Synthese

Table des matières - Précédente - Suivante

Ressources en eau
Prélèvements
Potentiel d'irrigation
Superficies avec contrôle de l'eau
Cultures irriguées
Taux d'utilisation des superficies équipées
Environnement et santé

Les 53 pays d'Afrique ont été regroupés en sept régions présentant une cohérence climatique et géographique qui influe fortement sur la problématique de l'irrigation. Ces régions, présentées à la figure 1, sont le Nord, la Région soudano-sahélienne, le golfe de Guinée, le Centre, l'Est, les îles de l'océan Indien et le Sud. Cette section présente brièvement les faits marquants qui se dégagent aux niveaux national et régional ainsi que les particularités et les tendances qui peuvent se dégager de l'information récoltée.

Ressources en eau

L'étude s'est concentrée principalement sur les ressources renouvelables. Elle distingue les ressources générées à partir des précipitations tombées sur le territoire du pays ou ressources renouvelables internes, par rapport aux ressources renouvelables globales, qui incluent également les transferts en provenance d'autres pays. Dans les deux cas, il s'agit du potentiel maximal de ressources en eau, sans tenir compte de considérations sur les possibilités réelles de mise en valeur des eaux telles que la régulation des débits ou les ressources souterraines extractables.

Le tableau 1 présente, pour chaque région, les données relatives aux ressources internes et compare ces résultats avec les volumes de précipitation. Le rapport entre ces deux grandeurs peut être assimilé, en première approximation, à un "coefficient de ruissellement" qui prendrait en compte également la part de recharge des aquifères non connectés aux réseaux de drainage. Ce coefficient varie de 6% dans les régions arides à 32% dans les régions humides du golfe de Guinée et 34% à Madagascar. Les données récoltées dans les pays montrent qu'il varie de moins de 2% dans les pays arides tels que la Libye, le Niger, ou le Botswana, jusqu'à des extrêmes de plus de 80% dans les zones les plus arrosées du Liberia et de la Sierra Leone. Bien qu'elles couvrent les superficies les plus importantes, les régions du Nord et soudano-sahélienne ne contribuent respectivement que pour 1,2% et 4,3% au total des ressources du continent. Le Sud montre également un coefficient de ruissellement très réduit (9%).

Prélèvements

Le tableau 2 montre la répartition des prélèvements en eau par région entre les trois grands secteurs consommateurs d'eau: l'agriculture, l'industrie et les collectivités (besoins domestiques). Les exigences de la navigation, de la pêche, des mines, de l'environnement et des loisirs, bien que pouvant mobiliser une part importance des écoulements, ont un taux de consommation nette très faible ou nul. D'autre part, tous les pays ne calculent pas systématiquement ces prélèvements, ce qui complique les analyses régionales. Pour ces raisons, ils ne sont pas inclus dans le calcul des prélèvements régionaux mais apparaissent dans les monographies par pays lorsque l'information est disponible.

TABLEAU 1
Distribution régionale des ressources en eau

Région Superficie Pluie

Ressources renouvelables internes

  (1000km²) (km³/an) (km³/an) (mm/an) % du total % de la pluie
Nord 5 753 411 50 8,7 1,2 12,2
Région soudano-sahélienne 8 591 2 878 170 19,8 4,3 5,9
Golfe de Guinée 2 106 2 965 952 452,0 23,8 32,1
Centre 5 329 7 621 1 946 365,2 48,8 25,5
Est 2 916 2 364 259 88,8 6,5 11,0
Îlles de l'océan Indien 591 1 005 340 575,3 8,5 33,8
Sud 4 739 2 967 274 57,8 6,9 9,2
Total 30 025 20 211 3 991 132,9 100,0 19,7

TABLEAU 2
Distribution régionale des prélèvements d'eau

 

Prélèvements par secteur

Région Agriculture Collectivités Industries Total en % du total en % des ressources
internes
  × 10 6 m³/an x 10 6 m³/an x 10 6 m³/an x 10 6 m³/an % %
Nord 65 000 5 500 5 800 76 300 50,9 152,6
  (85%) (7%) (8%) (100%)    
Région soudano- 22 600 1 200 300 24 100 16,1 14,2
sahélienne (94%) (5%) (1%) (100%)    
Golfe de Guinée 3 800 1 600 700 6 100 4,1 0,6
  (62%) (26%) (12%) (100%)    
Centre 600 600 200 1 400 0,9 0,1
  (43%) (43%) (14%) (100%)    
Est 5 400 900 200 6 500 4,3 2,5
  (83%) (14%) (3%) (100%)    
Îles de l'océan 16400 200 20 16 620 11,1 4,9
Indien (99%) (1%) (-) (100%)    
Sud 14 100 3 000 1 800 18 900 12,6 6,9
  (75%) (16%) (9%) (100%)    
Total 127 900 13 000 9 020 149 920 100,0 3,8
  (85%) (9%) (6%) (100%)    

A l'échelle du continent, environ 85 % des utilisations recensées sont destinées à l'agriculture mais ce chiffre varie considérablement d'une région à l'autre. Ce sont les régions arides, où l'irrigation joue un rôle important, qui prélèvent le plus d'eau pour l'agriculture. Les pays du Nord, à eux seuls, représentent la moitié de la consommation agricole d'eau. A l'inverse, les régions bien pourvues en eau ont un taux d'utilisation agricole plus faible: 62% pour le golfe de Guinée et 43% pour le Centre, où il ne dépasse pas le taux d'utilisation par les collectivités.

La valeur du pourcentage des prélèvements en eau en fonction des ressources renouvelables internes est un indicateur de l'importance des transferts pour certains pays. La Libye, la Tunisie, le Maroc et l'Algérie ne bénéficient pratiquement pas d'apports transfrontaliers. Le taux d'utilisation des ressources en eau y est élevé, ce qui exige une stricte gestion de l'eau et entraîne une concurrence entre les secteurs d'utilisation. En Libye, l'utilisation de l'eau dépasse le volume des ressources renouvelables, la différence étant compensée par l'exploitation de ressources fossiles. L'Egypte et la Mauritanie prélèvent elles aussi plus d'eau qu'il n'en est produit sur leur territoire, mais elles bénéficient respectivement des apports du Nil et du Sénégal. Le Niger, la Somalie, I'Erythrée et le Tchad dans l'hémisphère nord, la Namibie et le Botswana dans l'hémisphère sud, ont des ressources en eau renouvelables internes faibles mais bénéficient également d'apports transfrontaliers relativement importants. Les prélèvements en eau y restent inférieurs aux ressources produites au niveau du pays, même si localement ils sont parfois faits à partir des apports venant d'autres pays.

Le Soudan, l'Afrique du Sud et le Swaziland présentent quant à eux des taux d'utilisation des ressources importants mais ils bénéficient de ressources renouvelables internes conséquentes ainsi que d'apports transfrontaliers non négligeables.

La réutilisation des eaux usées après traitement (Tunisie, Egypte, Maroc) et le dessalement de l'eau de mer (Cap-Vert, Egypte, Libye, Mauritanie, Afrique du Sud) sont également des indicateurs de ressources en eau limitées.

Potentiel d'irrigation

De par sa relation étroite avec les ressources en eaux, le potentiel d'irrigation est lui aussi inégalement réparti entre les différentes régions. On observe, d'ailleurs, que celui-ci est beaucoup moins bien connu et étudié dans les pays bénéficiant de ressources en eau abondantes que dans les pays plus arides. Il faut noter également que, en raison de la non concordance entre les régions géographiques et les bassins hydrographiques, les transferts d'eaux des zones à climat humide vers des zones plus arides permettent à ces dernières de bénéficier d'un potentiel d'irrigation nettement plus élevé que ne leur permettraient leurs propres ressources en eaux. C'est le cas des zones traversées par les fleuves internationaux tels que le Sénégal, le Niger et le Chari en Afrique de l'Ouest, le Nil et les fleuves Shebele et Juba en Afrique de l'Est, le Limpopo, I'Orange et le Zambèze en Afrique australe pour n'en citer que quelques-uns.

TABLEAU 3
Distribution régionale des méthodes de contrôle de l'eau

Région

Irrigation

Autres marais et
bas-fonds
cultivés
Cultures de décrue

Total

Maîtrise
totale/
partielle
Epandage
de crues
Marais et
bas-fonds
équipés
Total
irrigation
1000 ha 1000 ha 1000 ha 1000 ha 1000 ha 1000 ha 1000 ha en % du total en % de la sup.
cultivée
Nord 5 610 305 - 5 915 - - 5 915 41,5 24,8
  (95%) (5%) (-) (100%) (-) (-) (100%)    
Région 2 263 212 9 2 484 97 296 2 877 20,2 12,1
soudano-
sahélienne
(79%) (7%) (-) (86%) (4%) (10%) (100%)    
Golfe de 307 - 163 470 193 730 1 393 9,8 4,0
Guinée (22%) (-) (11%) (33%) (14%) (53%) (100%)    
Centre 119 - 2 121 352 3 476 3,3 3,9
  (25%) (-) (-) (25%) (74%) (1%) (100%)    
Est 428 - 6 434 222 - 656 4,6 2,9
  (65%) (-) ('%) (66%) (34%) (-) (100%)    
Îles de 1 105 - - 1 105 - - 1 105 7,7 40,3
l'océan
Indien
(100%) (-) (-) (100%) (-) (-) (100%)    
Sud 1 645 - - 1 645 182 9 1 836 12,9 8,1
  (90%) (-) (-) (90%) (10%) (-) (100%)    
Total 11 477 517 180 12 174 1 046 1 038 14 258 100,0 9,9
  (81%) (4%) (1%) (86%) (7%) (7%) (100%)    

L'existence des fleuves interrégionaux et les transferts d'eau qu'ils impliquent compliquent le calcul du potentiel d'irrigation sur une base régionale. De même, le calcul par pays du potentiel d'irrigation, tel qu'il est donné dans le tableau 5, peut entraîner une double prise en compte d'une partie des ressources en eau partagées que seule une approche par bassin permettrait d'éviter. Il faut également noter que les méthodes d'estimation du potentiel varient d'un pays à l'autre et que le choix de la méthode affecte particulièrement les résultats en zones humides. Ainsi, pour le Zaïre, les estimations que l'on a pu trouver oscillent entre 1 et 40 millions d'hectares. Le potentiel du Congo, estimé à 40 000 ha dans la littérature, représente certainement une petite partie de son potentiel physique.

Malgré un degré d'incertitude élevé quant au potentiel des grands pays humides (Zaïre, Angola), on constate que sept pays (Angola, Soudan, Egypte, Zaïre, Ethiopie, Mozambique et Nigéria) concentrent à eux seuls presque 60% du potentiel d'irrigation de l'Afrique. A l'autre extrémité de la liste, 18 pays ne se partagent que 5% de ce potentiel.

Superficies avec contrôle de l'eau

La diversité des méthodes d'irrigation utilisées en Afrique a nécessité le choix d'une typologie adaptée permettant de décrire au mieux la situation de chaque pays. L'ensemble des terres sur lesquelles l'eau est mise à profit pour la production agricole sont décrites dans le texte sous l'appellation de superficies avec contrôle de l'eau. On a réservé le terme de superficies irriguées aux terres équipées d'ouvrages hydrauliques: périmètres en maîtrise totale ou partielle, marais ou bas-fonds équipés et épandage de crues (voir tableau 3). La différence entre les deux catégories est donc constituée des marais et des bas-fonds cultivés non équipés et des superficies en cultures de décrue.

Les superficies avec contrôle de l'eau s'élèvent à 14,3 millions d'hectares pour le continent. On observe une distribution géographique très inégale des superficies avec contrôle de l'eau, le Nord représentant plus de 40% du total. La part des superficies avec contrôle de l'eau dans l'agriculture nationale varie de moins de 1% des terres cultivées (Zaïre, Ouganda, Ghana, Togo, Comores) à 100% dans les pays les plus arides (Egypte et Djibouti où l'agriculture n'est pas possible sans irrigation). Cette distribution des terres avec contrôle de l'eau met bien en évidence la relation entre le climat et le rôle que joue l'irrigation dans l'agriculture. En Afrique équatoriale, là où les précipitations sont les plus importantes, l'agriculture pluviale est dominante. L'irrigation y est pratiquée pour mener à bien les cultures de contre-saison, pour la riziculture, pour sécuriser des spéculations exigeantes en eau, ou sous forme de culture de marais et de bas-fonds. A Madagascar, l'irrigation du riz sur les plateaux est très développée, ce qui explique le fort pourcentage de la superficie avec contrôle de l'eau en fonction de la superficie cultivée, bien que la pluviométrie soit importante dans ce pays.

Au niveau national, la distribution des superficies avec contrôle de l'eau est très inégale. Cinq pays (I'Egypte, le Soudan, l'Afrique du Sud, le Maroc et Madagascar), qui couvrent 19% de la superficie totale de l'Afrique, ont à eux seuls plus de 60% des terres avec contrôle de l'eau. Ce chiffre monte à 80% si on y ajoute le Nigéria, l'Algérie, la Libye, l'Angola et la Tunisie. A l'inverse, 28 pays, qui couvrent 30% de la superficie totale de l'Afrique, se partagent à peine 5% des terres avec contrôle de l'eau.

Parmi les cinq classes de contrôle de l'eau présentées au tableau 3, on constate que l'irrigation en maîtrise partielle ou totale représente la majeure partie de ces superficies (81%). Parmi les autres classes de contrôle de l'eau, les marais et bas-fonds cultivés et les cultures de décrue sont majoritaires (15% du total). Mise à part l'irrigation en maîtrise totale ou partielle, présente dans pratiquement tous les pays, les autres catégories sont concentrées dans un nombre restreint de pays. Les cultures de décrue sont pratiquées essentiellement en bordure du Niger et du Sénégal et de leurs affluents, ou encore aux abords du Logone, du Chari, du Zaïre, du Molopo et de l'Okavango. Les fadamas du nord-ouest du Nigeria, classés ici globalement parmi les cultures de décrue par manque d'information détaillée sur leur degré d'équipement, représentent 70% de cette catégorie. L'irrigation par épandage de crues n'est, quant à elle, présente que dans les pays du Maghreb et la corne de l'Afrique.

En ce qui concerne les techniques d'irrigation utilisées dans les périmètres en maîtrise totale ou partielle, le tableau 9 démontre tout d'abord la suprématie de l'irrigation de surface sur les autres techniques (près de 80% des superficies). On recense cependant plus d'un million d'hectares de superficies équipées en aspersion, la plus grande partie étant concentrée dans les pays du Nord (Libye, Egypte, Maroc, Tunisie) ainsi qu'au Zimbabwe et en Afrique du Sud et, dans une moindre mesure, au Kenya et en Zambie. En termes relatifs, l'aspersion représente la technique la plus répandue, principalement dans les pays d'Afrique australe tels que le Botswana, le Zimbabwe et l'Afrique du Sud qui bénéficient d'une tradition dans ce domaine. Enfin, c'est en Egypte et en Afrique du Sud que l'on trouve concentrées les plus importantes superficies équipées en micro-irrigation.


Table des matières - Précédente - Suivante