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A N N E X E 1
Recherche et Fertilisation

AVANT - PROPOS

Cette annexe résume le document technique no26 CAF/80/002 (Behaghel L. 1985) sur les graines de coton et leur utilisation en pisciculture en zone Est de R.C.A.. Nous y avons étudié les productions de Tilapia nilotica en fonction de différents modes d'alimentation.

Une alternative existe à une alimentation piscicole conventionnelle et qui permet, outre une forte diminution des coûts de production, une équivalence, voire une augmentation des rendements. C'est celle où l'on considère le bassin, non plus seulement comme substrat de croissance piscicole, mais égalemnt en tant qu' environnement à l'élaboration de la nourriture du poisson via la chaîne trophique. Depuis des siècles, ce principe d'alimentation par fertilisation est appliqué dans les piscicultures asiatiques. Nous souhaiterions dans cette publication réhabiliter la graine de coton non en tant qu'aliment, mais en tant que fertilisant et substrat des chaînes alimentaires dans les bassins en pisciculture. Irop souvent, cette source potentielle d'énergie fut considérée comme une denrée pauvre (faible taux de conversion) et dangereuse dans certaines limites par sa contenance en gossypol et parfois en afflatoxines. Des rendements supérieurs à 8 tonnes/ hectare/an pour Tilapia nilotica ont été obtenus en moyenne à la Station piscicole de Bambari en fertilisant des bassins avec des graines de coton et des élevages associés de porc. Ces résultats ont été obtenus sur des bassins de grande surface (30 à 50 ares) en station ainsi que sur des bassins de dimensions plus modestes en pisciculture rurale (1 à 2 ares).

1. Matériel et méthode

1.1. Le coton et ses sous-produits

La variété cotonnière utilisée en R.C.A. est la BOA-b2.N'utilisant pas les graines à des fins commerciales (huileries, tourteau ect…), une petite partie est actuellement destinée aux réensemencement et le reste est jeté ou brûlé et donc disponible aux éleveurs et aux pisciculteurs pour peu qu'ils résolvent le problème du transport (graines gratuites).

Près de 160 tonnes de graines ont été utilisées pour la vulgarisation et la station lors de la campagne cotonnière 1984–1985. La composition des graines figure au tableau 8.

De grandes compostières palissées de bois, d'accès aisé et d' une capacité de 2 à 3 tonnes de graines partiellement ou non délintées ont été construites dans les bassins. Celles-ci sont réapprovisionnées en graines au fur et à mesure de leur décomposition. Nous pouvons estimer ces apports à 150 à 200 kg/are/6 mois de production dans des bassins de superficie supérieure à 30 ares.

1.2. Elevages associés

- Porcs Large-white ± 1 porc/are de bassin (± 100 porcs à la station)
- autres- poulets de chair (±100)
 - canards de Pékin et de Barbarie (±100)
 - cabris (±60)

L'essentiel de la fumure d'élevage associé est fournie par les porcs. Compte tenu du poids moyen de nos porcs (36 à 54 kg), nous estimons l'intervention de ces déchets liquides et solides à 5 kg/are/jour.

1.3. L'alimentation conventionnelle

Ce type d'alimentation fut surtout utilisé avant d'exploiter les compostières à coton. Elle est basée sur des sous-produits agroindustriels tel le tourteau et le son de riz. La quantité quotidienne donnée est proportionnelle à la mise en charge initiale et est donnée selon la courbe de croissance du poisson:

- 3 premiers mois10% du poids vif initial/jour
- 3 mois suivants20% du poids vif initial/jour.

Au § 4.1.3., figure le prix des aliments conventionnels utilisés.

1.4. Le Tilapia nilotica

Cette espèce piscicole se prête fort bien à un mode alimentaire par fertilisation, car même en présence de granulés et d'aliments préparés enrichis en farine de poisson, 50 à 70% de sa croissance a pour origine une alimentation naturelle issue de la chaîne alimentaire (Schroeder 1983).

On le considère comme omnivore avec une préférence pour le phytoplancton et les couvertures biologiques. Il peut consommer les algues bleues, le zooplancton, mais plus rarement le zoobenthos, les larves d'insectes et les végétaux supérieurs. Lorsqu'il atteint une taille supérieure à 6 cm, bien qu'il préfére une nourriture d'origine alguale expliquant nos fortes productions en fertilisation, il s'accomode d'aliments artificiels (tourteaux, son de riz ect…).

Les durées de production sont généralement de six mois et les empoissonnemnts en Tilapia nilotica de 3 à 7 kg/are et mixte (2/3 alevins; 1/3 géniteurs).

2. Résultats

Les résultats de production sont représentés à la figure 1.

Mode A : alimentation conventionnelle à base de tourteau d'arachide et de son de riz (6 vidanges)

Mode B : excréments porcins et un léger complément d'alimentation conventionnelle (5 vidanges)

Mode C : compostière à coton graines et un léger complément d'alimentation conventionnelle (8 vidanges)

Mode D : excréments porcins et compostière à coton graines (10 vidanges).

3. Discussion

  1. L'alimentation conventionnelle (directe et quotidienne en sous-produits agro-industriels, mode A), outre le fait qu'elle soit coûteuse, ne nous a pas donné de hauts rendements à Bambari avec Tilapia nilotica (3.378 kg/ha/an). On peut envisager le fait qu'elle serve en grande partie à alimenter la chaîne trophique, dont le Tilapia nilotica tire son alimentation.

    Figure 1 : Rendements obtenus avec différents modes d'alimentation (moyennes affectées de leurs intervalles de confiance) (kg/ha/an)

    Figure 1
  2. Les élevages associés (mode B, rendement moyen: 4.184 kg/ha/ an), lorsqu'ils sont en soit rentables, permettent l'obtention de bénéfices piscicoles nets importants et l'obtention de rendement supérieurs à ceux obtenus uniquement avec les sous-produits disponibles sur le marché (mode A).

  3. L'usage de graines de coton en compostières (mode C, rendement moyen: 5.605 kg/ha/an) permet l'obtention de rendements au moins aussi élevés que ceux obtenus en élevage associé. Ceci est d'une grande importance nottament en pisciculture rurale, la zone Est de R.C.A. étant une zone cotonnière et les graines non exploitées étant actuellement disponibles gratuitement (hormis le coût de transport éventuel).

    De plus, à Bambari, l'élevage porcin en stabulation reste précaire faute de géniteurs, d'une alimentation réellement équilibrée et complète et surtout faute d'un marché local. Au cas où ce type d'élevage venait à faire défaut entre autres pour les raisons précitées, il pourrait être remplacé par des compostières de coton graines pour un rendement piscicole équivalent.

  4. Les meilleurs résultats ont été obtenus avec la corrélation des modes alimentaires B et C sans alimentation complémentaire. La moyenne des rendements obtenus sur 10 vidanges est de 8.030 kg/ha/an, soit des productions de 18 à 32 kg/ha/jour. A ce propos, il semblerait qu'indépendamment des quantités de fertilisants introduites dans les bassins, il y ait une synergie d'action des excréments et des graines de coton pour la production de Tilapia nilotica, où la présence d'un facteur limitant dans un des deux fertilisants serait compensée par la présence de l'autre.

    Mode D > Mode B ≥ Mode C > Mode A

  5. En 1983 – 1984 – 1985, furent organisées en collaboration avec la Socada de Bambari des campagnes de distribution de graines de coton aux pisciculteurs ruraux de la région. A la figure 1, est reprise la moyenne des rendements obtenue sur les vidanges contrôlées de deux secteurs de Bambari (Brottoville et Bengué), où les pisciculteurs, encadrés directement par la station, ont une forte propention à utiliser les compostières de coton graines dans leurs bassins. La moyenne des rendements ainsi obtenue sur 36 vidanges contrôlées est de 5.930 kg/ha/an sur des bassins de ± 2 ares et est similaire à celle obtenue par la station en utilisant les compostières de coton (mode C, rendement moyen: 5.605 kg/ha/an).

Nous confirmons ici, et cela dans des perspectives d'autant plus larges qu'elles concernent plusieurs milliers de pisciculteurs en R.C.A., les potentialités de la graine de coton compostée en tant que moyen de production du Tilapia nilotica.

Polyculture

Tilapia nilotica - Clarias lazera

Nous nous référons au document technique no15 (Mievis 1984) quant à l'utilisation de ce type de polyculture.

En station, les géniteurs de Clarias lazera ont été supprimés à cause de leur forte prédation sur le Tilapia nilotica et faute de pouvoir les isoler par manque d'eau. Néanmoins quelques essais de polyculture ont été effectués en pisciculture artisanale.

Lorsque les bassins sont exclusivement alimentés en compost coton, les résultats aboutissent à une prédation quasi totale de Tilapia et à des productions nettement inférieures en qualité et en quantité à celles obtenues en monoculture Tilapia nilotica. La croissance individuelle des deux espèces semble être fortement ralentie, celle du Tilapia, par la prédation du Clarias, et celle du Clarias par un manque d'aliment substantiel (sous-produits agroindustriels divers). Un apport complémentaire d'aliment semble indispensable pour mener à bien ce type de polyculture.

Tilapia nilotica - Heterotis niloticus

Appartenant à la famille des Ostéoglossidae, l'Heterotis est un poisson à croissance rapide pouvant atteindre 1 kg après 1 an. De régime microphage, il accepte néanmoins bien des aliments artificiels variés, nottament les rejets non digérés des élevages associés. Il n'atteint sa maturité sexuelle qu'après 2 ans. Sa reproduction en étangs s'effectue aisément, mais à une seule époque de l'année en station (mi-mai), ce qui le défavorise par rapport à Tilapia, et les pertes en alevins au cours des 4 premiers mois sont généralement considérables (tabl.1)

Indépendamment de l'intérêt apporté à cette espèce en recherche, ce type de polyculture, contrairement à Clarias lazera et sous nos conditions d'exploitation, n'entrave pas les productions de Tilapia nilotica, sans toutefois non plus les augmenter. Les rendements obtenus en polyculture sont repris au tableau 2 et correspondent aux résultats obtenus en monoculture Tilapia nilotica.

Tableau 1 : Croissance d'Heterotis niloticus 1981–1983 (Bambari)

Date vid.Nbre individusTaux de survie
(%)
Pds moyen
(g)
Nbre de joursCroiss. individ.
(g)
Croiss. journ. individ.
(g/j)
Type d'alimentation
mai81Naissance du lot d'Heterotis niloticus 81convent.
14/10/81428-51-51-Elevage ass.
3/3/82429,81811401300,93Convent.
28/7/823788,1119714710166,91Elevage ass.
29/12/823594,613231541260,82Convent.
25/5/833188,617001493772,53Elev.ass.
juin 1983Reproduction du lot Mai 1981

Tableau 2 : Polyculture Tilapia nilotica - Heterotis niloticus

Date de vidangeNo bassinSup.
(ares)
% en pds Empoisson.% en pds VidangeRendement total
(kg/ha/an)
Type d' aliment
TnHnTnHn
1rsem83P127732786145262mode B
1rsem84P127891185156578mode D
2dsem84P12780209289441mode D
2dsem84P336554586148665mode D

Les pourcentages en poids spécifique à l'empoissonnement et à la vidange figurent au tableau 2 et l'on observera que les proportions en vidange augmentent en faveur de Tilapia nilotica malgré une croissance individuelle nettement supérieure d'Heterotis, la limite de ce dernier étant sa faible reproduction.

Nous estimons début 85 le stock d'Heterotis niloticus à 500 kg en station. Le maintien de cette polyculture en station est d'ordre commercial essentiellemnt. En effet, sans entraver les productions de Tilapia nilotica, elle permet de diversifier nos ventes et surtout de commercialiser à un prix élevé des poissons dont le poids, supérieur à 1 kg (Tilapia: ± 100 g), fait qu'ils sont très appréciés.

Conclusions du document technique no26

  1. Une grande part de la croissance du Tilapia nilotica aurait pour origine une alimentation naturelle issue de la chaîne alimentaire et ceci également en cas d'alimentation artificielle. Cela explique les hauts rendements obtenus par fertilisation des bassins. La fertilisation par compostage des graines de coton et élevage associé porcin nous a donné les meilleurs résultats (rendements piscicoles les plus élevés).

  2. L'utilisation de “coton flottant”, soit de graines jetées pêle-mêle sur les bassins, favorise les productions de couvertures biologiques abondamment consommées par le Tilapia nilotica. En effet, les graines flottantes sont un substrat physique et organique à l'élaboration de ces couvertures. Le Tilapia nilotica “broute” les algues planctoniques fixées sur le linter sans toutefois manger les graines.

  3. La pratique du concassage et du délintage des graines de coton pour una alimentation directe nous semble discutable, dans la mesure où les graines concassées sont peu ou pas consommée par le Tilapia nilotica et que le concassage entraine des frais de meunerie.

  4. D'un point de vue économique, la fertilisation des bassins par compostières de coton graines est une solution très rentable pour la pisciculture du Tilapia nilotica:

  5. Le gossypol contenu dans les graines de coton ne semble pas affecter la croissance du poisson. Ce mode alimentaire ne modifie pas le goût du poisson et n'a entraîné à priori aucun cas pathologique.

  6. Les essais de polyculture Tilapia nilotica-Clarias lazera et Tilapia nilotica-Heterotis niloticus dans des bassins exclusivement fertilisés avec des graines de coton ne semblent pas permettre une augmentation significative des rendements par rapportsaux monocultures lilapia n. sous les mêmes conditions de production.

  7. L'exploitation des compostières de coton graines offre de fortes potentialités piscicoles en milieu rural dans les zones situées à proximité des usines d'égrénage de la Socada.


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