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Chapitre 13 - OUTILS DE TRAVAIL DU SOL


Tracteurs ou traction animale?
Matériel de travail du sol primaire
Matériel de travail du sol secondaire
Matériel approprié
Conclusion


Willem Hoogmoed, Chercheur, Dépt. de Travail du Sol, Université Agronomique, Wageningen, Pays Bas, et Bruno Gérard, Responsable d'exploitation, Centre sahélien de l'ICRISAT, BP 12404, Niamey, Niger

Comme l'explique le Chapitre 2, les opérations de travail du sol peuvent être réparties en fonction du calendrier cultural et de leurs objectifs, en un certain nombre de phases:

Le labour principal ou premier labour de saison, qui détermine la profondeur de la couche cultivable et vise à préparer le sol pour la culture à venir

Le labour secondaire ou préparation de planches de semis dont les opérations préparent la terre aux semis ou aux plantations

La gestion des cultures, c'est à dire les opérations de travail du sol effectuées après les semis ou les plantations, afin d'améliorer la production des cultures

Le déchaumage, qui vise à nettoyer le champ des résidus de culture et des irrégularités provenant de la culture précédente

La jachère, qui tente de rendre une période sans cultures profitable pour le sol.

Dans des conditions de climats et de sols tropicaux, les instruments associés au travail du sol primaire sont généralement les plus utilisés. Les outils utilisés dans d'autres phases sont moins importants et seront mentionnés dans la catégorie des outils associés au labour secondaire. Ce chapitre ne traitera que brièvement de quelques groupes importants d'équipement de travail du sol. De plus amples détails concernant les équipements de travail du sol peuvent être trouvés dans, par exemple, FAO (1993), Krause et al., (1984) et Munzinger (1982).

Tracteurs ou traction animale?

Les principes des instruments de travail du sol destinés à la traction animale sont semblables aux principes appliqués à la traction motorisée, avec toutefois quelques restrictions (évidentes) adaptées aux animaux de trait:

· Chaque instrument est tiré ou traîné et ses outils sont essentiellement passifs ou, dans certains cas, guidés par la résistance du sol

· La vitesse d'avancement est faible (pas plus de 2-3 km/h)

· Leur taille est limitée par la force de traction disponible (voir Chapitre 8)

· Les instruments avec outils actifs conduits par les roues ne peuvent pas être utilisés. La vitesse est trop lente ou, quand un rapport de transmission élevé est nécessaire, le couple sur le mécanisme d'entraînement devient trop haut.

Certains facteurs positifs favorisent l'utilisation de ces instruments. Ainsi, le fait qu'ils sont fabriqués par des forgerons locaux, faciles à manipuler et à réparer et qu'ils ne dépendent pas de la disponibilité ou du prix du gasoil. L'accès aux champs, facteur qui peut sérieusement réduire l'utilisation de tracteurs, ne pose pas de problèmes si l'on se sert d'animaux. De plus, les animaux de trait compactent normalement moins le sol que les tracteurs.

Matériel de travail du sol primaire


L'araire
La charrue à versoir
La charrue à disques
La charrue chisel
Le rotoculteur


L'objectif principal du travail du sol primaire est de créer un volume de pores suffisant pour absorber l'eau et l'air et pour permettre une pénétration facile des racines de plantes en ameublissant le sol dans la couche cultivable. Si le sol est retourné, la matière organique est enfouie à des niveaux profonds, les mauvaises herbes sont contrôlées et, sous certaines conditions, des particules fines de sol lessivées et des éléments nutritifs sont restaurés à la surface. Emotter et retourner sont deux actions importantes surtout sur des sols où la prochaine culture doit être semée rapidement et où beaucoup d'opérations de labour (secondaires) ne pourront pas être effectuées.

Les opérations de labour principal doivent être effectuées sur tous les sols pour chaque culture ou chaque année. On distingue cinq types d'instruments associés au labour primaire (les moins connus ne sont pas repris):

la charrue simple, ou araire
la charrue à (soc et) versoir
la charrue à disques
le cultivateur ou charrue chisel
la houe rotative ou rotoculteur.

L'araire

Les techniques de semis et de binage destinées à ameublir le sol ont été inventées en Mésopotamie il y a plus de 5000 ans. La première houe était simplement une branche utilisée pour gratter le sol. L'araire est l'instrument associé au labour primaire qui est le plus caractéristique et le plus utilisé dans les zones tropicales arides et les zones subtropicales. Elle permet d'ameublir le sol sans le retourner, laisse une structure grossière et n'enfouit pas complètement les résidus végétaux. Par conséquent, la surface labourée est moins sensible à l'érosion. Les parties principales de la charrue, comme l'âge, les mancherons ou même le corps principal sont encore en bois tandis que le soc est en fer ou en acier. Cette charrue est facile à opérer et à ajuster grâce à sa conception simple. Seul un ajustement en fonction de la profondeur est possible, en changeant le point d'attache ou l'angle entre l'âge et le corps. Hopfen (1969) donne des descriptions détaillées d'un grand nombre d'araires différents. L'araire nécessite relativement peu de puissance mais pour obtenir un résultat satisfaisant le sol doit être labouré plus d'une fois avec l'outil en croisant la direction du travail et, si possible, en augmentant la profondeur. Celle-ci est limitée à environ 10 cm et dépend fortement du type et de l'état du sol.

La charrue à versoir

La charrue à versoir a été développée dans les régions d'Europe du nord et de l'ouest, en zones climatiques fraîches et humides. L'avantage principal de cet instrument réside dans le fait qu'il favorise le contrôle des adventices. L'intensité du travail du sol est également plus élevée. Le travail avec la charrue à versoir se caractérise par des sillons ouverts et le retournement du sol. Les premiers types de charrues à versoir destinés à la traction animale se basaient probablement sur le modèle de l'araire. L'âge, les mancherons et une partie du corps de charrue étaient souvent faits en bois. Seuls le soc, et peut-être une partie du corps étaient en fer. Comme le retournement et le mouvement latéral de la tranche de sol provoque une pression sur les côtés de la charrue, un contre-sep doit être monté, souvent avec un talon pour stabiliser la profondeur de labour. Le point d'attache situé à l'avant de l'âge doit être ajusté en fonction de la meilleure traction possible. Les charrues faites entièrement de fer ou d'acier ont évolué par rapport à la conception simple de départ et sont devenues les instruments de labour les plus communément utilisés dans les pays tempérés occidentaux.

Au lieu d'une charrue complètement équilibrée, l'âge est soutenu à l'avant, près du point d'attache, par un patin ou, plus souvent, par une roue de guéret. Les développements suivants ont amené l'installation de coutres et l'utilisation de corps réversibles. De nombreux types de charrues à versoir peuvent être utilisées avec des tracteurs mais, seules les principales seront mentionnées ci-dessous:

Les charrues simples sont équipées de corps de charrues qui versent le sol d'un seul côté - habituellement à droite. Ceci nécessite une méthode de labour particulière, appelée labour "face à face" et "dos à dos". Si un champ mesure plus de 60 m de largeur, il est conseillé de l'arranger en bandes qui devront être labourées séparément. Les "sillons dos à dos" et les deux sillons ouverts resteront sur le champ après le labour.

Les charrues réversibles possèdent deux corps montés de façon symétrique qui sont mis successivement en service par rotation de 180 degrés du bâti autour d'un axe longitudinal. Cet arrangement permet de tourner les sillons du même côté du champ bien que la charrue avance dans des sens opposés. Les corps de charrue peuvent tourner ou pivoter mécaniquement ou hydrauliquement. Si la charrue est correctement ajustée, la surface du sol est presque nivelée, ce qui est très important pour l'irrigation et le drainage.

On trouve différents systèmes pour monter la charrue sur le tracteur. Les charrues remorques ou traînées sont équipées de roues pour contrôler la profondeur. Ces charrues ne sont pas reliées au système hydraulique du tracteur mais à la barre d'attache. Elles n'ajoutent donc qu'un faible poids additionnel sur l'essieu arrière du tracteur. Il est facile et rapide d'atteler et de dételer mais elles ne peuvent être transportées (aller et retour au champ) qu'à faible vitesse. Cela peut devenir un problème sur les petits champs, par exemple, en cultures irriguées, à cause du manque d'espace disponible pour les manoeuvres.

Des charrues portées avec jusqu'à cinq corps ou plus sont généralement attachées au système d'attelage trois points du tracteur. Des systèmes d'attache rapide peuvent convenir. La charrue n'est jamais soutenue par des roues de guéret car il y a contrôle de profondeur par l'hydraulique du relevage trois points. Au cours des opérations, une grande partie des forces comprenant le poids de la charrue sont transférées sur l'essieu arrière du tracteur où il y a moins de patinage. Une force importante, environ trois fois le poids de la charrue, est nécessaire pour soulever la charrue du sol, ce qui limite le nombre de corps.

Plusieurs types de socs, versoirs et autres parties comme les coutres sont disponibles en fonction des conditions spécifiques liées aux sols, pentes et besoins des cultures.

La charrue à disques

La charrue à disques produit généralement une qualité de labour moins intense et différente de la charrue à versoir mais qui est mieux adaptée aux conditions difficiles, telles que sols à racines, pierres et graviers. Les charrues à disques sont rarement utilisées pour la traction animale, principalement parce que:

Elles ne pénètrent pas dans le sol grâce à leur poids mais ont besoin de poids supplémentaires. Ceci les rend très difficile à manipuler.

La poussée de côté produite par le disque ne peut être absorbée par un contre-sep passif (comme avec le versoir) et une roue de guide est nécessaire.

L'installation de disques est compliquée et coûteuse.

Les charrues à disques pour tracteurs sont des instruments très lourds munis d'un à huit disques concaves. La profondeur de travail est située entre 25 et 40 cm. Chaque disque est installé sur un bras avec un axe muni de roulements. Les charrues simples sont fréquentes mais les charrues réversibles existent également. Afin d'éviter d'avoir besoin de deux séries d'outils pour travailler le sol, comme c'est le cas avec la charrue à versoir réversible, les disques sont installés sur une sous - structure et peuvent pivoter de 30 à 40 degrés. Lorsqu'on ajuste l'angle des disques, il faut également inverser la roue guide.

La charrue chisel

La charrue chisel peut être utilisée à la place des charrues à disques et à versoir dans de nombreux cas. En terme de performances, elle descend directement de la houe. Les cultivateurs et charrues chisel tels qu'ils sont utilisés pour le labour primaire avec les tracteurs sont rarement tirés par des animaux bien que quelques types modifiés d'araires peuvent être considérés comme charrues chisel. Les cultivateurs sont utilisés pour la traction animale mais généralement pour le labour secondaire ou le sarclage.

Dans le cas des tracteurs, des dents rigides, rigides à ressort ou flexibles, sont montées sur un chassis métallique. Elles sont maintenues sur 2 à 4 rangées étalées, par des attaches en acier soudées fixes ou des brides ajustables. La profondeur est contrôlée par les roues de soutien ou les outils montés à l'arrière. Les dents rigides - souvent accompagnées d'un dispositif escamotable servant de protection contre les pierres - sont faites en acier de qualité supérieure et elles sont droites ou légèrement recourbées et angulaires afin de hacher. Des dents rigides installées avec un plus petit angle conviennent particulièrement pour un labour profond. Les dents flexibles, essentiellement fabriquées à partir d'un acier traité à la chaleur, sont aplaties et légèrement recourbées pour permettre de contourner les obstacles. Elles sont normalement moins adaptées pour un labour profond. Les dents rigides à ressort sont installées en pivots et protégées par des ressorts en spirale.

Le rotoculteur

En contraste, le rotoculteur nécessite un tracteur avec une prise de force et convient particulièrement bien pour un retournement intensif du sol et de la matière organique (fraisage), de même que pour un labour intensif. Les rotoculteurs peuvent aussi être montés aux motoculteurs (tracteurs aux deux roues), comme on les trouve dans les rizières ou les cultures de jardinage. A cause de la nécessité importante de force, la capacité limitée (en ha par heure) et le risque d'une pulvérisation excessive, les rotoculteurs sont rarement utilisés pour les cultures céréalières (sauf le riz) dans les pays tropicaux.

Les fonctions des divers instruments pour le travail de sol primaire sont comparés à la Figure 15.

FIGURE 15 - Instruments de travail du sol primaire

Le labour profond associé à d'autres opérations qui visent à augmenter la production et les mesures adéquates de contrôle de l'érosion entraîne de meilleurs rendements et moins de risques d'échecs. D'un point de vue économique, toutefois, des essais sont nécessaires pour déterminer si des rendements maximum assurent également un maximum de revenus. Les aspects écologiques et sociologiques doivent aussi être pris en compte.

Matériel de travail du sol secondaire


Les herses
Les cultivateurs


Ces instruments sont utilisés pour un travail du sol peu profond, le paillage, l'enfouissement des engrais et des résidus de récoltes et le désherbage. Ce groupe d'outils a une fonction très importante sous les climats tropicaux et subtropicaux. Les avantages du paillage pour empêcher l'érosion et augmenter l'infiltration ne sont plus à énumérer. Un bon désherbage mécanique est également important; d'un côté, les mesures pour augmenter la production (eau, éléments nutritifs, travail du sol) favorisent la croissance des mauvaises herbes tandis que de l'autre, les mesures de désherbage mécanique réduisent l'utilisation d'herbicides chimiques au minimum avec tous les avantages écologiques et économiques que cela comporte.

Les herses

Les herses sont également utilisées avec la traction animale pour les opérations de travail du sol suivant le labour. Un grand nombre de types de herses sont disponibles, comme la herse à dents rigides ou flexibles. Il existe d'autres types de herses comme la herse-étrilleuse et la herse rotative ou houe utilisée dans les rizières. Des petites herses à disques type-V et des billonneuses sont également disponibles pour la traction animale.

Les cultivateurs

Les cultivateurs légers sont construits de la même façon que les charmes chisel. Cependant, ils sont plus légers (barres, dents) et les dents, souvent flexibles, sont plus rapprochées. Ils peuvent être munis de socs spéciaux (patte d'oie ou lames) afin de combiner une pulvérisation avec un désherbage mécanique. Les cultivateurs légers sont aussi très aptes à la traction animale, aussi bien pour la préparation d'un lit de semences que pour le binage et pour rompre des croûtes entre les lignes de plantes ou dans le sillon entre les billons.

Matériel approprié


Les polyculteurs


Les polyculteurs

Les instruments décrits ci-dessus comprenaient les outils et impléments traditionnels de même que leurs versions modernes, améliorées ou adaptées. Une nouvelle approche peut être opérée vers l'instrument polyvalent, c'est-à-dire, un bâti ou un cadre simple auquel peuvent être attachés plusieurs outils interchangeables, comme les corps de charrues, les dents de cultivateur, les corps de billonneuses, les sarcloirs ou les herses.

Des recherches importantes ont été menées sur leurs applications pratiques, et un certain nombre de polyculteurs ont été développés depuis, allant du type très simple qui consiste en un âge, des mancherons et parfois une roue de soutien, au type muni de deux roues avec pneus pneumatiques et des systèmes d'attelage et d'élévation assez sophistiqués.

Bansal et Thierstein (1982) ont réalisé un compte-rendu des instruments polyvalents. Une étude sur les avantages, les inconvénients et l'application pratique des polyculteurs a été faite par Starkey (1988). Malgré les avantages, en particulier du type à deux roues, le polyculteur est rarement utilisé par le petit producteur dans les régions tropicales. Les aspects suivants devraient être considérés en cas d'utilisation des polyculteurs:

· La construction: le cadre de base doit être assez solide pour permettre d'opérer l'instrument avec les outils attachés et avec une traction animale maximale. Ceci impose de lourdes exigences sur les matériaux et la conception. Le système d'installation des outils doit être simple et solide tandis que les outils doivent être arrangés de façon à ne pas produire de forces latérales excessives.

· Le poids: le poids doit rester à un certain niveau qui ne cause pas de problèmes de manipulation, surtout pour les modèles sans roues.

· Le coût: malheureusement, le coût de plusieurs types d'instruments polyvalents empêche encore les petits agriculteurs de les utiliser massivement. L'instrument et une série d'outils ne devraient pas revenir plus cher que le coût total des impléments individuels.

· Les animaux de trait: le travail avec un polyculteur nécessite généralement deux animaux. Ceux-ci ne sont pas toujours disponibles.

Conclusion

Les types d'outils présentés au Tableau 11 sont, en principe, disponibles pour les fonctions énumérées plus haut et dans les Chapitres 4 (désherbage) et 9 (les croûtes et sols susceptibles à la prise en masse).

TABLEAU 11 - Quelques caractéristiques des outils de travail du sol


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