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DEUXIÈME PARTIE - POLITIQUES, PLANIFICATION ET MÉCANISMES INSTITUTIONNELS

La planification, les politiques et la législation nationales dans le domaine forestier: question d'actualité

L'ÉVOLUTION RÉCENTE DE LA PLANIFICATION NATIONALE DANS LE DOMAINE FORESTIER

Progrès accomplis en matière de programmes forestiers nationaux

Il n'est plus nécessaire de démontrer l'importance qu'il convient d'accorder à une planification nationale cohérente des processus favorisant une gestion durable des ressources forestières et une politique de l'environnement. On voit aujourd'hui converger, dans le monde entier, toute une série d'efforts de planification qui prennent comme référence un ensemble commun de principes et d'approches incarnés par les programmes forestiers nationaux (PFN).

L'expression «programme forestier national» recouvre, de façon générique, un large éventail de démarches retenues par les pays pour planifier, programmer et mettre en œuvre leurs activités forestières. Citons, parmi les cadres stratégiques considérés comme des PFN: les plans d'action forestiers nationaux, établis dans le cadre du Programme d'action forestier tropical ou élaborés ultérieurement par les pays; les plans directeurs forestiers; les revues du secteur forestier; les plans nationaux de lutte contre la désertification; les stratégies nationales de conservation de la biodiversité; les plans d'action nationaux concernant l'environnement et les stratégies nationales de gestion de l'environnement; les stratégies nationales de conservation; les volets forestiers des stratégies nationales de développement durable; ou encore les stratégies nationales de mise en œuvre d'Action 21. En l'espace de 13 ans, 128 pays ont élaboré ou actualisé leurs programmes forestiers nationaux, et, ces deux dernières années, 13 pays ont initié un PFN (voir le tableau 4, annexe 3).

L'objet de ces cadres stratégiques est d'assurer l'harmonie entre, d'une part, les plans et programmes forestiers nationaux et, d'autre part, les recommandations de la Conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement (CNUED) concernant la gestion durable des forêts. Rappelons que les PFN ont été entérinés par le Groupe intergouvernemental sur les forêts (IPF) et par le Forum intergouvernemental sur les forêts (IFF).

L'IPF a adopté les principes fondamentaux des PFN tels qu'identifiés par la FAO (voir encadré 17); il a également souligné l'importance d'une prise en compte des facteurs suivants lors de la mise en œuvre des PFN:

 

ENCADRÉ 17
Principes fondamentaux des programmes forestiers nationaux


· Souveraineté nationale et initiative venant des pays eux-mêmes.
· Harmonisation avec les politiques nationales et les engagements internationaux.
· Intégration aux stratégies nationales de développement durable.
· Partenariat et participation.
· Approches holistiques et intersectorielles.
· Réforme des politiques et des institutions, associée au renforcement des capacités.

 

Les principes fondamentaux des PFN définis par la FAO (1996c) ont été entérinés par l'IPF.

La deuxième session de l'IFF a reconnu la valeur des PFN, les qualifiant de «cadre efficace pour la solution des problèmes liés au secteur forestier, notamment pour la mise en œuvre des propositions émanant de l'IPF en vue d'une action globale, intégrée et multisectorielle». L'IFF a souligné qu'il importe de mobiliser des ressources supplémentaires pour mieux soutenir les PFN dans les pays en développement et en transition, en particulier ceux dont le couvert et l'écosystème forestiers sont fragiles. L'IFF a demandé à la FAO de présenter, à sa troisième session, prévue pour mai 1999, les résultats d'une enquête sur la mise en œuvre des PFN dans tous les pays concernés.

Un meilleur accès aux informations sur les forêts

On reconnaît de plus en plus, aujourd'hui, qu'on ne peut opérer une bonne planification des forêts au niveau national et instaurer un dialogue général sur les grandes orientations sans disposer de données et d'informations précises sur les ressources forestières. C'est pourquoi on a redoublé d'efforts pour identifier les lacunes en matière d'informations, pour améliorer et harmoniser les sources de ces informations et, enfin, pour renforcer les potentiels nationaux en matière de collecte et d'analyse des informations, dont la gestion et la diffusion occupent une place croissante dans la réflexion des responsables. Citons, en la matière, une initiative destinée à améliorer la disponibilité des informations: le Système mondial d'information sur les forêts (voir encadré 18).

 

ENCADRÉ 18
Le Système mondial d'information sur les forêts


Le rapport final du Groupe intergouvernemental sur les forêts (IPF) soulignait la nécessité d'améliorer l'accès aux informations sur les forêts: «Le Groupe a souligné la nécessité d'examiner et d'améliorer les systèmes d'information, dans l'optique d'un accès universel aux systèmes d'information, de manière à encourager l'application efficace des programmes forestiers nationaux, ainsi que les investissements privés, la mise au point et le transfert efficaces des technologies appropriées et une meilleure coopération» (Commission sur le développement durable, 1997).

En 1997, plusieurs organismes s'occupant de la collecte et de la publication des informations concernant les forêts ont étudié la possibilité d'une collaboration qui conduirait à un système mondial d'information sur les forêts, afin de répondre aux besoins des données précises, actualisées et accessibles sur les ressources forestières. La proposition reconnaît implicitement l'importance croissante des systèmes d'information électroniques, et en particulier d'Internet, comme véhicule s'imposant logiquement pour les échanges d'informations.

Afin de promouvoir cette initiative, le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR) et le Centre mondial de surveillance de la conservation ont tenu un atelier sur le thème «La transmission d'informations concernant les forêts sur Web», lors du onzième Congrès forestier mondial, qui s'est déroulé en octobre 1997. L'idée d'un système mondial d'information sur les forêts fut accueillie favorablement, et le Conseil exécutif de l'Union internationale des instituts de recherches forestières (IUFRO) fut chargé de le mettre sur pied. Il invita un de ses groupes de travail à soumettre un projet de structure. Sa proposition fut débattue et entérinée par la Consultation internationale sur la recherche et les systèmes d'information, réunion intersessions qui s'est tenue à Ort-Gmunden (Autriche), en septembre 1998. Il apparaît clairement que plus les sociétés prendront conscience de la valeur et du rôle des forêts, plus le nombre des usagers des informations forestières ira croissant, et plus la liste de leurs besoins s'allongera.

 

Il faut toutefois préciser que l'absence d'informations fiables permettant d'assurer le succès des initiatives en matière de gestion durable des forêts ne saurait être prétexte à l'inaction. Car on ne disposera jamais d'informations parfaites. La collecte et la gestion sont onéreuses, si bien que chaque pays doit sélectionner les informations les plus utiles et évaluer le rapport entre les avantages apportés et le coût de leur rassemblement et de leur gestion. Certains pays ne pourront tout simplement pas, faute de moyens, se procurer des données théoriquement nécessaires et devront donc élaborer des techniques leur permettant de planifier et de gérer à partir d'informations fragmentaires.

L'amélioration des bases d'information ne saurait, de surcroît, faire perdre de vue que l'information n'est qu'un des outils de l'analyse, qui, elle, est le point clé de la planification sectorielle et de l'élaboration des politiques. A mesure que la collecte d'informations s'organisera, les résultats normalisés seront plus faciles à gérer et à analyser et l'éventail des interprétations sera plus large.

LES QUESTIONS D'ACTUALITÉ EN MATIÈRE POLITIQUE

Les grandes priorités nationales sont influencées par l'évolution rapide des relations économiques internationales, notamment la libéralisation du commerce, les mouvements transnationaux de capitaux, la délocalisation des grandes entreprises et, plus encore, les intérêts nationaux.

En dépit des divergences observées d'un pays à l'autre, on relève trois grandes réorientations des politiques nationales: les responsables nationaux prennent de plus en plus conscience de la nature complexe et aléatoire des réformes de politique; l'interaction entre le secteur forestier et les autres secteurs de l'économie est mieux comprise; enfin, il est plus volontiers reconnu que les politiques choisies n'auront guère d'effet qu'en fonction de la capacité institutionnelle de mise en œuvre.

Complexité et effets aléatoires des réformes dans le domaine forestier

Les débats consacrés aux politiques de gestion durable des forêts ont mis en relief la complexité des relations de cause à effet dans ce domaine et du caractère aléatoire des répercussions à attendre. Ces dernières années, les analystes ont notamment cherché à mettre en lumière les causes sous-jacentes de la déforestation, les conséquences de la libéralisation des échanges commerciaux et l'impact des politiques d'ajustement structurel; l'incidence concrète de ces analyses sur les politiques en cours est loin d'être clairement définie. En effet, des mesures identiques peuvent, en fonction du contexte national ou local, produire des résultats très différents.

A titre d'exemple, les conclusions divergent à propos de la libéralisation des échanges commerciaux: est-elle propice à un meilleur aménagement et à une meilleure conservation des ressources forestières, ou pousse-t-elle, au contraire, à la destruction des forêts. Nombreux sont les écologistes qui mettent en garde contre la libéralisation des échanges car elle laisse, selon eux, les mains libres à certaines entreprises multinationales qui appliquent des méthodes de production nuisibles aux plans économique et environnemental et rétrogrades au plan social. Les défenseurs du libre-échange, de leur côté, affirment que la libéralisation favorise l'expansion économique et que - comme on l'a vu dans les pays industrialisés - l'amélioration des revenus finit par entraîner une gestion plus durable du patrimoine forestier.

Certains analystes, quant à eux, ont dénoncé la manière dont les programmes d'ajustement structurel encouragés par les institutions internationales auraient accentué les pressions exercées sur le patrimoine forestier. Ils y voient une source d'aggravation du chômage et d'effondrement des petites entreprises avec, en corollaire, une utilisation non durable des ressources forestières entraînant soit le défrichage des forêts à des fins agricoles, soit une surexploitation des produits forestiers, notamment du bois de feu, redevenu la seule source d'énergie. D'autres, en revanche, font observer que le bien-être économique engendré par les programmes d'ajustement permet une meilleure gestion à long terme du cadre écologique et atténue la déforestation et la détérioration des ressources.

Ce débat suffit à illustrer l'incertitude profonde qui règne à propos des effets des politiques nationales et la difficulté d'imputer telle retombée à telle décision.

Les liens intersectoriels

La complexité de l'analyse des effets des politiques a incité les responsables nationaux à tenir davantage compte des liens intersectoriels. Certains pays se sont ainsi résignés à constater la mise en culture de surfaces forestières de plus en plus étendues, sans tenir compte de l'augmentation prévue des rendements agricoles. L'élaboration de politiques équilibrées, qui contribueraient à une meilleure transition lors de cette conversion, reste un sujet peu abordé. Il en va de même pour d'autres secteurs qui empiètent largement sur les forêts, comme l'exploitation des mines, des gisements de pétrole et de gaz naturel, ou encore l'expansion du secteur agro-alimentaire et la construction des infrastructures. Il reste fort à faire pour intégrer les considérations intersectorielles à l'élaboration des politiques. Réciproquement, les réformes apportées dans d'autres secteurs n'accordent, en règle générale, qu'une attention limitée aux répercussions qu'elles peuvent avoir sur la gestion durable des forêts. Il faut toutefois signaler, dans ce domaine, quelques initiatives visant à réclamer aux autres secteurs une compensation pour les services que les forêts leur rendent. Le Costa Rica, par exemple, a mis sur pied un système de rétribution des services hydrologiques rendus par les forêts; et, aux Etats-Unis, la ville de New York a ouvert des marchés pour la protection des bassins versants des forêts; par ailleurs, les pressions exercées par les groupements écologistes ont obligé, dans certains cas, les autorités à accorder davantage d'attention au problème de la compensation.

Les réformes et l'évolution de la relation secteur public/secteur privé

Plusieurs gouvernements se sont efforcés de combler le handicap rencontré lors de la mise en œuvre des politiques en élargissant les responsabilités du secteur privé et en insistant sur l'interaction entre le secteur public et le secteur privé. Plusieurs gouvernements ont privatisé le contrôle et la gestion des ressources ainsi que l'usage des forêts qui relevaient auparavant du secteur public. De nombreux autres tentent également de mieux cerner l'interaction entre ces deux secteurs en éliminant notamment certaines subventions «aux effets pervers» et en s'attaquant aux activités illégales et à la corruption, tout en rationalisant les politiques de concessions forestières.

La privatisation. Certains pays, déçus des résultats médiocres et du gaspillage résultant de la gestion publique des ressources forestières et des entreprises chargées de leur exploitation, ont pris des mesures radicales pour privatiser ces ressources. La Colombie, par exemple, a transformé en titres de propriété officiels des droits d'occupation dont jouissaient certaines populations rurales en vertu de régimes fonciers traditionnels. Le Honduras a expérimenté la privatisation d'importantes portions de ses forêts de pins, et l'Etat a cédé plusieurs sociétés publiques d'exploitation forestière au secteur privé. Le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande ont poursuivi leurs programmes de privatisation, amorcés dans les années 80 (voir encadré 19), et d'autres pays, tel le Pérou, envisagent sérieusement de privatiser un certain nombre de régions forestières et de domaines d'activité.

 

ENCADRÉ 19
Privatisation des forêts domaniales au Royaume-Uni
et en Nouvelle-Zélande


Depuis le début des années 80, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande ont privatisé une part importante de leurs ressources forestières publiques, en suivant des démarches différentes: le Royaume-Uni suit une politique de cession graduelle, tandis que le Gouvernement néo-zélandais a décidé de se défaire extrêmement rapidement de la plus grande partie de ses plantations forestières.

Royaume-Uni

La privatisation a été introduite en 1979, comme l'un des volets majeurs de la politique du gouvernement conservateur fraîchement élu. La vente a commencé vers le milieu des années 80, le but étant de rationaliser la gestion des 900 000 ha de forêts domaniales. En matière de recettes, l'objectif était de tirer des revenus (150 millions de livres ou environ 315 millions de dollars EU) de la vente de 100 000 ha de forêts par voie d'appels d'offres concurrentiels ou de négociations avant l'an 2000.

En mars 1997, la Commission des forêts avait cédé 66 000 ha de terres, pour un produit de 75 millions de livres (environ 120 millions de dollars). Les forêts vendues se composaient principalement de plantations de conifères, généralement éloignées des centres administratifs ou présentant un quelconque problème de gestion. En revanche, les forêts offrant un intérêt autre que l'exploitation du bois d'œuvre ont généralement été conservées. Malgré cela, du fait que les forêts domaniales sont des lieux de loisirs pour les citoyens britanniques, des protestations de plus en plus vives se sont élevées, au début des année 90, contre le fait que le public n'avait plus accès aux forêts désormais privatisées. Face à ces protestations, la Commission des forêts a donné l'autorisation aux autorités locales d'inclure des clauses contraignantes préservant l'accès aux forêts destinées à la vente.

En 1994, on envisagea la privatisation totale du reste des forêts domaniales, mais l'idée fut rejetée pour les motifs suivants: les faibles chances de réussir à vendre l'ensemble du patrimoine en une seule fois et pour un prix raisonnable; la complexité juridique et administrative de l'opération et, par conséquent, son coût élevé; et la forte résistance qu'une telle initiative ne manquerait pas de susciter de la part de l'opinion publique.

Le gouvernement s'en tint donc à sa politique de cession graduelle de même qu'aux objectifs précédemment fixés en matière de ventes annuelles. Quant au nouveau gouvernement travailliste, il a tout simplement suspendu toutes les ventes jusqu'à nouvel ordre.

Nouvelle-Zélande

Le Gouvernement néo-zélandais a annoncé, en décembre 1987, son intention de privatiser les biens de l'Etat offrant une possibilité d'exploitation commerciale, y compris les forêts. En procédant à ces ventes, le gouvernement visait avant tout à réduire la dette publique. Cependant, la principale justification de la vente du patrimoine forestier relevait vraisemblablement de la conviction idéologique selon laquelle l'Etat ne devrait pas posséder de forêts à vocation commerciale. Le gouvernement se borna à vendre les plantations forestières qui fournissent la majeure partie des matériaux ligneux du pays; parallèlement, toutes les forêts naturelles appartenant au domaine public furent transférées au Ministère de la conservation. Une série de ventes eurent lieu entre 1990 et 1996, représentant environ 510 000 ha de plantations forestières.

Le but poursuivi était essentiellement d'améliorer l'efficience du secteur forestier ainsi que sa compétitivité internationale. On tenait, en particulier, à assurer l'approvisionnement des transformateurs, de manière à attirer de nouveaux investissements dans les industries forestières génératrices de valeur ajoutée. L'achat de forêts permettant aux transformateurs d'intégrer la fonction d'approvisionnement en matières premières à leurs autres activités devait contribuer à cet objectif.

Le processus se déroula en deux étapes. Dans un premier temps, les plantations gouvernementales, ainsi que les installations servant à la transformation, furent transférées à une société étatique. Une fois que l'exploitation se fut révélée fiable, les actifs furent mis en vente. Les acheteurs pouvaient acquérir les arbres et tous les biens de production immobilisés, mais ne bénéficiaient que d'un bail locatif pour les terres forestières octroyé par le gouvernement aux termes d'une licence négociable d'exploitation forestière de biens de la Couronne. Parmi les acheteurs figuraient des sociétés forestières néo-zélandaises, mais aussi plusieurs compagnies asiatiques ainsi qu'une société américaine.

Lors de toute privatisation, il faut décider si la vente est ouverte aux investisseurs étrangers. Dans le cas de la Nouvelle-Zélande, la décision était relativement simple: pour optimiser les recettes, il fallait limiter au strict minimum les entraves au processus et faire la plus large place aux appels d'offres concurrentiels. Le gouvernement avait constaté que les investisseurs étrangers étaient mieux placés pour se procurer les capitaux nécessaires et qu'ils investiraient probablement davantage dans les installations de transformation. Cette hypothèse devait se vérifier d'une manière générale. L'admission d'investisseurs étrangers dans le secteur forestier a eu plusieurs conséquences positives: l'introduction de nouvelles technologies, une meilleure connaissance du marché et de ses débouchés, et une amélioration de la rentabilité grâce à une intensification de la concurrence intérieure. Le principal revers de la médaille a concerné la réaction de l'opinion publique face à ce qu'elle percevait comme une prise de contrôle des ressources du pays par des intérêts étrangers.

 

Les subventions aux effets pervers. Quelques pays ont entrepris d'éliminer ou de réduire de façon substantielle les subventions au secteur forestier comme cela avait été fait pour les transports, l'agriculture et l'élevage bovin extensif, car ces subventions avaient eu des effets imprévus et négatifs sur les forêts. Les réformes ont souvent été encouragées par une politique générale d'austérité budgétaire et, dans certains cas, par le rétrécissement des débouchés internationaux pour les produits subventionnés (cette observation est notamment valable à propos de l'élevage bovin extensif, où l'élimination des subventions a coïncidé avec le déclin des ventes internationales de viande de bœuf).

Les activités illégales et la corruption. Dans plusieurs pays, les activités illégales et la corruption sont aujourd'hui perçues avec beaucoup plus d'acuité qu'auparavant. Au Brésil, une commission présidentielle a été constituée avec mandat d'enquêter sur l'ampleur et les conséquences des activités illégales et de la corruption dans le secteur forestier et d'imposer des réformes en vue de corriger la situation. Le Gouvernement de la Malaisie a pris des mesures énergiques en vue de récupérer les taxes non perçues du fait des fausses déclarations d'une vingtaine de sociétés peu scrupuleuses à propos du montant de leurs ventes. La Banque mondiale a déclaré officiellement la guerre aux activités illicites, en imposant notamment des conditions à l'octroi de prêts, en vue d'inciter à la création de mécanismes anticorruption où la surveillance est exercée par des tierces parties indépendantes.

Les concessions forestières. Au cours de ces dernières années, un certain nombre de pays dont la Bolivie, le Brésil, le Cameroun, le Canada, le Costa Rica, la Malaisie et le Suriname ont amendé leurs politiques de concession d'exploitation forestière de manière à réduire, voire éliminer si possible le gaspillage, tout en encourageant une utilisation et une gestion plus durables des forêts et en améliorant la situation des populations locales. On a prévu, à cette fin, divers mécanismes, suggérés à maintes reprises par les experts mais rarement mis en œuvre, visant à estimer la valeur des concessions. Pour ce faire, on prend comme critère les volumes de bois récoltés plutôt que les superficies exploitées, on exige des garanties de bonne exécution et on confie la surveillance à des tierces parties (voir encadré 20).

 

ENCADRÉ 20
L'établissement du prix des concessions forestières


De nos jours, l'Etat est souvent le principal détenteur des ressources forestières; il peut accorder officiellement à des particuliers ou à des sociétés privées la concession de la gestion et de l'exploitation du bois de certaines forêts domaniales. Cette concession accorde l'exclusivité pour l'évaluation du potentiel d'une forêt, pour l'exploitation du bois ou d'autres produits forestiers et pour la gestion sur une superficie délimitée pendant une période déterminée. Ici le mot «concession» est synonyme de «contrat d'usufruit».

L'exploitation forestière donne naissance à ce que l'on appelle des rentes forestières. Il s'agit de recettes liés à l'exploitation forestière autres que celles qui pourraient être obtenues en utilisant au mieux les ressources productives dans un autre secteur de l'économie. L'Etat peut s'approprier tout ou partie de la rente économique au moyen d'une panoplie de mécanismes de ponction - taxes forestières, redevances calculées au volume prélevé, taxes de superficie et droits de prospection. Lorsque l'Etat s'abstient de prélever ces rentes économiques, ces dernières vont gonfler les marges des concessionnaires privés, qui réalisent ainsi des profits exceptionnels.

Bien souvent, les diverses redevances versées à l'Etat par le concessionnaire n'ont qu'un rapport lointain avec la valeur marchande des ressources concernées ou de la rente forestière réellement générée. Cette situation peu satisfaisante prévaut tant dans les pays développés que dans les pays en développement. C'est pourquoi, au cours des dernières années, plusieurs pays dotés d'un couvert forestier important ont amendé leurs régimes de concessions forestières pour améliorer le rendement économique ainsi que la gestion des forêts, tout en atténuant les répercussions sociales et écologiques des concessions de terres forestières domaniales.

Dans certains pays, les concessions couvrent de vastes secteurs, et lorsque le couvert forestier est riche, le secteur privé y prospecte parfois de manière agressive pour obtenir de nouvelles concessions. Au Guyana, par exemple, une compagnie a obtenu, en 1991, des droits de coupe pour une superficie proche de 1,7 million d'hectares, soit 8 pour cent du territoire. Dès 1997, les surfaces couvertes par les contrats de concession portaient déjà, selon les estimations, sur environ 30 pour cent des forêts du Guyana. En Indonésie, plus de la moitié des forêts circonscrites sont gérées aux termes de programmes de concession de bois d'œuvre. En 1995, 2,4 millions d'hectares de forêts, soit 16 pour cent du patrimoine forestier du Suriname, étaient gérés en vertu d'ententes analogues. En 1995, les concessions forestières couvraient environ 3 millions d'hectares au Venezuela. Cependant, le Plan quinquennal de développement national prévoit que cette superficie passera à 10 millions d'hectares. Au Cambodge enfin, la quasi-totalité des forêts, à l'exception des parcs nationaux et des zones protégées, sont entre les mains de concessionnaires.

Plusieurs analyses convergent pour indiquer que, bien souvent, les gouvernements qui octroient ces concessions forestières ne retirent qu'une fraction dérisoire de la valeur des forêts. Même si l'on ne parvient guère à s'entendre sur les estimations elles-mêmes ni sur les méthodes d'évaluation, tout porte à penser que, bien souvent, les gouvernements obtiennent moins de 50 pour cent de la rente forestière, et parfois même beaucoup moins.

Quelles sont les conséquences de cette sous-estimation des concessions forestières? Tout d'abord elle encourage les sociétés exploitantes à gaspiller le bois obtenu trop bon marché: disposant de superficies domaniales beaucoup plus vastes que si le prix avait été justement calculé, elles risquent de procéder à une exploitation hâtive, en sélectionnant seulement les essences les plus précieuses. Quant aux sociétés de transformation, même inefficaces, elles survivent grâce au faible prix de la matière première. Enfin, les profits exceptionnels alimentent l'incertitude quant à la durée de concessions lucratives à l'excès; les concessionnaires se mettent donc à exploiter à la hâte et de façon peu scrupuleuse. En bref, la sous-estimation du bois, outre qu'elle n'incite guère le concessionnaire à investir dans des pratiques de gestion forestière durables, prive l'Etat d'une source de recettes, entravant sa mission de gardien du patrimoine forestier national, notamment dans les pays en développement souffrant d'une pénurie chronique de financement. Ajoutons que, lorsque l'application de mesures d'ajustement structurel a eu pour effet de réduire les budgets forestiers des ministères, les difficultés suscitées par la sous-rémunération s'aggravent. La nécessité de compenser cette carence devient alors plus aiguë, car, lorsque la rente est faible, le ministère responsable des forêts dans un pays en développement a d'autant plus de mal à obtenir un soutien financier de la part du Ministère des finances ou des donateurs internationaux.

La sous-estimation du prix des concessions forestières n'est que l'une des nombreuses politiques «à effet pervers» qui rendent difficile une gestion durable des ressources forestières. Pour remédier à la situation, il faut non seulement redresser les prix, mais également accorder toute l'attention nécessaire aux divers aspects des régimes de concession, tels que le type de redevance (taxe selon la superficie ou le volume et divers droits), la durée des contrats de concession, les procédures anticorruption, ou encore le degré de concurrence qu'il y a lieu d'encourager sur les marchés forestiers. Cependant, il est hors de doute que la fixation de prix qui augmenteraient la part de la rente économique revenant à l'Etat constitue une étape importante sur la voie d'une meilleure gestion des forêts et d'une meilleure rentabilité économique.

Un certain nombre de pays s'emploient à éliminer les distorsions causées par le prix ou par les divers mécanismes d'octroi de concessions forestières. En 1994, le Gouvernement de la Colombie britannique, province du Canada, ayant acquis la conviction que les droits d'exploitation forestière étaient beaucoup trop réduits, a pratiquement doublé les prix du bois sur pied. Les recettes provenant des forêts connurent alors une augmentation spectaculaire de 120 pour cent, sans pour autant que diminue, au cours des deux années suivantes, le volume de bois prélevé par les sociétés privées. On rapporte par ailleurs qu'en 1993 des investisseurs auraient offert au Gouvernement du Guyana des droits d'exploitation de superficie 150 fois supérieurs aux taux précédemment établis (Sizer, 1996). Le Cameroun, sur conseil de la Banque mondiale, a mis en œuvre en 1995 un processus d'appels d'offres pour l'assignation des concessions. Le recours aux appels d'offres devait intensifier la concurrence en vue d'obtenir des prix reflétant mieux la valeur réelle du bois; les résultats furent probants, puisque les recettes de l'Etat quadruplèrent en l'espace d'un an, ce qui indique que les droits perçus avant les réformes étaient incontestablement trop faibles.

Des mesures analogues, adoptées au Costa Rica, au Ghana et en Malaisie, ont permis aux gouvernements d'augmenter de façon également spectaculaire les recettes découlant des concessions forestières. Le Guyana et le Suriname se sont également efforcés, avec un succès inégal, de mettre fin à l'octroi à tout va de concessions forestières à des prix bradés, tant que des structures et des procédures efficaces n'auront pas été mises en place pour déterminer les prix et distribuer les contrats de concessions forestières.

On peut se demander pourquoi de telles réformes ne sont pas plus répandues, ou pourquoi on a tant tardé à y procéder. Bien souvent, la sous-estimation du prix du bois est liée au désir de promouvoir le développement industriel dans la filière du bois, d'augmenter les exportations de grumes, ou encore de rendre les terres forestières plus accessibles aux populations rurales défavorisées. La persistance de ces prix insuffisants est également attribuable, du moins en partie, à la complexité politique de réformes visant à augmenter les prix facturés aux concessionnaires. En effet, les régimes fort critiquables d'octroi de concessions forestières qui prédominent dans de nombreux pays dotés de riches ressources doivent leur existence et leur perpétuation aux pressions exercées par des intérêts puissants, qui cherchent des profits et dont la résistance à tout changement pèse d'un poids considérable dans le jeu politique. Mais la situation actuelle peut également s'expliquer par la faiblesse de l'administration domaniale dans les pays en développement. Rappelons en effet que pour améliorer la fixation des prix des concessions forestières, il faut disposer de la capacité institutionnelle permettant d'évaluer les ressources, de négocier les accords et de surveiller, voire d'imposer, la mise en œuvre des nouvelles règles. Or, cette capacité institutionnelle, même lorsqu'elle existe, demeure faible dans la plupart des pays en développement. Cependant, le fait que certains d'entre eux aient entrepris de réformer les régimes de fixation des prix en dépit de ces carences institutionnelles démontre que, lorsque la volonté politique existe, il est possible de commencer à améliorer la situation de manière substantielle.

 

LES TENDANCES EN MATIÈRE DE LÉGISLATION FORESTIÈRE33

L'évolution des politiques et des institutions évoquée plus haut a entraîné ces dernières années, dans le monde entier, une accélération marquée du processus de révision des textes législatifs régissant les forêts. Il n'est guère étonnant que ces initiatives aient obtenu des résultats extrêmement contradictoires, puisqu'elles se sont déroulées dans des cadres juridiques et politiques aux traditions disparates, reflétant un large éventail de conditions économiques, écologiques et sociales variées.

Il reste néanmoins possible d'isoler plusieurs tendances qui caractérisent l'évolution au cours de la dernière décennie. On peut dire de manière générale que, durant les années 90, la législation forestière s'est éloignée de la démarche régulatrice principalement axée sur l'aménagement et l'encadrement étatiques des forêts en tant que ressources économiques, pour prendre en compte les multiples intérêts concernés par la gestion des forêts, tout en accordant une attention accrue aux rôles écologique et social des ressources forestières et en privilégiant une participation élargie de la part des acteurs publics et privés.

La présente section fait le point sur quatre facteurs qui appellent d'évidence une réorientation de la législation forestière: la gestion locale des forêts; ses fonctions écologiques; la planification de l'aménagement forestier; et l'octroi des concessions.

La promotion de la gestion locale des forêts

La gestion locale des forêts a fait l'objet d'une attention particulière lors des récentes réformes législatives, notamment sous l'angle des activités des communautés locales et de la redistribution des pouvoirs et des responsabilités entre les autorités centrales et le pouvoir local.

En règle générale, la législation forestière n'est guère favorable à la gestion locale des forêts. Même si des lois plus anciennes tendent souvent à reconnaître des droits limités en matière d'usage, elles ne donnent guère aux résidents locaux la possibilité d'intervenir de façon significative dans la planification et l'aménagement des ressources forestières, ressources dont ils sont tributaires, parfois depuis des générations. C'est l'Etat qui, bien souvent, s'est arrogé cette fonction en créant des forêts domaniales. Ailleurs, la législation nationale a délibérément laissé planer un flou sur les droits accompagnant l'occupation des zones forestières, exposant de ce fait les droits fonciers communautaires à une protection inexistante ou lacunaire, sans prévoir de mécanismes alternatifs permettant aux groupements locaux ou aux particuliers de se faire reconnaître et d'exercer un contrôle effectif.

Face à ces carences, les tentatives de réforme entreprises récemment ont pris plusieurs formes.

En premier lieu, on a assisté à une prolifération de nouveaux mécanismes visant à transférer la responsabilité de la gestion des forêts aux communautés locales, aux groupements d'usagers ou aux ménages, par le biais de dispositions s'appuyant sur la situation locale, telles que les accords de cogestion, les baux forestiers communautaires, la délimitation ou la reconnaissance officielle des territoires municipaux. Au Népal, par exemple, la loi de 1993 sur les forêts illustre bien cette démarche, puisqu'elle prévoit le «transfert» de portions des forêts nationales à des groupements locaux d'usagers qui s'engagent à gérer les secteurs concernés conformément à un plan précédemment approuvé. Cette démarche est déclinée de diverses façons dans des textes législatifs ou des règlements adoptés par un nombre croissant de pays, dont nous ne citerons que quelques-uns: l'Afrique du Sud, le Cameroun, la Colombie britannique (Canada), la Guinée, l'Inde, le Laos, Madagascar, les Philippines, la République-Unie de Tanzanie et divers pays d'Amérique latine.

En deuxième lieu, certains pays reconnaissent de plus en plus la notion de terre historique ou les revendications territoriales des populations locales. La Loi sur les droits des populations indigènes, adoptée en 1997 aux Philippines, constitue une illustration de ce phénomène; les droits des communautés indigènes figurent au premier plan de textes législatifs adoptés en Amérique latine; plusieurs autres pays, dont l'Afrique du Sud, l'Australie, le Canada et plusieurs pays d'Europe centrale et orientale, ont entrepris de restituer des terres à des communautés et à des particuliers qui en avaient été dépossédés, et sur lesquelles se trouvent souvent des forêts naturelles ou des plantations commerciales.

En troisième lieu, comme nous le décrivons de façon détaillée dans la section précédente, de nombreux pays s'emploient à décentraliser différents volets de l'administration forestière au profit des collectivités locales. Cette opération peut se faire soit par des amendements spécifiques apportés à la législation forestière, soit de manière générale, dans le cadre d'une révision globale de la législation sur les pouvoirs des autorités locales. Là encore, on trouve de nombreux exemples de cette évolution dans toutes les régions du monde, depuis le Sahel jusqu'à l'Asie du Sud-Est en passant par l'Amérique latine.

Il ne s'agit là, précisons-le, que de catégories indicatives, qui ne traduisent pas les nuances des approches très diverses tentées de par le monde. De plus, ces méthodes ne s'excluent pas mutuellement puisqu'elles se recoupent souvent ou sont employées de façon concomitante. Ainsi, dans le cas de plusieurs lois ouest-africaines, une fois la gestion de certaines forêts décentralisée au niveau de la commune, les autorités locales sont habilitées à pousser encore la décentralisation au niveau des sous-secteurs en passant des contrats avec les usagers locaux.

Même si la législation récente fait indéniablement une plus large part à la gestion locale des forêts, bon nombre des réformes entreprises restent très limitées ou extrêmement ambiguës, dans les textes comme dans la pratique. Ainsi, les autorités forestières de certains pays ont adopté le concept de gestion communautaire, mais elles l'ont surtout appliqué aux régions dont les ressources forestières sont déjà épuisées; elles se montrent souvent beaucoup plus réticentes à partager le contrôle de secteurs plus riches et plus préservés, même lorsque, de façon démontrable, la bonne santé des forêts est attribuable en grande partie au savoir-faire et au soin qu'en ont pris, de longue date mais sans consécration officielle, les populations locales. Dans bon nombre de régimes de cogestion, le Ministère des forêts conserve l'essentiel du pouvoir décisionnel, y compris celui d'élaborer et d'approuver les plans d'aménagement, de sélectionner les essences forestières, ou encore de superviser la commercialisation des volumes prélevés ou l'utilisation du produit de la vente par l'entité contractuelle. Il arrive en outre que les droits garantis ou reconnus par les mécanismes locaux ne présentent pas de véritable sécurité à long terme, soit parce que l'échéance des contrats est très brève, soit parce que le gouvernement conserve un large pouvoir discrétionnaire et peut y mettre fin pour des motifs souvent très vagues. Enfin, dans certains cas, les dispositions législatives qui sont censées protéger les droits traditionnels des populations autochtones sont rédigées de façon tellement floue ou ambiguë qu'elles ne peuvent guère servir de référence.

En résumé, il faut poursuivre la recherche de mécanismes juridiques efficaces qui reconnaissent et garantissent des droits substantiels aux gestionnaires locaux des forêts, tout en s'adaptant à la grande diversité des conditions locales et en maintenant un équilibre approprié entre les différents intérêts. C'est pourquoi il faut s'attendre à ce que l'évolution de la législation se poursuive à un rythme soutenu dans ce domaine au cours des prochaines années.

L'amélioration des fonctions écologiques des forêts

Les préoccupations environnementales n'ont jamais été complètement absentes de la législation forestière. Cependant, sous l'influence de la CNUED en particulier, on voit aujourd'hui les législations forestières nationales prendre en compte l'importance environnementale des forêts de façon plus explicite que par le passé. Cette importance est exprimée de façon éloquente dans le préambule définissant les objectifs de nombreuses lois récentes; les objectifs écologiques de l'aménagement des forêts ainsi que les obligations internationales du pays en matière d'environnement y sont très régulièrement évoqués.

D'un pays à l'autre, le contenu juridique de ces objectifs généraux varie considérablement. En outre, les lois nouvellement édictées s'appuient sur toute une panoplie de techniques:

La préoccupation croissante à l'égard de l'environnement que l'on inscrit dans la législation forestière, conjuguée aux progrès accomplis par le droit environnemental à travers le monde, a parfois entraîné une confusion législative qu'il aurait été possible d'éviter. En effet, les lois régissant les forêts et celles, plus générales, concernant l'environnement, contiennent fréquemment des dispositions qui se juxtaposent ou se contredisent, trahissant des conflits de compétences et des rivalités interinstitutionnelles. C'est pourquoi, à mesure que le droit forestier continuera de se développer et de gagner en complexité, il conviendra que les législateurs s'efforcent d'harmoniser ses dispositions avec celles d'autres ensembles législatifs.

La planification de l'aménagement

Les plans d'aménagement forestier font depuis longtemps partie intégrante des lois régissant les forêts. On discerne cependant, depuis peu, une tendance à se préoccuper davantage du détail des aménagements, dont le processus législatif tend en outre à élargir les objectifs. De plus en plus, la loi exige des planificateurs qu'ils prennent en compte un large éventail de questions d'ordre écologique et social qui n'auraient pas nécessairement figuré dans le mandat d'une planification traditionnelle de l'aménagement forestier. En outre, la loi peut exiger que soit fixée une hiérarchie entre les plans, ceux de l'administration locale devant se conformer au plan régional, lui-même devant respecter le plan directeur national.

Il n'est pas rare que les procédures de planification des nouvelles lois forestières prévoient une participation importante du public à l'élaboration des plans de gestion. De plus en plus, le processus de planification doit incorporer la publication de préavis destinés à avertir les populations concernées, afin qu'elles puissent émettre des commentaires; il doit également comporter la tenue de réunions publiques et l'accès aux avant-projets des plans d'aménagement.

Il serait hasardeux de se livrer à des généralisations concernant le statut juridique accordé aux plans d'aménagement. Dans le contexte classique des forêts domaniales, où la responsabilité de la planification incombait à un ministère, les lois demeuraient souvent muettes à propos de l'application du plan. Désormais, un certain nombre de lois forestières exigent de façon spécifique que tout acte administratif des fonctionnaires des forêts, tel que l'octroi de licences ou d'autres permis, soit conforme au plan précédemment approuvé. Pour toute autre décision, tels les concessions d'exploitation de bois d'œuvre ou les accords d'exploitation forestière communautaire, on peut considérer que le plan fait partie intégrante du contrat.

Quelle que soit l'importance accordée par la loi aux plans de gestion, la pratique demeure cependent en retrait par rapport à la théorie dans de nombreux pays. On observe souvent une disparité entre la vision du législateur et la capacité de mise en œuvre des pouvoirs publics ou des gestionnaires privés. Le problème est peut-être en partie dû à la terminologie employée: en effet, l'expression «plan d'aménagement» évoque sans doute, dans certains contextes, un instrument trop complexe et trop onéreux, compte tenu de l'étroitesse des moyens disponibles. Face à ce problème, le Cameroun a décidé de n'exiger que des plans «simplifiés» pour l'exploitation forestière communautaire ou privée.

L'octroi de contrats d'utilisation des forêts

Nous avons insisté, dans les pages précédentes, sur l'importance que revêt l'adoption de politiques appropriées concernant l'octroi et le prix des concessions forestières. Les lois et règlements qui remontent à une époque déjà ancienne sont, bien souvent, remarquablement silencieux quant aux procédures et aux critères devant régir l'octroi de contrats forestiers. Ce silence ne peut qu'aggraver une situation qui prévaut dans de nombreuses parties du monde, où l'octroi de concessions forestières reste une opération occulte, souvent conduite à un niveau politique élevé et dictée par l'opportunité. Il n'est pas rare que les forestiers se voient présenter par un supérieur politique l'octroi d'une concession comme un fait accompli, sans que quiconque ait pris les critères techniques en compte.

Ces dernières années, en revanche, on constate un plus grand souci de précision dans les étapes conduisant à l'octroi de contrats, soit dans le texte de la loi elle-même, soit dans les règlements d'application, et le plus souvent aux deux niveaux. On établit ainsi des cadres juridiques qui précisent, notamment, quels doivent être les différents mécanismes du régime auquel sont assujettis les soumissionnaires, tels que le contenu des appels d'offres, la forme et le contenu des soumissions, les délais de présentation et de prise de décisions, ou encore les qualifications professionnelles et l'indépendance des commissions d'appel d'offres. La loi peut également préciser les cas où le gouvernement est autorisé à utiliser des critères non économiques pour départager les concurrents. Ainsi, il arrive qu'un pays souhaite favoriser certains paramètres non quantifiables du soumissionnaire, comme dans la loi adoptée en 1996 en Bolivie, qui privilégie l'octroi de concessions à des populations autochtones vivant dans le voisinage.

L'énonciation du processus d'octroi des contrats peut présenter plusieurs avantages. Elle favorise la transparence et la responsabilité lors de la prise de décisions et contribue à placer les contractants potentiels sur un pied d'égalité. Elle permet également de veiller à ce que les techniciens participent à la prise des décisions plutôt que de se les voir imposer. En outre, l'adoption d'un processus bien ordonnancé et uniforme d'évaluation et d'octroi des contrats est de nature à mieux promouvoir les intérêts des tierces parties et du public en général. Enfin, elle peut aider à atténuer le désordre et les conflits que l'on a vu surgir dans certains pays où l'impéritie va jusqu'à permettre l'octroi de concessions sur des terrains qui se chevauchent, ou encore le mépris de certains, voire de tous les droits reconnus à l'intérieur d'une concession.

Application de la législation

Ce bref examen avait pour objet d'évoquer rapidement les évolutions récentes observées dans les législations forestières nationales. Il ne saurait, cela va de soi, prétendre à l'exhaustivité, qu'il s'agisse de la couverture géographique - l'accent ayant été mis sur les pays en développement et sur les pays en transition - ou des thèmes évoqués. Il est également évident que nous avons davantage insisté sur les textes juridiques eux-mêmes. On constate souvent un fossé considérable entre le contenu d'une loi et son application sur le terrain. Cela est dû à toute une série de facteurs, qui vont de l'insuffisance de volonté politique à la corruption, en passant par la faiblesse des moyens institutionnels, la surcharge de l'appareil judiciaire, la mauvaise habitude de ne pas respecter les lois, de consulter les intéressés, ou encore les difficultés financières. Toutefois, tous ces facteurs ne diminuent en rien l'importance qu'il convient d'accorder à l'adoption de cadres juridiques solides et cohérents. Ils nous rappellent toutefois que toute réforme législative doit avant tout se soucier de réalisme, car légiférer alors que les pouvoirs publics ne disposent pas des ressources nécessaires ou que les nouvelles lois changent brutalement le cadre institutionnel ou social signifie, selon toute probabilité, aller à l'échec. Pour être efficace, une réforme législative doit être précédée d'une évaluation des moyens et de la volonté des pouvoirs publics et des autres acteurs de mettre en œuvre de nouvelles stratégies juridiques. Elle doit aussi tenir compte de la poursuite à long terme des réformes, de leurs conséquences et des futures adaptations qui se révéleront nécessaires.

33 La présente section s'appuie principalement sur l'analyse de la législation et des projets de réforme en cours en Afrique, en Amérique latine, en Amérique du Nord et en Europe centrale et orientale. Les expressions «droit» et «législation» se rapportent généralement aux textes législatifs, aux décrets et aux règlements auxiliaires. Précisons que l'expression «législation forestière» ne se limite pas aux seuls textes spécifiques au secteur forestier. En effet, bien que la plupart des pays aient une législation spéciale consacrée aux forêts, le cadre juridique régissant les ressources forestières englobe des lois consacrées aux échanges commerciaux, aux dispositions fiscales, à l'environnement, à l'utilisation des terres et à l'agriculture, mais qui affectent aussi les ressources forestières.

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