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Une maladie en pleine expansion: La peste des petits ruminants


Importance économique
Répartition géographique
Espèces affectées et symptômes
Epidémiologie
Diagnostic et lutte
Références

P.C. Lefèvre

L'auteur est chef du Service de pathologie infectieuse, IEMVT/CIRAD (Institut d'élevage et de médecine vétérinaire des pays tropicaux/Département du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), 10, rue Pierre-Curie, 94704 Maisons-Alfort, France.

La peste des petits ruminants (PPR), due à un virus antigéniquement très proche du virus de la peste bovine (PB), se caractérise cliniquement par un état typhique, des érosions des muqueuses buccales et une atteinte pulmonaire. Elle s'étend en Afrique, du Sahara à l'équateur, et dans la péninsule arabe. Sous forme épizootique elle entraîne de fortes mortalités, et sous forme enzootique elle favorise l'apparition de pneumopathies bactériennes. La prophylaxie fait appel soit à un vaccin hétérologue contre la PB, soit homologue récemment mis au point.

Importance économique

La peste des petite ruminants (PPR), décrite pour la première fois en 1942 par Gargadennec et Lalanne, en Côte d'Ivoire, fait l'objet, depuis une dizaine d'années, de nombreux travaux et études; cela pour deux raisons au moins.

D'une part, elle entraîne de lourdes pertes chez les caprins et les ovins et constitue un obstacle réel au développement de l'élevage dans les pays où elle sévit (au Nigéria, les pertes occasionnées annuellement, en l'absence de toute intervention, ont été estimées à plus de 1 million de dollars).

D'autre part, en raison de sa répartition géographique et des relations antigéniques que son virus partage avec celui de la peste bovine (PB), elle interfère avec cette dernière et doit, de ce fait, être prise en compte lors des programmes de vaccination ou d'éradication de la peste bovine.

Répartition géographique

Selon l'Annuaire FAO, OMS, OIE de la santé animale 1988, la peste des petite ruminants sévit dans l'ensemble des pays d'Afrique de l'Ouest, à l'exception de la Guinée-Bissau, de la Guinée, de la Sierra Leone et du Libéria; l'Afrique occidentale est. du reste, considérée comme le berceau de la PPR. Elle est également signalée au Cameroun et au Soudan.

Depuis quelques années, elle a débordé le cadre africain en envahissant la péninsule arabique, où elle est signalée à Barheïn, en Oman, dans les Emirats arabes unis et au Yémen.

Cette extension, relativement rapide ces dernières années, s'explique par les mouvements de transhumance ou de nomadisme spécifiques de l'élevage extensif des régions sahéliennes et par les exportations vers les pays arabes à partir de la corne de l'Afrique. Il en ressort que la menace d'introduction de la PPR est grande, tant pour les pays du Proche-Orient que pour le sous-continent indien.

1. Erosions étendues de la muqueuse buccale - Extensive wounds of the mucous membrane of the mouth - Extensas erosiones de la mucosa bucal

2. Hépatisation pulmonaire - Pulmonary hepatization - Hepatización pulmonar

3. Les chèvres naines d'Afrique occidentale vent très sensibles à la peste des petite ruminants - West African Dwarf goats are very sensitive to the pest of small ruminants - Las cabras enanas de Africa occidental son muy sensibles a la peste de los pequeños rumiantes

(Photo/Foto: S.M. Touré)

Espèces affectées et symptômes

La PPR affecte les petite ruminants et plus particulièrement les chèvres; les moutons vent plus résistants. Chez les bovine, l'infection est inapparente mais entraîne l'apparition d'anticorps.

Récemment, la PPR a aussi été décrite chez des animaux sauvages élevés en captivité: gazelles dorcas (Gazella dorcas), bouquetins de Nubie (Capra ibex), gemsboks (Oryx gazella).

Cliniquement, il est impossible de la distinguer de la peste bovine lorsque celle-ci touche les moutons et les chèvres, ce qui explique, en partie, pourquoi elle est passée inaperçue pendant très longtemps.

Après une incubation de course durée (2 jours en moyenne), elle se traduit, dans les formes aiguës et suraiguës, par une forte hyperthermie, un thypus marqué, des érosions de toutes les muqueuses buccales (figure 1), une atteinte pulmonaire qui est constante (figure 2), à l'inverse de ce que l'on observe dans les cas de PB, et, dans les derniers stades, une diarrhée profuse. L'évolution est de cinq à dix jours selon les cas mats, fréquemment, le tableau est compliqué par des infections bactériennes secondaires, notamment des pneumonies ou des broncho-pneumonies à pasteurelles (Pasteurella haemolytica ou P. multocida type A ou D) (figure 4).

En plus de ces formes cliniques, la PPR évolue aussi sous une forme asymptomatique, particulièrement fréquente dans les zones sèches d'Afrique centrale où elle est considérée comme un facteur prédisposant aux infections pulmonaires (Lefèvre, 1987).

Epidémiologie

L'agent pathogène, le virus de la PPR, est un virus à ARN, à symétrie hélicoïdale, enveloppé (Bourdin et Laurent-Vautier, 1967), de la famille des Paramyxoviridae, du genre Morbillivirus, qui comprend quatre virus (Gibbs et al., 1979). Ces virus vent très importants en médecine humaine ou vétérinaire: il s'agit des virus de la rougeole, de la maladie de Carré, de la peste bovine et de la PPR.

Cette liste n'est certainement pas exhaustive, et le virus isolé de phoques en mer du Nord (Phocine distemper virus) en 1987 pourrait être prochainement inclus dans ce genre.

Tous ces virus présentent entre eux de grandes relations antigéniques, mises en évidence soit par des techniques sérologiques, soit par des tests de protection croisée. Ces relations vent particulièrement étroites entre les virus de la PB et de la PPR.

Comme tous les morbillivirus, le virus de la PPR est relativement peu résistant en milieu extérieur, ce qui implique un contact étroit pour sa transmission. Il est excrété précocement, dès l'apparition de l'hyperthermie, dans les secrétions conjonctivales, le jetage ou la salive et, plus tardivement, dans les fèces. La transmission se fait par vole aérienne, et la porte d'entrée du virus est la muqueuse naso-pharyngée. Par ailleurs, il n'existe pas de porteur chronique, l'évolution se faisant soit vers la mort, soit vers la guérison avec une immunité de longue durée, voire de toute la vie économique de l'animal.

L'espèce et la race jouent aussi un rôle important: les chèvres vent nettement plus sensibles que les moutons et, parmi elles, les races cites guinéennes (chèvres naines d'Afrique de l'Ouest, chèvres kirdi, chèvres des lagunes) vent plus sensibles que les races sahéliennes (figure 3).

La PPR évolue sous forme épizootique avec une mortalité élevée, de l'ordre de 70 à 80 pour cent dans les pays côtiers du continent africain, de la Mauritanie au Bénin, selon un cycle d'apparition, dans les villages, de quatre à cinq ans, délai qui correspond à la reconstitution d'une population réceptive.

En revanche, dans les pays d'Afrique centrale (Mali, Niger, Tchad), la PPR est de type enzootique: infections inapparentes avec une mortalité faible, mais qui touche la plupart des animaux (au Tchad, près de 70 pour cent des chèvres présentent des anticorps anti-PPR). Cette relative résistance des chèvres sahéliennes pourrait s'expliquer par le fait que les virus de la famille des Paramyxoviridae sont, à température égale, plus stables en atmosphère sèche qu'en atmosphère humide. Ce phénomène entraînerait une persistance et une circulation du virus plus longues dans les troupeaux. Deux conséquences vent alors possibles:

- à court terme, un contact précoce des jeunes avec le virus alors qu'ils vent encore protégés par les anticorps d'origine maternelle;

- à long terme, une sélection des races et l'acquisition d'une résistance génétique sinon à l'infection, du moins à ses manifestations cliniques.

Il en ressort que dans les régions arides ou semi-arides où la PPR évolue de manière enzootique, les foyers n'apparaissent que rarement et uniquement quand d'autres facteurs viennent affaiblir les animaux.

Par ailleurs, il faut signaler le rôle joué par la PPR dans l'épidémiologie de la PB. Après une atteinte par la PPR, les petite ruminants vent protégés contre la PB, ce qui signifie que dans les régions où les deux maladies coexistent, les moutons et les chèvres n'interviennent pas (ou très peu) dans la transmission du virus bovipestique, contrairement à ce qui se passe dans les pays où la PPR n'existe pas.

Diagnostic et lutte

Le diagnostic clinique des formes aiguës ou suraiguës de la peste des petite ruminants n'est pas particulièrement difficile, mais il ne faut pas la confondre avec la peste bovine, et seul le laboratoire peut faire la distinction. Dans les formes frustes ou inapparentes, une infection par le virus PPR doit être soupçonnée chaque fois que des pneumopathies associées ou non à de la diarrhée vent observées.

4. Distribution des symptômes dans le temps - Time distribution of clinical signs - Distribución de los síntomas a lo largo del tiempo

Les prélèvements à envoyer au laboratoire vent du sang sur anticoagulant (EDTA de préférence), des nœuds lymphatiques ou des fragments de rate.

Bien entendu, il n'existe aucun traitement spécifique de la PPR, mais une antibiothérapie peut être pratiquée pour éviter les complications bactériennes.

La prophylaxie, notamment dans les pays d'élevage extensif à nomadisme saisonnier où la PPR existe, ne peut être que médicale. Le vaccin contre la PB est largement employé (Bourdin, Rioche et Laurent, 1970; Taylor, 1979), mats, ces dernières années, un vaccin homologue à virus vivant atténué a été mis au point par l'Institut d'élevage et de médecine vétérinaire des pays tropicaux (IEMVT, Maisons-Alfort, France), en association avec l'Animal Virus Research Institute (Pirbright, Royaume-Uni) (Diallo et al., 1989). L'emploi de ce vaccin permettra de distinguer les petite ruminants vaccinés de ceux atteints de PB, ce qui facilitera les enquêtes épidémiologiques sur la peste bovine.

Références

Bourdin, P. et Laurent-Vautier, A. 1967. Note sur la structure du virus de la peste des petite ruminants. Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 20(3):383-386.

Bourdin, P., Rioche, M. et Laurent, A. 1970. Emploi d'un vaccin antibovipestique produit sur cultures cellulaires dans la prophylaxie de la peste des petite ruminants au Dahomey. Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 23(3):295-300.

Diallo, A., Taylor, W.P., Lefèvre, P.C. et Provost, A. 1989. Atténuation d'une souche du virus de la PPR. Candidat pour un vaccin homologue vivant. Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 42(3). (Sous presse)

Gargadennec, L. et Lalanne, A. 1942. La peste des petite ruminants. Bull. Serv. Zoot. Epizoot. AOF, 5(1):16-21.

Gibbs, E.PJ., Taylor, W.P., Lawman, M.J.P. et Bryant, J. 1979. Classification of peste des petits ruminants virus as the fourth member of the Genus Morbillivirus. Intervirology, 11:268274.

Lefèvre, P.C. 1987. Peste des petite ruminants et infection bovipestique des ovins et caprins. Etudes et synthèse de l'IEMVT n° 5 (2e édition), 99 p.

Taylor, W.P. 1979. Protection of goats against peste des petite ruminants with attenuated rinderpest virus. Res. vet. Sci., 27(3):321 324.

Whitney, J.C., Scott, G.R. et Hill, D.H. 1967. Preliminary observation on a stomatitis and enteritis of goats in Southern Nigeria. Bull. Epizoot. Dis. Afr., 15:31-41.


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