Avant-propos

Table des matières - Précédente - Suivante

La mise en place ou le développement de filières Lait autonomes et efficientes en Afrique répond à deux objectifs principaux:1

Toutefois, ce schéma de base du développement reposant largement sur une volonté exprimée localement, suppose néanmoins pour se réaliser qu'un certain nombre de conditions générales, économiques, sociales, monétaires, etc. - soient acquises sur le long terme. Sinon toute solution se trouverait remise en cause pour tout ou partie. Parmi les facteurs contraignants qui vont peser sur les filières Lait des pays africains nous retiendrons entre autres: a) tout d'abord la forte présence de produits laitiers importés - essentiellement de la poudre de lait - fortement subventionnés provenant des pays industrialisés et arrivant sur les marchés africains à bas prix, ce qui remet en cause la possibilité d'une rémunération satisfaisante pour les producteurs locaux. Cette concurrence largement dénoncée dans le cadre du GATT et de la CNUCED va peser sur l'avenir de toute politique laitière destinée à valoriser la production locale. Mais cette contrainte au développement laitier liée aux importations va être renforcée par d'autres sujétions rencontrées au sein même de la filière locale: productivité et conduite du troupeau, alimentation, etc.

Or, ces sujétions pèsent assez largement sur une bonne partie du continent africain et compromettent dans de nombreuses régions la mise en place d'une structure laitière viable, susceptible de satisfaire les besoins exprimés localement. Les importations, trop systématiquement décriées demeurent alors le seul moyen fiable d'assurer aux populations un approvisionnement satisfaisant en lait et produits laitiers. Dès lors, il ne faut pas systématiquement poser le problème de l'approvisionnement en lait et produits laitiers de l'Afrique en terme d'alternative importations contre production locale, mais plutôt en terme de complémentarité permettant, quelles que soient les conditions, un accès satisfaisant au lait et aux produits laitiers pour les populations - surtout celles concentrées en milieu urbain.

b) la stabilité socio-politique et économique semble encore peu propice à la mise en place le processus de développement nécessaire à l'implantation d'une filière Lait autonome et dynamique. Dans cette optique, la définition du statut juridique de la terre est une urgence dans maints pays africains où se maintient le droit foncier traditionnel qui veut que les habitants d'un village jouissent de l'exploitation des terres de la communauté. La pression démographique rend de plus en plus tendus les rapports entre agriculteurs et éleveurs: c'est par exemple à ce niveau qu'une large réflexion doit être menée. C'est dans cette même optique des rapports socio-économiques que le rôle et la volonté réelle des dirigeants doivent être clairement établis: la promotion du développement rural et la maîtrise du développement urbain sont autant de questions qui vont conditionner l'avenir de tout processus de progrès socio-économique dont, bien entendu, celui de la filière Lait.

Plus généralement, l'Afrique dans son ensemble est entrée depuis le début des années 80 dans une stagnation, voire une régression économique inquiétante pour l'avenir: à l'origine de ce processus de dégradation de la situation socio-économique se trouve la baisse considérable du prix des matières premières agricoles et minérales, sources essentielles de devises pour l'ensemble du continent; cette baisse des revenus se conjugue avec une forte croissance démographique qui amplifie encore ce processus. La diminution du revenu par habitant est générale sur le continent africain, ce qui annule tout progrès possible de la consommation.

La baisse des recettes d'exportation due à la chute des prix des matières premières a considérablement aggravé le déficit de la balance des paiements de la plupart des pays africains amenant les autorités monétaires internationales - F.M.I., Banque mondiale - à prendre des mesures draconiennes dans le cadre de plans d'ajustement structurel (P.A.S.) auxquels sont soumis l'ensemble des pays pris en compte dans cette étude. L'émergence d'une classe moyenne observée au cours des années 70 et 80 n'est plus d'actualité en 1994: or, c'est l'élargissement de cette classe moyenne qui par son pouvoir d'achat et sa propension à consommer devrait être un des moteurs de la croissance pour de nombreux secteurs d'activités, y compris celui concernant le lait et les produits laitiers.

c) la recherche de la stabilité, tant sur le plan socio-politique que sur le plan économique, suppose également que soit résolu l'épineux problème des taux de change permettant un juste recours aux importations pour satisfaire des besoins fondamentaux (investissements collectifs, santé, niveau alimentaire...) tout en rendant compétitifs les produits d'exportation sur les marchés extérieurs. Ce problème est celui de la définition de la valeur du FCFA qui met en cause des considérations de stratégie politique franco-africaine relayées depuis quelques années par les préoccupations du F.M.I. et de la Banque Mondiale. Ces considérations monétaires et leurs conséquences ont conduit à une dévaluation de 50% du FCFA le 11/1/94 remettant en cause bien des situations pour les 4 pays de la zone franc pris dans le champ de cette enquête'.

Dans le domaine de l'économie laitière, la surévaluation constante du FCFA et sa convertibilité garantie en Francs Français ont trop longtemps constitué une véritable prime à l'importation de produits laitiers - entre autres - dans les pays de la zone franc, si bien que l'on observe dans ces pays que les besoins en lait et produits laitiers ont été couverts jusqu'à présent à plus de 90 % par les importations, alors que cette proportion est négligeable ou modeste dans les pays hors de la zone (Ethiopie, Burundi). La valeur du FCFA a certainement été un handicap pour toute initiative visant à élaborer sur place les produits laitiers à partir d'une production laitière locale. La récente dévaluation sera sans doute un point positif, à condition que des mesures d'accompagnement en amortissent les chocs socio-économiques et préparent le terrain pour permettre un véritable développement de filières Lait locales. En ce qui concerne plus particulièrement le Burundi, outre les effets prévisibles de la dévaluation, il est à craindre que le chaos socio-politique dans lequel s'enfonce le pays depuis octobre 1993 n'entraîne des modifications considérables dans les situations observées durant l'été 93 et ne conduise donc à des conclusions largement infléchies par ces événements.


Table des matières - Précédente - Suivante