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Introduction

Les principes de l'économie de marché sont aujourd'hui globalement appliqués; ils n'en demeurent pas moins le sujet de réflexion de nombreux forum internationaux. En effet, si politiques et dimensions ont évolués, l'échange économique lui-même conserve la forme première d'un acte juridique, par exemple celui d'une vente, laquelle s'accompagne souvent de la mise en oeuvre d'autres instruments telles les garanties de paiements; il engage les entrelacs de diverses obligations.

Ce mouvement d'élargissement des échanges économiques s'accompagnerait-il aussi d'une "mondialisation" des instruments juridiques? L'on assisterait alors à la mise en place, plus ou moins spontanée, d'un droit commun, uniforme, sans enracinement territorial particulier, et régissant l'ensemble des relations économiques. Cette éventualité est-elle souhaitable? Est-elle réalisable? Bien qu'indispensable, ou incontournable, l'universalisation des instruments juridiques au regard de la mondialisation des échanges économiques semble être particulièrement difficile à bâtir.

En effet, pour être sûr et équilibré, tout marché a besoin aussi bien de la liberté de circulation des biens que du respect de règles juridiques particulières, contraignant les acteurs et apportant à l'ensemble du système une qualité essentielle: la sécurité juridique des transactions.

Faudrait-il en conclure qu'il ne pourrait y avoir mondialisation des échanges économiques sans "mondialisation" du droit? L'on objectera que le contrat, instrument de l'échange économique par excellence, n'est pas freiné par de telles contingences de sources dans la mesure où il est proprement inventé par les parties et constitue le véhicule idéal de l'internationalisation des échanges économiques. Mais quelle serait l'effectivité d'un contrat en l'absence d'un juge pouvant contraindre à l'exécution ou prononcer des sanctions en cas de violation?

Si les acteurs économiques ont de tout temps recourus à des juridictions arbitrales privées, les principes juridiques de base du droit des personnes n'en furent pas toujours pour autant satisfaits. Il a donc fallu que les autorités publiques installent des magistratures "a-territoriales", ou encore "a-nationales". C'est la vocation de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui peut tout à la fois élaborer des règles de comportement, en promouvoir l'usage et en sanctionner la violation. Mais la sanction ne saurait être légitime si le non respect du principe liberté de circulation venait à être justifié par des raisons valables, c'est à dire fondées sur la nécessité de sauvegarder la santé et la sécurité publique.

En ces temps de "vache folle", de haute technicité des sujets à traiter, il faut donner au juge les moyens de mesurer à leur juste valeur les risques que telle ou telle maladie fait encourir à la santé de l'homme, à la préservation des végétaux et à l'état sanitaire des animaux. C'est aux scientifiques qu'il incombe de l'éclairer sur ces thèmes.

Telles sont les difficultés auxquelles sont confrontés les pouvoirs publics lorsqu'ils doivent évaluer les risques physiques pouvant découler de la négligence en matière de santé publique, et les risques économiques naissant du non respect des règles du libre échange.

Les impératifs de quarantaine apparaissent aux responsables politiques comme pouvant fournir les meilleurs, ou les moins illégitimes, moyens de fonder une décision de refus d'importation. Empêcher la pénétration d'insectes nuisibles ou d'agents pathogènes dans des régions où ils sont encore inconnus, ou encore confiner officiellement un produit sujet à une réglementation sanitaire particulière en vue d'observations, de recherches, d'inspections ou de tests visant à la préservation de la santé des personnes, des animaux et des végétaux d'un territoire: telles sont les habituelles justifications.

Il est vrai que la police des quarantaines est l'une des composantes de base de la protection de la santé des personnes, des végétaux et des animaux; elle doit cependant reposer sur une réglementation techniquement idoine et administrativement justifiée.

A contrario, certaines interdictions administratives se réclamant des impératifs de quarantaine peuvent masquer des obstacles commerciaux érigés dans le but de protéger l'un des secteurs de l'industrie nationale contre la concurrence étrangère. Nombreux sont les exemples d'interdictions ne reposant sur aucune justification sérieuse.

Les Etats qui ont participé à la création de l'OMC ont tenté de concilier les exigences sanitaires et les engagements commerciaux alors même qu'ils sont souvent contradictoires. Il a été notamment mis en exergue qu'aucun d'entre eux "ne devrait être empêché d'adopter ou d'appliquer des mesures nécessaires à la protection des végétaux, sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable... soit une restriction déguisée au commerce international"¹. L'Acte final du cycle d'Uruguay comporte, entre autres décisions, deux accords susceptibles de réduire substantiellement les obstacles techniques et non tarifaires aux échanges:

(¹Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires, premier Considérant.)

- l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS) donne une interprétation uniforme des mesures relatives à l'innocuité et aux réglementations phytosanitaires et zoosanitaires. Il établit un cadre pour la reconnaissance mutuelle des procédures d'inspection et des règlements relatifs au contrôle des aliments et au contrôle sanitaire, sur la base de l'équivalence des résultats, compte tenu d'une évaluation des risques qu'entraîne l'application ou la non-application de chaque mesure. Il prévoit la référence aux normes, directives et recommandations internationales établies par (i) la Commission mixte FAO/OMS du Codex Alimentarius en matière d'innocuité des denrées alimentaires, (ii) l'Office international des épizooties (OIE) pour ce qui est de la santé animale, et (iii) la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) en ce qui concerne les mesures phytosanitaires.

- l'Accord sur les obstacles techniques au commerce concerne les autres aspects des règlements et prescriptions imposés par les pouvoirs publics nationaux ou d'autres instances. Il édicte que "rien ne saurait empêcher un pays de prendre les mesures nécessaires pour assurer la qualité de ses exportations, ou nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, à la prévention de pratiques de nature à induire en erreur... sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable... soit une restriction déguisée au commerce..."².

(2Accord sur les obstacles techniques au commerce, sixième Considérant.)

Néanmoins, afin que leurs secteurs productif et commercial puissent mettre à profit les dispositions de ces deux accords, nombreux sont les pays en développement qui doivent se doter des infrastructures et du personnel idoines.

L'entrée en vigueur de ces mesures ayant eu lieu au 1er janvier 1995, elles n'ont guère fait leurs preuves dans la pratique mais les questions qu'elles soulèvent seront primordiales dans les années à venir; les discutions commerciales s'annoncent difficiles et sujettes à contentieux.

En raison de l'ampleur du thème, le présent ouvrage n'abordera que le domaine des végétaux. Sera donc décrit dans un premier temps le cadre international dans lequel s'inscrit la législation phytosanitaire; le concept d'harmonisation de cette législation et les répercussions qu'il peut avoir sur quelques pays ou groupe de pays sera l'objet de la deuxième partie.


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