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1. OBJECTIFS, CONCEPTS ET RESPONSABILITÉS


1.1 Principes généraux
1.2 Objectifs du laboratoire
1.3 Qualité et assurance de la qualité - quelques concepts
1.4 Assurance de la qualité - les exigences
1.5 Principales caractéristiques d'un programme d'assurance de la qualité
1.6 Documentation: Politique et Programme d'AQ
1.7 Références
1.8 Lecture conseillée


ASSURANCE DE LA QUALITE DANS UN LABORATOIRE D'ANALYSES CHIMIQUES DES ALIMENTS

1.1 Principes généraux

Le laboratoire d'analyses des aliments donne des renseignements sur la composition de ceux-ci.

La qualité de ces informations est fonction du caractère approprié de leur niveau, de leur disponibilité en temps utile et de leur production à un coût acceptable.

Le critère du "caractère approprié du niveau" consiste à savoir si les données sont ou non propres à l'usage auquel elles sont destinées.

L'assurance-qualité est le système qui garantit:

que le niveau est suffisant
qu'une qualité inférieure à ce niveau sera détectée
que les causes de cette défaillance peuvent être identifiées et éliminées.

1.2 Objectifs du laboratoire

Les objectifs du laboratoire doivent être clairement définis, et énoncés en termes aussi simples que possible. Cela est d'une extrême importance, car c'est sur des définitions précises que reposeront toutes les activités du laboratoire. Le Directeur de celui-ci devrait en fixer les objectifs après avoir entendu les avis de personnes compétentes et compte tenu des instructions de ses supérieurs. Cet exercice devrait prendre en considération les éléments suivants: qualité, ponctualité et rapport coût-utilité des résultats. Ces objectifs pourront comprendre un certain nombre de buts secondaires. Tous les facteurs revêtant un intérêt fondamental pour les opérations du laboratoire devraient entrer en ligne de compte, sans toutefois être analysés en détail.

Le laboratoire a pour objectif principal de fournir des résultats fiables, point qui doit donc faire l'objet de la plus grande attention. En fait, tout laboratoire dont les résultats seraient trop souvent peu sûrs ne saurait être agréé dans un dispositif gouvernemental. Garantir la qualité des résultats n'est pas une tâche ou activité supplémentaire facultative. Il s'agit de l'un des instruments indispensables dont disposent le directeur et son personnel pour assurer la pleine réalisation de leurs opérations. On peut dire que l'objectif général du laboratoire est de fournir des données analytiques d'une exactitude et d'une fiabilité adéquates en un laps de temps acceptable et pour un coût convenable.

Les objectifs en matière de qualité doivent être aussi réalistes que ceux concernant d'autres domaines. L'objectif qualitatif peut être considéré comme aussi sûr que possible s'il permet d'obtenir à peu près le résultat juste. Cela mérite quelques explications. Que faut-il entendre par "aussi sûr que possible?" Cette expression signifie que l'objectif est tellement sûr que, s'il se révélait ultérieurement incorrect, les raisons ne devraient pas porter atteinte à l'intégrité, à la probité et à la compétence technique du personnel du laboratoire.

Et comment faut-il comprendre "à peu près?" Cela veut dire obtenir un résultat suffisamment bon pour les emplois auxquels il est destiné. Si un échantillon présente une grave carence en un élément particulier, l'entité précise de la carence n'aura probablement pas une grande importance pratique pour, par exemple, une action en justice ou le rejet d'une livraison. Si la quantité de l'élément considéré est voisine de la limite légale, la précision du résultat de l'analyse, lorsque celui-ci s'approche de la limite, compte plus que le degré de fidélité de la méthode. Ainsi, précision et fidélité (voir glossaire) doivent être plus élevées dans le cas des échantillons marginaux que pour ceux qui s'écartent beaucoup d'une norme ou d'une limite. En ce qui concerne les substances interdites, l'exigence de qualité est quelque peu différente - la limite de détection et le degré de confiance relatifs à la présence/absence à une concentration donnée doivent être pris en compte.

Afin de produire des données de qualité, il est important que le laboratoire sache, du moins en termes généraux, à quel usage elles sont destinées. De même, leur utilisateur peut être amené à bien réfléchir avant d'utiliser les données d'analyse hors de leur contexte initial. La nécessité d'une conception commune de la "qualité" et de ses corollaires - et d'un dialogue à ce sujet entre le laboratoire et ses "clients" sera évoquée à plusieurs reprises dans cet ouvrage. Pour des raisons de commodité, l'utilisateur des données du laboratoire sera dénommé "client" dans le présent manuel - étant entendu que s'il s'agit à l'accoutumée d'une personne qui se trouve hors du laboratoire, cela peut parfois être quelqu'un du laboratoire - voire l'analyste lui-même.

1.3 Qualité et assurance de la qualité - quelques concepts

La "qualité" analytique et l'"assurance de la qualité" semblent des concepts simples et évidents, mais ils sont souvent mal compris. L'assurance de la qualité est souvent confondue avec une autre expression, la "maîtrise de la qualité" et utilisée comme si les deux expressions étaient interchangeables, alors qu'en réalité, elles sont tout à fait distinctes, même si elles sont liées l'une à l'autre. Voici une définition courante de l'assurance de la qualité:

- ensemble des activités préétablies et systématiques nécessaires pour donner la confiance appropriée en ce qu'un produit satisfera aux exigences données relatives à la qualité (référence 1.1). La maîtrise de la qualité n'est que l'une des procédures organisées qui font partie de cette approche systématique; une des définition est: "techniques et activités à caractère opérationnel utilisées pour satisfaire aux exigences pour la qualité". L'assurance de la qualité vise à assurer que l'objectif de la maîtrise de la qualité est atteint. Par exemple, si l'on utilise une balance d'analyse, ayant une précision de ± 0,1 mg pour peser un échantillon en vue d'un dosage, cela relève de la "maîtrise de la qualité", tandis que l'étalonnage courant de cette même balance analytique à l'aide de poids étalons à une échelle prédéterminée relève de l'"assurance de la qualité".

Cela pose à son tour la question du sens du terme "qualité". On se fourvoie parfois en pensant qu'il signifie "excellence scientifique", alors que son utilisation dans le contexte des analyses est beaucoup plus simple. Lorsqu'on se demande si la qualité des données est satisfaisante, la question fondamentale est de savoir si la qualité des données est ou non apte à l'emploi auquel elles sont destinées. L'excellence en soi n'entre pas en ligne de compte; il est mutile et très probablement superflu de s'efforcer de fournir quelque chose de supérieur aux attentes du "client". Le concept important est que quelqu'un doit spécifier l'exigence de qualité; le concept de "l'aptitude à l'emploi" (réf. 1.2) est à la base de l'emploi du terme "qualité" dans le présent manuel.

Le programme d'assurance de la qualité (parfois qualifié de système qualité) est l'ensemble de tous les éléments qui contribuent à rendre l'organisation à même de fournir des informations aptes à l'emploi auquel elles sont destinées. Cette hiérarchie des éléments du programme d'assurance de la qualité - l'assurance de la qualité fournissant les éléments permettant d'établir la confiance dans le bon fonctionnement de la maîtrise de la qualité - apparaîtra d'un bout à l'autre du présent manuel. Compte tenu de l'accent qu'il met sur l'assurance de la qualité, le manuel est axé sur les caractéristiques qui démontrent que tout ce qui devait être fait l'a été correctement.

Naturellement, cette garantie que les mesures de maîtrise de la qualité ont été correctement mises en oeuvre repose en grande partie sur la documentation correspondante - sans laquelle on ne peut guère vérifier quoi que ce soit. Le manuel examinera également la maîtrise de la qualité dans la mesure où elle est nécessaire pour identifier et illustrer les exigences détaillées de l'assurance de la qualité, la documentation sur laquelle elle s'appuie et la manière dont cela est spécifié dans le manuel qualité du laboratoire. Ce dernier est l'élément documentaire crucial de l'assurance de la qualité dans un laboratoire; son contenu est traité au chapitre 2 (section 2.4).

1.4 Assurance de la qualité - les exigences

Si le laboratoire est équipé pour ses activités, si le personnel est qualifié et bien motivé, s'il utilise des méthodes bien documentées et connaît bien les instruments nécessaires, on peut supposer que les résultats sont corrects. S'il n'y a pas de raison de penser qu'ils sont erronés, pourquoi prendre la peine de dépenser les fonds nécessaires pour mettre en place, appliquer et suivre un programme d'assurance de la qualité? Malheureusement, il y a deux raisons incontournables qui s'opposent à cette approche. Une est d'ordre scientifique/technique, l'autre concerne la mise en application/le commerce/la protection du consommateur.

D'abord, on a constaté de plus en plus souvent ces dix dernières années que les analyses d'aliments ne sont pas aussi fiables qu'on le pensait. Cela a été confirmé par des données provenant de plusieurs sources, par exemple les diverses études d'assurance de la qualité réalisées par l'OMS pour les laboratoires qui fournissent des données pour le système mondial de surveillance continue de l'environnement pour les aliments (GEMS/Aliments). L'ensemble le plus complet des données provient probablement des conclusions du programme d'évaluation des performances en matière d'analyse des aliments au Royaume-Uni (réf. 1.3). Plus de 200 laboratoires participent à ce programme, qui évalue les résultats de laboratoires effectuant un ou plusieurs types d'un éventail représentatif de huit domaines de l'analyse des aliments. En 1992, environ 20 pour cent des résultats présentés se trouvaient à l'extérieur des fourchettes que l'on pouvait raisonnablement attendre. Bon nombre des résultats suspects pouvaient provenir de petits laboratoires moins expérimentés qui effectuaient un nombre relativement faible d'analyses et, globalement, la proportion de résultats inexacts peut être bien inférieure à 20 pour cent, mais cette découverte est certainement suffisante pour contredire l'hypothèse selon laquelle, en l'absence de tout facteur inhabituel, on peut supposer que les résultats sont exacts.

Ensuite, l'étouffement rapide de la législation nationale sur le contrôle des aliments et la protection des consommateurs et les accords relatifs au commerce international qui sont fondés sur la reconnaissance mutuelle des résultats des analyses de laboratoire, exigent la démonstration de la confiance dans les données d'analyse. Cette reconnaissance mutuelle doit être fondée sur des faits concrets.

Un programme correctement conçu et bien appliqué d'assurance de la qualité (AQ) est en mesure de fournir des preuves tangibles détaillées quant à la confiance que l'on peut accorder aux données d'un type particulier provenant d'un laboratoire donné - il peut même jeter les bases nécessaires pour vérifier tel ou tel résultat d'analyse. Un laboratoire d'application a besoin d'un programme d'AQ car il peut être confronté à une remise en question de la validité de ses données par un autre laboratoire ayant son propre programme d'AQ. En outre, de plus en plus, les grandes sociétés agro-alimentaires n'auront affaire qu'à des fournisseurs ayant recours à des laboratoires dotés de programmes d'assurance de la qualité qui permettent une évaluation externe de la confiance que l'on peut accorder à leurs résultats.

Un programme efficace d'AQ qui fonctionne bien présente plusieurs avantages opérationnels. Tout d'abord, il fournit une série de relevés qui garantissent l'intégrité des échantillons, permettent de vérifier le fonctionnement correct des appareils de laboratoire et attestent que les résultats des analyses ont été obtenus conformément à des protocoles agréés. Cette documentation est particulièrement importante dans le cas des laboratoires officiels dont les analyses doivent être inattaquables devant un tribunal.

Un deuxième avantage est représenté par les gains de temps et les économies. Même si le produit d'assurance de la qualité peut sembler au début limiter la productivité des laboratoires, il peut à long terme entraîner des économies puisque les analyses seront d'emblée correctes.

En troisième lieu, un programme d'assurance de la qualité concourt à cerner les besoins de formation des analystes. Ces besoins ne sont pas limités aux nouveaux employés; ils concernent aussi les analystes en poste dont le rendement laisse à désirer ou qui requièrent un cours de recyclage.

Un quatrième avantage découlerait de la confiance accrue des analystes en la fiabilité de leurs résultats, ce qui contribuerait à l'amélioration du moral et du comportement du personnel.

Le programme présente d'autres avantages encore, notamment:

- II garantit que les erreurs sont identifiées et réduites au minimum ou éliminées. Toutes les erreurs ne peuvent être certes supprimées, mais il est possible de garantir que très peu d'erreurs graves ne seront pas repérées avant la diffusion de résultats.

- Il garantit la crédibilité juridique. De manière générale, les tribunaux sont très prudents quant à la recevabilité des preuves. Les critères appliqués pour admettre qu'une preuve est scientifiquement valable sont très rigides, mais cela ne signifie pas nécessairement que l'élément de preuve répondra aux dispositions du tribunal ou qu'il lui sera compréhensible. Par exemple, même si la preuve juridique est acquise "en toute certitude", il se pourrait que le tribunal éprouve quelques difficultés à l'assimiler à une donnée statistique probabiliste.

- Dans le cas d'une enquête ou d'un litige, il donne à l'administration la preuve que les résultats d'analyse sont justes. Cette certitude découle des preuves progressivement accumulées quant à l'efficacité des travaux du laboratoire.

- Dans le cas d'une enquête, d'un litige ou d'une faute, il garantit la présence d'archives pour résoudre le problème. Les dossiers devraient être conservés assez longtemps, de préférence pendant cinq ou six ans.

- Il permet de relever les insuffisances, fautes et doléances de manière à prendre les mesures systématiques qui s'imposent pour améliorer la situation.

- Il garantit une utilisation optimale des ressources. Il s'agit souvent là d'un processus lent, mais à mesure que s'accumulent les données sur le fonctionnement du laboratoire, il est plus facile d'évaluer le degré d'efficacité et l'utilisation de ces ressources. Par exemple, il est plus facile de vérifier si les réactifs et solutions étalons nécessaires sont disponibles et non périmés.

- Il fournit des informations suffisamment fiables pour être insérées dans des bases de données aux fins des politiques locale, nationale et internationale en matière de contrôle des aliments, de santé publique, de nutrition, etc. Ces bases de données sont extrêmement utiles pour la surveillance continue des denrées alimentaires. Elles permettent de déceler l'évolution des produits dans le temps et de comparer très facilement les résultats des analyses. Si les bases de données ne contiennent pas de renseignements fiables, on pourrait aisément en tirer des conclusions erronées.

1.5 Principales caractéristiques d'un programme d'assurance de la qualité


1.5.1 Responsabilités de l'administration
1.5.2 Responsabilités de l'Unité de l'assurance de la qualité
1.5.3 Responsabilités de l'analyste


Un programme d'AQ doit permettre de donner confiance dans les résultats du laboratoire. La principale caractéristique sera un engagement manifeste et réel de l'administration à l'égard de ce programme, concrétisé par le personnel à tous les niveaux. En dernier ressort, cela aura deux résultats: premièrement, il y aura une documentation des politiques et procédures spécifiant ce qui doit être fait, comment et par qui, accompagnée de mécanismes qui permettent de détecter rapidement toute omission dans ces domaines. La plus grande partie de cette documentation figurera dans le manuel qualité du laboratoire (voir chapitre 2, section 2.4) et dans ses documents connexes. Deuxièmement, cela supposera la nomination d'un responsable de la gestion de la qualité et la formation d'une unité de l'assurance qualité qui coordonnera l'élaboration, la mise en oeuvre et la mise à jour du manuel qualité et sera chargée de mener des examens et des audits en vue d'en suivre l'efficacité; son mandat doit indiquer clairement ses responsabilités par rapport à celles des analystes et de l'administration.

1.5.1 Responsabilités de l'administration

Dans un premier temps, l'administration doit décider du niveau de qualité que le programme d'AQ visera à atteindre, après avoir consulté les clients et en tenant compte d'autres éventuels facteurs limitants. Il incombe à l'administration d'assurer en permanence la qualité des résultats qui sortent du laboratoire. C'est une fonction qui doit être exécutée au degré nécessaire, ni plus, ni moins, et doit être partie intégrante des tâches administratives quotidiennes à tous les niveaux. Il importe de noter que l'AQ suppose non seulement l'obtention de la bonne réponse, mais toutes les pièces justificatives correspondantes. L'adoption initiale de procédures écrites d'AQ dans un laboratoire nécessite un modification considérable des attitudes et pratiques de travail. Lorsqu'elle est judicieusement introduite, l'AQ débouche sur une amélioration du moral du personnel, celui-ci acquérant une confiance dans ses résultats et étant satisfait de pouvoir démontrer la véracité de ceux-ci. L'assurance de la qualité met l'accent sur les aspects pertinents des activités quotidiennes et les besoins de formation et elle aide les agents du personnel à se perfectionner et à progresser dans leur carrière.

Il incombe à l'administration de déterminer le champ d'application et le degré de priorité du programme d'assurance de la qualité applicables à un laboratoire donné, sur la base d'un calcul du rapport coût-efficacité qui tienne compte de paramètres difficilement quantifiables (par exemple confiance du client, crédibilité et réputation du laboratoire). Bien souvent, hélas, la composante assurance de la qualité des travaux d'un laboratoire n'est pas suffisamment prise en considération ou n'est pas bien pesée. Par exemple, elle peut être détaillée au point d'englober pratiquement chaque attribution analytique. Bien qu'apparemment séduisant et avantageux, ce type de programme risque de se révéler écrasant et frustrant pour le personnel du laboratoire. Ce qui semble au début une entreprise admirable peut donc finir par engendrer découragement et faillite du programme. A l'opposé, un programme trop flou sera dénué d'utilité. Une fois qu'elle a choisi un programme, l'administration doit veiller à sa mise en route, à son exécution et au respect de ses principes. Si le personnel a l'impression que l'administration se désintéresse du programme, on peut s'attendre à une certaine indifférence de sa part.

Lorsqu'un programme d'AQ est devenu partie intégrante des opérations journalières, l'administration se doit de dégager des ressources pour son exécution et pour la mise en place d'une unité chargée de suivre son application. L'administration doit donner une image positive du programme d'AQ. Celui-ci ne doit pas être perçu comme quelque chose de menaçant, comme une source d'affrontement ou comme un surcroît de travail. Il doit au contraire être compris comme un moyen d'améliorer le travail et d'attester et récompenser un travail exceptionnel.

Beaucoup d'analystes ont commencé leur carrière dans des laboratoires où l'assurance de la qualité, au sens actuel de l'expression, n'était pas pratiquée. Même si leur nombre diminue, il existe encore des laboratoires de ce genre. A un moment ou à un autre, l'analyste devra modifier sa façon de travailler et considérer positivement le concept d'assurance de la qualité. Mais de nombreux obstacles devront être surmontés.

L'analyste peut éprouver le sentiment que toutes ses activités passées sont remises en cause du fait qu'elles n'ont pas été réalisées selon le nouveau système. Au début, l'application de l'assurance de la qualité prend du temps. L'analyste estimera probablement qu'il en fait déjà assez et qu'aucune de ses opérations n'est superflue. Pour lui, le nouveau système est irréalisable, inutile et prend beaucoup de temps. L'administration peut facilement aggraver cette attitude négative par une mauvaise gestion du personnel, un manque de volonté et de compréhension.

Il faudra peut-être promouvoir le concept d'assurance de la qualité aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du laboratoire. En premier lieu, il pourra se révéler nécessaire de convaincre les personnes qui interviennent dans les décisions relatives au financement du laboratoire. Il sera parfois difficile de persuader les gestionnaires et les juristes, dont les connaissances techniques peuvent être limitées, de la nécessité d'une dépense supplémentaire alors qu'à leur avis le laboratoire semble avoir donné satisfaction pendant longtemps avec l'ancien système, et que de nouvelles dépenses ne sauraient donc se justifier. Les raisons pour lesquelles la situation évolue doivent alors être explicitées. Les décideurs doivent tenir compte de l'évolution des concepts concernant leur propre utilisation de l'assurance de la qualité. L'automatisation et l'informatisation croissantes détournent l'attention des techniques de manipulation imposées par des analyses, souvent lentes et fastidieuses, pour la porter sur les méthodes d'administration et de gestion requises pour garantir la qualité d'une importante quantité de données. Il peut aussi être nécessaire de montrer que se produit aussi une évolution à l'intérieur même du laboratoire, où on passe du prélèvement aléatoire d'échantillons à des programmes d'échantillonnage, d'un tout petit nombre de prélèvements à un lot optimal d'échantillons d'un même type de produit, du professionnalisme et parfois de la virtuosité en matière d'analyse à une approche qualitativement garantie de gestion. Dans les deux situations, cette évolution apporte des avantages du point de vue coût-efficacité et une meilleure utilisation des ressources, mais elle ne peut fonctionner sans un élément d'assurance de la qualité.

Les décisions concernant la nature et l'ampleur de l'Unité chargée du programme d'assurance de la qualité incombent à l'administration. Dans les grands laboratoires pluridisciplinaires, cette Unité peut comprendre deux ou plusieurs agents ayant pour unique rôle de veiller à l'efficacité du programme d'AQ. Dans les laboratoires moins importants, en revanche, un analyste peut être chargé de consacrer une partie de son temps à veiller à ce que l'ensemble du laboratoire se conforme à un programme approuvé d'AQ.

La fréquence des vérifications formelles du degré d'application du programme approuvé d'AQ est également déterminée par l'administration. Certains administrateurs peuvent opter pour des inspections trimestrielles, voire mensuelles. D'autres pourront décider d'effectuer des examens rapides trimestriels et un contrôle annuel complet. Quelle que soit la fréquence des inspections, l'administration doit examiner régulièrement les conclusions de l'Unité chargée de l'assurance de la qualité et donner suite à ses recommandations. L'administration peut décider de récompenser les employés qui ont le mieux suivi les prescriptions du programme d'AQ. Par exemple, un système de plus en plus utilisé est celui des "primes de productivité" pour évaluer les prestations d'un employé. La décision de décerner une telle prime pourrait notamment être l'assurance de la qualité, ce qui permettrait à l'administration de motiver les employés afin de les inciter à appliquer strictement le programme approuvé d'AQ. Lorsque ce programme n'est pas appliqué, l'administration peut être amenée à prendre des mesures disciplinaires.

Outre la suite donnée aux recommandations de l'Unité chargée de l'assurance de la qualité, l'administration devrait revoir périodiquement à la fois la politique d'assurance de la qualité et le programme lui-même. Bien que la politique et le programme doivent être observés scrupuleusement, il faut prévoir une certaine souplesse pour permettre des écarts raisonnables lorsque les dispositions du programme initial d'assurance de la qualité sont trop précises ou ne le sont pas assez. Si les écarts sont trop spécifiques, il faudra peut-être modifier le programme pour les incorporer. Il incombe à l'administration d'examiner régulièrement la politique et le programme d'assurance de la qualité et d'y introduire les amendements nécessaires.

En résumé, l'assurance de la qualité ne saurait devenir partie intégrante des activités d'une organisation sans engagement et efforts de la part de l'administration. Il y a beaucoup ' à faire au début: rédiger un manuel qualité, produire des données sur la maîtrise de la qualité et faire mettre en place le système du programme d'assurance de la qualité. A ce stade, le soutien de l'administration est essentiel: encouragements, conseils et mobilisation de ressources adéquates. L'assurance de la qualité tombe dans le discrédit quand l'administration est encline à recourir aux anciennes méthodes de travail pour atteindre un objectif à court terme, par exemple fournir très vite un rapport d'échantillonnage pour céder à certaines pressions. C'est très souvent dans ce genre de situation que se commettent des erreurs. L'administration peut aussi faire connaître de manière très efficace l'importance qu'elle attribue au programme en insistant sur la stricte observation du calendrier des inspections et des examens et en manifestant un grand intérêt pour toutes les mesures de suivi. Les inspections et les mesures qui en découlent constituent le mécanisme d'évolution incorporé dans le système d'assurance de la qualité et conditionnent donc en grande partie l'efficacité du programme.

1.5.2 Responsabilités de l'Unité de l'assurance de la qualité

La première étape de la création d'une unité de l'assurance de la qualité consiste généralement à obtenir soit l'approbation budgétaire pour la nomination d'un cadre chargé de l'assurance de la qualité (ou "responsable de l'AQ" et des collaborateurs dont il peut avoir besoin, soit à obtenir l'autorisation de réaffecter à l'Unité des ressources humaines ou autres. Le responsable de l'AQ devrait de préférence posséder des qualifications académiques en matière d'assurance de la qualité, mais cela n'est pas toujours possible. Le plus souvent, on nommera à ce poste un analyste qui devra entreprendre des études personnelles, suivre des cours, etc. Cette personne devra être un analyste expérimenté dont les compétences techniques lui vaudront le respect de ses collègues. Surtout, le responsable de l'AQ devra s'efforcer de comprendre les principes de l'AQ et de les appliquer correctement, de manière réaliste et conformément aux objectifs du laboratoire. Le programme d'AQ doit être un avantage pour le laboratoire, et non un poids.

Le responsable de l'AQ doit pouvoir disposer d'inspecteurs qui seront habituellement choisis parmi les analystes. Une équipe de deux personnes suffit dans un petit laboratoire pour inspecter toutes les sections (y compris les services administratifs), mais non la sienne propre. Dans un plus grand laboratoire, le responsable de l'AQ aura peut-être besoin de collaborateurs permanents, mais les effectifs de l'Unité restent généralement faibles. Une personne suffit probablement pour 10 à 20 analystes. Plus la variété des analyses effectuées est grande et plus l'expérience générale est faible, plus l'assurance de la qualité est nécessaire.

L'Unité chargée de l'assurance de la qualité a pour fonction d'élaborer le plan ou le manuel d'assurance de la qualité (Manuel qualité) et de veiller à ce que le personnel du laboratoire applique le programme. Elle assure la liaison entre l'administration, qui a fourni les fonds pour permettre la réussite du programme, et le personnel du laboratoire, qui est directement responsable de la réalisation pratique du programme. L'Unité fait appel aux employés, en particulier l'analyste principal et le chef d'équipe ou chef de section, pour obtenir les données techniques nécessaires durant la rédaction du plan d'assurance de la qualité.

Outre la programmation et la réalisation d'inspections, le personnel chargé de l'assurance de la qualité doit formuler des recommandations à l'intention de l'administration concernant les résultats de ces études; il doit aussi recommander une politique d'assurance de la qualité à l'administration et aider à sa formulation, identifier les besoins de formation du personnel et fournir des directives pour le respect de tous les éléments du programme d'AQ.

La vigilance à l'égard des inspections et la rapidité des mesures de suivi sont un des moyens dont dispose l'administration pour appuyer cette fonction d'assurance de la qualité. Pour ce faire, le responsable de l'assurance de la qualité et, le cas échéant, des membres de son Unité doivent pouvoir consulter directement le directeur du laboratoire ou un haut responsable délégué.

Il faudrait organiser une ou deux fois par an des réunions d'étude au cours desquelles, en accord avec le responsable de l'AQ et les analystes principaux, l'administration pourra décider des modifications à apporter éventuellement à la politique et au programme. La nécessité de telles modifications découlera des inspections relatives à la qualité.

1.5.3 Responsabilités de l'analyste

L'analyste joue un rôle clé dans la mise en oeuvre du Programme d'assurance de la qualité. L'analyste dûment formé est responsable au premier chef de la qualité des données et des activités connexes du laboratoire, et il est le premier à pouvoir détecter un mauvais fonctionnement et des fluctuations anormales du système d'analyse.

L'administration, tout comme l'Unité d'AQ, attend des analystes collaboration et données techniques pour l'élaboration du programme d'assurance de la qualité. Certains analystes peuvent être invités à rédiger une partie du programme qui sera ensuite revue et approuvée par l'Unité AQ et l'administration. La participation à la formulation du programme peut être un élément de motivation pour le personnel, qui aura ainsi le sentiment d'avoir contribué de manière créative au programme d'assurance de la qualité.

Le personnel du laboratoire est responsable de l'application du plan approuvé, dont le succès ou l'échec dépend en fin de compte du comportement des analystes. Ceux-ci, qui constituent en pratique le premier échelon de la "gestion" de tout programme d'assurance de la qualité, doivent exécuter correctement leur travail, le documenter et en faire la critique, afin qu'il réponde à des normes acceptables. Dans des domaines spécialisés, il peut être approprié de donner au chef de section des responsabilités précises concernant l'élaboration et l'application du programme d'AQ. Cela aide à veiller à ce que la "culture" d'AQ soit renforcée à un maillon critique de la chaîne administrative.

Chacun des trois groupes précités (analystes, Unité d'AQ et administration) doit apporter sa contribution à la bonne exécution du programme d'AQ. Les analystes fournissent les compétences techniques nécessaires pour préparer le plan d'assurance de la qualité et sont responsables de son application dans les activités quotidiennes. L'Unité chargée de l'assurance de la qualité suit l'application du plan par le personnel et, sur la base de ses inspections, adresse des recommandations à l'administration, laquelle étudie les rapports de l'Unité et se prononce sur ses recommandations.

1.6 Documentation: Politique et Programme d'AQ

Le programme d'AQ et la documentation correspondante reflètent la politique de "qualité" du laboratoire. L'administration doit se demander quelle est la situation appropriée coûts/avantages pour le laboratoire en question et mettre au point un programme d'AQ. Celui-ci doit servir les objectifs du laboratoire, et non les dominer. En conséquence, la politique relative à la documentation des procédures doit prévoir des instructions claires sur les cas dans lesquels des mesures doivent être prises et sur les personnes qu'il faut en charger, mais il faut peser avec soin le degré de détail concernant les tâches à accomplir et les modalités d'exécution; elle doit fournir le degré de confiance convenu dans la qualité des résultats, sans exiger une quantité excessive de travaux administratifs. Les "boucles" de procédure qui démontrent que les mesures appropriées d'AQ ont été prises devraient être conçues de manière à déclencher automatiquement une action si - mais seulement si - une intervention précise est nécessaire. Cela aide à garantir que les chefs de section et responsables s'habituent à l'idée que les documents d'AQ ne leur arrivent que lorsqu'une mesure précise doit être prise, et non pas seulement "pour information".

Chaque chapitre du présent manuel se termine par quelques propositions sur les points susceptibles d'être incorporés dans la documentation du programme d'AQ; on trouvera des exemples de la documentation pertinente dans les annexes correspondantes. En ce qui concerne le présent chapitre, la documentation suivante est nécessaire:

Exposé des objectifs du laboratoire (voir annexe 1.1)
Mandat du responsable de l'assurance de la qualité

1.7 Références

1.1 Organisation internationale de normalisation, normes 9000 à 9004.

1.2 Juran, J., Planning for Quality, 1988. Collier Macmillan Ltd., Purnell Distribution Centre, Bristol (Royaume-Uni) ISBN 0029166810.

1.3 FAPAS Secretariat, MAFF Food Science Laboratory, Norwich Research Park, Colney, NORWICH NR4 7UQ, Angleterre (Royaume-Uni).

1.8 Lecture conseillée

1. Garfield, F.M., 1991. Quality Assurance Principles for Analytical Laboratories: AOAC International, Arlington, Virginia 22209, Etats-Unis. ISBN 0-935584-46-3.

2. Etude FAO: Alimentation et nutrition 14/12: Manuels sur le contrôle de la qualité des produits alimentaires 12. Assurance de la qualité dans le laboratoire d'analyse microbiologique des aliments (1991), Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, Rome (Italie) ISBN 92-5-103053-7.

3. ISO Guide 25: 1990. Prescriptions générales concernant la compétence des laboratoires d'étalonnage et d'essai.

4. FAO Food and Nutrition Paper 14/1, Rev 1. The Food Control Laboratory (1986), Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, Rome (Italie), ISBN 02489

5. Quality Assurance Principles for Chemical Food Laboratories (1990). Nordic Committee on Food Analysis c/o Technical Research Centre of Finland, Food Research Laboratory PB 203, SF-02151 ESPOO (Finlande).

6. NAMAS Accreditation Standard: General Criteria of Competence for Calibration and Testing Laboratories M 10: 1989, NAMAS Executive, National Physical Laboratory, Teddington, Middlesex TW11 OLW, Angleterre (Royaume-Uni).


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