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Détermination directe des lames ruisselées


Pour les bassins non jaugés
Pour les bassins jaugés


Pour les bassins non jaugés

Si l'on souhaite calculer directement les lames ruisselées de fréquence décennale à partir du calcul du potentiel de ruissellement sans utiliser les abaques de la méthode Orstom, Rodier (1992) propose d'utiliser des coefficients de calage moyens qui varient en fonction de la classe de perméabilité et de la superficie du bassin versant. Ces coefficients, fournis à titre indicatif, sont consignés au tableau 24.

Le problème de changement d'échelle est ici important. La connaissance de la somme des lames ruisselées élémentaires (S LR) donne une information sur le comportement des bassins types à travers les classes d'infiltrabilité (PI, I, RI, P. TP). Mais elle ne permet pas d'apprécier l'influence des particularités locales sur le comportement des bassins. La check-list (cf. annexe 1) est une solution pour approcher une vision de l'espace à une échelle intermédiaire de rectification.

TABLEAU 24 - Coefficients de calage moyen entre lames ruisselées simulées et observées

Classes de perméabilité

Modes de calcul

Coefficients de calage par classe de superficie en km2

   

1

5

10

20

50

100

200

Particulièrement imperméable PI

Rodier 1992
ORSTOM 1995

1,15
1,15

1,05
1,08

-
0,99

0,90
0,87

-
0,74

-
0,54

-
0,44

Imperméable I

Rodier 1992
ORSTOM 1995

1,10
1,10

1,02
0,97

-
0,89

0,85
0,85

-
0,62

-
0,53

-
0,44

Relativement imperméable RI

Rodier 1992
ORSTOM 1995

0,60
0,85

0,55
0,75

-
0,70

0,45
0,63

-
0,55

-
0,48

-
0,44

Perméable P

Rodier 1992
ORSTOM 1995

0,60
0,60

0,50
0,53

-
0,48

0,40
0,36

-
0,28

-
0,24

-
0,20

Très perméable TP

Rodier 1992
ORSTOM 1995

0,60-0
0,60-0

0,45-0
0,45-0

-
0,38-0

0,30-0
0,30-0

-
0,23-0

-
0,19-0

-
0,15-0

Dans la présente proposition d'agrégation et d'utilisation d'un coefficient de calage, la prise en compte des particularités locales n'est pas prévue, ce qui constitue une forte limitation à la méthode. Il faudra donc considérer les résultats obtenus avec beaucoup de précautions.

Pour les bassins jaugés

La méthodologie proposée par Albergel (1988) consiste à transformer la somme des lames ruisselées, agrégées sur le bassin versant en lame globale à la sortie du bassin, en la multipliant par un coefficient de calage C. Ce coefficient est défini sur la base d'observations hydrologiques pendant une campagne de terrain (hydrogrammes à l'exutoire et pluviométrie sur le bassin) et d'une cartographie des états de surface qui permet d'estimer par agrégation les lames ruisselées calculées Lrc.

La lame ruisselée utilisable pour caractériser les crues du bassin est alors:

Lr = C * Lrc

Approche de la fonction de transfert: utilisation des modèles numériques de terrain

Les modèles numériques de terrain (MNT) peuvent être utilisés en complément de la télédétection pour définir les conditions de ruissellement.

Globalement, on peut dire que la télédétection fournit des indications sur la fonction de production locale (transformation pluie-débit et infiltration) tandis que les MNT renseignent sur la fonction de transfert à travers la caractérisation du cheminement de l'eau sur la bassin versant.

Pour le Sahel les essais actuels de couplage télédétection - MNT consistent à:

1. Définir par télédétection les états de surface et les équations des lames ruisselées élémentaires pixel par pixel (comme indiqué précédemment). On en déduit le volume ruisselé potentiel lequel doit être corrigé par un coefficient de calage pour estimer le volume à l'exutoire.

2. Déterminer à l'aide du MNT la distance entre chaque pixel et l'exutoire, en suivant le cheminement des talwegs. Cette distance peut être transformée en temps de parcours compte tenu d'une vitesse de propagation dans les drains (v1) et d'une vitesse hors drains (v2). On définit alors une carte des isochrones du bassin versant.

3. Calculer les hydrogrammes de crue à l'exutoire du bassin, compte tenu d'un hyétogramme d'entrée. A l'instant t, le ruissellement procuré par un pixel donné est fonction de la pluie tombée au temps D t et de l'équation hydrodynamique afférente à ce pixel. D t est le temps de parcours de la goutte d'eau pour atteindre l'exutoire.

Ce type de modèle a été utilisé sur les bassins de Manga (Burkina Faso) avec des résultats tout à fait encourageants (cf. figure 65).

FIGURE 65 - Reconstitution de la crue décennale sur le bassin de Bindé-Manga à l'aide du MNT

 

Utilisation conjointe des systèmes d'information géographiques et des modèles numériques de terrain

L'emploi des SIG connaît actuellement un développement rapide et l'augmentation constante de la capacité des ordinateurs personnels rendent ces logiciels accessibles à un nombre toujours croissant d'utilisateurs. Parallèlement, la quantité d'information digitalisée accessible aux chercheurs et ingénieurs est, elle aussi, en augmentation constante.

A l'échelle régionale, on ne compte plus les cartes thématiques au 1/5 000 000ème ou au 1/1 000 000ème disponibles pour des sections importantes du continent africain: sols, indice de végétation, géologie, précipitation, température, etc. L'information la plus intéressante du point de vue de l'hydrologue concerne les MNT.

Un MNT ayant une résolution d'un kilomètre et couvrant l'ensemble du continent africain est déjà du domaine public.

Les logiciels SIG s'adaptent eux aussi très rapidement à des applications hydrologiques. L'intérêt que représente l'utilisation des MNT pour l'hydrologue a créé une demande qui se traduit par le développement de procédures permettant le tracé automatique des réseaux hydrographiques à partir des informations topographiques. Il s'agit là d'une étape déterminante dans les efforts menés actuellement pour combiner l'information géographique avec la modélisation hydrologique. Il devient maintenant possible d'envisager l'utilisation combinée des SIG et des MNT pour une véritable planification de la gestion des ressources en eau à l'échelle régionale ou même locale.

 

Conclusion - perspectives


Le problème du changement d'échelle
Développements possibles fondés sur les nouvelles technologies
Utilisation opérationnelle de ces nouvelles technologies


Le problème du changement d'échelle

La première conclusion concerne le calcul de la fonction de production agrégée au niveau du bassin versant. Ce calcul repose sur l'hypothèse d'additivité des contributions élémentaires. Cette hypothèse apparaît acceptable pour les zones bien drainées mais est totalement irrecevable pour les zones à faible densité de drainage. Il apparaît qu'à chaque zone il est nécessaire d'attribuer un coefficient assimilable au coefficient de calage préconisé par Rodier (1992).

La conséquence de cet état de fait est qu'un coefficient de calage doit être évalué, ce qui peut se faire à un niveau global du bassin ou à un niveau partiel, par unité cartographique. L'un des problèmes essentiels, pour la connaissance des débits à l'échelle des bassins versants, reste le passage du local (m2) au global (bassin versant) ou, d'une manière plus générale, la reconnaissance des effets d'échelle sur le comportement hydrologique des bassins versants.

Nécessité d'observations hydrologiques à plusieurs échelles (hydrologie de versant)

Ainsi apparaît la difficulté de ne travailler qu'avec un seul type d'échelle de détection et de processus, l'additivité des ruissellements entre surfaces élémentaires et bassin versant étant rarement vérifiée.

La caractérisation du ruissellement d'un bassin ne peut être définie par la seule connaissance des états de surface. On rejoint ici une caractérisation de l'écoulement global sur des zones de taille intermédiaire entre la parcelle élémentaire et le bassin, ce qui est appelé couramment "hydrologie de versant". Peu de références existent sur les productions de telles unités en Afrique de l'Ouest, sauf peut être pour de grandes parcelles de cultures.

D'où l'utilité du développement de campagnes de mesures sur versants et l'intérêt de développer un catalogue de versants types d'Afrique de l'Ouest. Pourront ainsi être définies des unités hydrologiques qui ne seront pas seulement décrites par une fonction de production mais également par une fonction de transfert du ruissellement.

Ces travaux seront à compléter par des études sur les réseaux hydrographiques qui sont susceptibles de stocker et d'infiltrer des quantités d'eau non négligeables ou de modifier la forme des hydrogrammes.

Développements possibles fondés sur les nouvelles technologies


Amélioration de l'estimation des lames ruissellés à l'échelle des surfaces élémentaires (fonctions de production)
Estimations globales à l'échelle des bassins versants à partir de la télédétection
Utilisation des SIG
Autres utilisations


Amélioration de l'estimation des lames ruissellés à l'échelle des surfaces élémentaires (fonctions de production)

Si les pertes en eau au cours du transfert constituent la principale inconnue des mécanismes hydrologiques à l'échelle des bassins versants, il n'en reste pas moins vrai que le ruissellement est généré, à l'échelle des surfaces élémentaires, par les variations de l'aptitude des sols à l'infiltration. Cette aptitude est notamment fonction de la position des surfaces élémentaires sur les versants laquelle conditionne les flux en provenance de l'amont. Les informations spatiales de type MNT, associées à celles issues de la télédétection renseignement sur les positions relatives des parcelles, donc des flux. Par ailleurs, là modélisation des fonctions de production à l'échelle élémentaire peut encore être améliorée par l'introduction des intensités pluviométriques et de la pluie utile dans les calculs.

Il reste également de gros progrès à réaliser par la prise en compte de l'évolution temporelle des surfaces élémentaires en fonction de la croissance du couvert herbacé ou des transformations subies par les sols cultivés (Lamachère, 1994). Les images multidates peuvent ici être d'un apport précieux.

Estimations globales à l'échelle des bassins versants à partir de la télédétection

Il peut être envisagé de traiter par télédétection un grand nombre de bassins versants, sur lesquels les données hydrologiques sont bien connues, afin de définir les grands ensembles d'occupation du sol: forêts, dunes, cuirasses, zones cultivées, etc. Les bassins seraient ainsi caractérisés par un ensemble de paramètres descriptifs nouveaux. Des analyses statistiques permettraient alors de tester l'influence de chaque type de zone sur les ruissellements.

Ce type d'approche est déjà opérationnel à travers des méthodes telles que la méthode Soil Conservation Service, US Geological Survey (SCS), définissant a priori des coefficients de production pour chaque zone homogène d'un bassin versant. Cette caractérisation des bassins pourrait aussi aider à l'utilisation de la check-list dans la méthode ORSTOM et la compléter en contribuant à son amélioration.

Utilisation des SIG

Les nouvelles technologies de traitement numérique des informations cartographiques sont encore peu utilisées en hydrologie en raison de l'importance des travaux de saisie et de collecte des informations géographiques et du coût des logiciels. Leur utilisation devra cependant conduire, dans un avenir assez proche, à l'émergence de nouveaux types de modèles hydrologiques représentant mieux la réalité dans sa complexité spatiale.

Autres utilisations

D'autres utilisations opérationnelles de la télédétection en hydrologie ont été développées pour l'Afrique de l'Ouest mais n'ont pas été abordées dans le présent document. On peut citer:

• les inventaires et le suivi des petits plans d'eau sahéliens (Piaton et Puech, 1992);

• le suivi des inondations sur la cuvette du Niger;

• la cartographie des bas fonds par télédétection et la caractérisation hydrique de leur fonctionnement (Nonguierma et al., 1994);

• l'évolution saisonnière ou interannuelle de la végétation, naturelle ou cultivée (nombreuses références).

Des travaux sur la cartographie de l'humidité des sols, à partir d'images radar, ont fait l'objet d'études préliminaires, mais leur utilisation n'est pas encore opérationnelle.

Utilisation opérationnelle de ces nouvelles technologies

Au Burkina Faso, plusieurs régions ont déjà fait l'objet d'une description précise de leurs états de surface (Oursi, Aribinda, Ouahigouya, Kaya, Boulsa, Ouagadougou, Manga, Tiébélé et N'Dorola). Il en est de même au Sénégal (Thyssé Kaymor) et au Niger (Bani Mbouzou). Pour l'étude de nouveaux bassins, la réutilisation de ces observations est possible. Si les supports satellitaires sont les mêmes, la procédure d'échantillonnage au sol est simplifiée et le traitement de l'image déjà traité peut être effectué à partir des informations collectées sur les bassins de référence.

L'utilisation de technologies nouvelles sur les bassins jaugés apparaît intéressante. Elle ouvre la voie à une meilleure connaissance du ruissellement pour une modélisation plus objective des écoulements à l'échelle des petits bassins versants. Vu le coût et la lourdeur de la mise en oeuvre de la télédétection, cette technologie mieux adaptée à des études à caractère régional ou à des travaux de recherche qu'à des études ponctuelles.

L'utilisation de photographies aériennes pour la cartographie des états de surface permet d'utiliser ces technologies pour de petits bassins versants isolés avec des moyens de calcul très limités.

Pour valoriser pleinement les nouvelles données spatiales fournies par la télédétection et la cartographie des états de surface, il manque, dans la chaîne des données hydrologiques observées, un maillon essentiel: l'hydrologie de versant ou l'hydrologie d'unités fonctionnelles par rapport au ruissellement. Des recherches ont commencé, mais la quantité de données hydrologiques recueillies sur le terrain est encore insuffisante pour faire émerger des méthodes opérationnelles de transfert.


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