Page précédente Table des matières Page suivante

Situation des femmes rurales et des organisations populaires au Sahel:
actions concètes en vue de la prise en compte de leur contribution au développement par les responsbles politiques et les planficateurs
par Maurice Albarka
*

Chers participants à la Consultation sur les femmes rurales et l'information, je vous remercie d'avance de me prêter l'oreille quelques instants, pour vous parler de la situation de la femme rurale au Sahel, de son rôle, de ses expériences, de ses difficultés et des actions concrètes à entreprendre pour que les décideurs politiques et les planificateurs soient mieux informés de son travail.

Je parlerai plus souvent du cas du Niger que je connais le mieux puisque je suis natif de ce pays. Je représente ici la Direction Régionale d'une ONG internationale qui s'appelle l'IRED (Innovations et Réseaux pour le Développement) basée à Niamey au Niger et qui consacre l'essentiel de son action à l'appui à la promotion de la société civile (ONG, associations, organisations paysannes, organisations de femmes, des jeunes, etc.) à travers la formation, l'information et les voyages d'échanges.

La situation de la femme au Sahel

Que ce soit au Niger, au Tchad, au Mali, au Burkina Faso ou ailleurs au Sahel, la situation des femmes reste globalement la même:

Sanitaire 

Economique

Socio-culturel

Educationnel

La situation de la femme est aggravée par la pauvreté, l'ignorance et l'analphabétisme. Tous ces facteurs constituent des handicaps à la contribution de la femme au développement. Ils contribuent à maintenir la femme dans une situation de dépendance. La mauvaise interprétation qui est fait aussi de l'Islam dans la plupart des pays du Sahel relègue la femme au second plan.

L'analyse de la situation de la femme rurale et urbaine, révèle le caractère dynamique et multiforme de la participation de la femme à la vie économique et sociale du pays. Malheureusement, la contribution de la grande majorité des femmes au développement n'est pas pris en compte dans les statistiques nationales. Leur contribution au développement reste sous-évaluée ou invisible étant donné qu'elles excellent dans les domaines ou l'enregistrement statistique et fiscale est difficile (tâches ménagères et secteur informel). En 1990 seules 6,6 % des femmes sont considérées comme actives contre 81,4 % des hommes selon les statistiques officielles du Niger.

L'évolution de la société, la mondialisation, la crise économique, le lobbying international amènent progressivement les femmes à se libérer, à s'organiser pour défendre leur indépendance économique et leur émancipation avec l'appui des Etats, des ONG, des associations et de la communauté internationale.

D'abord les Etats

Ils ont mis en place pour la plupart des ministères de la promotion de la femme. Ils ont ratifié plusieurs traités et conventions allant dans le sens de la préservation des droits de la femme. Des plans d'actions et des politiques de promotion de la femme ont été élaborés. (Le premier plan d'action de la femme sénégalaise a été élaboré en 1982, une loi portant politique et promotion de la femme fut adoptée en septembre 1996 par l'Assemblée Nationale nigérienne).

Les ONG et les associations

Des ONG internationales, et une multitude d'ONG et d'associations nationales se sont créées et apportent leur contribution dans le combat de la promotion des organisations et activités féminines à travers de multiples actions notamment:

Le CESAO (le Centre d'Etudes Economiques et sociales d'Afrique Occidentale) par exemple à Bobo Dioulasso au Burkina Faso organise des formations aux paysans, aux animatrices. De même elle a organisé un atelier international de réflexion et d'échanges sur l'avenir des jeunes ruraux en Afrique de l'Ouest (1998) et une rencontre sous régionale baptisée " parole aux femmes rurales " qui a regroupé des centaines de femmes rurales qui ont échangé sur leurs préoccupations.

Le CNCR (le Conseil National des Ruraux du Sénégal) et d'autres organisations apportent leur contribution à la promotion des ruraux et donc de la femme rurale. Aujourd'hui grâce à cette organisation le gouvernement sénégalais a un interlocuteur avec qui il discute valablement des préoccupations des ruraux.

Plusieurs organisations féminines (groupements, collectifs) se créent et s'engagent dans la promotion de la femme à travers des activités de sensibilisation, de formation, d'alphabétisation, et d'appui-conseil: le RECIF/ONG au Burkina Faso, CONAFERBE au Bénin, RDFN et CONGAFEN au Niger, Promo-Femmes au Burkina Faso, la Ligue Togolaise des Droits de la Femme, etc.).

Les coopérations et organisations internationales

Grâce à leurs concours financiers et à leur lobbying, elles permettent aux femmes ou aux organismes qui les appuient de mener leurs activités et de participer aux débats internationaux de l'heure sur les femmes (Mulpoc/CEA, UNICEF, PNUD).

Tous ses acteurs dont nous venons de parler appuient à leur manière les femmes qui mènent des actions à considération sociale, économique et politique, telles que champs collectifs; transformations de produits (savon, huile de neem, fromage,etc.); artisanat; pisciculture; banques de céréales; pharmacies villageoises; embouche; alphabétisation; sensibilisation; formation; reboisement petit commerce maraîchage, etc.

Toutes ces actions de la femme développées dans un contexte de rareté et de pauvreté, pour survivre, restent socialement et économiquement invisibles malgré le fait qu'elles impliquent une dépense de temps et d'énergie considérable.

La contribution de la femme rurale au développement est une réalité au Sahel. Les décideurs et les planificateurs n'ont pas toujours l'information nécessaire sur les femmes rurales, sur la société civile de façon générale, en raison de la souplesse de leur intervention et du caractère informel de certaines de leurs actions.

La société civile n'est pas assez structurée, organisée et forte pour se faire entendre. On observe une insuffisance d'information sur les femmes pour l'élaboration des politiques nationales. Malgré l'existence d'un certain nombre de canaux d'information entre les décideurs et les groupes de base:

Comment faire pour que les responsables politiques et les planificateurs soient mieux informés de la contribution des femmes du Sahel au développement socio-économique de leur pays?

Cela dépend surtout de la femme rurale elle-même. Car " les femmes ne se libèrent pas que par des textes, mais en vérité, par leur qualité d'être et par la force de leurs actions ". Il faut soutenir d'abord les femmes rurales:

Ma conviction est que l'information sur les femmes rurales, sur leur contribution au développement existe aux nivaux des, organisations paysannes, leaders paysans, ONG et autres collectifs, ministères de la promotion de la femme. C'est auprès d'elles surtout qu'il faut la collecter puis la traiter et la diffuser. Le défi à ce niveau est d'améliorer le processus pour une meilleure collecte, un meilleur traitement et une circulation plus fuide de cette information. C'est le travail que l'IRED fait en collaboration avec la FAO. En effet l'IRED collabore avec la FAO, à travers le " projet DIMITRA Femmes rurales et développement " pour collecter l'information sur les femmes rurales au Sahel, la traiter et la diffuser. Cette activité comporte les actions suivantes:

En conclusion

Il n'y aura pas de développement du Sahel sans la participation pleine et entière de la femme et surtout la femme rurale, d'où la nécessité de promouvoir cette participation. La promotion de la femme dans le processus du développement n'est pas seulement un problème d'équité mais surtout une nécessité. La participation de la femme au développement ne sera possible que lorsque celle-ci a le sentiment que son travail est reconnu et valorisé, et son statut réel pris en compte.

L'un des défis du 3e millénaire est d'améliorer la condition juridique, politique, économique et sociale de la femme, pour qu'elle prenne elle-même en main son destin. Il s'agit d'une lutte quotidienne de tous, gouvernements, collectivités locales, ONG, syndicats, associations des femmes, partis politiques, mouvements associatifs.

Je vous remercie.

Bibliographie

Ministère du Développement Social, de la Population de la Promotion de la Femme et de la Protection de l'Enfant. Politique de promotion de la femme, 1996, 15 p.

CESAO: La parole aux femmes rurales. Coopération Suisse. Programmes Femmes Niger. Genre et Développement: une approche nigérienne, 2e édition, 1999. 56 p.

IRED et PANOS: Communiquer à la base: résultats préliminaires de l'étude régionale sur les besoin en communication des groupes de base du Sahel, 1990, 69 p.

CTA: Le rôle de l'information par le dévelopement des pays ACP: Bilan et prospectives, séminaire international: Montpellier, France, 12-16 juin 1995, 217 p.

OXFAM & NOVIB: Portrait du mouvement associatif féminin au Niger, Niamey, mars 1997, 129 p.

CESAO: Atelier international de réflexion et d'échanges sur l'avenir des jeunes ruraux en Afrique de l'Ouest, 1998.

Liste des sigles et abréviations

CESAO Centre d'Etudes Economiques et Sociales d'Afrique Occidentale, Burkina Faso
CONGAFEN   Coordination des ONG et Associations Féminines du Niger
CNCR Conseil National de Concertation des Ruraux, Sénégal
CONAFERBE  Coordination Nationale des Femmes Rurales du Bénin
FEFAM Femme et Famille, Niger
IRED Innovations et Réseaux pour le Développement
IPD/AOS Institut Panafricain pour le Développement/Région Afrique de l'Ouest et Sahel
ONG Organisations Non Gouvernementales
PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
RDFN Rassemblement Démocratique des Femmes du Niger
RECIF Réseau de Communication, d'Information et de Formation, Burkina Faso
RIDD FITILA  Réseau d'Intégration et de Diffusion du Droit en Milieu Rural, Niger
SAPTHA Salubrité, Proprété, Hygiène et Techniques d'Assainissement, Niger
UNICEF  Fonds des Nations Unies pour l'Enfance

Page précédente Table des matières Page suivante