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PREMIÈRE PARTIE - LA CONSERVATION ET LE DÉVELOPPEMENT DES FORÊTS: SITUATION ET PERSPECTIVES

Les tendances mondiales en matière de produits forestiers

Le secteur forestier est confronté à une double tâche: satisfaire aux besoins en produits ligneux et non ligneux tout en répondant aux critères concernant les fonctions environnementales et sociales des forêts. Le débat concernant les forêts est donc essentiellement centré, aujourd'hui, sur les efforts visant à obtenir un équilibre acceptable entre la production et la protection, ou encore entre l'utilisation et la conservation.

Les tendances globales de production et de consommation diffèrent de façon évidente entre les pays développés et les pays en développement. Les premiers comptent pour 70 pour cent dans la production et la consommation mondiales de produits industriels du bois. Les pays en développement, en revanche, produisent et consomment environ 90 pour cent du bois de feu et du charbon de bois, combustibles qui constituent la principale source d'énergie des ménages dans bon nombre des pays concernés (voir figure 3). On consomme chaque année dans le monde plus de bois de feu et de charbon de bois que de bois rond industriel, et la demande de bois de feu devrait continuer de croître à un rythme d'environ 1,1 pour cent par an jusqu'à l'an 2010, alors que l'on prévoit, pour la demande de bois rond industriel, une hausse d'environ 1,7 pour cent par an pendant la même période. Plusieurs facteurs sont de nature à influencer la manière dont il sera répondu à ces demandes croissantes: l'expansion des sources de bois, provenant notamment des plantations et des arbres situés hors forêt, l'amélioration des procédés de traitement du bois et de leur rentabilité, et le recours accru aux fibres recyclées et non ligneuses. Enfin, les échanges commerciaux poursuivront leur rôle régulateur entre les déficits et les excédents des différentes régions du monde.

 

FIGURE 3
Production et consommation
de produits ligneux, 1996

 

Même si le bois est incontestablement le principal produit commercial tiré des forêts, on accorde aujourd'hui de plus en plus d'attention au rôle économique présent et à venir des produits forestiers non ligneux. On comprend chaque jour davantage leur importance pour les ménages et pour les économies locales, notamment dans les pays en développement les plus pauvres, en même temps que l'on prend conscience de la nécessité de les intégrer à la planification des aménagements forestiers.

Mais la valeur énergétique du bois suscite également un intérêt accru. La prééminence du bois de feu et du charbon de bois étant reconnue pour les pays en développement, notamment pour l'usage domestique, plusieurs pays s'intéressent désormais au potentiel qu'ils pourraient représenter pour le secteur énergétique moderne, comme source alternative aux combustibles fossiles.

Les questions liées aux échanges commerciaux de produits forestiers, ainsi qu'aux liens entre ces échanges et l'environnement, continuent d'occuper une place importante dans les discussions au niveau mondial. On en a débattu longuement à la deuxième session de l'IFF, en septembre 1998, mais sans parvenir à des conclusions véritables. Au cours des deux dernières années, la situation a évolué en ce qui concerne la certification des produits forestiers, thème complexe et, par certains aspects, sujet à controverse. Précisons que la crise économique qui a frappé l'Asie a eu une incidence imprévue et plus désastreuse sur le commerce des produits forestiers qu'aucun autre événement, durant la période 1997-1998.

LES PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX: APERÇU CONCERNANT LES PLANTES MÉDICINALES

L'ingéniosité humaine a su mettre à profit, de multiples façons, les riches ressources de la flore et de la faune forestières. Un grand nombre d'espèces ont certes été domestiquées et intégrées à la production agricole au cours des siècles, mais les produits forestiers non ligneux continuent d'être récoltés sous une forme sauvage. Dans de nombreuses parties du monde, ils sont une source d'aliments comestibles (gibier, champignons, fruits, noix, etc.) ou de fourrage pour les animaux; ou encore de matériaux de construction et de fibres (bambou, rotin ou feuilles de palmes); enfin de médicaments et d'autres produits médicaux, sans parler de tout ce qui peut revêtir une valeur religieuse ou symbolique. La majeure partie des produits ainsi recueillis est destinée à un usage domestique immédiat ou à la vente sur les marchés locaux, mais d'autres contribuent pour une part substantielle au commerce national et international. Deux facteurs caractérisent la production des produits forestiers non ligneux: la multiplicité des fournisseurs, dont chacun ne propose que de très petites quantités de produits, et l'absence d'industrie de transformation. La Situation des forêts du monde 1997 (FAO, 1997d) propose un bilan synthétique de la situation des produits forestiers non ligneux, leur production, leur valeur, leur commerce et les facteurs qui affectent leur évolution.

Des débats ont lieu au sein de différentes enceintes régionales et internationales sur les différentes questions touchant aux produits forestiers non ligneux, et notamment les actions permettant de conserver la diversité biologique des forêts, tout en assurant un accès équitable aux ressources forestières, ligneuses ou non, dans l'intérêt, notamment, des populations locales. Il faudra également élaborer des méthodes appropriées pour fixer les prix de ces produits, y compris les redevances des droits de propriété intellectuelle. Or, dans ce sous-secteur, l'accès à des droits de tenure présentant des garanties suffisantes, ainsi que l'ignorance des marchés, constituent deux entraves importantes pour les partenaires de l'offre.

Les plantes médicinales figurent parmi les ressources forestières non ligneuses les plus précieuses; certes toutes les plantes médicinales ne sont pas recueillies dans les forêts, mais la plupart d'entre elles en proviennent. La valeur qu'elles représentent est de nature à stimuler les efforts de mise en valeur durable des ressources forestières et de conservation d'habitats spécifiques.

L'utilisation des plantes médicinales

Plus de 10 000 espèces végétales d'origine forestière et non forestière sont utilisées à des fins médicinales, notamment à l'usage des médecines traditionnelles. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 80 pour cent des populations des pays en développement se fient aux traitements traditionnels, essentiellement à base de plantes, pour les soins de santé primaires. Cependant, cette consommation ne se limite pas, tant s'en faut, aux pays en développement et à la médecine traditionnelle, puisque au moins 25 pour cent des substances servant à la pharmacopée moderne proviennent des plantes. En outre, de nombreux produits synthétiques prennent comme modèles des composés isolés à partir des plantes. On voit donc que la demande de plantes médicinales ne peut qu'augmenter, tant dans les pays développés que dans les pays en développement.

La collecte et la production de plantes médicinales

La plus grande partie des produits végétaux utilisés à titre médicinal provient des pays en développement. Ils sont, pour l'essentiel, sauvages et cueillis dans les forêts en vue d'un usage familial. Quelques espèces à vocation médicinale sont cultivées, mais elles sont rares car le faible prix de revient de la collecte des plantes sauvages rend la mise en culture peu rentable. Cependant, les choses devraient évoluer à l'avenir, du fait de la diminution des peuplements sauvages et de la meilleure adaptation des espèces cultivées à la production à grande échelle de produits pharmaceutiques commerciaux assujettis à des normes de rentabilité et de contrôle. La normalisation est en effet essentielle, qu'il s'agisse de produits bruts, d'extraits ou de substances actives, et elle occupera une place croissante à mesure que les critères de qualité se feront plus rigoureux dans le monde entier.

A court terme tout au moins, les plantes médicinales d'origine sauvage conserveront leur importance, et ceci durera plus longtemps encore dans les pays en développement ou pour les couches défavorisées de la société. En outre, certaines espèces restent difficiles à cultiver, et la synthèse de leur principe actif est encore problématique. C'est pourquoi il est essentiel de pouvoir continuer à associer la culture des plantes médicinales à une cueillette durable de ces plantes sous forme sauvage. Seule cette dernière permettra, grâce à une saine gestion, d'encourager la conservation des habitats offrant la plus large diversité génétique.

Il faut garder à l'esprit que non seulement des millions de personnes dépendent de ces plantes pour les soins de santé, mais que la cueillette et la vente des plantes médicinales représentent parfois l'une des rares possibilités d'emploi rémunéré ou de revenu complémentaire dans des zones rurales isolées. Cependant, lorsque la demande commerciale d'une certaine espèce se fait pressante, le contrôle de la ressource est parfois soumis à un régime de concession (le concessionnaire peut être un particulier, une société, ou les participants d'un projet communautaire de «réserve d'extraction») ou encore confié à un comptoir commercial; la population locale n'a plus accès à cette ressource, ni pour son usage propre ni pour la vente.

Le cadre réglementaire du commerce des plantes médicinales

La plupart des utilisateurs ignorent le danger que fait peser la demande croissante de plantes médicinales sur l'avenir de plusieurs de ces espèces. En effet, le prix payé aux équipes de ramassage, sur des terrains le plus souvent d'accès libre ou de propriété communautaire, est généralement dérisoire, si bien que l'on assiste à une surexploitation beaucoup plus qu'à une gestion des ressources. Or, les espèces les plus demandées sont précisément les plus vulnérables, celles qui se reproduisent le plus lentement, qui exigent un habitat spécifique, et une distribution limitée (par exemple la Warburgia salutaris en Afrique orientale et australe). Il existe également un lien direct entre la partie de la plante qui est recueillie, ou la méthode de cueillette utilisée, et les dommages causés à l'espèce. A titre d'exemple, l'exploitation commerciale intensive de l'écorce du Prunus africana, utilisée comme substance anti-cancéreuse, a tout simplement dévasté cette espèce dans toute la région humide de l'Afrique.

La plupart des pays n'ont, tout au plus, qu'une réglementation élémentaire en matière de cueillette et de commerce des espèces sauvages. Lorsqu'il existe une législation nationale, elle est lacunaire ou inefficace. Au Bhoutan, les lois interdisant la collecte de certaines plantes ont eu pour résultat d'en augmenter le prix et de stimuler la collecte illicite, entraînant la quasi-extinction de ces espèces à l'échelon local. En outre, l'application de restrictions ou d'interdictions à la collecte dans un pays risque de stimuler sa surexploitation dans d'autres pays exportateurs.

La plupart des plantes médicinales sont échangées sur des marchés locaux ou nationaux, et une faible partie seulement donne lieu à un commerce international d'un volume substantiel. Compte tenu de la rareté des informations fiables, à l'échelle mondiale ou même à l'échelle nationale, concernant la production et les échanges de plantes médicinales sauvages, il est difficile de faire la distinction entre les espèces sauvages et les espèces cultivées lors de la consultation de statistiques commerciales. Si l'on s'en remet aux données compilées à partir de la base de données COMTRADE de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), la valeur totale des exportations de plantes médicinales provenant d'une centaine de pays s'est chiffrée, en 1995, à 880 millions de dollars EU. L'Asie est la première région productrice et consommatrice de plantes médicinales, l'Amérique du Nord venant au second rang. En Europe, c'est l'Allemagne qui domine: elle achète des matières premières dans plus de 100 pays, pour en réexporter un tiers sous forme de produits finis.

C'est la Convention sur le commerce international des espèces de flore et de faune sauvages menacées d'extinction (CITES) qui constitue le principal instrument de surveillance et de réglementation du commerce international de certaines plantes médicinales. Plusieurs organismes gouvernementaux ou non gouvernementaux ont pris des initiatives, à l'échelon national ou international, pour que l'exploitation d'un grand nombre de plantes médicinales se fasse à une cadence qui en garantisse la durabilité. A noter, parmi les plus importantes au niveau mondial, le Groupe de spécialistes des plantes médicinales de l'UICN, et TRAFFIC, programme de surveillance des échanges commerciaux portant sur la faune mis sur pied par le Fonds mondial pour la nature (WWF) et l'UICN, qui coopère étroitement avec le secrétariat de la CITES. TRAFFIC a récemment lancé un programme prioritaire consacré au commerce des espèces sauvages médicinales dont les objectifs pour la période 1997-2000 sont les suivants: identifier les menaces de l'exploitation commerciale des espèces sauvages et proposer d'éventuelles solutions; faire le bilan des dispositifs réglementaires aux niveaux local, national et international pour la protection des espèces sauvages à usage médicinal et en obtenir la modification, de manière à harmoniser le volume des échanges avec les exigences de la durabilité; enfin, promouvoir le respect et l'application de mesures réglementaires assurant la conservation des espèces sauvages qui font l'objet d'échanges commerciaux.

Il est certain que si l'on veut parvenir à une gestion durable des ressources forestières non ligneuses en général, et des plantes médicinales en particulier, il faudra poursuivre sans relâche des efforts concertés aux niveaux local, national et international.

L'APPORT DES COMBUSTIBLES LIGNEUX AU SECTEUR ÉNERGÉTIQUE

Une large part du bois récolté chaque année dans le monde sert à la production d'énergie. Sur les quelque 3 350 millions de m3 de bois récolté en 1995, environ 2 100 millions de m3, soit 63 pour cent, ont été utilisés comme combustible27. Alors que, dans les pays développés, 33 pour cent seulement du bois produit a été utilisé à des fins énergétiques, dans les pays en développement, les combustibles ligneux représentent 81 pour cent du bois récolté (91 pour cent en Afrique, 82 pour cent en Asie et 70 pour cent en Amérique latine). Ces chiffres illustrent la place occupée par les combustibles ligneux dans la production totale de bois, ainsi que leur importance pour le secteur forestier28.

Les combustibles ligneux restent donc une source d'énergie majeure dans les pays en développement, notamment dans les foyers des zones rurales. Et ces dernières années, ils ont fait l'objet d'une attention accrue, car ils permettent de produire une énergie moderne respectueuse de l'environnement. L'évolution des politiques énergétiques a favorisé le développement de systèmes énergétiques à partir du bois, et les nouvelles technologies visant à extraire des combustibles de la biomasse améliorent la rentabilité économique de l'énergie tirée du bois, notamment dans les pays à fort couvert forestier et où les industries de transformation du bois sont développées. Par ailleurs, les coûts environnementaux des combustibles fossiles contribuent à favoriser l'usage de ces combustibles ligneux.

Le rôle des combustibles ligneux dans le secteur forestier et le secteur énergétique

La catégorie des combustibles ligneux se compose du bois de feu, du charbon de bois et de la liqueur noire, sous-produit de la pâte à papier. Le tableau 6 indique la consommation de différents types de combustibles ligneux avec ventilation par région, illustrant ainsi l'apport de la foresterie au secteur énergétique.

 

TABLEAU 6
Consommation de combustibles ligneux et part des combustibles ligneux
dans la production totale d'énergie en 1995

 

Combustibles ligneux
(équivalent millions de m3)

 

Régions

Bois
de feu

Charbon
de bois

Liqueur
noire

Part des combustibles ligneux dans l'utilisation énergétique totale
(%)

Total pays en développement

1 533

131

34

15

Afrique

445

72

3

35

Asie - pays en développement

859

25

12

12

Océanie - pays en développement

6

0

0

52

Amérique latinea et Caraïbes

223

34

19

12

Total pays développés

187

6

228

2

Europe, Israël et Turquie

56

2

51

3

Ex-URSSb

32

0

8

1

Canada et Etats-Unis

96

4

146

3

Australie, Nouvelle-Zélande et Japon

3

0

23

1

Total mondial

1 720

137

262

7

Source: FAO-WEIS (Système d'information sur la dendroénergie). Pour plus de détails sur ces chiffres, consulter le site Internet http://www-data.fao.org/waicent/faoinfo/forestry/energy/feforum.htm
a Mexique, Amérique centrale et Amérique du Sud.
b Arménie, Azerbaïdjan, Bélarus, Estonie, Fédération de Russie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizistan, Lettonie, Lituanie, Ouzbékistan, République de Moldova, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine.

 

On estime à 7 pour cent du total l'apport des combustibles ligneux à la production mondiale d'énergie. Cependant, dans les pays en développement, où le bois de feu est la source principale de combustible dont disposent les ménages, les combustibles ligneux entrent en moyenne pour 15 pour cent dans la consommation énergétique totale. Dans 34 pays en développement, le bois de feu et le charbon de bois entrent pour plus de 70 pour cent dans la demande nationale d'énergie. Les combustibles ligneux représentent la principale source d'énergie pour la plupart des pays d'Afrique subsaharienne, d'Amérique centrale et de la région continentale de l'Asie du Sud-Est. Le bois de feu est la principale forme d'énergie ligneuse utilisée dans les régions rurales des pays en développement, tandis que le charbon de bois reste une source majeure d'énergie pour les ménages urbains de nombreux pays d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie.

Les combustibles ligneux ne comptent en revanche que pour 2 pour cent de l'utilisation totale d'énergie des pays développés. Notons cependant que ces chiffres masquent d'importantes différences entre les pays et au niveau sous-national. En Europe, par exemple, l'utilisation de combustibles ligneux est relativement modeste en Allemagne, en Belgique et au Royaume-Uni, alors qu'on en consomme d'importantes quantités dans des pays à forte densité de forêts comme l'Autriche, la Finlande et la Suède. En Finlande, le bois satisfait environ 17 pour cent de la demande énergétique nationale (FAO, 1997h). La liqueur noire occupe une part importante dans l'utilisation totale des combustibles ligneux de la plupart des pays développés, où les grosses industries productrices de pâte à papier se servent de la liqueur noire pour leurs propres besoins de chaleur et d'énergie.

L'évolution récente dans le domaine de l'énergie ligneuse

Dans les pays en développement, la consommation de combustibles ligneux a connu une augmentation régulière, parallèle à celle de la population; cependant, la part de ces combustibles dans les bilans énergétiques nationaux des pays concernés a décliné graduellement à mesure que l'on avait davantage recours à des combustibles fossiles comme le pétrole, le charbon et le gaz. Par ailleurs, les combustibles fossiles continuent d'être employés pour satisfaire à la demande croissante d'énergie dans la plupart des pays développés.

Les mesures prises par de nombreux pays pour déréglementer, libéraliser et privatiser les marchés de l'énergie au cours des deux dernières décennies ont stimulé la concurrence entre fournisseurs, offrant des débouchés supplémentaires aux sources d'énergie qui constituent une alternative aux combustibles fossiles. Certains pays ont instauré des taxes sur ces derniers, ce qui a entraîné leur baisse de consommation et, dans certains cas, un recours plus important à d'autres sources d'énergie. Par ailleurs, la mise au point et l'adoption de nouvelles technologies pour la production, le transport, la manutention et le stockage des combustibles ligneux, associées à l'amélioration des systèmes de combustion et à une amélioration de la planification, de la gestion et de l'organisation des secteurs relatifs à cette source d'énergie, contribuent à augmenter sa compétitivité. C'est ainsi qu'en Suède le prix de l'énergie d'origine fossile a doublé entre 1980 et 1997 du fait de l'alourdissement des taxes sur les combustibles fossiles, alors que celui de l'énergie ligneuse demeurait stable (Thornqvist, 1998).

Suivant cet exemple, plusieurs pays infléchissent leur politique énergétique afin d'encourager l'utilisation de l'énergie ligneuse. A ce propos, le «Livre blanc» récemment adopté par la Commission européenne (CE, 1997) accorde une attention particulière à la bioénergie, qui comprend les combustibles ligneux et certaines plantes cultivées, offrant un cadre pour le développement futur de sources d'énergie renouvelable dans les 16 pays de l'Union européenne (UE).

En 1994, le Gouvernement finlandais a fixé les objectifs d'une politique de promotion de l'énergie ligneuse: augmenter son utilisation de 25 pour cent d'ici à l'an 2005 (Nousiainen et Vesisenaho, 1998). D'autres pays prennent des initiatives analogues: au Danemark, 50 pour cent des ménages sont chauffés par des centrales de district alimentées au biocombustible; les Pays-Bas ont lancé un programme spécial d'investissement pour promouvoir des centrales de production d'électricité et de chaleur au moyen de la biomasse ligneuse.

Le Service canadien des forêts a lancé, en 1995, une initiative visant à faciliter l'introduction de la bioénergie, principalement ligneuse, pour la production de l'électricité destinée aux «communautés des premières nations» occupant des régions éloignées dans le nord du pays. Cela permettait non seulement de fournir davantage d'énergie à ces populations isolées, mais également de créer des emplois et de renforcer l'autonomie des communautés autochtones.

Plusieurs programmes bioénergétiques ont été mis en place avec succès dans des pays en développement (FAO, 1996e). L'Indonésie, la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande ont récemment lancé des initiatives concernant l'énergie ligneuse, avec le soutien d'un programme de coopération économique entre l'Union européenne et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), le programme CE-ANASE COGEN. Par ailleurs, une société privée chilienne, la Chilgener, fournit aux industries de l'énergie créée à partir de déchets de bois, et cela depuis 1992. Au Nicaragua, deux usines de production de sucre ont diversifié leurs sources d'électricité grâce à la bagasse, pendant la campagne de la canne à sucre; elles utilisent du bois de feu obtenu dans les plantations d'eucalyptus (voir encadré 10) lorsque la bagasse n'est pas disponible. Ces deux usines vendent l'énergie ainsi produite au réseau énergétique national. Un projet analogue est en cours au Honduras.

 

ENCADRÉ 10
La bioélectricité au Nicaragua


A la suite de la plupart des pays d'Amérique latine, le Nicaragua a adopté une loi sur l'énergie édictant de nouvelles règles pour la participation du secteur privé à la génération, la transmission et la distribution de l'électricité. Deux usines de production de sucre se sont prévalues de cette nouvelle loi et fournissent aujourd'hui 27 MWe (équivalent mégawatt) d'électricité au réseau national en utilisant de la bagasse comme principal combustible durant la campagne de la canne à sucre, et, pendant les autres saisons, du bois de feu extrait de plus de 6 000 ha de plantations d'eucalyptus.

L'usine de San Antonio est la plus importante du Nicaragua. Elle a passé un contrat avec le gouvernement en vue de la fourniture de bioélectricité produite à partir de bagasse et de bois de feu. Les premières plantations d'eucalyptus ont été créées dans les régions de culture de la canne à sucre, et de nouvelles plantations ont été établies, depuis, sur des terres louées. Le bois de feu est en partie produit par des agriculteurs locaux, qui bénéficient de contrats à long terme avec l'usine qui garantit le prix du bois fourni. Dès 1996, les plantations de bois de feu couvraient plus de 2 600 ha.

L'usine de Victoria de Julio, la deuxième en importance au Nicaragua, a été inaugurée en 1985. Sa capacité de génération est de 12 MWe d'électricité produits au moyen de bagasse et de bois de feu, et ses dirigeants ont des plans d'expansion ambitieux. A noter que la génération d'électricité en tant que sous-produit a été intégrée à la conception originale de l'usine. Les plantations de canne à sucre ont une configuration circulaire, car elles sont irriguées par un système à pivot, qui arrose en cercle. Les eucalyptus sont plantés sur les espaces concaves intercalaires et couvrent à présent quelque 4 000 ha.

L'étude économique a conclu que la génération d'électricité dans les usines de sucre du Nicaragua au moyen de ces biocombustibles est non seulement réalisable au plan technique, mais semble également concurrentielle en matière de prix, puisque celui-ci est de 0,057 dollar EU par kWh contre 0,068 dollar EU par kWh pour le mazout. En outre, 73 pour cent de l'actif généré par l'énergie provenant des eucalyptus alimente l'économie du Nicaragua, contre une proportion de 14 à 30 pour cent pour l'électricité provenant du mazout. Enfin, l'utilisation du bois d'eucalyptus est trois fois plus créatrice d'emplois que celle du mazout.

Source: FAO, 1997i.

 

Les perspectives de développement de l'énergie ligneuse

Les combustibles ligneux devraient continuer de jouer, pendant un certain temps, un rôle important comme source traditionnelle d'énergie dans les pays en développement, notamment pour les couches les plus modestes de population. Dans les pays développés, le bois de feu et le charbon continueront d'être utilisés, en quantités limitées, par les ménages et par les petites industries à des fins spécifiques. Cependant, une réorientation des politiques ainsi que les expériences de programmes bioénergétiques auxquelles on a assisté dans plusieurs pays semblent indiquer que les pays dans leur ensemble favorisent les combustibles ligneux, qui apparaissent comme une source moderne d'énergie renouvelable. Ces combustibles pourraient devenir plus concurrentiels que les combustibles fossiles dans certains contextes, tant pour des raisons économiques (par exemple parce que l'on dispose localement de sources peu onéreuses d'énergie provenant de plantations de bois de feu à croissance rapide, de coupes sombres dans les plantations de bois d'œuvre ou de déchets provenant des industries forestières) que pour des raisons d'ordre écologique (par exemple dans le cadre d'une politique visant à atténuer le réchauffement de la planète). La Convention-cadre sur les changements climatiques (CCCC) a pris acte du rôle que pourraient jouer les combustibles ligneux dans le cadre d'une stratégie de substitution, en vue de réduire les émissions de CO2 à partir des combustibles fossiles (voir plus haut l'analyse plus détaillée du rôle des forêts dans l'atténuation des changements climatiques à l'échelle mondiale). En cas de ratification, le Protocole de Kyoto de la CCCC pourrait jouer un rôle de catalyseur dans ce développement de l'énergie ligneuse.

Il est probable que, face à cette évolution, le secteur forestier comme celui de l'énergie feront une plus large place aux combustibles ligneux. Les progrès accomplis en matière de planification dépendront en partie de la qualité des informations reçues. Or, à l'heure actuelle, on ne dispose que de données très parcellaires sur les ressources en combustibles ligneux à l'échelle mondiale (voir encadré 11). Il est donc impératif de poursuivre l'amélioration de la collecte et de l'analyse de ces données, et de poursuivre le bilan des avantages et des coûts relatifs des combustibles ligneux, des combustibles fossiles et des sources alternatives de combustibles, face à l'évolution des conditions économiques et des engagements pris à l'égard du milieu naturel.

 

ENCADRÉ 11
Bilan des informations disponibles sur les combustibles ligneux
et tentatives d'amélioration


Les informations concernant les combustibles ligneux sont pour le moins lacunaires, ce qui rend très difficile la planification de la production et de l'utilisation de ces combustibles ainsi que l'établissement de modèles portant sur l'énergie ligneuse dans l'avenir. La pénurie de données fiables concernant la disponibilité et les flux commerciaux de combustibles ligneux entrave la recherche de solutions à des problèmes aussi importants que les approvisionnements et les échanges intéressant les combustibles ligneux, leur utilisation et les stratégies de remplacement. Ces problèmes ont pour origine les méthodologies employées ainsi que la faiblesse des capacités nationales en matière de collecte, de compilation et de présentation des données sur les combustibles ligneux. Par ailleurs, le fait que la terminologie, les définitions et les mesures ne sont pas normalisées rend très difficiles les échanges et les comparaisons
d'informations entre différents organismes nationaux ou internationaux. Plusieurs organisations régionales et internationales, dont la FAO, l'Agence internationale de l'énergie (AIE), l'Institut asiatique de technologie, l'Organisation latino-américaine de l'énergie (OLADE) et le Bureau européen de la statistique, recueillent et diffusent des données sur la production et l'utilisation de bois de feu et de charbon de bois. La FAO, soucieuse d'encourager des comparaisons entre statistiques nationales et internationales sur les combustibles ligneux, a entrepris d'unifier la terminologie et les tableaux de conversion de mesures les concernant. Ces initiatives, associées aux efforts accomplis pour renforcer les capacités nationales de collecte et d'analyse des données, devraient améliorer la qualité ainsi que la disponibilité des informations.

 

PROBLÈMES ACTUELS ET ADAPTATIONS DU COMMERCE DES PRODUITS FORESTIERS29

On a observé, au cours des trois à cinq dernières années, un ralentissement de la croissance dans la production de bois en provenance des forêts tropicales. Les exportations de la plupart des produits ont suivi une évolution analogue, notamment en ce qui concerne les grumes de bois tropicaux, mais aussi les sciages et les panneaux ligneux. Certaines de ces tendances traduisent des modifications structurelles majeures et probablement irréversibles, tandis que d'autres constituent une adaptation aux fluctuations normales du marché dans le court terme. Les principaux facteurs de changement sont:

La crise économique en Asie

Le plus marquant des effets à court terme a commencé à se manifester vers le milieu de l'année 1997; c'est alors qu'un certain nombre de devises asiatiques clés ont subi une forte dépréciation, entraînant une situation désormais reconnue comme une récession majeure. Au mois de mai 1998, les devises de la Malaisie, des Philippines, de la République de Corée et de la Thaïlande s'échangeaient aux deux tiers de leur valeur de l'année précédente. Quant à la roupie indonésienne, elle était tombée au quart de la valeur de mai 1997. A mesure que les liquidités se raréfiaient et que s'installaient les conditions d'une profonde récession, on voyait se confirmer l'ampleur des problèmes économiques et structurels dont souffraient la plupart de ces pays.

Les variables clés déterminant les conséquences de la crise économique sur les produits forestiers ont été: les modifications spectaculaires des taux de change; l'importance des répercussions de la récession au Japon, principal importateur; enfin, les effets de la crise dans d'autres régions. Jusqu'à septembre 1998 environ, la récession s'est essentiellement confinée à la région Asie et Pacifique, mais on vit alors surgir les signes d'une propagation à l'extérieur, entraînant les conséquences suivantes sur le secteur forestier:

Ajoutons que cette onde de choc s'est répercutée en dehors de l'Asie, atteignant toute une série de pays étroitement tributaires de leurs échanges commerciaux avec les marchés asiatiques, ou en concurrence avec eux.

La crise économique que traverse l'Asie touche très directement les échanges des pays en développement portant sur les produits forestiers. La plus grosse part de la valeur des exportations des pays en développement provient en effet de cette région, qui domine les exportations de panneaux dérivés du bois, de grumes, de sciages et de papier. Seules les exportations de pâte à papier reviennent en première part à l'Amérique du Sud. Etant donné qu'environ 80 pour cent de la valeur des exportations de bois tropicaux et plus de 70 pour cent de la valeur des importations reviennent à l'Asie (le Japon représentant à lui seul 42 pour cent des importations de bois tropicaux en 1996), la crise du continent asiatique entraînera probablement de plus graves perturbations sur les marchés des produits des bois tropicaux que sur ceux des autres bois. La faiblesse de la demande sur les principaux marchés ainsi que les perturbations subies par les premiers pays producteurs devraient avoir des conséquences très graves sur tout le secteur.

L'une des répercussions les plus graves de cette situation a eu lieu en Indonésie. Le gouvernement a dû changer ses politiques forestières afin de remplir les conditions lui permettant d'obtenir un prêt du Fonds monétaire international, à savoir:

L'adaptation à ces nouvelles conditions devrait freiner, à court terme tout au moins, la production de l'Indonésie.

D'autres marchés se sont ressentis de la crise asiatique qui a notamment affecté les exportateurs depuis l'Afrique jusqu'à la Nouvelle-Zélande, en passant par l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud. La chute des cours et les tentatives faites par les exportateurs asiatiques pour maintenir leurs ventes ont fait pression sur les prix à l'exportation, principalement dans les régions tropicales. Les niveaux de transaction des marchés ont chuté, entraînant une redistribution des parts de marché. Les exportateurs africains et sud-américains ont été affectés par le recul des prix de leurs homologues asiatiques, ces derniers plus particulièrement par la baisse du cours du contre-plaqué asiatique.

En résumé, la crise économique a eu pour effet principal un abaissement de la demande, notamment sur les marchés asiatiques, des perturbations dans les approvisionnements, un affaiblissement des devises de la plupart des pays en développement exportateurs, un déclin des cours et l'intensification de la concurrence. Les plus fortes chutes des cours ont concerné les produits tropicaux, ainsi que le confirment les statistiques de l'OIBT, selon lesquelles les cours de certains produits ont chuté de 60 pour cent au début de 1998. La situation s'est améliorée vers le milieu de l'année; cependant, les nouvelles difficultés politiques et financières surgies dans de nombreux pays à l'automne 1998, notamment en Fédération de Russie, en Chine et dans plusieurs pays d'Asie ainsi que dans quelques pays d'Amérique du Sud, font régner une incertitude généralisée sur les marchés des produits forestiers.

L'évolution de la libéralisation des échanges

Les initiatives visant à alléger les restrictions qui freinent et déséquilibrent les échanges de produits forestiers continuent d'être au centre de l'attention des autorités30. Les pays développés comme les pays en développement ont commencé d'appliquer les tarifs et les barèmes adoptés lors du Cycle d'Uruguay de 1994. A ces réductions décidées au niveau mondial se sont ajoutées des réductions, négociées au niveau régional (par exemple par la CEAP et le MERCOSUR). Selon les Accords du Cycle d'Uruguay, les engagements pris en matière de réductions tarifaires devraient être honorés d'ici l'an 2004, mais certains pays ont même avancé cette date, puisque le Canada, les Etats-Unis, le Japon et les pays de l'Union européenne sont convenus d'éliminer toutes les barrières tarifaires concernant les produits de la pâte à papier. Etant donné que les barèmes applicables aux produits forestiers dans les principaux pays importateurs étaient généralement déjà assez bas avant la tenue du Cycle d'Uruguay, on n'a guère enregistré de modifications marquées au niveau des marchés.

Certains pays en développement ont également accepté de réduire sensiblement leurs tarifs douaniers. Il faut souligner, à ce propos, l'importance des réductions concernant les produits forestiers opérées par l'Inde, ainsi que les négociations en vue de l'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). L'élimination d'autres restrictions aux échanges commerciaux, les licences d'importation notamment, a relancé le commerce des grumes en Inde ces trois dernières années. Parallèlement, les négociations amorcées avec la Chine, concernant les tarifs douaniers sur les produits forestiers, devraient aboutir prochainement et s'accompagner de réductions assez substantielles des tarifs chinois; selon les premiers échos, les droits perçus sur les produits du bois et de la pâte à papier pourraient être en moyenne réduits de moitié, tandis que les barèmes applicables aux produits dérivés du papier pourraient subir une baisse encore plus importante. Compte tenu de la masse démographique de l'Inde et de la Chine et de la demande potentielle qu'elles représentent, ces modifications revêtent une importance indéniable.

Les abaissements des barrières non tarifaires sont plus difficiles à cerner, mais les accords du Cycle d'Uruguay contribuent à mettre ce thème en relief. C'est ainsi que plusieurs des accords subsidiaires du Cycle d'Uruguay ont des conséquences importantes pour le secteur forestier: il s'agit principalement de l'Accord sur les obstacles techniques au commerce et de l'Accord sur l'application de mesures sanitaires et phytosanitaires.

Il semble que l'avantage principal découlant des négociations du Cycle d'Uruguay concerne l'impulsion donnée à la poursuite des réductions tarifaires et des efforts d'ouverture.

A l'heure actuelle, l'OMC débat des travaux du Comité du commerce et de l'environnement de l'OMC (voir ci-après), dont l'incidence concerne l'ensemble du secteur forestier, et examine l'amorce éventuelle d'un nouveau cycle de négociations multilatérales sur la libéralisation des échanges, analogue au Cycle d'Uruguay. Un certain nombre de pays se sont déclarés partisans d'un «Cycle du millénaire» qui pourrait commencer en l'an 2000, tandis que d'autres pensent qu'il convient, avant même de lancer de nouvelles négociations, d'attendre la pleine application de l'Accord du Cycle d'Uruguay ainsi que la solution des problèmes auxquels sont confrontés les pays en développement. Aucun accord n'a été atteint sur ce point.

Outre les réductions découlant du Cycle d'Uruguay, on voit apparaître de nouveaux accords régionaux qui établissent des conditions préférentielles pour les échanges ou, souvent, instaurent des zones de libre-échange. Parmi ces accords, qui comportent tous des réductions affectant le secteur forestier, citons notamment: l'Union européenne, l'ALENA, la Coopération économique Asie-
Pacifique (CEAP), l'ANASE, le MERCOSUR, le CARICOM, l'Accord commercial de rapprochement économique australo-néo-zélandais (ACREANZ), ainsi que l'Accord régional de commerce et de coopération économique pour le Pacifique sud (SPARTECA).

A titre d'exemple, la CEAP a proposé l'adoption d'un calendrier pour la libéralisation des échanges dans l'ensemble de la région; aux termes de cet accord, les pays s'engagent à créer, d'ici l'an 2010 pour les économies industrialisées, et d'ici l'an 2020 pour les économies en développement, une zone où les échanges et les investissements pourront se faire en toute liberté. Au mois de novembre 1997, le secteur forestier a été sélectionné comme l'un des 15 secteurs d'application d'une libéralisation sectorielle volontaire anticipée qui prévoit l'application volontaire, par les pays membres, d'un programme accéléré de libéralisation des échanges. Les travaux d'élaboration des propositions conduisant à cette libéralisation devraient s'achever d'ici la fin de 1998, l'objectif principal étant la réalisation d'un marché libre des produits forestiers entre les économies de la CEAP d'ici le milieu de la prochaine décennie.

Autre illustration, des préparatifs de négociations devant conduire à la création d'une zone de libre-échange des Amériques en l'an 2004 ont été entamés.

Certains observateurs ont émis la crainte qu'une telle prolifération d'accords régionaux ne vienne entraver les efforts entrepris à l'échelle mondiale. On peut également craindre que les répercussions de la crise économique de l'Asie et, en particulier, des problèmes que traverse le Japon, n'aggravent les difficultés actuelles du système d'échanges commerciaux. On craint à l'heure actuelle que la récession économique incite les pays à se prémunir contre la concurrence suscitée par la sous-enchère en matière d'importation, ce qui pourrait entraîner une résurgence des mesures protectionnistes.

Echanges commerciaux et environnement: facteurs incidents et évolution

Bien qu'il y ait accord général sur le fait que les échanges commerciaux et la protection du milieu naturel devraient être discutés ensemble, les points de vue divergent fortement quant aux résultats que l'on peut espérer obtenir et aux mesures à prendre. Se pose également la question des thèmes à définir comme prioritaires, outre celle de savoir, en cas de différend, lesquels des organismes régulateurs du commerce ou de ceux chargés de protéger l'environnement seraient prédominants.

Toujours est-il que la relation entre les échanges commerciaux et l'environnement a été jugée suffisamment importante pour être portée au programme du Groupe intergouvernemental sur les forêts (IPF). Le caractère complexe et controversé des questions traitées a été mis en lumière par l'incapacité de l'IPF de parvenir à un accord sur nombre de ces questions, si bien que la question a été transmise au Forum intergouvernemental sur les forêts (IFF) pour complément d'examen.

Le désaccord devait persister à la réunion de l'IFF, en septembre 1998, au cours de laquelle furent abordées des questions comme l'accès au marché, le commerce et l'aménagement durable des forêts, la relation entre les obligations découlant des accords internationaux et les mesures nationales encadrant le commerce, de même que le commerce illicite; sur aucun de ces points il ne fut possible de parvenir à une entente. Ces questions seront à nouveau examinées en vue d'un accord lors de la réunion organisée en février 1999 par le Gouvernement brésilien, la CNUCED et l'OIBT sur le thème de l'aménagement durable des forêts lié aux échanges commerciaux. Quant à l'IFF, ses délibérations sur le sujet reprendront à sa troisième session, en mai 1999.

Parmi les questions controversées que suscite le rapport entre les échanges commerciaux et l'environnement, la certification figure en bonne place (voir le point suivant). Les pays producteurs, comme les groupements de négociants, soulignent qu'elle va restreindre les échanges, tandis que les pays consommateurs et les groupes de pression écologistes se félicitent des effets qu'elle peut avoir sur l'environnement; quant aux organismes qui représentent les consommateurs, ils sont nombreux à voir dans l'étiquetage écologique31 la réponse à un grand nombre de problèmes.

Certaines des questions abordées dans le cadre du débat entre échanges commerciaux et environnement sont en cours d'examen au Comité du commerce et de l'environnement de l'Organisation mondiale du commerce, parmi lesquelles l'étiquetage écologique, l'accès au marché, les effets de la libéralisation des échanges commerciaux et les conséquences des accords passés dans le cadre de l'OMC (voir, par exemple, OMC, 1998). Bien que le Comité du commerce et de l'environnement (CCE) se préoccupe principalement de questions commerciales d'ordre général plutôt que de secteurs particuliers, le secteur forestier semble offrir un point de convergence, en raison des nombreux liens avec l'environnement. Les délibérations du CCE portent notamment sur les sujets suivants, qui ont tous un rapport avec la foresterie:

La certification des produits forestiers: le point de la situation

La certification des produits forestiers continue de figurer parmi les thèmes d'actualité prioritaires et sujets à controverse. Par ailleurs, on a soulevé la possibilité d'une extension de la certification aux produits forestiers non ligneux, ce qui ne manquerait pas de multiplier les difficultés.

Il n'est guère facile de se procurer des statistiques précises sur les superficies forestières et les volumes de bois donnant lieu à certification, et l'interprétation de ces données est souvent délicate. Selon le Conseil de gestion des forêts (FSC), environ 10,3 millions d'hectares ont été certifiés par des agents accrédités du FSC32. Il convient de remarquer que 90 pour cent de la superficie concernée se trouvent dans des pays développés à climat tempéré, principalement en Europe et en Amérique du Nord, la Suède et la Pologne représentant à elles seules 58 pour cent du total. Dans ces conditions, seule une part minime des surfaces certifiées se trouve dans les pays tropicaux, là où précisément les problèmes de déboisement se posent avec le plus d'acuité. On ne connaît pas le volume de bois concerné, ni les volumes mis sur le marché ou sur le point de l'être; on peut dire, toutefois, qu'ils restent marginaux, tant au plan mondial qu'au plan régional. En conséquence, la superficie des forêts certifiées n'est pas un indicateur fiable des volumes de bois commercialisé, étant donné que certaines portions des surfaces certifiées peuvent ne pas avoir atteint la maturité, ou ne pas contenir d'espèces commerciales, ou, dans les cas extrêmes, ne plus avoir d'arbres du tout.

Les efforts de certification ont été entrepris à tous les niveaux: international (le FSC, et l'Organisation internationale de normalisation [ISO]; régional (OAB, Normes de gestion et d'audit de l'environnement de l'Union européenne [EMAS]; et national (Brésil, Canada, Finlande, Ghana, Indonésie et Suède). Au cours des deux dernières années, les nouvelles initiatives ont foisonné, et de nombreuses forêts sont venues s'ajouter aux forêts certifiées ou sont en phase de l'être. Parmi les pays importateurs, les plus intéressés sont les pays européens, notamment l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Quant aux pays exportateurs partisans de la certification, leurs principaux débouchés se trouvent en général en Europe et, dans une moindre mesure, aux Etats-Unis; c'est pourquoi des pays comme le Canada, la Finlande l'Indonésie, la Malaisie et la Suède n'ont pas ménagé leurs efforts pour mettre sur pied des systèmes nationaux de certification.

Ces systèmes ont pour base une évaluation de la qualité de la gestion forestière, et ils s'appuient sur deux approches principales, dont les mérites relatifs donnent lieu à de profondes dissensions: l'approche du FSC, qui mise sur les résultats et selon laquelle il faut atteindre un certain niveau de qualité de gestion des forêts couvrant tous les aspects, y compris les aspects sociaux; et l'approche de l'ISO, axée sur le système de gestion et qui vise à faire adopter par les intéressés des systèmes spécifiques de gestion comportant l'application de mesures et de procédures précises. L'approche du FSC prévoit également, comme clé de voûte du processus, une surveillance des différents stades de responsabilité. Signalons que le principe de la chaîne de responsabilité est souvent critiqué comme étant d'application difficile et trop onéreux.

Les Etats se partagent entre ces approches, ou adoptent une variante adaptée à leurs conditions particulières. Pour beaucoup, ces deux approches en matière de certification sont incompatibles, mais, de plus en plus, on envisage qu'elles pourraient être complémentaires et coexister. Sans doute se rend-on compte que, sans concession mutuelle, il sera difficile de progresser dans l'unité.

Il arrive d'ailleurs que différents groupements procèdent, à l'intérieur d'un même pays, selon des méthodes différentes. Ainsi, la Suède a récemment annoncé que les grandes sociétés d'exploitation forestière et le FSC se sont entendus sur un système de certification basé sur les principes du FSC. Cependant, les petits propriétaires forestiers de la Suède ont rejeté cet accord et s'en tiennent à leurs propres méthodes.

Or, de nombreux pays se soucient précisément de l'incidence que peut avoir la certification sur les petits propriétaires, et la question revêt en effet une grande importance dans les pays où une bonne partie des terres forestières sont détenues par un grand nombre de petits, voire tout petits propriétaires, dont les parcelles ne dépassent pas 10 ha. En Finlande, par exemple, 62 pour cent des terres forestières sont détenues par 440 000 propriétaires privés, ce qui représente une moyenne de 26 ha par propriété. L'Etat détient 25 pour cent des terres forestières, les grandes compagnies 8 pour cent, et les divers organismes, tels que municipalités, paroisses, communautés forestières, 5 pour cent. Plus significatif encore, en France, quelque 4 millions de propriétaires privés se partagent près de 10 millions d'hectares de forêts, soit une moyenne de 2,8 ha par lot. Même aux Etats-Unis, où de grandes sociétés privées détiennent d'importantes superficies forestières, près de 60 pour cent des terres forestières à vocation commerciale sont détenues par une dizaine de millions de petits agriculteurs et propriétaires terriens.

Ces petits propriétaires craignent que le système de certification que l'on cherche à faire adopter ne leur soit défavorable et qu'il ait pour effet de restreindre leur liberté, de les exclure des marchés ou d'être trop onéreux. A leurs yeux, bon nombre des principes préconisés par ces systèmes sont soit hors de portée des petits producteurs, soit inadaptés à leur situation (voir encadré 12).

 

ENCADRÉ 12
La certification des petits propriétaires forestiers


Les petits propriétaires forestiers, sans pour autant prendre position contre le processus de certification, sont opposés aux systèmes qui leur sont proposés ainsi qu'à leurs modalités d'élaboration. Ils considèrent que ces régimes ont été conçus pour répondre aux besoins des grands propriétaires forestiers, sans prendre en considération les caractéristiques particulières de la petite propriété.

Ces petits propriétaires s'inquiètent à divers propos.

· De nombreux principes et critères édictés par ces systèmes ne reflètent pas les pratiques d'aménagement qui conviennent aux petites forêts.
· Les critères d'ordre social et environnemental sont inadaptés à la situation des petits propriétaires et conviennent plutôt aux grandes surfaces forestières ou à un pays pris dans son ensemble.
· Il est difficile de suivre les flux de bois provenant des petites forêts.
· Les critères de certification sont défavorables aux plantations, en particulier aux petites forêts plantées.
· Les procédures de certification et le contrôle des processus correspondants restreignent la marge de manœuvre des petits propriétaires en matière de réaffectation des terres.
· Le coût de certification des petites forêts est prohibitif, puisque les frais de la certification initiale et de la surveillance annuelle ne sont pas amortis sur un nombre suffisant d'hectares.

Ces préoccupations ont incité un certain nombre de pays, dont l'Espagne, la Finlande, la France, la Norvège, le Portugal et la Suède, à mettre au point des régimes de certification convenant davantage aux petits propriétaires forestiers. C'est ainsi que le système proposé en Finlande, basé sur la certification volontaire, pourrait s'appliquer à trois niveaux différents: i) la certification des propriétaires forestiers à titre personnel; ii) la certification collective, dans le cadre d'associations d'aménagement des forêts couvrant en moyenne 80 000 ha et regroupant quelque 1 500 propriétaires; et iii) la certification collective au niveau de centres forestiers finlandais, couvrant en moyenne 1,5 million d'hectares d'espaces forestiers et regroupant 30 000 propriétaires. L'autorité responsable de l'enregistrement serait l'Institut finlandais de l'environnement, tandis que l'accréditation des agences de certification relèverait du Service finlandais d'accréditation.

 

Les transformateurs de produits forestiers et les fabricants de pâte à papier utilisent des matières premières dont il est difficile et coûteux de retracer l'origine car un trop grand nombre de fournisseurs sont impliqués. Cette matière première se compose de déchets ou encore de matériaux recyclés ou réemployés, provenant de sources diverses et réintroduits dans le processus de fabrication; les composants peuvent être revendus à des transformateurs en aval, tandis que certains produits sont recyclés et transformés à leur tour. Ces différents cycles nécessitent une adaptation constante des règles et des procédures de certification. Certains ont envisagé une certification qui n'exigerait pas que la totalité des matériaux entrant dans les produits finis soit certifiée, mais seulement une proportion minimale.

Au cours des deux dernières années, plusieurs éléments nouveaux sont intervenus, notamment:

En dépit de tous ces efforts, un certain nombre de questions liées à la certification et à ses perspectives d'évolution demeurent en suspens. Les indices sont minces d'une incidence, positive ou négative, de la certification sur les marchés: l'application la plus évidente en matière de certification concerne la superficie de forêts certifiées; en revanche, rien ne démontre de façon tangible que des volumes importants de produits certifiés soient commercialisés. Cela tient en partie aux faibles quantités certifiées à la production, mais s'explique aussi peut-être par un manque d'intérêt de la part des acheteurs.

Il est trop tôt pour prédire si la demande de bois certifié est destinée à augmenter, et si les prix obtenus seront plus élevés. Même si les marchés se montrent théoriquement intéressés, la demande, encore limitée, demeure relativement stagnante et les prix ne semblent pas avoir augmenté. En effet, plusieurs études de marché (par exemple Brockmann, Hemmelskamp et Hohmeyer, 1996) ont conclu qu'il n'existait pas de signe probant d'une demande substantielle pour des produits certifiés.

On n'a pas non plus répondu à la question de savoir si la certification contribuera véritablement à améliorer la gestion des forêts là où la déforestation fait le plus de ravages, c'est-à-dire dans les pays en développement. Rappelons que la certification avait été initialement préconisée par les groupements écologiques comme instrument permettant de prendre appui sur les marchés pour améliorer l'aménagement des forêts et réduire la déforestation. A l'heure actuelle, il semble que la certification soit davantage utilisée par les opérateurs comme argument de vente destiné à élargir leurs débouchés et à les consolider. Cependant, certains propriétaires forestiers, tout en ne négligeant pas cette ouverture sur le marché, reconnaissent dans la certification une méthode permettant de mieux gérer leurs forêts (voir encadré 13).

 

ENCADRÉ 13
Pourquoi Precious Woods a décidé de demander
la certification du FSC


En 1997, la succursale brésilienne de Precious Woods, Madeireira Itacoatiara Ltda (MIL), a obtenu la certification de conformité aux principes du Conseil de gestion des forêts (FSC). Bien que consciente du fait que la certification signifiait un investissement financier et en personnel d'au moins cinq ans, MIL avait opté pour cette dernière parce qu'elle en attendait une amélioration de sa gestion interne ainsi qu'un élargissement de ses débouchés. Pour Precious Woods, la certification permettait de souligner l'engagement à long terme de la société à l'égard des critères de responsabilité écologique et sociale, et elle prévoyait d'en retirer les avantages suivants.

Amélioration des débouchés

Compte tenu de la tendance, sur certains des marchés ciblés par la société, à boycotter le bois d'œuvre tropical ou à en restreindre les achats, il était important d'obtenir un «label écologique» indiquant que Precious Woods se conformait à des méthodes d'exploitation respectueuses de l'environnement: la certification devait donc faciliter la commercialisation des produits, dans la perspective d'une reprise des marchés des bois tropicaux, soit du fait de nouveaux débouchés, soit de la reconquête des marchés perdus par suite des campagnes de boycott. Muni du certificat, le bois tropical produit par la société pourrait être plus facilement exporté vers des marchés sensibilisés aux critères écologiques, notamment ceux d'Europe centrale et septentrionale. La certification devait donc être le témoignage de l'engagement pris par la société à aménager et à gérer ses forêts tropicales selon des critères écologiques. Ce témoignage ainsi que la promotion de l'image de la société devaient être renforcés par une large diffusion, dans le public, des méthodes de certification, de leurs critères et de leurs résultats.

Avantages pour l'entreprise

La société prévoyait qu'en soumettant à l'examen d'experts indépendants ses principales activités forestières, notamment dans les secteurs sensibles au plan écologique, elle recueillerait les éléments nécessaires à une réorganisation de ses activités destinée à atténuer les problèmes écologiques. Ce processus d'évaluation, conduit sur une période suffisamment longue, devait donc comporter des avantages tant pour la société que pour les organes de certification.

Source: Texte fourni par la Société Precious Woods (Suisse).

 

Quelles que soient les incertitudes évoquées ici, l'intérêt pour la certification gagne du terrain. Il semble indubitable qu'à court ou à moyen terme tout au moin, les superficies forestières soumises à certification connaîtront une expansion, à mesure que des pays comme le Canada, la Finlande, l'Indonésie et la Malaisie parachèveront la mise au point de leurs systèmes. Il est toutefois difficile de prédire où exactement la certification sera finalement adoptée, et quel régime, ou combinaison de régimes, finira par prévaloir. La solution, et l'incidence qu'elle aura, dépendra de la nature des marchés où elle sera appliquée, de la force du soutien apporté par les consommateurs, les législateurs et les opérateurs des marchés concernés, enfin de la mesure dans laquelle on parviendra à une harmonisation des régimes, ou tout au moins à une reconnaissance mutuelle de pratiques différentes. La certification peut s'étendre sur certains marchés et y avoir une incidence; en revanche, elle peut aussi être limitée à quelques marchés particuliers et à quelques utilisations, par exemple le marché des meubles de valeur. Peut-être son impact s'amenuisera-t-il avec le temps. Le facteur déterminant, en la matière, sera la réaction des consommateurs aux produits, et il est beaucoup trop tôt pour se lancer dans des prédictions en la matière.

PERSPECTIVES DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE POUR LE BOIS ROND INDUSTRIEL ET LES PRODUITS DU BOIS

La FAO vient de réaliser deux nouvelles études sur l'offre et la demande mondiales: le Modèle de l'offre mondiale de fibres (GFSM) (FAO, 1998a) et l'Etude sur les perspectives mondiales pour les produits forestiers (FAO, 1999). Une étude importante et plus détaillée sur le secteur forestier pour la région Asie-Pacifique a également été récemment produite (FAO, 1998f). Au lieu de se concentrer sur des prévisions de marché qui risquent d'être démenties par l'évolution de la conjoncture macro-économique (comme cela s'est produit récemment en Asie), ces études se sont davantage intéressées aux répercussions probables de l'évolution du marché des produits forestiers sur les politiques. Le texte suivant décrit brièvement les principaux éléments nouveaux prévus pour les marchés et analyse leurs répercussions dans le contexte de la gestion durable des forêts.

Perspectives de la production et de la consommation des produits forestiers par région

La figure 4 présente la situation actuelle de la production et de la consommation de bois et les prévisions pour l'an 2010, par région. (La consommation et la production actuelles de bois par produit et par pays sont indiquées au tableau 4, annexe 3.) De 1996 à 2010, la production et la consommation mondiales de produits forestiers à usage industriel devraient augmenter à un rythme annuel d'environ 1,7 pour cent, pour passer de 1,49 milliard de mètres cubes à 1,87 milliard de mètres cubes. En 2010, la production sera donc d'environ 25 pour cent supérieure à son niveau actuel. Elle ne dépassera toutefois que d'environ 10 pour cent le pic de production enregistré autour de 1990 (1,7 milliard de mètres cubes).

 

FIGURE 4
Production et consommation de bois rond industriel
(converties en équivalent bois brut - EQ):
situation en 1996 et prévisions pour 2010

 

La croissance variera selon les régions, l'Asie et l'Océanie enregistrant probablement les taux d'expansion les plus forts. D'évidence, le développement que l'on sent en Asie dépassera toutes les évaluations qui peuvent être avancées concernant le marché des produits forestiers (voir encadré 14). On prévoit une croissance généralement lente de la consommation en Afrique et en Amérique du Sud, et une croissance lente tant de la consommation que de la production pour la région Amérique du Nord/Amérique centrale. Celle-ci conservera sa place de première région productrice et exportatrice dans le monde.

 

ENCADRÉ 14
L'impact de la récente crise en Asie
sur les prévisions de l'offre et de la demande


Le modèle utilisé pour produire les prévisions d'offre et de demande dans l'Etude sur les perspectives mondiales des produits forestiers a également été utilisé pour évaluer l'impact potentiel de la crise asiatique sur les marchés mondiaux. L'objectif est d'analyser les conséquences sur le secteur forestier dans la perspective de 2010 et non de prédire les fluctuations de marché à court terme.

En avril 1998, les analystes projetaient une reprise de la croissance économique en Asie, après une récession dont la durée et la gravité restaient sujets à désaccords. Selon une projection fondée sur une croissance économique ralentie en République de Corée, en Indonésie, en Thaïlande et en Malaisie, on estime que la consommation totale de la région en produits ligneux de toutes catégories sera de 4 à 5 pour cent inférieure aux prévisions initiales pour 2010.

En raison du ralentissement de la croissance économique dans ces pays et de la dévaluation de leurs devises, les importations de biens de consommation se sont arrêtées, alors que la région avait été une grande importatrice. Mais les pays les moins touchés par la crise pourraient augmenter leurs importations de produits forestiers si les prix bruts baissent, même si cela affecte la production intérieure. Ces effets compensatoires expliquent combien il est difficile de dessiner un ajustement structurel.

D'une manière générale, la situation reste très incertaine, car il est difficile de prévoir à quel niveau les devises vont s'ajuster et quels seront les effets du niveau des changes sur le commerce. La difficulté à appréhender et à prévoir les répercussions de la crise financière sur les disponibilités de capitaux dans la région s'ajoute à la précédente pour rendre toute analyse prospective aléatoire. Toute prévision de croissance suppose une grande disponibilité de moyens d'investissement aux prix de compensation du marché. Cette crise financière est caractérisée par un changement complet et un réajustement du rôle des marchés de capitaux, ainsi que du rôle des responsabilités et des disponibilités des Etats, des organismes financiers, des entrepreneurs et des investisseurs. Jusqu'à ce que ces divers rôles se précisent, les apports financiers à la région resteront limités. Dans une hypothèse de restriction financière, la production de la région ne connaîtra qu'une croissance limitée et la consommation stagnera.

 

En 2010, l'Europe, l'Asie et la région Amérique du Nord/Amérique centrale représenteront environ 85 pour cent de la production et plus de 90 pour cent de la consommation (une part pratiquement inchangée par rapport à 1996). Toutefois, dans ce groupe, l'Asie devrait conquérir une petite part (environ 5 pour cent) de la consommation mondiale aux dépens de l'Amérique du Nord/Amérique centrale.

Du point de vue du solde net des échanges (la différence entre les pics de consommation et de production dans la figure 4), l'Asie continuera d'être la seule région importatrice nette de bois rond et de produits du bois dans le monde. Cependant, si les flux commerciaux ne devraient pas changer, ils revêtiront des formes nouvelles. Depuis les années 50, les échanges de produits forestiers par rapport à la production totale sont en constante augmentation. Le commerce ne doit cesser de croître, à la fois en volume et par rapport à la production.

Cette augmentation des échanges s'explique par deux facteurs. Premièrement, on peut prévoir que les pays continueront à donner la priorité au développement de leurs propres industries de transformation plutôt qu'à l'exportation du bois rond et de la pâte à papier. L'augmentation des exportations de produits à valeur ajoutée entraînera une diminution de celles des produits semi-transformés. Par exemple, une proportion plus forte de produits comme les sciages et les panneaux sera transformée, en aval, en meubles et en fournitures de menuiserie. Deuxièmement, l'expansion attendue des marchés intérieurs des pays en développement va donner naissance à des économies d'échelle en matière de transformation, de design, de fabrication à la chaîne et de distribution. La spécialisation, la segmentation du marché et la concurrence vont promouvoir le commerce à la fois intrarégional et international.

Côté offre, les facteurs d'augmentation de la production de bois rond et de produits forestiers varieront beaucoup d'un pays à l'autre. Dans certains pays, la production de bois rond augmentera sous l'effet de facteurs liés à l'offre: de nouvelles zones forestières seront mises en exploitation et d'importantes plantations arriveront à maturité (par exemple dans les pays situés dans la partie méridionale de la ceinture du Pacifique). Ailleurs, la hausse de la production sera plutôt le fruit d'une augmentation de la demande consécutive à une forte croissance économique (par exemple dans la plupart des pays européens et de nombreux pays asiatiques). Dans les pays où l'impulsion de la demande sera forte, en particulier dans les pays où les ressources forestières sont limitées, les producteurs de produits du bois commenceront à envisager d'utiliser une gamme plus élargie de matières premières que par le passé (voir encadré 15).

 

ENCADRÉ 15
La gamme étendue des ressources potentielles en bois et
en fibres dans la région Asie-Pacifique


Une analyse des perspectives d'approvisionnement pour toutes les sources potentielles de bois et de fibres a été réalisée dans le cadre de l'Etude sur les perspectives du secteur forestier pour la région Asie-Pacifique. Cette analyse a repris les données de plusieurs études sur le potentiel d'approvisionnement à partir des forêts naturelles, des plantations et des arbres hors forêt, ainsi que de la collecte et de la transformation des résidus des récoltes et de la transformation du bois, des fibres recyclées et des fibres non ligneuses produits dans la région chaque année. Les principales conclusions sont présentées dans la figure à la page 51.

Les prévisions ont été établies en fonction des technologies actuelles (il a toutefois été tenu compte de l'évolution de la récupération des déchets-papier) et des politiques actuelles (par exemple en ce qui concerne la superficie de forêt en régime protégé). Le maintien de la propension à convertir les forêts à d'autres usages a également été incorporé aux prévisions. Les tracés horizontaux indiquent la prévision de production prévue de fibres recyclées et non ligneuses, de bois à pâte, de grumes de sciage et de bois de chauffe dans la région en 2010.

Comme cette figure l'indique, la région possède un potentiel important de production de grumes de sciage et d'autres fibres qui habituellement ne sont pas prises en compte dans une analyse de l'offre et de la demande de bois des forêts naturelles et des plantations. Or, la production des autres fibres de sources non forestières couvre plus de besoins que la source forestière. Par exemple, les arbres hors forêt ont un potentiel de production de bois rond de petit diamètre deux fois supérieur à celui des plantations forestières, en raison des superficies importantes occupées par les terres agricoles (notamment par des cultures arbustives) dans la région. Toutefois, les statistiques sur les arbres hors forêt sont totalement insuffisantes, l'ampleur précise de cette ressource demeure inconnue. Il se pourrait également que la récupération du papier et des résidus de transformation du bois couvre la totalité des besoins de bois à pâte de la région. Pour la production de grumes de sciage de bonne qualité, seules les forêts servent le secteur industriel. La moitié environ du potentiel de production de grumes de sciage de la région provient des forêts naturelles et un quart des plantations forestières. Toutefois, pour cette qualité, les arbres hors forêt qui représentent déjà le quart restant du potentiel de production, pourraient satisfaire une plus large proportion des besoins de production de bois de sciage.

Plusieurs pays possédant des ressources forestières limitées (par exemple de nombreux pays d'Asie du Sud) font déjà appel à un vaste éventail de sources pour les grumes de sciage et les approvisionnements en fibres. Les pays qui tirent actuellement une bonne partie de leurs ressources des forêts naturelles pourraient décider de poursuivre dans cette voie.

Sources: FAO, 1997j; 1998a; 1998f.

 

Production potentielle de grumes de sciage
et d'autres fibres dans la région Asie et Pacifique en 2010

 

Perspectives de la production et de la consommation de produits forestiers
par catégorie de produits

Le tableau 7 présente la situation actuelle et les prévisions pour la production et la consommation mondiales de produits forestiers par catégorie de produits. Comme par le passé, c'est le marché du papier et du carton qui devrait connaître la croissance la plus forte, avec un taux annuel de plus 2,4 pour cent (voir tableau 7 et figures 5 à 10). En revanche, la production de pâte de bois pour la fabrication de papier ne devrait augmenter que de 1,1 pour cent par an; on prévoit en effet une augmentation de la proportion de papier récupéré dans le volume total de composition de fabrication du papier. On peut s'attendre à une croissance modérée de la consommation des produits solides du bois, avec un taux annuel de 1,1 pour cent dans le cas des sciages et de 1,3 pour cent pour les panneaux de bois. L'essentiel de la croissance de la production et de la consommation des panneaux de bois proviendra des panneaux de bois reconstitués plutôt que du secteur des contre-plaqués.

 

TABLEAU 7
Situation actuelle et prévisions de la production et de la consommation mondiales
de produits forestiers, par catégorie de produits, 1996 et 2010

 

Production/consommation

   

Catégorie de produit

1996

2010

Croissance totale
1996-2010
(%)

Croissance annuelle
1996-2010
(%)

Bois rond industriel (en millions de m3)

1 490

1 872

26

1,7

Bois de sciage (en millions de m3)

430

501

17

1,1

Panneaux de bois (en millions de m3)

149

180

20

1,3

Pâte à papier (en millions de tonnes)

179

208

16

1,1

Papiers et cartons (en millions de tonnes)

284

394

39

2,4

 

FIGURE 5
Situation actuelle et prévisions de l'offre et de la
demande - Amérique du Nord et Amérique centrale

Note: Les chiffres négatifs représentent le volume des exportations.

 

FIGURE 6
Situation actuelle et prévisions de l'offre et de la
demande - Amérique du Sud

Note: Les chiffres négatifs représentent le volume des exportations.

 

FIGURE 7
Situation actuelle et prévisions de l'offre et de la
demande - Europe

Note: Les chiffres négatifs représentent le volume des exportations.

 

FIGURE 8
Situation actuelle et prévisions de l'offre et de la
demande - Afrique

Note: Les chiffres négatifs représentent le volume des exportations.

 

FIGURE 9
Situation actuelle et prévisions de l'offre et de la
demande - Asie

Note: Les chiffres négatifs représentent le volume des exportations.

 

FIGURE 10
Situation actuelle et prévisions de l'offre et de la
demande - Océanie

Note: Les chiffres négatifs représentent le volume des exportations.

 

Comparaison entre la production de bois et de fibres prévue et le potentiel de production

L'encadré 15 compare les niveaux estimés de production de bois rond pour la région Asie-Pacifique au potentiel de production (ou potentiel biologique estimé). Cette comparaison révèle que, de façon générale, la demande future en bois pourrait être facilement satisfaite à l'intérieur de la région. Toutefois, dans certains pays et pour certains types de bois (par exemple les billes de sciage), les disponibilités seront toutefois de plus en plus restreintes.

La FAO ne possède pas encore de données suffisantes pour évaluer de façon précise le potentiel de production pour le monde entier. L'étude GFSM couvre par exemple une bonne partie de la planète, mais elle exclut la contribution pourtant appréciable des arbres hors forêt. Toutefois, cette étude peut être utilisée pour comparer l'estimation des niveaux de production (tels qu'ils apparaissent à la figure 4) au potentiel d'approvisionnement des forêts et des sources de fibres ligneuses récupérées et non ligneuses pour certaines régions (tableau 8).

 

TABLEAU 8
Prévisions comparées entre le potentiel de production des forêts et celui
des fibres récupérées et non ligneuses, d'une part, et la production de bois
et de fibres en 2010, d'autre part
(en millions de m3 EQ)

 

Production prévue en 2010

 

Région

Bois rond
industriel

Fibres récupérées
et non ligneuses

Total

Potentiel total
de production
en 2010a

Afrique

84

2

86

81

Asie

421

222

643

729

Océanie

54

0

54

80

Europe

502

133

632

893

Amérique du Nord et centrale

658

147

805

835

Amérique du Sud

153

2

155

225

Total mondial

1 872

506

2 375

2 843

a Evaluations du GFSM (FAO, 1998a) ou évaluations officielles des gouvernements.

 

Comme le tableau 8 l'indique, les niveaux de production se situent parfaitement dans les limites du potentiel de production pour l'Amérique du Sud et l'Océanie, mais se rapprochent de la limite maximale en Asie et la dépassent en Afrique. La cinquième étude sur les tendances et les perspectives du bois en Europe (ECA/FAO Division de l'agriculture et du bois, 1996a) permet également de penser que l'Europe devrait disposer d'un approvisionnement suffisant pour répondre à ses besoins de production pour l'avenir proche. Toutefois, deux aspects méritent d'être retenus. Premièrement, l'étude GFSM présente des résultats qui devraient être considérés comme un volume maximal absolu de disponibilités. Les coûts qui devraient être engagés pour avoir accès aux zones de plus en plus marginales prises en compte dans l'analyse GFSM sont tels que l'offre potentielle totale indiquée au tableau 8 risque de ne pas être exploitée dans un avenir proche. Deuxièmement, il convient de rappeler que, si les approvisionnements sont peut-être abondants à l'échelle d'une grande région ou d'un pays, les pénuries locales pourraient pousser les décideurs forestiers à mettre en exploitation des zones de forêts naturelles.

Dans des régions comme l'Afrique et l'Asie, où les approvisionnements provenant des forêts (en particulier les grumes de grande taille) sont sous pression, les consommateurs de bois et de fibres devront de plus en plus se tourner vers d'autres sources pour répondre à la demande (comme ils le font déjà en Asie) s'ils ne veulent pas surexploiter les forêts. Ou, plus vraisemblablement, on assistera au renforcement de la tendance des marchés des produits forestiers à remplacer les bois de sciage et les contre-plaqués par d'autres panneaux à base de bois et par des produits de haute technologie, qui peuvent être fabriqués avec du bois de petites dimensions ou avec des substituts non ligneux.

Pour conclure, l'analyse de l'offre et de la demande réalisée par la FAO semble indiquer que la capacité des forêts et des autres sources de fibres suffira à répondre à la demande dans un avenir prévisible, bien que la situation puisse varier d'un pays ou d'une région à l'autre. L'Afrique et l'Asie du Sud devront avoir recours à un large éventail de sources non forestières d'approvisionnement pour couvrir leurs besoins. Par ailleurs, dans le cas précis des grumes de sciage de qualité supérieure, la demande égalera ou dépassera la capacité de production des forêts et des plantations dans des régions comme l'Afrique, l'Asie du Sud-Est et les îles du Pacifique.

On ne prévoit pas de hausse marquée des prix de ces produits au cours de la période prise en compte. De nombreuses régions peuvent satisfaire, voire dépasser, la demande de produits ligneux manufacturés. La récession mondiale actuelle va continuer à exercer diverses pressions sur les prix à la consommation. Il peut se faire que les pressions sur les prix de certains types de bois ronds de qualité supérieure s'exercent à la hausse; mais ces augmentations seront limitées par la concurrence du bois de moins bonne qualité et de substituts non ligneux. La tendance à transformer de plus en plus la matière première ligneuse devrait se maintenir à l'échelon national. Les flux commerciaux ne devraient pas changer, sauf en ce qui concerne les produits transformés sur place destinés à devenir plus importants, alors que les matières premières brutes ou semi-transformées diminueront.

Evolution possible des marchés

Offre de bois. Les sources de bois et d'autres fibres utilisées pour la production évolueront probablement à l'avenir. On prévoit que, dans la plupart des pays, la production de bois et de fibres délaissera de plus en plus les ressources forestières au profit d'autres sources végétales et d'autres d'approvisionnements. L'utilisation croissante des résidus de transformation du bois et des fibres recyclées dans l'assortiment des intrants utilisés constituera le changement le plus significatif. Ces sources secondaires prendront de plus en plus d'importance dans les régions plus développées d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Asie, tandis que les arbres hors forêt devraient jouer un rôle plus significatif, à mesure que les ressources forestières diminueront dans certaines régions moins développées.

On peut également prévoir une évolution des schémas d'approvisionnement à partir des forêts. Au cours des quelque 10 prochaines années, d'importantes plantations commerciales à rotation rapide (pour le bois à pâte) entreront en opération dans l'hémisphère Sud (voir le chapitre consacré aux plantations dans la première partie). Des plantations plus anciennes et encore plus étendues établies pour la production de grumes de sciage seront également mises en exploitation dans des pays comme l'Afrique du Sud, l'Australie, le Chili, les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Ces plantations constitueront le facteur principal de l'augmentation prévue du potentiel de production de bois. En revanche, rares seront les pays qui pourront accroître de façon durable la production des forêts naturelles sans effectuer des investissements considérables dans la sylviculture.

Des superficies importantes de forêt naturelle seront probablement placées en régime d'aires protégées. Un grand nombre des zones qui seront vraisemblablement choisies à des fins de conservation sont actuellement inexploitées et jugées inexploitables pour des raisons économiques (contraintes physiques, problèmes de transport, faible valeur du bois). Une diminution de l'intensité d'exploitation dans les forêts naturelles exploitables aurait une incidence plus forte sur les disponibilités futures potentielles. L'intensité de l'exploitation pourrait diminuer à l'avenir pour deux raisons:

La combinaison de ces facteurs pourrait avoir un effet spectaculaire sur les disponibilités futures de bois d'œuvre et renforcer le mouvement de conversion prévu des forêts naturelles aux forêts de plantation et aux sources d'approvisionnement non forestières décrites plus haut.

Evolution des technologies. Le changement technologique n'a été incorporé à l'analyse de l'offre et de la demande décrite ci-dessus que pour le secteur des pâtes et papiers, pour lequel on présume que la tendance actuelle à incorporer davantage de papiers recyclés dans la composition des fabrications se poursuivra. Ainsi, une tonne de papiers et de cartons en 1970 était constituée de plus de 80 pour cent de pâte de bois. En 1997, cette proportion était tombée à 56 pour cent et l'on prévoit que d'ici 2010 elle devrait être en deçà du seuil de 50 pour cent. Cela s'explique en partie par l'emploi accru des papiers recyclés, mais également par un déplacement des parts de marchés; la proportion des papiers d'imprimerie et des papiers d'écriture (dont la teneur en fibres est plus faible) sur l'ensemble du marché a augmenté, et cette tendance devrait se poursuivre à l'avenir.

D'autres changements technologiques pourraient se produire mais n'ont toutefois pas été pris en compte par le modèle. Premièrement, des améliorations apportées aux pratiques de récolte pourraient augmenter la récupération des billes et réduire les résidus d'abattage dans un nombre important de forêts. De nombreux pays en développement ont une marge appréciable d'augmentation de leurs taux de récupération des billes. Une hausse même modeste de ces taux dans des pays où les niveaux annuels d'abattage sont élevés pourrait augmenter la production et contribuer dans une large mesure à répondre à l'augmentation prévue de la demande de bois rond industriel.

Parallèlement, une augmentation des taux de récupération à l'usine pourrait avoir des répercussions considérables en diminuant la quantité de bois rond nécessaire pour la fabrication des produits (voir encadré 16). Dans le même ordre d'idées, les résidus pourraient être utilisés de façon plus efficace pour répondre à la demande des transformateurs de bois. Les connaissances actuelles sur l'utilisation des résidus d'usine sont très fragmentaires, en dehors d'un petit nombre de grands pays développés. Toutefois, on peut penser que des volumes importants de résidus jetés ou inutilisés sont récupérables. Comme l'Etude sur les perspectives en Asie-Pacifique l'a démontré, toutes ces sources pourraient représenter une contribution appréciable à l'offre de matières ligneuses.

Troisième changement technologique possible: la tendance à utiliser de plus en plus des panneaux reconstitués. Deux facteurs militent en faveur de cette hypothèse: les pressions à la hausse sur les prix en raison de la pénurie croissante de grumes de gros calibres et une évolution des technologies qui permettra d'employer ces produits là où, actuellement, seuls les contre-plaqués ou les sciages sont indiqués. Cette tendance aura également pour effet d'élargir la gamme des ressources (les taux de récupération des panneaux reconstitués sont habituellement plus élevés que pour les sciages et les contre-plaqués) et cela créera un marché tout prêt pour les résidus provenant d'autres secteurs industriels.

 

ENCADRÉ 16
Faits nouveaux dans la transformation des produits forestiers
susceptibles de diminuer l'utilisation de la matière première

L'évolution des technologies dans le secteur de la transformation du bois continue de suivre les tendances qui affectent les matières premières, les marchés et l'environnement. L'augmentation de la production de panneaux reconstitués, comme les panneaux à grandes particules orientées et les panneaux de fibres de densité moyenne, ainsi que l'évolution des techniques de fabrication des produits de haute technologie contribueront à une meilleure utilisation de la matière première. Les produits du bois à haute technologie augmentent les possibilités d'utilisation des billes de petit diamètre, de qualité inférieure et d'essences moins utilisées. L'emploi des microprocesseurs, pratiquement à chaque stade du cycle de production, augmente la qualité des produits et réduit la quantité de résidus produite.

Pour l'essentiel, ces nouvelles techniques de transformation du bois sont l'apanage des pays industrialisés et l'on ne sait pas dans quelle mesure elles sont utilisées dans les pays non industrialisés. Si les technologies actuelles et les nouvelles techniques qui augmentent l'efficacité des opérations de transformation étaient plus largement adoptées, cela pourrait freiner la hausse de la demande de matières premières pour les produits finis. On trouvera ci-après quelques exemples des technologies susceptibles d'ouvrir ces possibilités.

· Les techniques de fabrication des produits en bois lamellé de placage font de plus en plus appel aux dispositifs ultrasoniques de classement des placages, grâce auxquels une part importante des approvisionnements en placages sont soumis à des tests qui permettent d'établir s'ils sont aptes à être utilisés pour des produits lamellés plutôt que d'être automatiquement dirigés vers la fabrication de contre-plaqués. Ceci a permis d'augmenter de 75 pour cent la production de produits lamellés de placages et de multiplier par trois la production de solives en double té aux Etats-Unis, entre 1990 et 1996.
· On peut citer quatre nouvelles techniques de fabrication des panneaux à grandes particules orientées: une distribution plus efficace de la colle le long des particules de manière à diminuer la densification du matelas de fibres tout en obtenant les propriétés recherchées; l'augmentation des dimensions des panneaux, ce qui permet de diminuer les déchets de dégrossissage; des séchoirs de nouvelle génération qui endommagent moins les particules; et, enfin, l'adoption généralisée de fragmenteuses de grumes de grande dimension qui permettent de diminuer les pertes dues au dégrossissage des billes et aux traits de scie. Si les scieries utilisant des procédés plus anciens parviennent à des taux de récupération de l'ordre de 55 à 60 pour cent, celles qui se sont modernisées font état de taux de 60 à 63 pour cent (rapport entre le volume de bois qui entre à l'usine et le volume de produits qui en sort).
· Les nouvelles techniques mises au point pour les panneaux de fibres de densité moyenne (utilisés en particulier pour les pièces d'ameublement) comprennent le lamellage thermoformé tridimensionnel, l'impression sur surface et les techniques d'apprêt au mouillé. La production de panneaux de fibres de densité moyenne en Europe a été multipliée par trois, entre 1990 et 1997.
· Le volume croissant de matériaux de petit diamètre dans les scieries donne une impulsion à l'évolution de certaines technologies. Les scieries qui se spécialisent dans la fabrication de bois d'œuvre de petit calibre à partir de tiges de petit diamètre adoptent les techniques de sciage en courbe. Les dispositifs de classement automatique des grumes et l'optimisation des opérations au niveau des scies de premier débit et des points de façonnage secondaire (délignage, dégrossissage, resciage, équarrissage) sont en train de devenir la norme. La fabrication de montants de charpentes par aboutage à entures multiples réalisée à partir de pièces de longueur réduite récupérées sur des panneaux de coffrage et des dosses, qui auraient été naguère réduits en copeaux, devient de plus en plus répandue.
· L'utilisation de fibres autres que les fibres ligneuses pour la production de panneaux de particules est en hausse. Aux Etats-Unis et au Canada, on a construit, au cours des 10 dernières années, des usines de panneaux de particules à base de paille de blé. D'autres usines utilisant les tiges de coton ont été installées en Inde. En Malaisie, des usines de panneaux de fibres à densité moyenne récupèrent les résidus du palmier à huile comme matière première. Ces résidus sont essentiellement des particules de coquilles des noix de palme venant de la transformation des fruits. Les caractéristiques des particules de fibres sont comparables à celles du bois local et celles-ci permettent de fabriquer des panneaux de qualité.
· Dans le secteur des pâtes et papiers, le principal élément nouveau est l'augmentation de l'utilisation du papier de récupération. Le papier recyclé est de mieux en mieux accepté par les consommateurs, et des systèmes de désencrage plus efficaces ont été mis au point. Parmi les autres techniques qui pourraient entraîner une diminution de la demande de fibres par unité de production, on peut citer la carbonation en réacteur qui améliore l'utilisation des fibres non ligneuses en permettant la récupération des substances chimiques de cuisson (jusque-là rendue difficile par la présence de silice dans les plantes) et l'utilisation accrue de pâtes mécaniques dont le rendement est supérieur aux pâtes chimiques.

 

Implications politiques

L'analyse qui précède a abordé deux grands changements structurels qui devraient avoir lieu dans le secteur forestier. S'il est impossible d'en indiquer précisément le moment et le lieu (un bon nombre de ces changements se sont déjà produits en Europe, par exemple), il n'en reste pas moins que ces changements sont inéluctables. La question fondamentale pour de nombreux décideurs forestiers dans le monde est de savoir comment gérer ce processus. L'analyse de l'évolution future des marchés du bois semble indiquer que trois aspects - les prix, la mise en valeur des ressources humaines et les changements structurels - doivent retenir l'attention immédiate des décideurs (voir la deuxième partie de cet ouvrage, l'analyse des changements récents sur le plan des politiques et des institutions dans ce secteur).

Prix. Les prix constituent un indicateur très fiable de pénurie et, lorsqu'ils sont faussés, ils peuvent entraîner de graves erreurs d'affectation des investissements et des ressources. Environ 40 pour cent des approvisionnements mondiaux en bois d'œuvre proviennent de forêts privées, et une proportion probablement semblable est vendue sur des marchés concurrentiels (ou selon des modalités qui s'en rapprochent). Toutefois, les gouvernements ont, dans une large mesure, la maîtrise des prix du bois extrait des autres forêts (pour l'essentiel les forêts naturelles) et les prix sont souvent fixés à un niveau bas pour stimuler le développement industriel.

Fixer les droits de coupe à un niveau assez bas peut certes répondre à certains objectifs de développement, mais entraîne souvent des effets pervers, dont certains commencent à se manifester aujourd'hui dans de nombreux pays. La sous-tarification des ressources n'induit pas à améliorer l'efficacité dans la récolte et la transformation, diminue les incitations à investir dans les plantations et place les autres fournisseurs, comme les petits propriétaires et les recycleurs, en position de désavantage. Il faudra donc adopter de meilleures politiques des prix pour stimuler un élargissement des sources d'approvisionnement et encourager les gains d'efficacité qui seront à l'avenir nécessaires.

Pour les décideurs en matière de politique forestière et pour les administrateurs forestiers, un des principaux enjeux sera de produire les revenus nécessaires pour financer une gestion durable des forêts. A cet égard, une politique de prix compétitifs obéissant aux forces du marché constituera une première étape importante. Les décideurs devront essayer de voir comment ils peuvent créer des marchés concurrentiels pour le bois rond extrait des forêts naturelles, afin que les redevances qu'ils fixent reflètent la valeur marchande de la ressource et éliminent les distorsions en faveur du bois récolté dans les forêts naturelles.

Mise en valeur des ressources humaines. La foresterie est une activité à fort coefficient de main-d'œuvre. Afin d'adopter les améliorations technologiques et de permettre au secteur de répondre aux revendications croissantes en faveur d'une amélioration des normes de gestion et d'exploitation, le niveau de compétence du secteur devra augmenter de façon très significative.

Il s'agit là d'une tâche d'envergure si l'on considère le nombre de personnes employées dans ce secteur. On estime que l'emploi dans le secteur forestier industriel représente environ 1 million d'emplois (équivalent plein temps) dans les pays développés, et 2,7 millions dans les pays en développement (Poschen, 1997). De surcroît, le besoin d'améliorer les compétences ne s'arrête pas au secteur de la production. La diversification des sources d'approvisionnement et les améliorations souhaitables dans le domaine de la gestion - par exemple le travail avec les communautés locales - exigeront des efforts considérables de mise à niveau des aptitudes du personnel dans les administrations forestières et les divers organismes impliqués dans de nombreux pays.

Changements structurels. Dernier impératif pour ce secteur: accroître sa faculté de faire face aux changements structurels prévisibles. De nombreux gouvernements ont déjà adopté une gamme de mesures destinées à stimuler le développement de certaines branches de transformation du bois (par exemple dégrèvements fiscaux, contrats de concessions assortis de certaines conditions, interdictions d'exporter, etc.). Ces mesures devraient être revues à la lumière des changements attendus dans les schémas d'approvisionnement en bois (c'est-à-dire moins de grumes de grandes dimensions provenant des forêts naturelles, davantage de bois provenant des plantations et davantage de papier recyclé). En outre, les Etats devraient également tenir compte des investissements qui devront être engagés pour financer ces changements structurels.

Comme on l'a vu plus haut, les administrations forestières seront confrontées à une situation de plus en plus complexe. Afin d'obtenir des résultats en matière sociale et environnementale dans ce secteur, les services des organismes forestiers chargés de la conservation, des relations avec les communautés locales, de la gestion des bassins versants et de la vulgarisation, auront probablement besoin de ressources plus importantes. Des changements s'imposeront probablement dans les services administratifs traditionnellement influents, responsables de l'exploitation et de l'utilisation des ressources forestières. Les fonctionnaires responsables des approvisionnements en bois passeront d'une situation où ils avaient tout pouvoir sur un petit nombre de concessionnaires à celle d'un moindre contrôle sur un nombre plus élevé de petits fournisseurs. Ils devront envisager, pour tenir compte de ces changements, de céder une partie de ces pouvoirs de contrôle aux autorités régionales, locales, voire aux organisations communautaires.

27 La différence entre ce chiffre et le chiffre fourni à la figure 1 est due à l'incorporation de la liqueur noire dérivée du bois au calcul du montant de bois utilisé pour produire de l'énergie.
28 Ces chiffres ont pour source le Système d'information sur la dendroénergie (FAO-WEIS). Pour plus de détails sur ces chiffres, on peut consulter le site Internet: http//www-data.fao.org/waicent/faoinfo/forestry/energy/feforum.htm
29 Tous les chiffres cités dans ce chapitre ont été tirés de différents numéros de l'Annuaire FAO des produits forestiers, FAO, Rome.
30 Voir FAO, 1998e pour une analyse détaillée des restrictions affectant le commerce des produits forestiers.
31 L'étiquetage écologique vise à certifier que tous les stades d'élaboration du produit ont respecté certaines normes environnementales, y compris la production, le transport et la transformation. L'étiquetage écologique couvre donc un champ plus large que la certification, puisque cette dernière se borne à indiquer que le produit provient de forêts gérées selon les prescriptions environnementales, mais ne s'intéresse pas aux étapes ultérieures.
32 Données valables au 15 mai 1998. Pour 1996, les chiffres diffusés par le FSC et d'autres organismes de certification font état de 2,3 à 4 millions d'hectares de couvert forestier certifié (FAO, 1997d).

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