2. POLITIQUES ET INSTITUTIONS TENANT COMPTE DE L'EGALITE HOMMES-FEMMES

Le fait que les planificateurs du secteur agricole prennent rarement en considération les besoins des femmes risque d'avoir une incidence grave sur la sécurité alimentaire, par exemple, quand la formation et les services agricoles ne sont pas orientés vers les femmes rurales, alors que ces dernières produisent une part substantielle des denrées alimentaires mondiales. Trop fréquemment, les planificateurs manquent d'informations sur le rôle important joué par les femmes en matière de production agricole et de sécurité alimentaire des ménages. Cependant, comme on l'a vu plus haut, il est tout aussi fréquent qu'ils ne sachent pas bien comment faire pour obtenir, auprès des agricultrices, des renseignements sur la nature de leurs activités ou comment répondre à leurs besoins. Pour remédier à ces difficultés, on peut notamment améliorer l'information sur la situation des femmes et des hommes en milieu rural en les impliquant dans les processus locaux de planification du secteur agricole.

2.1 ÉLABORATION DES POLITIQUES

Dans de nombreuses régions du monde, on assiste à un regain d'intérêt pour le rôle crucial que peut jouer le secteur agricole dans l'augmentation des recettes d'exportation, la création d'emplois et l'amélioration de la sécurité alimentaire. Compte tenu des critères de la libéralisation économique et de la privatisation, les actions pour améliorer la productivité, assurer la sécurité alimentaire et réduire la pauvreté doivent prendre en considération les facteurs institutionnels et culturels à l'échelle micro et intermédiaire, qui ont un rôle de médiation en termes d'impact au niveau local. S'agissant du secteur agricole, les politiques économiques devraient éviter de privilégier les grandes exploitations agricoles et à vocation commerciale et de négliger pratiquement les petites exploitations. Ces dernières représentent le secteur le plus vulnérable et ce sont elles qui ont le plus d'impact sur les conditions de travail et les modes de vie des hommes et des femmes en milieu rural.

Les politiques adoptées devraient reconnaître la nécessité de placer l'être humain au centre du processus de développement. Une telle démarche permettrait de promouvoir une approche favorisant l'égalité hommes-femmes et la participation et de parvenir à un développement basé sur un flux cyclique et multidirectionnel d'informations entre les organisations internationales, les gouvernements, les ONG, les organismes de recherche, les services de vulgarisation et de développement communautaire, ainsi que les particuliers des ménages ruraux.

Pour que les travailleurs ruraux tirent profit des dynamiques macro-économiques évolutives, il faut que les gouvernements et la société civile investissent dans la mise en valeur du capital humain, dans l'enseignement, dans les écoles, dans la formation professionnelle et technique, sans négliger l'expansion et l'amélioration de l'infrastructure rurale destinée à soutenir les exploitations agricoles et les entreprises non agricoles du secteur rural: routes, électricité, égouts, services de santé, écoles, marchés.

Dans la plupart des pays, il existe encore le besoin de politiques pro-actives pour que les femmes soient pleinement associées à la dynamique de changement et que, lorsque cela s'impose, leurs besoins soient considérés séparément de ceux des hommes. Les politiques dans ce sens devront donc:

Les recommandations en matière de politiques à adopter doivent reposer sur des informations à jour, précises et détaillées. Or, l'absence d'évaluations fiables de l'apport distinct des femmes et des hommes à l'activité économique représente un obstacle majeur à la promotion d'un développement durable tenant compte de l'égalité hommes-femmes. Des actions sont donc nécessaires pour renforcer la collecte, le dépouillement, l'analyse et la diffusion de données ventilées par sexe sur les temps de travail et la répartition des tâches, ainsi que pour élaborer des indicateurs sur la participation des femmes à l'agriculture et à l'économie rurale. Dans un premier temps, il faudra modifier les programmes de collecte de données générales en élargissant les définitions relatives au concept du travail, afin qu'elles englobent aussi bien le travail rémunéré que non rémunéré et qu'elles enregistrent, de façon séparée, la contribution respective des femmes et des hommes à l'activité agricole et non agricole. Par ailleurs, il conviendra de sensibiliser les décideurs sur l'utilité de telles données et de créer, par la même occasion, une demande pour leur collecte et leur utilisation.

2.2 ACTIONS INSTITUTIONNELLES

Les ministères, les institutions financières et de formation, les centres de recherche, les ONG et les autres structures sociales et économiques qui oeuvrent dans les programmes de développement agricole et rural doivent réorienter leurs opérations afin que les femmes soient, elles aussi, désignées comme associées aux initiatives de mise en valeur des ressources humaines et comme bénéficiaires des programmes de développement. Plusieurs questions importantes devront être traitées par le biais de réformes institutionnelles. La plus importante est celle de l'accès à la terre qui, à son tour, détermine l'accès des travailleuses indépendantes au crédit et aux services complémentaires. L'enseignement et la formation sont des secteurs tout aussi critiques nécessitant un investissement majeur en faveur des femmes, non seulement afin d'intensifier leur participation au développement économique mais, également, pour atteindre des objectifs nationaux importants en matière de développement - objectifs étroitement liés au niveau de connaissances et de qualifications de la population féminine -, comme la réduction des taux de fécondité ou l'amélioration de la sécurité alimentaire et des indices nutritionnels au niveau des ménages.

Pour mettre en phase le développement du secteur rural avec les priorités des agricultrices et des agriculteurs au niveau local, il convient de renforcer - ou, au besoin, de créer - des mécanismes institutionnels d'apprentissage et d'adaptation à la diversité et au changement. Dans cette perspective, on devra prendre en compte le rôle potentiel puissant des technologies de l'information et de la communication, rôle pouvant améliorer l'accès aux informations et leurs échanges pour une planification équilibrée en fait d'égalité hommes-femmes. Par rapport à celle-ci en particulier, nul ne saurait nier la nécessité de modifier les "règles du jeu", c'est-à-dire les normes et les procédures régissant l'activité quotidienne des institutions, qui reflètent les besoins physiques et sociaux ainsi que les capacités et les intérêts politiques de ceux qui, à l'origine, les ont établies. Etant donné que les femmes sont rarement associées au processus décisionnel dans les sphères politique, économique et sociale, les règles du jeu leur sont actuellement défavorables. Le défi consiste donc à institutionnaliser les politiques et les approches tenant compte de l'égalité entre les sexes, en intégrant la pratique courante de formes équitables d'interaction sociale et en limitant les possibilités de recours à des modes discriminatoires d'organisation sociale.

La sensibilisation et la formation des fonctionnaires et des techniciens sur les questions liées à l'égalité hommes-femmes et à l'utilisation des démarches participatives se sont révélées les actions les plus fiables pour appuyer les changements institutionnels. Une telle formation vise essentiellement à aider les intéressés à modifier leur perception en éliminant leurs conceptions stéréotypées à propos du travail et des besoins des femmes, avec comme résultat une modification de leur comportement. En outre, elle contribue puissamment à se faire des alliés et à renforcer le soutien obtenu parmi les fonctionnaires, les décideurs et les planificateurs, en leur communiquant les connaissances et le savoir-faire dont ils ont besoin pour faire face aux antagonismes engendrés par les initiatives visant à orienter davantage de ressources vers les femmes.

Au-delà de la formation et de la sensibilisation, il conviendra d'étayer les efforts pour "positiver" les questions d'égalité hommes-femmes, au moyen des mesures suivantes:

L'institutionnalisation des projets et des méthodes ne pourra que bénéficier de l'existence d'un cadre décisionnel propre à encourager les planificateurs au niveau local en particulier, de même que les vulgarisateurs, les planificateurs de niveau intermédiaire et les autres agents de développement, à s'intéresser aux approches participatives tenant compte des questions d'égalité hommes-femmes.