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Elevage d'aulacodes (Thryonomys swinderianus) pour la production de viande


Comportement
Reproduction
Croissance
Critères de sélection
Sélection
Références


C.-H. Siter, G.A. Mensah et C.F. Gall

Adresse des auteurs: Institut de production animale en pays tropicaux et subtropicaux, Université de Hohenheim, GarbenstralBe 17, D-7000 Stuttgart 70, Allemagne.

En Afrique occidentale et centrare, la viande de l'aulacode, rongeur sauvage, est très appréciée. Au milieu des années 80, le Bénin a créé une station d'élevage d'aulacodes dans le cadre du Projet bénino-allemand d'aulacodiculture - en collaboration avec l'Agence allemande pour la coopération technique (GTZ). Les objectifs de la station sont de développer des techniques pour assurer le succès de l'élevage d'aulacodes destinés à la production de viande et de vulgariser une souche domestiquée Cet article discute des critères de sélection appropriés pour l'élevage. A l'heure actuelle, il est recommandé de classer le matériel des femelles destinées à la sélection selon un «indice mère» qui englobe la taille de la portée, le poids au sevrage de la progéniture et l'intervalle entre parturitions. Le remplacement des femelles pour la sélection sera basé sur leur gain de poids vif individuel et sur l'indice mère. Les reproducteurs seront jugés selon leur docilité au 150e jour, leur gain de poids vif quotidien entre le 28e jour (sevrage) et le 150e jour, et selon l'indice mère de leur mère. Des analyses ultérieures sont nécessaires pour estimer les paramètres génétiques et l'impact économique de tous les caractères de sélection considérés.

En Afrique occidentale et centrale, l'engraissement des aulacodes (Thryonomys swinderianus) élevés en captivité étroite pourrait constituer une source de revenu complémentaire pour des petits éleveurs, comme il a été discuté préalablement dans cette revue (Baptist et Mensah, 1986). Dans le cadre de la coopération technique entre le Bénin et l'Allemagne, une station d'élevage d'aulacodes a été installée en 1984. Le Projet bénino-allemand d'aulacodiculture (PBAA), appuyé scientifiquement par l'université de Hohenheim, essaie de développer des conditions préliminaires nécessaires à la domestication des aulacodes en matière de sélection, hygiène et conduite d'élevage.

Attitude typique d'un aulacode mangeant une graminée - Typical posture of a cane rat eating grass - Actitud típica de una rata de cañaveral comiendo una gramínea

Elevage en cages individuelles - Breeding in separate cages - Cría en jaulas individuales

Une famille de reproduction (élevée en enclos) - A breeding family (pended) - Familia de reproducción (criada en un recinto cerrado)

De récente travaux de recherche ont permis de mieux connaître la reproduction, la croissance et le comportement des aulacodes élevés en captivité étroite (Mensah et Baptist, 1986; Adjanohoun, 1988; Schrage, 1990). En se basant sur les informations disponibles, le présent article donne un schéma de sélection simple pour l'élevage des aulacodes et tente de mettre en évidence les informations indispensables pour déterminer des critères de sélection appropriés.

Comportement

Pour la production d'aulacodes en captivité étroite, deux types de comportement importante ont été observés.

Faible docilité (typique des animaux sauvages). L'aulacode est craintif et a tendance à paniquer dans un milieu non familier. Pourtant, on rencontre fréquemment des individus dociles. Schrage (1990) s'est inspiré d'un test d'évaluation utilisé par Mensah (1983) pour mesurer la docilité des aulacodes élevés en cage. Ses études, portant sur 95 animaux mâles de six à 13 mois, montrent que la docilité est un caractère individuel d'une répétabilité estimée à 0,70 ± 0,13.

Agressivité. Elle existe entre mâles adultes ainsi qu'entre femelles provenant de familles différentes. Afin d'éviter l'agressivité entre les animaux, le PBAA a développé des modes d'élevage qui consistent en mise en cage individuelle des mâles à l'âge de cinq mois, ainsi que regroupement des femelles en familles de reproduction (Mensah et Baptist, 1986; Schrage, Mensah et Mack, 1987; Adoun, 1988).

Reproduction

La reproduction des aulacodes sauvages dans la nature est étroitement liée au photopériodisme et à l'alternance des saisons sèches et des pluies. Cependant, la femelle peut se reproduire tout au long de l'année. L'aulacode atteint la maturité sexuelle à quatre mois environ. La femelle n'extériorise pas de signes d'œstrus. L'ovulation serait induite par la présence du mâle (Adjanohoun, 1988).

En captivité, on a obtenu de meilleurs résultats quand les animaux étaient gardés en permanence dans des familles de reproduction (élevage en groupes polygames). A la station du PBAA, une famille comporte six à huit aulacodes et un géniteur. Les aulacodeaux sont sevrés à l'âge de 12 semaines. Aussitôt sevrées, les aulacodelles sont groupées pour former des familles de reproduction. Elles atteignent la maturité sexuelle à 6-7 mois, quand leur poids est de 1,2-1,5 kg. En raison de l'espace limité, les mâles sont d'abord élevés en groupes dès le sevrage jusqu'à cinq mois. Avant l'âge de la maturité sexuelle, ils sont transférés en cages individuelles ou dans les familles de reproduction.

Le tableau résume des paramètres de fertilité sélectionnés chez des aulacodes élevés en captivité. Ils sont inférieurs à ceux d'espèces compétitives (volaille, lapin). Néanmoins, Schrage (1990) a trouvé un coefficient de variation de plus de 30 pour cent dans la taille des portées, ce qui indique des possibilités de progrès d'élevage raisonnables si la sélection est pratiquée systématiquement.

Croissance

L'aulacode atteint le poids de cession au marché à l'âge de 10-12 semaines. En se basant sur les données pondérales indiquées dans le tableau, le gain de poids quotidien de l'aulacode est de 10 g environ. Cela correspond au taux de croissance de lapins dans des conditions tropicales (Hoffmann, 1990). Dans des conditions standardisées à la station du Bénin, les coefficients de variation de poids vif corporel mensuels jusqu'à l'âge de 15 mois oscillaient entre 14 et 26 pour cent. Comme il est à supposer que des gènes de la population d'aulacodes sauvages ont été soumis à des mutations spontanées, la part de variation déterminée génétiquement pourrait être assez large. Ainsi, les efforts visant à améliorer le potentiel de production de viande sont prometteurs. Cette hypothèse est soutenue par une héritabilité de h2 = 0,62 + 0,13 pour le poids vif corporel à cinq mois (Schrage, 1990), quoique ce chiffre semble surestimé en raison du nombre insuffisant de données.

Critères de sélection

Les mesures de la docilité des animaux élevés en groupe sont peu fiables. Néanmoins, la sélection des animaux doit être faite avant le premier accouplement à l'âge de cinq mois. Pour éviter des jugements erronés sur les aulacodes groupés en famille, il est proposé de séparer les mâles déjà à l'âge de quatre mois, de façon à les laisser en cages individuelles pendant au moins un mois avant leur sélection. Tant qu'on ne sait pas s'il existe des relations défavorables entre caractères de docilité et performances zootechniques, il n'est pas à exclure que la sélection sur la docilité set un effet négatif sur la productivité. Les premières démarches visent donc à éliminer seulement les animaux extrêmement nerveux et paniquards.

Des critères de sélection relatifs aux performances de production peuvent être la taille de la portée à la naissance et au sevrage ainsi que l'intervalle entre mises bas. Pour les femelles primipares, ce dernier peut être substitué par la durée entre l'introduction du mâle dans le groupe et la parturition. Cela est plus intéressant que l'âge à la première mise bas, choisie dans la plupart des cas pour des raisons de gestion.

L'aulacodine a six tétines; pourtant, aucune difficulté n'a été observée chez des femelles allaitant des portées de huit aulacodeaux. La limite pour la taille de la portée, où les baisses de croissance et du taux d'animaux survivants deviennent économiquement significativas, est encore inconnue; toutefois, avec une moyenne de quatre jeunes par portée actuellement, une sélection sur l'augmentation de la taille de la portée ne devrait pas poser de problèmes.

Le long intervalle moyen (210 jours) entre les mises bas est le désavantage le plus évident. Pourtant, l'intervalle individuel entre les mises bas varie entre 152 jours (durée de la gestation) et plus de 500 jours (Schrage, 1990). Il est à noter que la répartition autour de cette valeur moyenne n'est pas normale, et qu'elle est plutôt polymodale. Il semble que l'aulacodine n'ait pas d'anœstrus de lactation, et l'élimination des femelles qui mettent de longs mois avant d'être gestantes devrait être une mesure pour augmenter la productivité.

Paramètres de performances sélectionnés pour l'aulacode
Cane rat performance parameters
Parámetros de rendimiento seleccionados para las ratas de cañaveral

Caractère

Nombre d'animaux dans l'échantillon

Moyennes corrigées LSQ (m) et erreurs standard (Sm)

Reproduction



Durée de la gestation1 (j)

17 femelles

152,8 ± 2,0

Taille de la portée

362 portées

4,0 ± 0,1

Poids de la portée (g)

362 portées

514,4 ± 9,2

Intervalle entre mises bas (j)

80 femelles

209,7 ± 17,0

Pertes (animaux par portée)



Mort-nés

362 portées

0,25 ± 0,06

Mortalité jusqu'au 7e jour

362 portées

0,37 ±0,08

Croissance



Poids à la naissance (g)

1 168 animaux

135,9 ± 1,0

Poids à 5 mois (g)

421 animaux

1 300,9 ± 35,3

Poids à 10 mois (g)

65 mâles

3325,7 ± 77,6

Source: Schrage (1990), sauf 1 Mensah et Baptist (1986).

Aulacoderie pour les groupes de reproduction - Facilities for the breeding groups - Granja de ratas de cañaveral destinada a los grupos de reproducción

L'aulacode peut être nourri avec succès a base de concentré standardisé - The cene rat can be fed successfully with standard concentrates - La rata de cañaveral se puede alimentar eficazmente a base de un concentrado normalizado (Photos/fotos: Mensah)

Schéma de sélection pour l'élevage de l'aulacode - Selection plan for cane rat production - Esquema de selección para la cría de la rata de cañaveral

La croissance des aulacodeaux est une fonction de la production de lait de la mère et de sa capacité maternelle. La pesée précoce des jeunes, possible à quatre semaines d'âge (Schrage, 1990), fournira une bonne mesure de la capacité d'élevage de la mère. Par la suite, les effets maternels diminuent car les liens entre mère et progéniture sont faibles chez l'aulacode. Le gain de poids quotidien entre le 28e et le 150e jour pourra alors être utilisé pour juger le potentiel génétique de croissance individuel. Puisque tous les mâles sont séparés au 120e jour, cela ne fausserait pas les résultats.

Néanmoins, d'après les connaissances sur d'autres espèces, une sélection efficace sur la croissance basée sur le poids vif à cinq mois reste encore douteuse. Le poids de vente au marché est atteint beaucoup plus tara (10 à 12 mois) et il est connu que chez d'autres espèces la variabilité génétique de croissance individuelle augmente avec l'âge et que la formation de graisse est, en grande partie, déterminée génétiquement (Langholz, 1982). C'est pourquoi il vaudrait éventuellement mieux remettre la sélection à un âge postérieur. Comme cela est en conflit avec l'exigence de raccourcir l'intervalle entre les générations, il est nécessaire de faire des calcule d'optimisation afin d'obtenir rapidement un gain génétique.

La préférence du consommateur pour la viande d'aulacode s'explique par son goût. Son prix dépend peu de la composition de la carcasse, mais surtout de son poids. C'est pourquoi on ne s'attend pas à ce que la sélection sur la composition de la carcasse son' économiquement efficace. Cependant, en raison d'un antagonisme génétique possible, la qualité de la viande pourrait en souffrir si on ne la considère pas comme un objectif de sélection. Il est nécessaire d'identifier les caractéristiques organoleptiques responsables de la préférence du consommateur et de décider s'ils doivent être pris en considération dans la sélection.

Des facteurs du milieu extérieur influent sur les données de performance, même sous les conditions largement standardisées d'une station d'élevage. Schrage (1990) trouvait, entre autres, des effets de la saison, de la taille de la portée, de l'âge au sevrage, du poids de la mère et de l'effectif du groupe de reproducteurs qui influaient sur plusieurs paramètres de croissance et de reproduction.

Ces effets doivent être éliminés mathématiquement avant le jugement et la sélection des animaux. Pour des raisons pratiques, il est préférable d'éliminer les effets du milieu extérieur les plus importante sur la base de constantes simples calculées sur une moyenne de plusieurs années.

Sélection

Après l'enregistrement et la correction des données des performances zootechniques, celles-ci devront être incluses dans un indice de sélection où chaque critère de sélection est considéré suivant son poids économique et sa source d'information. En attendant que la banque de données son' suffisante pour estimer les paramètres génétiques et le poids économique, un schéma de sélection simple est proposé (voir figure).

Les femelles destinées à l'élevage seraient classées à l'aide d'un coefficient où la taille de la portée, la performance d'élevage (poids au sevrage) et l'intervalle entre mi ses bas (éventuellement la durée entre l'introduction du mâle et la première mise bas) sont considérés à proportions égales. Tous les caractères seront exprimés comme déviation proportionnelle de la moyenne du matériel de sélection et additionnés. Quoique ce coefficient ne doive pas être confondu avec un indice de sélection, on peut l'appeler «indice mère».

La sélection de femelles pour le remplacement serait basée sur l'indice mère et sur leur gain pondéral individuel jusqu'au sevrage. La sélection de géniteurs devrait être basée sur leur gain de poids entre le 28e et le l 50e jour. Juste avant la pesée, ils seraient jugés sur leur docilité, et tous les animaux démontrant une tendance à paniquer seraient exclus. La performance de reproduction pourrait être considérée selon l'indice mère -qui, par exemple, devra être au-dessus de la moyenne du matériel de sélection.

Entre-temps, de nouvelles expériences sont en cours au Bénin et à l'université de Hohenheim afin de déterminer les paramètres génétiques et les impacts économiques des caractères de la reproduction.

Références

Adjanohoun, E. 1988. Contribution au développement de l'élevage de l'aulacode (Thryonomys swinderianus Temminck, 1827) et à l'étude de sa reproduction. (Thèse)

Adoun, E. 1988. Aperçu sur la biologie de l'aulacode. Rev. Nat. Faune, 4:17-21.

Baptist, R. & Mensah, G.A. 1986. L'aulacode - Animal d'élevage prometteur? Rev. mond. Zootech. (FAO), 60:2-6.

Hoffmann, I. 1990. Untersuchungen zur Kaninchenhaltung in Bobodioulasso, Burkina Faso. (Thèse)

Langholz, H.-J. 1982. Entwicklung und Datennutzung für die Fleischproduktion beim Rind. Züchtungsknde, 54:401-413.

Mensah, G.A. 1983. Elevage expérimental d'aulacodes. Deuxième rapport d'activité. DEP/MFEEP/Bénin. (Inédit)

Mensah, G.A. & Baptist, R. 1986. Aspects pratiques en élevage d'aulacode (Thryonomys swinderianus). 1. Modes d'accouplement et durée de la gestation. Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 39:239-242.

Schrage, R. 1990. Untersuchungen zur Eignung von Thryonomys swinderianus (Grasnager) als landwirtschaftliches Nutztier. (Thèse)

Schrage, R., Mensah, G.A. & Mack, R.P. 1987. Neuere Erfahrungen mit der Haltung von Rohrratten (Grasnagern) in der Volksrepublik Benin. Entwicklung und ländlicher Raum, 21(5):7-10.


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