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12. Evaluation du coût et des avantages des programmes d'amélioration des arbres forestiers

AXEL BERGMAN

AXEL BERGMAN est responsable de la production des graines et des plants forestiers à l'office national des forêts de Stockholm, Suède.

Quand on aborde la question gigantesque qui fait l'objet du présent article, des simplifications s'imposent. Tout d'abord il faut admettre le principe que la foresterie est une entreprise économique. On s'efforce par différents moyens de maximiser le profit, c'est-à-dire la marge entre les recettes et les dépenses. De ce point de vue-là, la foresterie ne se distingue pas des autres entreprises.

Toutefois, la gestion des forêts sur la base d'un rendement soutenu présente des caractéristiques particulières qui rendent difficiles les calculs. Parmi ces caractéristiques, la durée de la révolution est probablement l'une des plus importantes. Quand on parle de durée dans ce contexte il peut s'agir de révolution de cent ans ou de vingt ans seulement; la difficulté des calculs n'est pas la même dans les deux cas. Une autre particularité qui complique les calculs est le fait que la forêt vivante est à la fois facteur de production et produit final. En outre, les différentes catégories de propriétaires forestiers n'ont évidemment pas les mêmes objectifs, de sorte que les calculs économiques peuvent être très différents selon qu'ils intéressent des agriculteurs possédant des forêts, des industries papetières ou l'Etat. Les calculs varient même d'une industrie à l'autre suivant leur degré d'autosuffisance en bois rond et les possibilités d'acheter la matière première. On pourrait poursuivre aisément l'énumération des circonstances qui font qu'il est difficile d'établir des calculs économiques simples et généralement valables.

On pourrait citer d'autres circonstances qui rendent difficiles les calculs d'ordre économique. Cependant, le point essentiel réside dans le fait que ces particularités concernent aussi le sujet plus limité de l'amélioration des arbres forestiers.

Il est impossible d'étudier ici toutes les situations qui peuvent se présenter; il est parfaitement licite de limiter notre analyse à la question plus urgente de l'apport économique que peuvent fournir les programmes d'amélioration des arbres à la foresterie en général.

L'amélioration génétique des arbres forestiers n'est qu'une méthode parmi d'autres

L'amélioration des arbres forestiers par des méthodes génétiques doit être considérée comme une méthode parmi d'autres pour accroître la production en volume et améliorer les qualités du bois. Même s'il était possible de prouver que l'amélioration des arbres est rentable, il resterait à comparer cette rentabilité avec celle des autres méthodes. Les ressources disponibles sont le facteur limitatif qui impose une échelle des priorités. Mais plutôt que de choisir une méthode unique, nous essayons généralement d'optimiser les résultats économiques en faisant appel à un assortiment de méthodes différentes. Ainsi il peut être nécessaire d'associer à l'amélioration génétique des arbres forestiers, par exemple, des applications d'engrais et des interventions sylvicoles. Cela ne facilite pas les calculs. En effet, il est difficile de déterminer le pourcentage d'amélioration imputable respectivement aux diverses mesures appliquées, dont les effets présentent des interactions souvent complexes.

Il n'y a pas de programme d'amélioration universellement valable

Si l'on décide d'appliquer un programme d'amélioration génétique des arbres plutôt qu'une autre méthode ou en association avec une autre méthode, diverses options se présentent. Nous ne pouvons recommander un système d'amélioration qui soit valable dans tous les cas. Bien au contraire, un programme d'amélioration donné dans une région donnée peut avoir des chances de succès très variables pour les différentes essences, même si celles-ci sont étroitement apparentées. En outre, les conditions peuvent varier tellement d'une région à l'autre que des programmes entièrement différents s'imposent.

Nous ne chercherons donc pas ici à plaider la cause de tel ou tel type de programme d'amélioration ou de verger à graines; nous soulignerons plutôt la nécessité de mener des analyses détaillées débouchant sur diverses solutions possibles.

Comment équilibrer les coûts et le gain génétique

C'est un truisme de dire que l'on cherche, dans un programme d'amélioration des arbres, à obtenir un gain génétique élevé. Diverses publications donnent des tableaux synoptiques des gains génétiques escomptés des diverses méthodes d'amélioration et de sélection, par exemple Wright (1962), Namkoong et al. (1966), Shelbourne (1969) et Nikles (1969). Le gain génétique dépend de l'intensité de la sélection, de l'héritabilité des caractères recherchés et de la variance génétique La valeur économique est déterminée par des caractères très nombreux de sorte que le sélectionneur travaille sur un complexe biologique et économique extrêmement délicat pour lequel il n'existe pas de solution universellement valable.

Des indices de sélection sont calculés et constituent un outil nécessaire. A cet égard, une coopération entre le sélectionneur et l'économiste s'impose dès la mise en train dru programme d'amélioration. La valeur économique des caractéristiques du bois varie avec l'évolution des marchés. La nécessité de limiter le nombre de caractères sélectionnés rend importante la détermination précise de leur valeur économique relative. Comme les programmes d'amélioration sont des entreprises à long terme, il faut évaluer les marchés futurs. La possibilité d'obtenir rapidement des résultats utiles par des essais de descendance sur certains caractères sélectionnés varie selon les essences et les circonstances, ce qui influence les évaluations primaires. Illy et al. (1969) ont fait appel à la programmation linéaire et à la théorie des jeux pour fonder les décisions dans les programmes de sélection de Pinus pinaster. Les études de Le Roy (1960), van Buijtenen et van Born (1960) et Stern (1964) donnent des directives précieuses pour l'élaboration des indices de sélection.

Il est important à cet égard de se rappeler que le gain génétique final s'écarte généralement du gain escompté en théorie. En outre, on vise à obtenir non pas le gain génétique maximal mais un résultat économique optimal à partir du programme d'amélioration. Comme l'objectif est de maximiser la rentabilité de l'entreprise forestière, il faut envisager aussi bien les coûts d'établissement et de gestion des différents programmes que les rendements prévus en semences. Si du point de vue biologique il est peut-être intéressant de savoir que l'amélioration des arbres permet d'accroître de 5 ou de 50 pour cent le volume de la production, il se peut que du point de vue économique une amélioration, même considérable, ne soit pas rentable. Tant que l'on n'aura pas déterminé les délais et les dépenses nécessaires pour produire un mètre cube de bois, on ne pourra pas savoir si les bénéfices escomptés dépassent les dépenses engagées.

Méthodes de calcul

CONNAISSANCES ACTUELLES

Tout d'abord, il faut reconnaître que la plupart des données nécessaires pour fonder des calculs économiques nous manquent. En général, on ignore encore le surcroît de rendement obtenu par les programmes d'amélioration des arbres. On commence seulement à avoir une idée des ordres de grandeur possibles. Les améliorations qualitatives sont encore trop mal connues. A cet égard, il faut bien se rendre compte de la différence considérable qui existe entre l'amélioration des arbres forestiers et celle des plantes cultivées en agriculture. En sylviculture, on ne peut pas tirer parti des révolutions très courtes et des conditions de croissance homogènes qui permettent en agriculture d'obtenir des résultats rapides. Ce que l'on sait le mieux en sylviculture semble être le coût et les avantages immédiats de certains grands programmes d'amélioration. Nous avons besoin de connaissances beaucoup plus vastes sur divers types de programmes.

DIVERSES MÉTHODES

Pour calculer la rentabilité des programmes d'amélioration des arbres, diverses méthodes sont possibles.

Dans le temps, deux perspectives peuvent être adoptées:

1. A long terme, nombreuses générations.
2. A court terme, une génération.

Les améliorations peuvent s'exprimer comme la modification de divers facteurs, à savoir:

1. Rendement total en volume.
2. Indice du site.
3. Prix du bois sur pied (qui traduit l'amélioration de la qualité).

Comme critères on peut choisir:

1. La valeur du sol.
2. Le taux de profit sur les investissements.

Les calculs peuvent partir de deux bases différentes:

1. Des rendements observés dans les programmes de sélection.
2. Des prix de revient observés des semences, plants et boutures améliorés.

En économie forestière, il est courant de calculer la valeur du sol. Si l'on adopte l'optique à long terme évoquée plus haut, il faut faire intervenir les révolutions futures. Par valeur du sol on entendra alors la valeur nette actualisée à l'hectare. El le représente la différence entre la valeur actualisée de toutes les recettes en espèces prévues et celle de toutes les dépenses nécessaires. Pour le calcul de la valeur, on utilise des modèles dans lesquels on suppose que le programme sera répété.

Dans cette optique classique, Streyffert (1948) étudie le coût maximal de la régénération lorsque l'on emploie du matériel bénéficiant d'une amélioration génétique. Si avec des plants et graines ordinaires la valeur du sol calculée selon les tarifs de cubage publiés est de Bu1, elle est de Bu2 lorsque l'on emploie des plants et semences améliorés. La valeur capitalisée C représente tous les coûts de régénération future avec du matériel amélioré. On obtient ainsi la formule suivante:

Cmax = Bu2 - Bu1.

A partir de cette équation on peut construire une formule pour déterminer les dépenses supplémentaires c max, qui peuvent être consacrées aux plantations avec du matériel amélioré:

Dans ce calcul, on admet une révolution différente pour le matériel amélioré (révolution u2) et pour le matériel ordinaire (révolution u1), p étant le taux d'amortissement.

En l'absence de données, Streyffert a entrepris de démontrer la valeur de cette méthode en admettant comme point de départ que le développement des peuplements issus de graines et plants améliorés et des peuplements ordinaires présenterait les mêmes différences que celui des peuplements croissant dans des classes de terrains différents, il a pu à partir de là calculer des valeurs du sol qu'il a présentées sous forme de tableaux. De même Libby (1965) a évalué les investissements dans les programmes d'amélioration des arbres en tenant compte de toutes les récoltes commerciales futures en fonction d'hypothèses différentes sur le rendement économique futur.

Indubitablement, il est justifié de prendre pour ces études la perspective à long terme. Mais il faut d'autre part tenir compte de l'ignorance où nous sommes de l'accroissement de rendement à escompter des programmes d'amélioration des arbres. En outre, le développement économique général a provoqué une évolution extrêmement rapide. Il faut noter dans la foresterie d'aujourd'hui une tendance très frappante en faveur des peuplements comportant moins de graines ou de plants, avec un nombre réduit d'éclaircies, ce qui aboutit en fin de compte à des coupes blanches de peuplements très serrés. Généralement, on ne dispose pas de tarifs de cubage calculés en fonction de ces nouveaux programmes, même pour les plantations de graines ou plants ordinaires. Le manque de statistiques de production sur les programmes forestiers modernes limite sérieusement les calculs possibles.

En principe, on calcule la rentabilité d'un programme d'amélioration des arbres dans des cas où la décision de reboiser a déjà été prise. On trouve sur le marché des semences de différentes qualités et de différents prix. Compte tenu du facteur d'incertitude de la foresterie, on pourrait évaluer le prix de revient des semences améliorées en attendant de disposer de chiffres sur le rendement. Certaines conclusions susceptibles d'influencer les décisions ultérieures pourront se dégager de l'examen de ces prix de revient.

Evaluation du coût des semences

LES SEMENCES AMÉLIORÉES ENTRAÎNENT GÉNÉRALEMENT DES FRAIS SUPPLÉMENTAIRES

Ordinairement, pour obtenir des graines forestières, on utilise les cônes des arbres cultivés pour la production de bois. Les semences forestières peuvent dans ces conditions être considérées comme gratuites, les seuls frais étant ceux de ramassage et d'extraction des cônes et des semences.

En comparant le coût de ces graines à celui des graines provenant des vergers, on observe que seuls le ramassage et l'extraction des graines sont des postes communs aux deux méthodes d'approvisionnement. Tous les autres frais des vergers s'ajoutent à ceux-ci. Les dépenses ne se bornent pas à mettre en place des vergers spécialement conçus pour la production de graines. Après avoir investi, il faut protéger les vergers contre les insectes, les rongeurs et les champignons. La première dépense supplémentaire en entraîne donc directement d'autres, sans compter les frais d'entretien permanent du verger. D'un autre côté, dans les peuplements naturels, on évite de ramasser des cônes endommagés et on ne les récolte que les années où il n'y a pas eu d'attaque d'agents nuisibles.

PRODUCTION DE GRAINES EN VERGERS

Pour calculer le prix de revient des graines produites en verger, il faut simplifier le problème et travailler sur des hypothèses. Normalement, on distingue dans la durée de révolution du verger (figure 26) une période d'établissement et une période de production commerciale. Comme il y a toujours une certaine périodicité des récoltes de graines, on calcule le rendement moyen pour toute la période de rendement commercial.

La première étape pour estimer le prix de revient des graines consiste à évaluer la valeur capitalisée du verger à graines par hectare au début de la production commerciale. On estime pour cela les coûts d'établissement et de gestion; le verger devrait être amorti pendant la période restante, dite période commerciale. Compte tenu de l'amortissement annuel, on calcule le coût du kilogramme de semences en divisant la somme des frais annuels, y compris les frais de récolte, par le rendement moyen à l'hectare. La différence entre le prix de revient des graines ainsi obtenu et le prix de marché des graines ordinaires représente le coût supplémentaire des semences améliorées. Davis (1967) a appliqué cette méthode pour faire l'analyse économique des vergers à graines clonaux de Pinus taeda dans le sud-est des Etats-Unis. Bergman (1967, 1968) a appliqué une méthode analogue, mais sans tenir compte des frais de récolte et d'extraction qu'il a supposé identiques dans les peuplements naturels et dans les vergers à graines (figure 27). Le montant ainsi estimé représente le coût net de la semence améliorée ou le coût supplémentaire par rapport aux graines ordinaires.

FIGURE 26. - Rendement des verges à graines, évolution dans le temps. (DAVIS, 1967)

FIGURE 27. - Coût de production des semences, à l'exclusion des frais de récolte et d'extraction, dans les vergers à graines de clones de Pinus taeda dans des conditions moyennes.

FIGURE 28. - Frais supplémentaires de reboisement par hectare occasionnés par l'utilisation de matériel génétique amélioré en provenance des vergers à graines mentionnés dans la figure 27.

FIGURE 29. - Amélioration en pourcentage requise pour justifier les frais supplémentaires en fonction de différents programmes de plantation, compte tenu du, prix du bois sur pied et de la rotation, lorsqu'on utilise des semences améliorées caractérisées par des coûts de production différents.

FIGURE 30. - Détail agrandi d'un graphique analogue montrant la gamme d'amélioration comprise entre 0 et 3 pour cent. (GRAPHIQUES DE BERGMAN (1968))

En appliquant les rapports connus pour estimer le nombre de plants utilisables obtenus par kilogramme de graines, on peut calculer l'investissement ou le coût supplémentaire par hectare correspondant à différents espacements (figure 28). De plus, à partir de statistiques de rendement connues pour les divers espacements, des divers indices de site et des prix du bois sur pied également connus, on peut calculer l'accroissement minimal pour lequel l'investissement supplémentaire correspondant à l'emploi de matériel amélioré se justifie (figures, 29 et 30). Le bénéfice sur les investissements peut être mesuré par le taux interne de bénéfice du capital, qui est le taux d'intérêt obtenu lorsque les coûts actualisés sont égaux aux recettes actualisées (figure 31).

COÛT DES VERGERS A GRAINES

Les principaux postes de dépense dans les programmes de vergers à graines sont l'établissement, la gestion, les dépenses en capital et les essais de descendance. Malgré ce que nous avons pu dire en faveur de l'étude fondée sur une seule génération pour calculer la rentabilité d'un programme d'amélioration des arbres, il faut bien reconnaître que ces programmes eux-mêmes portent sur plusieurs générations. Les essais de descendance sont un élément essentiel - et urgent - de l'amélioration. C'est de ces essais, aussi bien que du travail original de sélection, que bénéficieront les générations forestières futures.

Si l'on adopte la méthode décrite plus haut, il n'est pas justifié d'imputer à la fois les coûts de la sélection et ceux des essais de descendance à la seule première génération du verger à graines. Il serait plus logique de n'imputer à cette génération que le coût de la sélection et à la deuxième génération celui des essais de descendance. En effet, ces essais jouent pour la deuxième génération le même rôde de point de départ indispensable que la sélection d'arbres supérieurs pour la première génération. En imputant à la deuxième génération le coût des essais de descendance, on tient compte des perspectives à long terme de l'amélioration des arbres. En même temps, on peut évaluer les bénéfices à escompter pour la génération forestière suivante sur la base de chiffres de production plus récents.

Il faut cependant reconnaître que dans un cas comme dans l'autre, que l'on compte ou non le coût des essais de descendance dans l'étude à court terme, on travaille sur des simplifications. En réalité, les premiers résultats des essais de descendance peuvent influencer les éclaircies de la première génération. Les éclaircies, à leur tour, influent sur le coût de la gestion et sur le rendement en graines et donc, en définitive, sur le prix de revient des semences, mais elles ont aussi pour effet d'accentuer l'amélioration génétique. Cette considération suggère une fois de plus d'imputer le coût des essais de provenance à la deuxième génération des vergers à graines.

ZONES DE PRODUCTION DE GRAINES

Il faut étudier ici les cas où l'on associe la production de semences améliorées à celle de bois rond comme dans les zones de production de graines. Certes, le gain génétique, même dans le cas d'éclaircies sélectives, est presque toujours de loin inférieur à celui que l'on peut escompter de méthodes d'amélioration plus perfectionnées. Mais il faut tenir compte des bas prix des semences ainsi produites et aussi des recettes provenant de la production de bois. En général, cette méthode n'impose aucun frais de plus que la récolte de semences ordinaires, bien qu'il soit parfois nécessaire d'appliquer des engrais aux peuplements.

UTILISATION DE PROVENANCES ÉTRANGÈRES

On ne saurait faire abstraction dans cette étude de l'utilisation des provenances étrangères. Dans bien des cas, les études de provenance ont fourni des renseignements sur des provenances étrangères supérieures aux provenances indigènes. Ce système d'amélioration comporte le coût des parcelles d'essai et des mensurations; cependant une fois que les résultats sont connus, les graines ne coûtent généralement pas plus cher que les semences locales. Il y aurait lieu de considérer les études de provenance comme de la recherche fondamentale et de ne pas en imputer le coût à la production de semences. En dehors des précieux résultats sur le plan biologique, l'étude de provenance donne des possibilités d'application pratique sur une grande échelle et à peu de frais, puisque l'on peut obtenir des graines par les moyens ordinaires. Les études de provenance sont donc un élément très important de l'amélioration des arbres et devraient avoir un rang élevé de priorité dès le départ dans tout programme (Callaham, 1964).

FIGURE 31. - Taux de bénéfice des investissements résultant de différents programmes d'amélioration du pin rouge et du pin gris d'Amérique correspondant à des augmentations données de l'indice de site, les arbres améliorés étant plantés dans des terres d'indice 55. (LUNDGREN ET KING, (1966))

Aspects qualitatifs

Les difficultés sont encore plus grandes lorsque l'on essaie d'évaluer les améliorations qualitatives. Le principal problème tient du fait que le terme qualité s'entend de façon différente selon les entreprises. L'industrie des contre-plaqués, les scieries, les industries papetières ont chacune des exigences différentes. En outre, on connaît très mal l'importance et la valeur des modifications qualitatives obtenues par l'amélioration.

En termes très généraux, on peut dire que l'on tend à produire des matières premières de moins bonne qualité qu'autrefois, surtout en ce qui concerne les caractéristiques externes du bois, mais aussi certaines de ses propriétés. Les peuplements comptent moins d'arbres à l'hectare et des arbres à croissance plus rapide. Cette tendance est un effet inéluctable du développement économique de la foresterie, qui impose de réduire les coûts élevés de l'amortissement de la main-d'œuvre et des transports. Dans ces peuplements moins denses, la qualité se détériore inévitablement par rapport aux forêts naturelles denses à croissance lente et de grande qualité d'autrefois.

Au lieu de parler d'amélioration de qualité résultant des programmes de génétique forestière, il serait peut-être raisonnable de considérer que la génétique aide à rendre moins sensible la détérioration qualitative. Cela est valable tout au moins dans les régions où les essences utilisées sont en général caractérisées par une bonne qualité. Par contre, si un programme d'amélioration des arbres s'ouvre par une sélection intensive dans des populations de mauvaise qualité, on peut plus logiquement s'attendre à des améliorations futures de la qualité malgré la modification des méthodes d'aménagement forestier. Quoi qu'il en soit, l'atténuation de la détérioration qualitative est un apport valable.

Davis (1969) démontre qu'une amélioration qualitative de quelques points peut avoir un effet considérable sur les coûts de fabrication en usine. Cependant, il signale que les programmes d'approvisionnement et les méthodes de tri à la fabrique ont probablement plus d'importance encore que les mesures d'ordre génétique et biologique. Fenton (1969) souligne également la réduction du coût des traitements industriels qui résulte de l'amélioration qualitative obtenue par des programmes génétiques.

Il est nécessaire de prendre aussi en considération l'évolution dans le temps des caractéristiques qualitatives exigées par l'industrie, ainsi que la complexité de la notion même de qualité. Les calculs doivent évidemment se faire selon des critères appropriés pour chaque entreprise envisagée.

LA RECHERCHE SUR LA RÉSISTANCE EST PRATIQUEMENT IRREMPLAÇABLE

S'agissant d'améliorations qualitatives, il convient de souligner tout particulièrement les gains que l'on peut attendre de tout progrès dans le domaine de la recherche sur la résistance aux maladies. Les pertes de valeur résultant des dégâts causés par des insectes et les maladies peuvent représenter des sommes considérables. Or, il n'y a guère d'autres méthodes que la sélection pour améliorer la résistance. Il est donc possible que le principal avantage de la génétique forestière pour les forêts se situera dans le domaine de la recherche sur la résistance. Les études de Björkman (1964) et de Gerhold (1969) font le point des travaux considérables effectués sur le plan mondial clans cette spécialité.

En Italie, la sélection de peupliers résistant à diverses maladies a donné des résultats très remarquables (Castellani et Prevosto, 1969). Dans ce pays, comme dans certains autres, on pratique une populiculture intensive en terrain agricole. Cela impose un type différent d'analyse économique. En effet, il est possible de consacrer les terrains à d'autres utilisations de sorte que la rentabilité de la production de bois doit être mise en regard de celle des cultures agricoles. Cet exemple de l'Italie illustre également la nécessité d'établir, au niveau national, un bilan de la production de bois et de la production d'aliments sur les bons terrains. Comme on a dit plus haut, cette question déborde le cadre de notre sujet. Il faut toutefois souligner à cet égard que les progrès de la recherche génétique sur les peupliers font de l'utilisation de terres agricoles pour la production de bois une spéculation rentable.

Autres avantages

Il convient d'ajouter quelques mots sur les autres avantages de l'amélioration des arbres.

Tout d'abord, il faut bien comprendre que lorsque l'on s'en reines à la production naturelle de graines, on risque des coûts indirects considérables résultant du manque à gagner lorsque la production de semences des provenances souhaitées n'est pas suffisante. Le verger à graines au sens le plus large assure un contrôle fiable de l'origine des graines. Si l'on ajoute à cela le fait qu'il est de plus en plus difficile de se procurer les quantités de semences nécessaires par des méthodes ordinaires (Kellison, 1969), le verger à graines semble présenter des avantages considérables.

En outre, les graines provenant de vergers bénéficient évidemment d'une amélioration physiologique, ce qui a beaucoup d'importance dans les pépinières et, par la suite, dans les travaux de reboisement. L'amélioration des semences et des plants donne de meilleures chances aux nouveaux peuplements comportant moins d'arbres à l'hectare. L'exploitation mécanisée de demain imposera un diamètre aussi uniforme que possible des fûts. Il y a tout lieu de penser qu'à cet égard aussi, le matériel amélioré sera important parce qu'il est plus uniforme. Giordano (1969) signale aussi un autre objectif important pour les sélectionneurs, à savoir la réduction du coût des travaux culturaux par la sélection du matériel à planter.

Conclusions

Au sixième Congrès forestier de Madrid, Bouvarel (1966) et Zobel (1966) ont signalé à quel point il est important de donner plus de poids aux considérations économiques dans l'amélioration des arbres. Evidemment, étant donné l'augmentation de la demande mondiale de bois, il faudra faire appel à de nombreuses mesures différentes pour accroître de façon économique la production mondiale. Ce sont les ressources disponibles qui détermineront l'importance de ces mesures et les méthodes choisies. Mais comme une proportion importante du prix de revient du bois brut est imputable à la récolte et au transport, les progrès techniques dans ces domaines auront très certainement une influence considérable sur la physionomie des forêts de demain. Le rôle de l'amélioration des arbres forestiers sera important à cet égard, mais il doit être analysé de pair avec toutes les autres possibilités d'accroître les bénéfices forestiers.

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