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IV. ANALYSE DES ACTIVITES DU PROJET

A. Partie Administrative

Par le biais du Projet un service de vulgarisation de la pisciculture est entièrement mis en place et fonctionnel. L'efficacité de son fonctionnement dépend, cependant, de l'efficacité de sa gestion administrative et de la motivation ressentie par les agènts pour leur travail. Dans ces domaines, il y a des acquis, et aussi des lacunes.

Au début du Projet, les unités administratives fonctionnaient avec d'une part, un budget BGF (Budget Général de Fonctionnement), et d'autre part, un budget BSIE (Budget Spécial d'Investissement et Equipement. En 1985, avec la conjoncture défavorable, les budgets BGF ont été élimines par mesure d'économie. Depuis deux ans, il y a eu aussi des réductions et des delais importants dans l'octrol du budget BSIE. Pendant ce temps, par contre-on a vu une augmentation continuelle du nombre du personnel travaillant dans ces unités, et de la grandeur de la tâche attendue de lui Ceci a entrainé un ralentissement important, sinon l'arrêt même pendant certaines périodes, du travail du Projet. II est évident qu'un rendement satisfaisant du service est impossible si les agents ne peuvent régulièrement se déplacer pour se rendre sur le terrain ou sur les lieux des réunions de coordination, réparer leurs véhicules ou se procurer en fournitures de bureau. La résolution de ce problème ne peut se trouver qu'au niveau de la Direction du Projet et de la Direction des Pêches et Pisciculture du ministère à Abidjan. De ce fait, si ces réductions dans le budget de fonctionnement se maintiennent, il y aura lieu en conséquence, de rectifier et de limiter les objectifs du Projet, afin d'assurer une meilleure efficacité dans l'utilisation de ce budget réduit.

La restructuration du ministère, l'augmentation importante du nombre de Sections Piscicoles, et la crise budgetaire sont des éléments qui ont joue pour créé une situation déstabilisante pour le personnel du Projet. Les agents y travaillant ont perdu la notion de travailler dans un projet particulier, ayant un rôle très spécifique et nécessaire. La restructuration du ministère en 1987 a alourdi davantage la hiérarchie administrative dans chaque Direction Régionale, et elle a aussi, enlevé une partie de la responsabilité administrative de la Direction du Projet sur les Divisions et Sections Piscicoles, la déléguant aux Directions Régionales. Ceci a affaibli d'une manière importante, l'autorité de la Direction du Projet vis à vis des agents. Pendant cette période, et malgré les diminutions dans les budgets de fonctionnement, le nombre des Sections rattachées au Projet a augmenté de 8 à 13. La Direction du Projet n'avait plus les moyens suffisants pour maintenir un suivi rapproché des activités des Sections et des Divisions, et les Sections non plus pour maintenir leur rythme d'activité sur le terrain.

II y a aussi un problème de démotivation des agents envers leur travail. Une partie des agents fournit un rendement très faible. Ils effectuent peu de visites sur le terrain, et démontrent un désintéressement dans la réussite des pisciculteurs, le suivi pour lesquels ils sont resposables. Ceci est en partie lié à la diminution des moyens de travail mis à leur disposition, et au manque de suivi effectif de leur travail par leurs chefs hierarchiques. C'est effectivement très décourageant pour les agents d'être bloqués par un manque de carburant et un manque de financement pour faire réparer leurs véhicules, et de sentir que le peu qu'il réussissent à faire n'est ni apprécié, ni recompensé.

Cependant, il existe aussi un problème de fond, qui est un manque de discipline et de sens de responsabilité professionnelle de la part de certains agents, à tous les niveaux hierarchiques. En fait, c'est un problème connu dans tous les systèmes de fonctionnariat du monde. Il y a aussi des agents du Projet qui ont une conception de leur role qui ne correspond pas a celle d'un service de vulgarisation, ayant pour but de promouvoir une production accrue chez les paysans-pisciculteurs. Ceci est en partie lié au statut para-militaire des Eaux-et-Forêts et a son ròle de contrôle et de repression dans la gestion du patrimoine forestier et faunesque du pays. Ces défaillances d'attitude ne sont solubles que par l'adoption d'une rigueur dans la gestion administrative du service, et d'une volonté d'appliquer les avertissements et les sanctions appropriées lorsqu'elles sont mérités C'est un changement d'attitude et d'habitudes qui évoluera avec le temps, mais il faudra un effort constant pour que cette évolution continue.

B. Partie Technique

1. Centres de Production D'Alevins

Depuis sa conception, le Projet a consacré des moyens très modestes pour l'aménagement des CPA, et ceci à raison. A chaque CPA il n'y a pas, en moyenne, qu'une dizaine d'étangs, et que deux ou trois ouvriers. Lorsque ces CPA sont correctement gérés, ils sont effectivement capables de répondre aux demandes d'alevins qui leurs sont parvenues. Cependant, il y a lieu de réfléchir sur leur rôle considéré comme essentiel depuis le début du Projet. En effet, dès que son premier étang est empoissonné, un pisciculteur n'a plus besoin d'alevins venant d'ailleurs; il s'auto-approvisionne avec des alevins, souvent très abondants, produits dans ses propres etangs. Ainsi, il aurait pu être concevable que le CPA central au siège du Projet effectue les premiers empoissonnements dans une région, et que les Sections effectuent les empoissonnements suivants avec des alevins provenant des étangs des premiers pisciculteurs. Ceci aurait eu l'avantage de diminuer la demande en moyens de fonctionnement déjà très limités des Sections. De plus, cela aurait été advantageux financièrement pour les pisciculteurs qui auraient pu en vendre la partie superflue de leur production d'alevins. De même pour le cas des Etangs Scolaires où les alevins ont été fournis gratuitement aux écoles, l'achat des alevins à partir d'un particulier aurait pu ètre prévu dans le financement des étangs.

Concernant les nouveaux objectifs confiés aux CPA (celui de producteur d'alevins màles de tilapia, et celui de servir en tant que ferme modèle) l'Expert pense que pour plusieurs raisons, ils ne sont pas réalistes. Tout d'abord, le prix de 10 CFA/alevin mâle de tilapia imposé par le Projet empêche tout espoir d'autosuffisance financière pour ces centres. Ainsi, ils deviendront une charge d'autant plus lourde sur le budget de fonctionnement des Sections. De même, vu les difficultés antérieures rencontrées dans la gestion de ces centres utilisant le système de production d'alevins tout venants de tilapia, il est inconcevable qu'ils puissent être correctement gérés en tant que ferme pilote pour l'élevage monosexe. Ceci demande une technicité bien plus élevée et des moyens de fonctionnement plus conséquents. D'autant que le meilleur exemple reste le bon fonctionnement d'une ferme piscicole d'un frère-paysan, ou les contextes sociaux et économiques sont généralement les mêmes que ceux des nouveaux candidats à la pisciculture.

L'Expert pense donc, qu'il faut continuer de gérer les CPA dans la manière actuelle, pour la production des alevins tout venants de tilapia. Cependant, il faut promouvoir davantage l'achat des alevins entre pisciculteurs lorsque cela est possible. Il y a lieu aussi, de diversifier un peu le rôle des CPA envers la reproduction et/ou le stockage d'autres espèces de poissons qui peuvent être associées à l'élevage de tilapia. L'Expert suggère qu'un minimum de deux ou trois étangs dans chaque CPA soient utilisés pour la reproduction extensive des Heterotis niloticus et ces alevins vendus aux pisciculteurs. Eventuellement, les CPA peuvent aussi servir de lieu de stockage et de revente d'alevins d'heterobranchus ou de clarias.

Concernant la construction prévue des deux écloseries de clarias à Gagnoa et à Man, le retard imposé par les problèmes financiers du Projet est une circonstance fortuite. A l'écloserie principale au siège du Projet (CPA de la Loka) la reproduction des clarias s'effectue sans problème, mais la survie des larves lors du stade de grossissement en étangs reste aléatoire. Jusqu'à ce que ces techniques d'élevage des larves soient maîtrisées, et ceci pas seulement par le personnel de la Loka mais-aussi par celui prévu pour la gestion des écloseries de Man et de Gagnoa, il serait prudent de continuer de reporter la construction de ces écloseries supplémentaires.

II y a aussi le phénomène de la reproduction naturelle du silure Heterobranchus isopterus dans les régions de l'Quest et du Centre-Quest, qui n'a pas fait l'objet d'une investigation suffisamment approfondie. Les alevins de ce poisson sont pêchés en très grand nombre par les gens de ces régions pendant une certaine époque de l'année, avec des techniques de pèche traditionnelles. Les alevins sont ensuite expédiés sur les marchés locaux et vendus vivants pour la consommation. La performance de ces poissons en élevage en etang, cependant, n'est pas bien connue, quoi que l'experience des pisciculteurs qui les ont empoissonnes dans leurs étangs témoignent d'une capacité de croissance rapide. Ainsi, il se peut qu'il existe dans ces regions une espèce de silure indigène qui soit suffisamment performante, et pour laquelle la reproduction, la capture, et la distribution des alevins soient deja pratiquées. Si c'est le cas, cela met en question, peut-être, la nécessité de nouvelles écloseries de clarias, au moins dans un premier temps. La performance des Heterobranchus isopterus doit être examinée d'une manière contrôlée dans des futurs programmes de recherche d'accompagnement, afin de pouvoir mieux répondre à cette question.

2. Formation

La formation de base des agents pour la pratique et la vulgarisation de la pisciculture est aquise. Cependant, la pisciculture va sans doute évluer dans des voies différentes: vers l'intensification de l'élevage des tilapias; vers l'élevage d'autres espèces, etc. Ainsi, il y a lieu de continuer à faire revenir les agents pour des stages courts de recyclage chaque année, afin que leurs connaissances suivent cette évolution. Ces stages servent également de moments d'échanges d'idées et d'expériences entre les agents, qui leurs sont très bénéfiques.

3. Programme des Etangs Scolaires

Il est évident qu'une des plus grandes défaillances dans la organisation du Programme des Etangs Scolaires a été le manque de participation directe du Ministère de l'Enseignement Primaire. Sans cet engagement du ministère dans le programme, les maìtres-responsables ne pouvaient bénéficier d'aucune reconnaissance ou récompense officielle pour ce travail supplémentaire. D'une manière générale, le ministère ne réalise qu'un minimum de soutien aux activités extra-scolaires (maraìchage, culture vivrières, etc.). Il existe des programmes officiels pour l'instruction des activités agricoles aux écoles, mais ces programmes sont suivi d'une manière aléatoire, surtout en ce qui concern les activiyeis sur le terrain. Dans le programme hebdomadaire des écoles primaires, il n'y a que 30 minutes par semaine réservées aux activités extra-scolaires, ce qui est insuffisant.

Il y a eu aussi une défaillance générale au niveau des Sections Piscicoles de la part des responsables (habituellement des MPVA) du suivi des écoles. Les visites aux écoles sont peu fréquentes, et l'organisation des pêches est retardée et irrégulière. Ceci s'explique en partie par les moyens de déplacement très limités mis à la disposition de l'agent. De même, il y a des écoles très éloignées de la Section, et le nombre d'écoles est souvent trop élevé pour un seul agent, ce qui ne permet pas même avec des moyens corrects, d'assurer un suivi régulier et efficace.

Devant le relatif échec de ce programme d'Etangs Scolaires, cependant, il ne semble pas nécessaire de remettre en question l'objectif principal du programme: l'introduction des élèves à un nouveau type d'activité agricole qui est l'élevage de poissons. La promotion du le retour a la terre des jeunes du pays fait l'objet d'une campagne nationale, et al sensibilisation des enfants est censée commencer a l'école primaire, à travers le programme d'activités extra-scolaires. Un programme pour la promotion de la pisciculture devrait faire partie de ces activités. Mais, au vu des problèmes rencontrés lors de l'exécution du programme, il y a lieu de repenser si la promotion de la pisciculture aux élèves aurait pu être faite d'une manière autre que par la construction et la gestion d'une unité d'étangs.

La sensibilisation des élèves et l'instruction de quelques notions de techniques piscicoles auraient pu être effectuées sans engager les écoles à gérer leurs propres étangs piscicoles. Un programme de présentations aux écoles primaires, utilisant une variété de materiels audio-visuels pourrait être très efficace. Ces présentations pourraient être effectuées par des agents des Eaux-et-Forêts du service de vulgarisation de la pisciculture, aussi bien que par des instituteurs du Ministère de l'Education Primaire travaillant au service d'Education Nutritionelle des Oeuvres (ENO), et qui ont reçu une formation particulière en pisciculture. Les présentations pourraient être accompagnées par des fiches a distribuer aux enfants, des affiches, des films vidéo, etc., pour augmenter leur efficacité. Des visites aux fermes piscicoles privées seraient aussi possible. Dans l'éventualité d'une demande des élèves et des maîtres d'une école, la construction d'une unité d'étangs serait envisageable si techniquement possible.

Un tel programme de sensibilisation et d'instruction aux écoles primaires pour l'étendue des activités agricoles pratiquées en Côte d'lvoire, serait souhaitable. Dans ce cas, l'organisation se ferait entre l'UNICEF et le Ministère de l'Education Primaire directement. L'assistance des services locaux des Ministères de l'Agriculture et des Eaux-et-Forêts, et de la Production Animale serait sollicitée sollicitée suivant l'enseignement de l'activitéextra-scolarire souhaité

4. Vulgarisation de la Pisciculture

Il y a eu un succés réel dans les efforts de vulgarisation du Projet avec l'adoption progressive de la pisciculture artisanale ces dernières quelques années. On peut déplorer le fait que pendent ce temps les problèmes financiers du Projet se sont accrus, et qu'ils ont sérieusement freiné cet effort.

Le recensement des données de production des cycles d'élevage monosexe realisés par les paysans témoigne du nombre croissant de pisciculteurs qui l'ont adopté, mais aussi fait apparaìtre plusieurs lacunes dans la manière dont ce système est pratiqué. Le projet doit tout faire pour rectifier ces lacunes en prennant en compte les besoins suivants:

  1. Les encadreurs doivent mieux faire respectés par les pisciculteurs, leurs conseils concernant le taux d'empoissonnement et la durée d'élevage.

  2. Encourager l'addition d'un nombre limité d'alevins d'autres espèces (hétérotis, silures, etc.) afin de mieux exploiter le potentiel de productivité de l'étang.

  3. Encourager une meilleure utilisation des déchets organiques (fumiers, déchets ménagers, etc.) dans les étangs.

  4. Assurer un meilleur approvisionnement des étangs en aliment par les paysans, et un meilleur respect du taux de nourissage conseillé.

  5. Le besoin d'analyser, cas par cas, la rentabilité économique respective dans l'utilisation de l'un ou l'autre des deux types d'aliments - le son de riz ou l'aliment 3A.

Le progrès dans les efforts de vulgarisation est en grande partie associé avec la mise en place du Programme de Pisciculteurs Témoins. A travers ce programme, un nombre réduit de pisciculteurs ont été ciblés. Par la suite, ces pisciculteurs ont reçu un encadrement très rapproché, ce qui a été nécessaire afin de les amener à une maîtrise des techniques d'élevage intesifs. Le programme a fourm un supplément de moyens de déplacement aux agents, ce qui faisait souvent défaut dans les budgets de fonctionnement des unités du Projet ces derniers temps. Ceci a permis aux agents d'assurer le maintien du suivi de ces pisciculteurs.

Les résultats initiaux des études de recherche d'accompagnement au Programme de Pisciculteurs Témoins ont déjà fourms des éléments révélateurs au Projet. Les expériences de recherche technique nous donnent des points de repère sur la potentialité du système d'élevage monosexe, suivant le nourrissage à l'un ou l'autre des aliments proposés - le son de riz ou le 3A. Des experiences sont en cours sur l'utilisation des acadjas de bambou dans l'élevage de tilapia en étangs, aussi bien que pour un système d'élevage en cage pour le grossissement initial des larves de silures.

L'étude socio-économique revèle que bien que certains cycles d'élevage sont bien réussis Cependant, peu de pisciculteurs ont maintenu ces bons resultats sur une longue période, et ainsi, peu ont bénéficiés d'un revenu régulier de leurs élevages. La maîtrise du système d'élevage est effectivement un travail de longue haleine. La maintenance d'un programme de vulgarisation rapprochée, par le biais du Programme de Pisciculteurs Témoins ou autre, est impérative pour renforcer les acquis du présent et pour évoluer encore dans l'avenir.

La mise en route effective du Programme de Crédit Piscicole n'a commencé que cette année. Dans la Zone Forêt il n'y a qu'un pisciculteur qui en a bénéficié. Cependant, plusieurs autres dossiers sont à prèsent en cours d'évaluation. Ce programme a été démarré avec beaucoup de prudence, pour deux raisons. La première est que les modalités de l'association du Projet et de la BNDA pour l'evaluation des dossiers et le recouvrement des fonds sont toujours en train de se définir. La deuxième raison est que le crédit a été proposé seulement aux pisciculteurs qui démontraient un réel besoin pour cette aide financière, et une capacité technique suffisante afin d'assurer la gestion de leurs fermes. Parmi eux ensuite, plusieurs ont refusé le crédit, pour des raisons de nature plutôt sociales.

Il est indispensable que l'organisation du Programme vis à vis du rôle de la BNDA soit mieux précisée, et que les agents de la BNDA soient mieux intégrés dans les stades initiaux d'étude des dossiers des candidats. La réussite du Programme ne se verra qu'à partir du moment où des recouvrements de fonds arriveront, au cours des années 1990 et 1991. A ce moment là, il y aura lieu d'évaluer l'action de ce projet pilote et de voir si un élargissement du programme serait souhaitable.

De l'avis de l'Expert, il est indispensable d'avoir à l'appui du service de vulgarisation, un programme de crédit disponible aux pisciculteurs. Cependant, ce programme doit être géré avec beaucoup de prudence, venant en aide que dans un nombre limité de cas ou les besoins et les mérites sont bien évidents.


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