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L'enseignement forestier en Amérique de Sud

José R.E. Bucarey

José R.E. Bucarey (Chili) est bien connu en Amérique du Sud pour ses travaux d'éducation forestière et collabore étroitement avec le Comité FAO de l'enseignement forestier.

L'Amérique du Sud a besoin d'importants effectifs de personnel forestier compétent. L'auteur expose en détail la situation de l'enseignement forestier sur l'ensemble du continent et propose diverses mesures pour le remaniement et la coordination des programmes d'études. Il demande instamment que soient prodigués à un nombre croissant de jeunes les encouragements et la formation indispensables pour multiplier le nombre de techniciens et d'ouvriers forestiers spécialisés au cours des dix années à venir.

ENSEIGNEMENT DE LA DENDROLOGIE EN EQUATEUR cinq écoles pour un continent

L'enseignement forestier, tel qu'il se présente en Amérique du Sud, souffre d'un grave déséquilibre entre ses niveaux universitaire, technique et professionnel, d'où, dans toute la région, une pénurie aiguë de forestiers au niveau moyen.

On constate également que les programmes universitaires, au lieu de se fixer des objectifs fondés sur la situation et les tendances réelles de chaque pays, ne sont que des adaptations de ceux de pays évolués dans les diverses disciplines de la foresterie. Ainsi ni la nature de l'enseignement ni les matières traitées ne reflètent les conditions réelles de l'Amérique du Sud.

On remarque en outre que malgré le souci constant des pouvoirs publics à l'égard du secteur forestier et de l'enseignement dans ce domaine les résultats ne sont pas toujours concrets. Dans presque tous les pays de lia région, l'enseignement forestier souffre d'une insuffisance d,- ressources humaines, d'argent et d'institutions, qu'il s'agisse du secteur forestier proprement dit ou de l'éducation s'y rapportant. Plans et projets ne se matérialisent pas.

Dans la plupart des pays d'Amérique du Sud, les projets en cours ne font nullement appel au soutien que leur apporterait l'enseignement forestier, si nécessaire qu'il puisse être. On oublie ainsi un principe essentiel, à savoir qu'il ne saurait y avoir progrès sans enseignement.

L'aménagement et l'utilisation des ressources forestières exigent une main d'oeuvre capable de résoudre les multiples problèmes que posent ces ressources, soit en équipes, soit individuellement. Il faut donc que l'enseignement forestier forme les trois catégories de personnel nécessaires: d'abord les gestionnaires - cadres forestiers - chargés de l'élaboration des directives et de la direction générale des travaux les plus complexes. Ensuite, les techniciens forestiers de terrain, chargés de la direction de travaux bien précis. Enfin, une masse efficace d'ouvriers spécialisés, chargés de la production et des travaux d'entretien (Centro Latinoamericano de Demografía 1972). La structure actuelle de l'enseignement et de la formation à ces trois niveaux se présente comme suit (voir tableau 1):

- Dix-huit institutions de niveau universitaire pour les cadres forestiers, c'est-à-dire le personnel de direction.

- Cinq institutions pour les techniciens forestiers.

- Cinq écoles de formation d'ouvriers forestiers spécialisés.

Des 18 institutions d'enseignement forestier supérieur, 11 se trouvent dans des pays du Pacte Andin¹. Cependant, sur le versant atlantique de l'Amérique du Sud, on ne trouve d'établissements à ce niveau qu'au Brésil et en Argentine. Il existe quelques écoles à temps partiel en Uruguay, mais aucune au Paraguay dont le territoire est à 51 pour cent couvert de forêts.

¹ Le Pacte Andin, signé en novembre 1969, vise à la création, d'ici 1980, d'un marché commun des pays des Andes. Les signataires en sont le Venezuela, la Colombie, l'Equateur, le Pérou, le Chili et la Bolivie.

Tous les établissements d'enseignement pour les techniciens et ouvriers spécialisés forestiers se trouvent dans les pays parties à ce Pacte.

Gestionnaires-cadres (personal orientador)

Les forestiers professionnels doivent déterminer les besoins et saisir les problèmes complexes du secteur forestier, recueillir les données fondamentales, analyser les situations et les difficultés, fixer des objectifs concrets et envisager des solutions de remplacement, travailler avec des groupes et participer aux débats interdisciplinaires d'ordre technique, décéder de la meilleure solution, planifier efficacement les travaux forestiers de toute nature, organiser, coordonner et surveiller l'exécution des opérations et évaluer la qualité du travail ainsi que la mesure dans laquelle les objectifs pré-établis sont atteints. (Chili. Comisión Permanente en Ciencias Agropecuarias y Forestales, 1974)

Au niveau du personnel gestionnaire, l'enseignement forestier a connu en Amérique du Sud une vigoureuse expansion. Alors qu'il n'en existait que six en 1960 ces écoles étaient au nombre de 18 en 1974. Non contents de créer de nouveaux établissements, on s'efforce sans cesse d'améliorer la qualité de l'enseignement. On trouve au Brésil et au Venezuela des écoles forestières de niveau post-universitaire.

Toutes les écoles formant des gestionnaires exigent, entre autres conditions d'admission, un certificat d'études secondaires (humanités) ou l'équivalent, et la plupart d'entre elles font en outre subir aux candidats un examen d'entrée. Dans toutes ces écoles, la durée des études est de cinq ou six ans, sauf au Brésil, où les cours s'étalent sur quatre ans. La plupart des écoles exigent qu'une part du temps soit consacré aux travaux pratiques, ainsi que la présentation d'une thèse. Les examens sont notés selon le système classique et les candidats aux diplômes doivent réunir plus de 150 valeurs, chacune d'elles équivalant à une heure de classe ou à deux ou trois heures de laboratoire ou de travaux pratiques par semaine. Le nombre total de valeurs exigé dans les diverses écoles va de 153 à 260.

ÉCOLES FORESTIÈRES EN AMÉRIQUE DU SUD (tableau 1)


Catégorie¹

Date de création

Argentine

Nac. de Córdoba (Stgo. del Estero)

C

1958

U. de La Plata (Bs. As.)

C

1960

U. Nac. Del Nordeste (Formosa)

C


U. Nac. De La Plata

D

1960

U. Nac. De Buenos Aires

D


Bolivie

U. Boliviana Misael Saracho

C

1967

U. San Simón

D


Brésil

U. Federal de Paraná (Curitiba)

C

1960

U. Federal de Vicosa

C

1964

U. Federal do Rio de Janeiro

C

1967

U. de São Paulo (Piracicaba)

C

1963

U. de Belém/Pará

D


U. Federal de Santa María

D


Colegio Agrícola Irati/Paramá

D


Chili

U. de Chile (Stgo.)

C

1952

U. Austral de Chile

C

1964

U. de Concepción (Los Angeles)

T

1966

U. Católica de Chile (Talca)

T

1973

U. Técnica del Estado (Concepción)

T

1962

Ministerio de Educación

O

1949

Corporación Nacional Forestal

O

1973

Colombie

U. Distrital Fco. José de Caldas

C

1950

U. del Tolima (Ibaqué)

C

1962

U. Nacional de Colombia (Medellín)

C

1951

U. Nacional de Colombia (Medellín)

T


Equateur

U. Vargas Torres (Esmeralda)

C

1970

Centro Capacitación Forestal

O


Paraguay

U. Nacional de Asunción.

D


Pérou

U. Nacional de La Molina

C

1962

U. Nacional del Centro (Huancayo)

C

1960

U. Nac. De la Amazonia Peruana

C

1972

U. Nacional Amazonia P. (Iquitos)

T

1972

Escuela Genaro Herrera (Iquitos)

O


Uruguay

U. de la República (Montevideo)

D

1960

U. del Trabajo (Maldonado)

D


Venezuela

U. de Los Andes (Mérida)

C

1948

U. de Los Andes (Mérida)

O


¹ C = cadres; D = divers; O = ouvriers spécialisés; T = techniciens.

La comparaison des programmes d'études de 14 des 18 écoles montre qu'ils comprennent 10 semestres de cours, à l'exception du Brésil où ces programmes portent sur huit semestres. Les matières proposées, extrêmement nombreuses, peuvent aux fins d'analyse, se grouper (selon Shirley, 1958), sous les rubriques suivantes: études complémentaires, fondamentales, techniques, supérieures/professionnelles. Ces études et le temps qu'on leur consacre sont indiqués au tableau 2. Le tableau 3 montre, en pourcentage l'importance accordée, dans chacune de ces 14 écoles, à ces quatre groupes.

On constate ainsi, d'après le nombre de valeurs par groupe d'études et les proportions de ces études dans les programmes, que la tendance actuelle consiste à consacrer une grande part du temps aux matières fondamentales et complémentaires ainsi qu'à beaucoup des disciplines techniques-professionnelles/supérieures.

Quatre écoles seulement - celles de Curitiba, Vicosa, Austral et Mérida - consacrent plus de 66 pour cent des études aux matières techniques et professionnelles supérieures. Les autres réservent 33 pour cent ou plus de leurs programmes aux matières complémentaires et fondamentales, certaines allant jusqu'à 42, 49 et 50 pour cent.

Ces chiffres toutefois ne révèlent pas vraiment la tendance de l'enseignement dans ces établissements étant donné que les matières relevant de la formation supérieure/professionnelle se divisent en quatre sous-groupes selon ce qu'offrent leurs facultés, départements ou branches, et non pas selon les divers domaines possibles de spécialisation tels que l'aménagement forestier ou les industries et produits forestiers (Shirley, 1964). Les disciplines de l'enseignement supérieur/professionnel correspondant à chacun de ces sous-groupes sont les suivantes:

- RESSOURCES FORESTIÈRES: sylviculture, science des sols, amélioration génétique, protection des forêts, conservation des sols et des eaux.

- INDUSTRIES FORESTIÈRES ET PRODUITS FORESTIERS: science du bois, technologie du bois, pâte et papier, scieries, conservation et traitement du bois, exploitation, panneaux et contre-plaqués, utilisation du bois.

- AMÉNAGEMENT FORESTIER: cubage, inventaire méthodes de gestion, terres incultes, économie forestière, analyse coût/bénéfice, gestion industrielle, commercialisation.

- GÉNIE FORESTIER: aménagement des bassins versants et des torrents, routes forestières, machines, construction, stabilité des bâtiments, sources d'énergie, hydraulique.

Les niveaux d'enseignement des écoles forestières d'Amérique du Sud s'améliorent sans cesse. Les établissements révisent leurs programmes pour les moderniser et permettent à leur personnel enseignant de suivre des cours de perfectionnement, surtout dans le domaine de la pédagogie, mais également en ce qui concerne la formation supérieure et professionnelle.

Pour combler les lacunes dans les connaissances pédagogiques et méthodologiques du personnel enseignant, les écoles forestières ont organisé des associations ou entrepris des programmes communs de perfectionnement en puisant dans leurs ressources mutuelles aussi bien qu'en faisant appel à l'assistance des écoles d'agriculture et de médecine vétérinaire. L'Instituto Interamericano de Ciencias Agrícolas de l'Organisation des Etats américains dirige et coordonne ces programmes.

Les problèmes de formation des cadres et de la main-d'œuvre professionnelle dans les écoles sont résolus dans une certaine mesure grâce aux bourses d'études accordées par diverses fondations, par des organisations internationales, et au titre d'accords bilatéraux, ces derniers permettant d'effectuer les études à La Molina, Mérida, Curitiba, à l'Universidad de Chile et à Austral.

Toutefois, ces initiatives ne suffisent pas encore. En effet, seule la moitié du personnel enseignant dans cinq de ces quatorze écoles possède déjà des diplômes post-universitaires ou s'y prépare; le reste de ces établissements, soit qu'ils soient de création récente, ou qu'ils n'aient pu obtenir une assistance suffisante, ne compte que de rares diplômés de cet ordre parmi leurs cadres.

Pour l'enseignement technique et supérieur/professionnel les 18 écoles en totaliseraient 560 à raison de 19 à 95 par établissement, moins de 25 pour cent de ces enseignants universitaires - soit 116 - étant employés à plein temps, soit 2 à 53 pour cent par école.

Vu le faible pourcentage de professeurs en poste à plein, temps dans les universités, celles-ci ne peuvent guère, entre autres inconvénients, procéder à une recherche planifiée. La recherche constitue généralement un objet d'intérêt ou de souci personnel pour chacun des enseignants et elle est insuffisamment: axée sur les ressources et les besoins des divers pays. Un très petit nombre d'écoles au Venezuela, au Brésil, au Pérou et au Chili font peut-être exception à cette règle, en ce sens qu'elles ont des programmes réguliers de recherche à l'échelon de la région.

CE QU'ILS ÉTUDIENT - MATIÈRES ET HEURES DE VALEURS (tableau 2)

Une autre lacune de l'éducation scientifique générale en Amérique du Sud, c'est qu'il n'existe ni bureau ni organe d'information pour fournir faits et chiffres sur les activités des divers pays dans les domaines de la science et de la technologie, pas plus qu'une seule publication forestière régionale paraissant à intervalles réguliers.

DEGRÉ D'IMPORTANCE DES DIVERS TYPES DE FORMATION DANS LES PROGRAMMES DE 14 ÉCOLES (tableau 3)


Université

Matières

Complémentaires

Fondamentales

Techniques

Formation cadres/professionnelle

Percent

La Plata7

5

37

14

44

Misael Saracho

5

50

16

29

Curitiba

2

22

25

51

Vicosa

7

25

37

31

Chili

Utilisation des ressources forestières

1

36

21

42

Ressources forestières

2

33

19

46

Austral

3

30

29

38

Distrital

6

30

28

36

Medellín

4

38

20

38

Vargas Torres

5

32

25

38

La Molina

10

39

21

30

Nacional del Centro

9

28

23

40

Nacional Amazonia Per

9

31

19

41

Mérida

-

33

26

41

H. Shirley et J. Prats-Llaudaró (1969) estiment que d'ici 1985 l'Amérique du Sud aura besoin, dans son ensemble, de 4800 forestiers de formation universitaire. Là région n'en compte actuellement que 1820 et l'effectif total des étudiants inscrits en foresterie est de 1600. Ces chiffres donneraient à penser que pour répondre aux besoins de 1985 il faudrait parvenir à une moyenne de 15 diplômés de foresterie par école et par an.

Ces considérations devraient nous inciter à réfléchir sérieusement sur les moyens de multiplier le nombre d'étudiants et de créer de nouvelles écoles dans les pays où il en existe déjà quelques-unes.

Techniciens forestiers (personal ejecutor/técnicos)

Ce personnel devra déterminer les besoins, identifier les problèmes techniques particuliers aux travaux forestiers, recueillir des données de base, analyser les situations et difficultés et fixer des objectifs concrets, explorer diverses solutions aux problèmes, travailler en équipes et prendre part aux débats d'ordre technique. Il devra aussi être en mesure de diriger et surveiller les travaux d'entretien du matériel de production ainsi que les activités de formation et de vulgarisation forestières (Chili. Comisión Permanente en Ciencias Agropecuarias y Forestales, 1974).

Selon les prévisions, l'Amérique du Sud aura besoin, d'ici 1985 de 33 écoles ou centres de formation et de 22530 techniciens forestiers compétents (Shirley et Prats-Llauradó, 1969). Il n'existe pour le moment que cinq centres de formation pour cette catégorie de personnel et le nombre d'inscrits ne dépasse pas 600.

Le Chili exige, pour l'admission dans ces écoles, un certificat d'études secondaires (bachillerato) (humanités) ou l'équivalent (passage d'un examen d'aptitude académique), trois ans d'études, des travaux d'application et un rapport final. En Colombie, l'école forestière de l'Instituto Nacional para et Desarrollo de los Recursos Naturales (INDERENA) constitue essentiellement un centre de formation «en service» pour son propre personnel. A Cenocete, en Equateur, on demande un diplôme d'études secondaires plus une année de formation.

Seuls les programmes officiels étant connus en ce qui concerne les écoles du Chili, on ne peut pas les comparer avec ceux d'autres pays. De source officieuse, toutefois, les écoles dispensant un enseignement à ce niveau auraient été fermées, ou converties en établissement de niveau supérieur, si bien qu'à l'heure actuelle, elles sont inexistantes.

Ouvriers forestiers spécialisés (personal operador)

On attend de la main-d'œuvre spécialisée qu'elle soit en mesure d'exécuter des travaux forestiers, d'utiliser et d'entretenir le matériel et les outils, de déceler et de résoudre les problèmes d'ordre secondaire. Les ouvriers forestiers spécialisés doivent également être en mesure de diriger, organiser et surveiller les travaux effectués par de la main-d'œuvre spécialisée aussi bien que non spécialisée, et de faire fonction de contremaîtres.

Il existe en Amérique du Sud cinq centres de formation d'ouvriers forestiers spécialisés - deux au Chili, un en Equateur, au Pérou et au Venezuela - qui ont déjà formé quelque 10000 personnes à des emplois forestiers particuliers.

Si l'on accepte, comme prévu, la nécessité de 22530 techniciens (niveau exécution) (Shirley et Prats-Llauradó, 1969), et si l'on prend le rapport chilien de 20 ouvriers par technicien (Chili. Comisión Permanente en Ciencias Agropecuarias y Forestales, 1974) il faudra à la région, d'ici 1985, 450000 ouvriers spécialisés formés dans des centres spéciaux.

Ceci donne une idée de l'extrême pénurie d'ouvriers spécialisés dont souffre l'Amérique du Sud au regard des besoins d'aujourd'hui, comme de demain. D'énormes efforts s'imposeront pour y faire face.

DÉMONSTRATION D'UNE SCIE A CHAINE A DES OUVRIERS QUALIFIÉS EN AMÉRIQUE DU SUD une catégorie de travailleurs sous-utilisée

Un quart de siècle encore et l'Amérique du Sud sera surtout peuplée de jeunes. Les moins de quinze ans devraient y compter 230 millions d'ici l'an 2000 (Centro Latinoamericano de Demografía, 1972). Or, il s'agit d'une région où la restriction des admissions à l'université et la sélection rigoureuse des candidats étudiants sont pratiques courantes. Il faut donc sortir de cette impasse, par exemple en orientant la jeunesse vers les carrières techniques et professionnelles, les postes de direction ou les emplois spécialisés. Le secteur forestier devrait d'autant plus pratiquer cette politique que c'est précisément dans ces catégories que l'on manque le plus de personnel.

Etant donné le genre d'instruction dispensé, la demande de cadres et les besoins de la région en matière d'enseignement, il serait bon d'établir une commission régionale avec la participation active des sociétés et associations de forestiers et le soutien de l'Union internationale des sociétés de forestiers. Cette commission régionale serait en mesure d'étudier la formation forestière dans chacun des pays et de présenter aux gouvernements et aux institutions internationales des recommandations sur les divers niveaux d'enseignement forestier, en préconisant par exemple la fermeture ou le soutien d'anciennes écoles, ou encore la création de nouvelles. C'est ainsi que, dans certains cas, il vaut mieux envoyer les étudiants à l'étranger que de créer des écoles au niveau voulu dans leur propre pays.

L'enseignement forestier en Amérique du Sud étant de date récente, il lui manque encore le personnel voulu et les moyens nécessaires pour faire comprendre le rôle majeur de la foresterie dans le développement de la région. Il ne lui a pas davantage été possible, ces dernières années, de concevoir des méthodes propres à inculquer un comportement responsable à l'égard des problèmes forestiers. C'est à ce manque de responsabilité que l'on peut attribuer toutes ces promesses de réalisations, tous ces plans à adopter qui n'aboutissent à rien et ne font qu'ajouter encore au désenchantement général.

Aussi, insiste-t-on pour que les instances internationales (FAO, PNUD, Organisation des Etats américains, Banque mondiale, etc.) unissent leurs forces dans le domaine forestier et permettent, grâce à cette action concertée, de créer des bureaux régionaux ou sous-régionaux chargés de coordonner en Amérique du Sud l'enseignement (y compris les travaux de la Commission régionale évoquée ci-dessus), la recherche et la vulgarisation.

Voici quelques-unes des tâches dont pourraient se charger ces bureaux:

- Tenir à jour et publier des textes décrivant les recherches effectuées dans la région, ainsi que des listes de professeurs et chercheurs, par spécialité.

- Former des équipes d'enseignants pouvant se rendre dans les diverses écoles afin d'y donner des cours de brève durée ou de collaborer à l'élaboration des programmes.

- Former des professeurs aux méthodes, à l'évaluation et à la programmation pédagogiques universitaires.

- Organiser et tenir un ou plusieurs centres de documentation au niveau régional ou sous-régional.

- Rechercher, pour les programmes approuvés, l'aide financière d'organismes ou institutions autres que les sources officielles.

- S'efforcer d'établir la coordination des spécialisations entre les écoles forestières de la région pour éviter le chevauchement des activités et faciliter et favoriser l'échange des étudiants et des enseignants désireux de se spécialiser dans des domaines dont ne traitent pas leurs propres écoles ou centres d'études.

- Veiller à ce que les écoles forestières d'Amérique du Sud suivent une série principes généraux eu égard aux programmes d'études comme à la nature et au nombre d'heures d'enseignement par matière et par jour.

Réformes

L'enseignement forestier coûte cher. Il exige en effet un personnel très compétent, des enseignants de haute qualité, des travaux pratiques intensifs, des déplacements, l'entretien du matériel et des véhicules, etc. Pour faire face à ces dépenses, le mieux est de procéder comme suit:

- Grouper les écoles de niveaux différents d'une même localité pour leur donner à toutes plus largement accès aux matériel, installations et moyens, aux lieux d'expérimentation, et aux forêts de production. Il faudrait aussi tenir registre du matériel et des machines disponibles dans la région, soit en prêt, soit en location.

- Ouvrir, dans chaque école, des bureaux de consultation forestière pour en accroître les recettes.

- Créer, dans chaque école, des scieries, des ateliers de travail du bois, des fabriques de mobilier et autres, sous la direction des administrateurs, pour compléter l'enseignement, effectuer des recherches en matière de vulgarisation et de production et assurer des revenus supplémentaires aux établissements. Ces expériences devront, chaque fois que possible, être autofinancées voire lucratives.

- Utiliser les écoles comme centres d'évaluation qualitative des produits forestiers brevetés.

- Faire des écoles des centres de recherche nationaux.

Programmes trimestriels

Il est de plus conseillé, pour plus de souplesse, d'adopter un système de programmes trimestriels. Les meilleurs sujets pourront ainsi accomplir leur cycle de formation plus rapidement, tandis que les ressources humaines et matérielles seront utilisées plus efficacement, et que les enseignants d'autres écoles ou de pays étrangers seront en mesure de participer plus aisément à l'établissement des programmes. Il est également possible de mieux organiser l'enseignement des diverses disciplines connexes, grâce à la méthode d'instruction en blocs ou cycles qui groupe certaines matières. Cette méthode permet de mieux utiliser les ressources existantes, tout comme elle permet aux forestiers non enseignants et aux cadres des industries forestières d'assister aux cours portant sur des grouses de questions intéressant leurs spécialités et partant, de se perfectionner. De cette façon on peut aussi mettre un certain frein aux abandons, les étudiants qui échouent pour des raisons autres que Durement académiques ayant la possibilité d'opter pour des emplois secondaires, mais importants en foresterie, par exemple le classement du bois et les pépinières.

Pour tendre à une meilleure utilisation des ressources disponibles, il y a lieu aussi de rechercher la participation des cadres non enseignants pour préparer et enseigner certaines matières, et donner des cours de brève durée. Il importe à cet égard d'encourager l'enseignement permanent.

Il est également suggéré de réduire la durée des études universitaires et d'instaurer un système de spécialisation. On s'assurerait ainsi que celle-ci répond bien aux besoins effectifs du pays. Ce dernier, par ailleurs, dépenserait moins pour la formation de cadres «généralistes» et plus nombreux seraient les étudiants qui pourraient commencer à se spécialiser dans leur propre pays.

Si toutes ces propositions sont avancées c'est que l'on est pleinement convaincu que l'Amérique du Sud possède déjà les bases voulues pour développer l'enseignement, tout comme elle a la capacité d'affronter ses propres problèmes et de les résoudre elle-même en grande partie avant même de faire appel à l'extérieur. La transformation de l'Amérique du Sud n'est pas seulement affaire de technologie, mais aussi d'évolution sociale. Son développement dépend beaucoup de la participation effective de la population à la vie de la société, au processus de l'enseignement et à la justice sociale, ce qui en fait davantage une question psychologique que matérielle.

Références

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BUCAREY, JOSÉ R.E. 1973, Es necesario el post-grado de ciencias agropecurias y forestales en Chile. Dans Actas del Seminario sobre Educación Agropecuaria y Forestal. Consejo de Rectores de las Universidades Chilenas. Termas de Catillo.

CASTRONOVO, F. & BONILLA, J. 1970, La enseñanza forestal universitaria en la zona sur Buenos Aires, CEDIE. (Estudios sobre Investigación y Enseñanza N°. 1)

CENTRO LATINOAMERICANO DE DEMOGRAFÍA. 1972, Boletín Demográfico, 5 (10).

CHILE. COMISIÓN PERMANENTE EN CIENCIAS AGROPECUARIAS Y FORESTALES. COMITÉ FORESTAL 1974, Análisis de la educación en el sector forestal y proposiciones para su desarrollo. Consejo de Rectores de las Universidades Chilenas. 13 p.

D'ADAMO, O. 1972, The evolution of the forest products industry in Latin America. World Wood, 13(11):32-34.

INSTITUTO INTERAMERICANO DE CIENCIAS AGRÍCOLAS. 1972, I seminario de profesores de la zona andina. Lima.

SHIRLEY, H.1958, Forestry education and research in Russia. Journal of Forestry, 56(12):892-899.

SHIRLEY, H. 1964, Organization of professional education in forestry for developing countries. Paper presented to FAO Advisory Committee on Forestry Education, Mérida, Venezuela.

SHIRLEY, H. & PRATS-LLAURADÓ, J. 1969, Forestry education and training in Latin America. Rome, FAO. FO-MISC/69/5.


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