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Courbes de cubature

Les ouvrages d'une certaine importance font généralement l'objet, dans le cadre des travaux d'aménagement, de relevés topographiques qui permettent d'établir avec une précision satisfaisante les courbes: hauteur d'eau - surface et hauteur d'eau - volume. Si tel n'est pas le cas, des levés bathymétriques et/ou topographiques seront nécessaires.

La stabilité de ces courbes dans le temps est conditionnée par l'importance des apports solides dans la retenue.

Station limnimétrique

La périodicité des observations du niveau d'eau, assurées avec une précision de l'ordre du centimètre, doit être, dans la plupart des cas, étroitement liée à la taille de la retenue et de son bassin versant: décade, journée ou même enregistrement continu. Des observations fréquentes seront nécessaires en saison des pluies, lors des déversements, pour reconstituer les hydrogrammes et par-là calculer les volumes déversés. En saison sèche, les observations seront utiles aux exploitants de la retenue et donneront le niveau d'eau le plus bas avant la reprise des apports de la saison des pluies suivante.

Déversoir

Les débits déversés sont généralement contrôlés par un ouvrage d'évacuation, constitué essentiellement d'un déversoir. Un système bien conçu devrait permettre un fonctionnement en écoulement dénoyé, quelque soit le débit transitant. Si les caractéristiques du déversoir sont connues, le débit dépend alors uniquement de la charge amont, contrôlée par la station limnimétrique installée dans la retenue. Pour cela, la cote de la crête du déversoir par rapport au limnimètre doit être déterminée avec précision. Si, au contraire, l'écoulement est noyé, l'application de formules d'hydraulique nécessite la connaissance du niveau d'eau aval au dessus du déversoir, information rarement disponible. Même si, dans certains cas, la réalisation de jaugeages de contrôle peut être envisagée et doit même être recommandée, il semble difficile de l'imposer comme règle d'exploitation.

Les déversoirs sur dimensionnés sont à éviter, car peu précis compte tenu des faibles charges observées. De plus, il y a grand intérêt à choisir des retenues dont la fréquence des débordements est faible, c'est-à-dire de capacité suffisante eu égard aux apports. L'évaluation de la capacité maximale d'emmagasinement, en terme de débit moyen annuel écoulé sur le bassin versant, fournit une bonne appréciation de la qualité d'information à espérer. Des études menées dans le Nord-Est brésilien ont montré que pour obtenir une information satisfaisante cette capacité doit être au moins égale au module moyen (déversement une année sur trois). Si elle atteint trois fois le module (déversement une année sur dix), I' information recueillie correspondrait à celle d'une bonne station hydrométrique.

Parmi les déversoirs les plus couramment utilisés, on peut citer: les déversoirs linéaires à seuil épais, les seuils déversants dits "normaux" et les déversoirs circulaires.

Déversoirs linéaires à seuil épais

Les formules de calcul du débit ont été données dans le chapitre relatif à l'utilisation des formules d'hydraulique pour la détermination des débits de crues (pages 85 à 87).

Déversoirs à seuil déversant

Ces ouvrages, utilisés pour l'évacuation de débits importants, ont un parement aval profilé pour guider la nappe déversante et la conduire dans le bief aval de manière à diminuer ses effets destructeurs. Divers profils à parement amont vertical ont été proposés (cf. figure 58):

FIGURE 58. Déversoir à seuil déversant

FIGURE 59. Réduction k du coefficient de débit C d'un déversoir 3 seuil déversant en écoulement noyé

* profil Scimemi:

* profil Craeger:

Pour un déversoir fonctionnant en écoulement dénoyé, le débit est donné par la formule classique:

où:

Q est le débit, en m3/s;

b est la longueur déversante, en mètres;

h1 est la charge sur le déversoir, en mètres, utilisée dans le calcul du profil;

g est l'accélération de la pesanteur, égale à 9,81 m/s2;

C est le coefficient de débit qui varie de 0,49 à 0,495 pour la charge h1 correspondant à l'équation du profil. Si la charge h' est différente de celle ayant servi au calcul du profil, le coefficient de débit devient:

Dans la pratique, C" varie de 0,45 à 0,49 suivant la vitesse d'approche de l'eau en fonction de la hauteur de pelle P (cf. figure 58).

Lorsque le seuil est noyé, c'est à dire lorsque la hauteur d'eau h2 (niveau avalau-dessus du déversoir) dépasse 0,8 h1, ce qui, dans la mesure du possible, doit être évité, il y a réduction du coefficient de débit d'autant plus importante que le rapport est petit. La courbe de la figure 59, établie par le "U.S. Bureau of Réclamation", donne la variation du coefficient de réduction k en fonction de r.

Déversoirs circulaires

Les déversoirs circulaires (tulipes ou puits) peuvent être assimilés à des déversoirs linéaires de même type, tant que leur rayon R reste suffisamment grand par rapport à la charge h pour qu'ils fonctionnent en écoulement dénoyé. Ainsi, sachant que la longueur déversante est égale à le débit est donné par la relation:

- Lorsque prend les mêmes valeurs que pour un déversoir linéaire.

- Pour la valeur de C dé croît progressivement d'un certain pourcentage qui atteint 25 % au maximum lorsque .

- Si la valeur de C décroît très rapidement et l'écoulement est alors noyé.

Apports pluviométriques

L'installation d'un pluviomètre journalier à proximité du barrage représente un dispositif minimum. Dans le cas de retenues étendues, un ou plusieurs appareils implantés à la périphérie assureront une meilleure précision. Son exploitation peut être confiée à l'agent chargé de lire l'échelle limnimétrique et d'enregistrer les prélèvements d'eau (voir paragraphe suivant).

Prélèvements

Les volumes d'eau prélevés à diverses fins (irrigation, alimentation en eau des populations ou du bétail, industrie, énergie, etc.) devront faire l'objet d'un suivi très rigoureux, compte tenu des conditions locales. L'estimation de ces volumes repose sur la mesure de deux grandeurs: le débit de pompage ou de soutirage et sa durée, pour l'ensemble des points de prélèvements. Certains aménagements importants sont équipés de moyens de mesure des débits - déversoirs ou jaugeursmais dans bien des cas, des évaluations devront être faites en s'appuyant sur le type de prise d'eau utilisé: canal, siphon, vanne, conduite, voire pompage. Il sera alors nécessaire de faire appel à des formules d'hydraulique tout en contrôlant les durées de prélèvement. Des moyens indirects d'évaluation pourront parfois être également utilisés: volumes d'eau traités dans une station de distribution d'eau potable, énergie produite par une centrale hydroélectrique, quantité de carburant consommé par une pompe, etc.

En pratique, il faut tenir une comptabilité quotidienne en faisant noter, par un agent d'exploitation résidant sur le site (gardien ou encadreur agricole, par exemple), la lecture de l'instrument ou du dispositif qui permet de calculer le débit ainsi que les heures de début et de fin du prélèvement.

Pertes par évaporation

Les pertes par évaporation dépendent des caractéristiques de la retenue: profondeur-surface, exposition aux vents, végétation aquatique, etc. Toutefois, les variations dues à la profondeur ne sont très sensibles que pour des retenues dont la hauteur maximale, au droit du barrage, n'excède pas une douzaine de mètres. Par ailleurs, l'influencé des caractéristiques de l'eau (turbidité, salinité) reste généralement négligeable.

Dans tous les cas, le bac évaporatoire flottant permet une bonne estimation de l'évaporation sur nappe d'eau libre, mais, d'un maniement assez délicat, il est très peu employé. A défaut, les observations d'un bac "Colorado" ou d'un bac "Classe A" situé à proximité de la retenue pourront être utilisées en leur appliquant un coefficient correcteur. Parmi les différentes valeurs proposées pour ce dernier, peuvent être retenues celles calculées au pas de temps annuel par Pouyaud (1986) correspondant sensiblement à des conditions climatiques sahéliennes et tropicales sèches. Selon les dimensions de la nappe d'eau et le type de bac, le rapport Evaporation-retenue/Evaporation-bac varie:

• de 0,50 à 0,68 pour le bac "Classe A";

• de 0,68 à 0,73 pour le bac "Colorado" avec sol nu;

• 0,90 pour le bac "Colorado" avec pelouse.

Les valeurs les plus élevées correspondent aux retenues de plus faibles dimensions, dépassant tout de même plusieurs dizaines d'hectares.

Une étude réalisée au Cameroun propose pour les régions africaines à régime tropical:

• 0,70 à 0,80 pour le bac de "Classe A";

• 0,80 à 0,90 pour un bac "Colorado";

• 0,90 à 1,0 pour un bac "Colorado" avec pelouse permanente.

Dans le cas de petites retenues, de quelques hectares à quelques dizaines d'hectares, donc de faible profondeur, les valeurs mentionnées ci-dessus devraient être majorées. Le coefficient de majoration varie de 1 (retenue de 50 ha) à 1,25 (retenue de quelques ha), sans que, toutefois, le coefficient de passage "évaporation-bac" à "évaporation-retenue" ne puisse excéder l'unité.

Si la retenue ne dispose pas d'équipement de mesure de l'évaporation et si aucune donnée n'est disponible au plan régional, l'évaporation annuelle pourra être estimée à l'aide de la relation empirique proposée par Brunel et Bourron (1992) :

avec:

évaporation sur la retenue, en mm/an,

Lat latitude, en degrés.

L'estimation des taux d'évaporation au pas de temps mensuel pourra être faite en utilisant les coefficients correcteurs proposés pour l'évaporation annuelle, sachant toutefois qu'un tel procédé induit une erreur supplémentaire puisque le coefficient de saison des pluies devrait être supérieur à celui de saison sèche, principalement pour le bac "Classe A". Cette erreur devrait rester, cependant, sensiblement inférieure à 10%.

Si l'on dispose au niveau régional de l'ETo (évapotranspiration potentielle) mensuelle, l'estimation de l'évaporation mensuelle sur nappe d'eau pourra également être faite en utilisant pour le rapport "Evaporation-retenue/ETo" les valeurs suivantes:

Sous climat sahélien:

Mois les plus frais (novembre à février): 1,35

Saison des pluies (juin à octobre): 1,20

Saison chaude (mars à mai): 1,25

Sous climat tropical:

Mois secs: 1,20

Mois pluvieux: 1,05

Pertes par infiltration

Les pertes par infiltration sont de deux types: les pertes dans le barrage dues à un défaut d'étanchéité, les pertes dans le bassin hydraulique liées à la nature des sols et du sous-sol qui sont plus ou moins sporadiquement submergés.

Les barrages bien construits sont suffisamment étanches pour que les fuites souterraines puissent être négligées. Certains sont équipés de drains dans lesquels des mesures de débit peuvent, en cas de nécessité, être effectués.

Les pertes par infiltration dans la retenue, fonction de la hauteur d'eau stockée, sont difficiles à apprécier. Leur mesure nécessiterait une infrastructure qui ôterait tout intérêt à la méthode proposée d'évaluation des écoulements. Fort heureusement, les apports de matières fines piégées dans le plan d'eau colmatent le fond du réservoir, le rendant quasiment imperméable après quelques années. Seules les zones périphériques, épisodiquement submergées, peuvent présenter une perméabilité non négligeable. Si ces pertes sont significatives (plusieurs millimètres ou centimètres par jour) et si les prélèvements effectués à diverses fins sont insignifiants ou sont mesurés correctement, et à condition que le taux d'évaporation puisse être déterminé avec une précision suffisante (bac flottant, bac " Colorado" situé à proximité), leur estimation pourra être faite à partir du tracé des observations limnimétriques de saison sèche (limnigramme). Ainsi, si, sur un intervalle de temps dt (décade, quinzaine ou mois), le gradient de décroissance du niveau d'eau est de x mm/jour, le taux d'évaporation de y mm/jour et les prélèvements de z m3/jour, le taux d'infiltration (en mm/jour) est donné par la relation:

Sm étant la surface moyenne du plan d'eau, définie en hectares, durant l'intervalle de temps dt.

En calculant l'infiltration Inf pour différentes valeurs de Sm, il est possible de tracer la courbe représente la cote du plan d'eau correspondant à Sm. Cette relation sera utilisée pour tenir compte des pertes par infiltration, lors de la remontée du plan d'eau en saison des pluies.

Pour un même volume infiltré, l'abaissement du plan d'eau sera d'autant plus perceptible que sa surface sera faible. Les retenues peu profondes et très étendues sont donc peu propices à l'application de la méthode proposée.

Estimation des apports annuels caractéristiques

La précision de l'estimation fréquentielle des écoulements annuels dépend, comme pour les données issues d'une station hydrométrique classique, de la taille de l'échantillon de valeurs qu'il est possible de constituer. Les retenues les plus intéressantes seront donc, compte tenu des différentes contraintes mentionnées, celles présentant une capacité de stockage importante eu égard aux apports, bénéficiant d'un minimum d'équipements et d'observations, et dont la mise en eau date de plusieurs années. Cette dernière condition est, de plus, souvent la garantie d'un minimum de pertes par infiltration, terme du bilan hydrique le plus difficile à appréhender.

Les échantillons de taille suffisante pour permettre une analyse fréquentielle sont relativement rares. Il sera donc utile, quand cela sera possible pour les bassins de superficie assez importante, de comparer les volumes reconstitués pour quelques années sur une retenue aux volumes correspondants mesurés à une station hydrométrique installée sur une rivière voisine, pas trop influencée par cette retenue, ou par d'autres, et pour laquelle on dispose d'une longue série d'observations, et donc d'une analyse fréquentielle du volume d'écoulement annuel.

En milieu sahélien, il faut être très prudent avec l'approche qui consiste à attribuer la même fréquence aux apports annuels et à la hauteur pluviométrique correspondante. Deux hauteurs de pluies annuelles égales peuvent en effet générer des écoulements annuels très inégaux. La répartition chronologique des épisodes pluvieux joue un rôle fondamental sur les conditions d'humidité des sols et par-là sur la genèse des crues successives.

TABLEAU 21. Calcul des apports annuels au barrage de Loumbila, Burkina Faso

1985

Jour

H

V

dV

S

SM

E

dt

Vev

P

Vp

Vd

Vu

Vec

Moís

 

cm

Mm3

Mm3

ha

ha

mm/j

j

Mm3

mm

Mm3

Mm3

Mm3

Mm3

 

31/5

268

2,80

 

330

                 

juin

     

-0,80

 

300

6

25

0,45

0

0

 

0,52

0,17

 

25/6

240

2,00

 

270

                 
       

3,00

 

355

5

5

0,09

74

0,26

 

0,10

2,93

 

30/6

325

5,00

 

440

                 

juillet

     

28,00

 

1020

5

31

1,58

110

1,12

 

0,50

28,96

 

31/7

624

33,00

 

1600

                 

août

     

5,60

 

1738

4

8

0,56

43

0,75

0,91

0,12

6,44

 

08/8

655

38,60

 

1875

                 
       

-0,60

 

1863

4

23

0,22

122

2,27

4,31

0,44

2,10

 

31/8

651

38,00

 

1850

                 

sept.

     

6,50

 

2015

5

4

0,40

80

1,61

5,28

0,06

10,58

 

04/9

686

44,50

 

2180

                 
       

-6,10

 

1990

5

26

2,59

52

1,03

9,67

0,36

5,49

 

30/9

643

36,40

 

1800

                 

oct.

     

-5,00

 

1690

6

31

3,14

7

0,12

 

0,48a

(-1,50)

 

31/10

626

31,40

 

1580

                 
                 

9,03

 

7,98

20,17

2,58

56,67b

a Le volume utilisé Vu correspond au volume pompé pour l'alimentation en eau potable de la ville de Ouagadougou; il est probable qu'en octobre s'ajoutent des pompages pour satisfaire les besoins d'un périmètre d'irrigation d'environ 36 ha, mais les quantités sont inconnues; par ailleurs, l'évaporation réelle a pu être supérieure à 6 mm/j; ces deux incertitudes expliquent le résultat négatif pour le mois d'octobre qui, quoiqu'il en soit, pèse peu sur le résultat global.

b Total arrêté au 30/09/85.

Exemple d'applications

L'exemple de reconstitution du volume d'apport annuel concerne le barrage de Loumbila, au Burkina Faso, alimenté par un bassin versant de 2100 km2 et d'une capacité maximale de 36 millions de m3.

Le détail des calculs est présenté au tableau 21 où figurent les variables suivantes:

H hauteur d'eau dans la retenue, lue à l'échelle à la date indiquée (cf. figure 60);

V volume d'eau stocké pour la hauteur H. d'après la courbe hauteur-volume (cf. figure 61);

dV variation du volume d'eau entre deux dates;

S superficie du plan d'eau de la retenue pour la hauteur H. d'après la courbe hauteur surface (cf. figure 61);

Sm superficie moyenne du plan d'eau entre deux dates;

E taux d'évaporation journalière, entre deux dates, d'après les observations d'un bac "Colorado" situé à proximité et exploité par l'Orstom de 1963 à 1965;

dt intervalle de temps, en jours, entre deux dates;

Vev volume évaporé pendant l'intervalle de temps dt;

P hauteur de précipitations tombées sur la retenue pendant l'intervalle de temps dt, estimée à partir des données recueillies au poste de Donsé situé à 4 km;

Vp volume de pluie tombée sur la retenue correspondant à la hauteur P;

Vd volume d'eau déversé durant l'intervalle de temps dt, estimé à l'aide de la courbe d'étalonnage des déversoirs (cf. figure 62);

Vu volume d'eau soutiré et utilisé, durant l'intervalle de temps dt, pour les besoins de l'alimentation en eau de Ouagadougou (basé sur les données fournies par l'Office des eaux pour l'année 1986);

Vec volume d'apport du bassin versant.

FIGURE 60. Hauteurs d'eau de l'année 1985. Réservoir de Loumbila (Burkina Faso)

FIGURE 61. Courbes cote-surface et cote-volume du réservoir de Loumbila (Burkina Faso)

FIGURE 62. Courbe d'étalonnage des déversoirs du barrage de Loumbila (Burkina Faso)


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