly a obtenu de bons résultats en matière de reforestation (plus de 20 000 hectares de plantations), de lutte contre les feux de brousse, de préservation et d'exploitation rationnelles des pâturages, de développement de l'agriculture, raisons pour lesquelles des projets similaires sont installés ou en voie de l'être dans d'autres régions du Sénégal.