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1.3. Les inventaires locaux

a/ Caractéristiques générales

Les inventaires locaux concernent les massifs forestiers, pour lesquels vont s'effectuer les aménagements. Afin d'en définir correctement les objectifs et les modalités de réalisation, il est capital qu'ils soient précédés par une étude des milieux humains et physiques qui interagissent avec le massif et en particulier que soient précisés les rôles socio-économiques et environnementaux de ces derniers. Ces travaux vont pour partie faciliter la définition des variables (à mesurer et/ou à repérer). Ils vont permettre de concrétiser et de situer des aspirations plus générales et globales comme la notion de durabilité. A cette "mise en situation" doivent être associées une délimitation et une description géographique du massif et des zones peu forestières, agricoles et rurales.

Avant la réalisation d'un inventaire, une ou plusieurs partitions complémentaires de la forêt peuvent être réalisées. En particulier, on peut procéder à un zonage sur base des critères d'usages et à un découpage par grands types de formations végétales. La photo-interprétation et la télédétection sont des outils appréciables pour réaliser cette dernière opération, la première relevant d'enquêtes ou d'observations de terrain. In fine, l'aménagiste doit disposer d'une stratification qui lui permettra d'adapter son inventaire à chaque strate. Ensuite, les techniques utilisées relèvent des méthodes traditionnelles classiquement mises en oeuvre dans les sondages stratifiés.

Que l'on procède à partir d'une stratification a priori comme il est conseillé, ou a posteriori comme l'imposent souvent les contraintes de temps et d'argent, dans la plupart des cas le sondage est réalisé de manière systématique dans des placettes de surface définie, disposées régulièrement sur des layons équidistants. Un échantillon préliminaire à très faible taux est à préconiser afin de caractériser l'hétérogénéité de la ressource, c'est-à-dire la valeur des coefficients de variation des variables étudiées, qui permettront d'estimer le nombre minimum de placettes nécessaires pour atteindre une précision donnée.

Encadré n° 12: Taille d'un échantillon

Considérons une population P de N individus et une variable X qui pour l'individu i prend la valeur Xi.

La moyenne des N valeurs Xi peut être estimée par la moyenne des Xi mesurés sur un échantillon de taille n.

En faisant des hypothèses classiques: échantillonnages sans remise, aléatoire et distribution "en cloche" de X (Loi normale), on peut construire un intervalle de confiance de au niveau 95% qui s'écrit:

avec

Si l'on note la précision sur et CV le coefficient de variation de X (CV est estimé par ), on peut montrer que pour obtenir une précision p0 donnée, il faut un échantillon de taille n tel que:

, et si N est grand,

Remarque: N est le nombre de parcelles potentielles sur la surface inventoriée; n'est le nombre de parcelles mesurées X peut être un volume, une surface terrière, une hauteur,..., attaché à chaque parcelle.

Ce prééchantillonnage est cependant lourd à mettre en oeuvre et augmente les coûts. On peut aussi calculer le coefficient de variation au fur et à mesure de l'avancement de l'inventaire ou se reporter à des valeurs obtenues dans des situations analogues. Le tableau n° 8 reprend les principaux coefficients de variation relevés dans la bibliographie.

La taille des placettes varie généralement entre 0,1 et 0,5 ha. Il semble qu'une surface de 0,125 ha (25 x 50 m par exemple) soit un bon compromis entre le souci de réduire le pourcentage d'erreur et celui d'économiser du temps et de l'argent.

A partir d'une étude effectuée en forêt de Koumpentoum au Sénégal, Arbonnier (1990) estime qu'un taux de sondage de 1%, qui représente le rapport entre la surface totale échantillonnée et la surface totale de la forêt, est acceptable pour procéder à une partition de la forêt, en parcelles de 500 ha "homogènes", destinée à un aménagement sylvo-pastoral (figure n° 6). Il montre aussi que la précision n'est liée ni à la forme, ni à la taille des placettes de sondage (encadré n° 13).

Tableau n° 8: Valeurs de quelques coefficients de variation (répertoriés) dans la littérature

Forêt - Pays

Végétation

Précipitations

Placettes

CV

Références

Woro - Mali

Savane arbustive et arborée

600 - 700 mm

0,1 ha

CV(N) = 68,9%
CV(Vol) = 79,8%

Parkan, Benembarek, Meijir 1988

Yabo - Burkina faso


600 mm

0,25 ha


Compoaré, Laban 1983


Formation ripicole



CV(Vol) = 53%



Savane boisée



CV(Vol) = 40 - 70%



Savane arbustive



CV(Vol) = 50%


Dabo - Sénégal

Foret claire et savane arborée

800 - 1000 mm

0,5 ha

CV(N) = 31,5%
CV(Vol) = 34,9%

Fall, Gueye 1993-a et b

Faïra - Niger

Brousse tigrée et tachetée

600 mm

0,1 ha




2 < f < 8 cm



CV(Vol) = 35 - 60%
CV(N) = 30 - 40%

Mengin-Lecreulx, Chabanaud 1986


8 < f < 20 cm



CV(Vol) = 65 - 85%
CV(N) = 60 à 75%



20 cm < f



CV(N) = 100%


Faya - Mali Monts Mandingues Dioforongo

Formation pauvre à riche

750 -1000 mm

0,2 ha

CV(G) = 37%

Nasi, Sabatier, 1988

Morondava - Madagascar

Foret dense sèche

500 - 1000 mm

bande de sondage 40 x 1000 m


Covi 1988-a


Essences exploitées
f ³ 37 cm

.


CV(Vol) = 28%
CV(N) = 26%



Essences exploitables
30 £ f < 37 cm



CV(N) = 33%



Essences non exploitées
f ³ 30 cm



CV(N) = 49%


CV: Coefficient de variation

Vol: Volume/ha

N : Effectifs/ha

G : surface terrière/ha

Figure n° 6:

Référence: Arbonnier, 1990.

Encadré n° 13: Précision des inventaires

La région de Koumpentoum (Sénégal) est caractérisée par une pluviosité de 400 à 850 mm par an et une végétation soudano-sahélienne sur sols constitués de cuirasse et de glacis d'épandage sur cuirasse démantelée.

La savane forestière a été exploitée entre 1940 à 1946 polir fournir du bois aux locomotives du chemin de fer Dakar Bamako et a reçu le statut de forêt classée en 1950. Aménagé en 1968 sur 9 650 ha selon un cycle d'exploitation charbonnière à rotation de vingt ans, ce massif a toujours été et est encore soumis aux coupes importantes relatives au droit d'usage exercé par la population riveraine, à savoir principalement l'exploitation du bois et du pâturage.

L'exploitation charbonnière, plus ou moins contrôlée de 1969 à 1981, a été menée à raison d'une parcelle de 500 ha par an. En 1982 et 1983, 1000 ha ont été exploites et carbonisés chaque année Lors de l'inventaire de 1987, une seule parcelle n'avait pas été coupée (conservée comme témoin) et la forêt était constituée d'un ensemble de parcelles âgées de 5 à 46 ans

Les inventaires de la strate arborée ont été réalisés par couples de deux parcelles contiguës d'un quart d'hectare 50m x 50m), disposées tous les 225 m le long de layons espacés de 600 m les uns des autres (taux de sondage: 3,7%). Pour faciliter les contrôles et les vérifications, les pointages ont été notés sur des fiches par demi-parcelle d'un huitième d'hectare (25 m x 50 m)

Une analyse des composantes principales fait apparaître qu'en "savane forestière à dominante de Combretum", pour les effectifs de tiges (il n'y a pas eu d'analyse pour les "pieds": voir figure n° 6):

- la précision est identique avec un taux de sondage deux fois moins important (1,8%);

- la précision est liée au maillage de l'inventaire: plus les parcelles sont éloignées, moins les estimations sont bonnes;

- la précision n'est pas lice à la forme, ni à la surface de la parcelle de mesure.

Conclusion: un sondage à 1% donne des résultats acceptables, alors qu'a un taux inférieur à 0,5%, un inventaire perd très rapidement sa fiabilité (voir figure n° 6) dans ce type de "forêt".

Extrait de Arbonnier, 1990.



Précision moyenne de l'inventaire (%)

Sélection des données (toutes essences confondues)

Taux de sondage (%)





< 20 cm

> 20 cm

Sondage total (forêt entière)

3 7

2,8

4,5

Une demi-parcelle sur deux

1 8

2,9 - 2,8

4,9 - 4,9

Une parcelle sur deux

1,8

3,0 - 3,0

5,0 - 5,0

Parcelles sur layons impairs

1,9

4,1

6,5

Parcelles sur layons pairs

1,9

3,8

6,5

Une parcelle sur quatre

0,9

4,1 - 4,1 - 4,2 - 4,3

6,8 - 6,8 -7,0 - 7,0

Une parcelle sur 4 sur layons impairs

0,5

5,8 - 5,8 - 6,0 - 5,4

9,8 - 9,8 - 10,2 - 10,2

Une parcelle sur 4 sur layons pairs

0,4

5,8 - 6,1 - 6,4 - 6,6

9,8 - 9,9 - 10,0 - 10,0

Les divers taux d'échantillonnage relevés dans la littérature de ces dix - quinze dernières années varient selon les forêts entre 0,5% (forêt de la Faïra, Niger; Maître, 1989) et 5%, voire plus (8% en forêt de Morondova, Madagascar; Covi, 1992) Au Burkina Faso, ils ont parfois été moins élevés (0,1 8% en forêt de Toumousséni; Renés et Coulibaly, 1988) Ils ne devraient jamais être inférieurs à 1% (Arbonnier, 1990).

Les paramètres à mesurer doivent traduire les objectifs qui ont été fixés:

- aspects forestiers: nombre de tiges, diamètres, hauteurs (totale, du fût, etc.) volumes (total, de bois d'oeuvre, de bois de feu, sur ou sous écorce, pour chaque classe de diamètre, etc.), surfaces terrières, nombre de jeunes plants, nombre d'arbres morts;

- aspects fourragers: types de végétation herbeuse, recouvrement des ligneux et des herbacées, accessibilité du fourrage aérien (hauteur);

- phénologie de la végétation ligneuse afin de repérer les périodes optimales pour la récolte de fruits, l'émondage, la collecte des autres produits forestiers;

- estimation des zones de sols nus dans l'optique éventuelle d'une reconstitution du couvert

Plusieurs paramètres peuvent aussi être mesurés à des niveaux de sondage différents (par exemple: placeaux où on mesure le bois exploitable, placeaux où on mesure toute la végétation, etc.).

b/ Nécessité des inventaires

La réalisation de l'inventaire est souvent remise en cause du fait du surcoût (en temps et en argent) qu'il entraîne et de la faible concordance observée entre les volumes calculés et ceux réellement exploités Ceci est spécialement vrai pour la forêt claire et la savane pour lesquelles l'hétérogénéité et la forme tourmentée des arbres et des arbustes compliquent le calcul des volumes

Ainsi, pour certains auteurs, l'inventaire ne présente pas d'intérêt dans les peuplements ne comportant pas au moins 50 à 60 m3/ha de bois sur pied Ils recommandent alors d'utiliser les surfaces terrières qui permettent une estimation grossière des volumes Mais, comme le souligne Kaboré (1989), "cela reviendrait à ne pas faire de véritables inventaires du tout quand on sait que peu de formations forestières sahéliennes remplissent cette condition".

L'inventaire a pour but de fournir au gestionnaire des données objectives sur la ressource tant quantitative que qualitative et surtout, il permet de mieux connaître la forêt, de la décrire dans ses aspects les plus divers (sol, strate herbacée et arborée, biodiversité, etc.) et d'en donner une image nuancée au travers de ses zones de richesses et de carences. Ces informations sont nécessaires pour concilier ressource, besoin et aménagement durable


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