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ELEVAGE INTENSIF DU LOUP (Dicentrarchus labrax)
ET DE LA DAURADE (Sparus aurata) EN RACEWAYS
ASPECTS BIOLOGITQUES ET TECHNOLOGIQUES DU GROSSISSEMENT

Mr. H. HELLIN

I. GENERALITES

I.1. Eaux chaudes - Eaux froides - Généralités

Les espèces marines méditerranéennes sur lesquelles nous travaillons ont une croissance étroitement liée à la température d'élevage (loi de VAN'T HOFF) et répartie en trois classes:

- Optimale à des températures voisines de 25° C,

- Réduite à des températures inférieures à 18° C environ,

- Bloquée à des températures inférieures à 12° C environ.

En deçà de 10° C apparaissent des risques de mortalité tandis que des températures > à 30° C entraînent des problèmes problèmes pathologiques et de consommation en oxygène.

Cette forte influence du facteur température sur l'élevage conduit à distinguer deux types de fermes.

- Les fermes de grossissement en eaux réchauffées:

L'eau de mer les alimentant doit garantir le maintien d'une température du milieu d'élevage supérieure à 18° - 20° C, tout au long de l'année. On obtient ainsi une croissance optimale continue et des poissons de taille commerciale en 18 mois.

- Les fermes de grossissement en eau de mer à température naturelle:

Cette solution n'est envisageable que sur des sites où la température de l'eau ne descend pas en dessous de 14° C en hiver.

Elle se caractérise par deux interruptions hivernales de croissance par cycle d'élevage et pur l'obtention de poissons de taille commerciale en 2 à 3 ans.

I.2. Les trois phases d'élevage

I.2.1 La nurserie

Le grossissement débute avec le transfert, à partir d'écloseries, d'alevins sevrés. Ils font alors l'objet de multiples manipulations et sont installés dans une unité spécifique appelée nurserie.

Celle-ci se compose de bassins de faible volume (25 à 50 m3), caractérisés par:

- une très bonne accessibilité (amélioration du contrôle de l'élevage, réduction des charges en main d'oeuvre)

- la possibilité d'un contrôle fin du milieu d'élevage

- la possibilité de prévoir des cloisonnements amovibles, ne perturbant pas l'hydraulique des bassins.

Les alevins restent dans cette unité pendant une durée de 5 mois environ, jusqu'à atteindre le stade de juvéniles d'un poids moyen de 20 – 25 g environ (Cas d'un élevage en eau à température contrôlée).

I.2.2. Premier grossissement - grossissement

A leur sortie de nurserie, les juvéniles ont une taille insuffisante pour être transférés dans des bassins de plus de 60 à 100 m3. Si tous les bassins d'élevage constitutifs d'une ferme ont un volume unitaire inférieur ou égal à 100 m3, on ne fait pas de distinction entre pré-grossissement et grossissement. Dans le cas contraire, les bassins de taille moyenne constituent l'unité de premier grossissement, ceux d'un volume compris entre 100 et 300 m3 constituant l'unité de grossissement.

Les “Juvéniles pré-grossis” ont un poids moyen voisin de 70 g, taille à laquelle ils peuvent passer, s'il y a lieu, en grossissement. Les poissons quittent la ferme à un poids optimum de commerciSalisation compris entre 300 et 500 grammes.

I.3. Différents types de bassins

I.3.1. Eléments de conception

Les bassins constituent une enceinte pour les poissons et leur milieu d'élevage.

a) Caractéristiques hydrauliques

Les bassins doivent toujours pouvoir être entièrement vidangés dans un bref laps temps (1/2 heure - 1 heure). Ils doivent être conçus pour favoriser la création de courants internes sans zones maintenant un milieu d'élevage homogène.

Leurs évacuations doivent être équipées de systèmes de rétention du poisson difficilement colmatables. Elles doivent également être situées au niveau des zones de concentrations des MES.

Les niveaux d'eau doivent pouvoir être ajustés et constants quel que soit le débit d'apport d'eau de renouvellement.

La profondeur utile doit être inférieure à 1,20 m pour permettre un bon contrôle des bassins.

b) Accessibilité

La circulation périphérique autour des bassins doit permettre d'accéder facilement à tous les points importants, de réaliser dans de bonnes conditions toutes les opérations d'élevage et d'assurer une surveillance efficace.

Les parois doivent être lisses et non poreuses pour permettre une stérilisation et un nettoyage rapide.

Les parois sont généralement réalisées en panneaux rigides (béton, maçonnerie, polyester, etc…).

I.3.2. Bassins de type raceway

Ces bassins se caractérisent par un ratio longueur/largeur supérieur à 5. Avec une alimentation en amont et une évacuation en extrémité aval, cela permet de maintenir un courant longitudinal permanent rapide par le biais de l'alimentation en eau. Ces bassins exploitent très efficacement l'eau d'alimentation et se nettoient automatiquement (entrainement des MES par le courant). Ils permettent également d'atteindre des ratios “surface en eau”/“emprise au sol de la ferme” élevés. Ils sont très bien adaptés aux systèmes de bassins alimentés en série avec réoxygénation entre chaque groupe.

I.3.3 Bassins de type FOSTER-LUCAS

Ces bassins ne diffèrent des raceways que par la mise en place d'une cloison longitudinale et par des extrémités arrondies. Cette solution permet de conserver une utilisation optimale de la surface tout en ayant des courants intérieurs très rapides comme dans le cas des bassins circulaires. Ces courants sont générés par l'arrivée d'eau de renouvellement et des systèmes d'air liftés.

Ils sont auto-nettoyants et se caractérisent par un milieu d'élevage plus homogène que celui des raceways.

I.3.4. Autres types de bassins

Les bassins circulaires ou en terre sont peu répandus en grossissement pour des raisons d'exploitation:

- Complexité des opérations d'élevage

- Mauvaise utilisation de la surface disponible

Il est, par contre, très intéressant d'opérer la phase de grossissement en cages flottantes en mer ou en lagune quand du site s'y prête.

II - L'ELEVAGE

II.1. Programme d'élevage - gestion des stocks

II.1.1. Nurserie

A leur arrivée d'écloserie, les alevins de 1 à 5 g., sevrés sont trop fragiles et à un stade de croissance trop rapide pour être directement lâchés dans les structures finales de grossissement. Ils sont donc transférés dans une unité spéciale, la nurserie, pour les raisons :

a) Fréquence des manipulations

La nurserie doit permettre de réaliser rapidement et aisément des opérations de pêche et de calibrage n'occasionnant pas de stress.

Celles-ci sont, en effet, fréquemment nécessaires pour lutter contre le problème du cannibalisme. Le fort taux de croissance des alevins induit rapidement des différences de poids notables. Le bar ayant tendance à s'attaquer à des proies de taille égale ou inférieure au tiers de la sienne, de fréquents calibrages s'imposent. Ceux-ci réduisent la mortalité en maintenant une distribution de la population en lots homogènes.

La fréquence des manipulations est alors de 2 à 4 semaines.

b) Forte sensibilité à la qualité et à la régularité des paramètres physico-chimiques du milieu d'élevage.

Le principal paramètre à maîtriser est la température. Celle-ci doit être la plus stable possible (variations ≤ à 4° C par jour) et maintenue aux alentours de 25° C.

Pour cela, il est souhaitable d'avoir deux arrivées d'eau permettant d'ajuster la température de chaque bassin.

Les autres paramètres à surveiller attentivement sont la teneur en oxygène, en ammoniac, le pH et la turbidité.

Pendant leur séjour en nurserie, les alevins font l'objet d'une surveillance très attentive. IIs sont stockés à des charges optimales voisines de 10 kg/m3. La durée de cette phase est de 5 mois environ (température moyenne comprise entre 20 et 25° C°) et elle produit des juvéniles de 20 – 25 g. de poids moyen.

II.1.2. Prégrossissement - grossissement

A leur sortie de nurserie, les juvéniles sont transférés dans des bassins de taille moyenne (60 – 100 m3). Il est peu recommandé de les transférer dans des enceintes d'un volume supérieur car on constitue alors des lots d'élevage trop importants si l'on respecte les charges optimales de 12 kg/m3 environ. Cela entraine:

- des problèmes de gestion des lots (hétérogénéité)

- un accroissement des risques d'élevage (pêche, accident)

- une plus grande complexité des manipulations (stress)

Après une durée de 5 mois (en eau réchauffée) à 10 mois environ (après hivernage) on obtient des juvéniles prégrossis d'un poids moyen unitaire voisin de 70 g. qui peuvent être transférés dans les bassins de grossissement final.

Pendant cette phase, la fréquence des manipulations est réduite à 4 à 8 semaines en raison de la réduction de la vitesse de croissance et de la plus grande homogénéité des lots.

Les charges en fin de prégrossissement sont de 15 kg/3 et le poids moyen de 300 – 500 g.

II.2. Gestion de l'eau

La détermination du niveau d'alimentation en eau des bassins est fonction des principaux paramètres suivants:

II.2.1. Consommation d'oxygène dans les bassins

Compte-tenu des charges pratiquées en grossissement intensif (15 kg/3) les consommations d'oxygène dans les bassins d'élevage sont très élevées. Elles dépendent principalement:

- de l'âge des poissons. Plus ils sont jeunes, plus la consommation en oxygène par kg de poids vif est élevée

- du taux d'alimentation

- du niveau d'activité - des stress

- de la température : plus ce paramètre augmente, plus l'activité métabolique et donc la consommation en oxygène augmente.

L'apport en oxygène par l'eau de renouvellement doit être égal à la différence entre la consommation du bassin et l'apport par les aérateurs, qui est lui-même fonction:

- de la température et de la salinité. Ces deux facteurs sont inversement proportionnels à la teneur en oxygène d l'eau à saturation

- du débit d'apport.

Les apports en oxygène doivent être suffisants pour maintenir un taux minimum de 4 mg/l d'oxygène en sortie de bassin.

II.2.2. Le taux d'ammoniaque gazeux

Dans le cas d'installation où la plus grosse part de l'apport en oxygène est assuré par des systèmes d'aération, le facteur déterminant le niveau minimal de renouvellement en eau peut être le taux d'ammoniac gazeux. Ce taux est lui-même fonction:

- du niveau d'activité métabolique du cheptel. Plus celui-ci est intense (stress, période d'alimentation) plus la production d'ammoniac est élevée.

- de la charge des bassins - du taux d'alimentation

- d'autres paramètres physico-chimiques :

Les rejets ammoniacaux sont présents dans le milieu d'élevage sous trois formes:

- Produits azotés solides,

- Ammoniaque sous forme ionisée (ions NH4+) ion ammonium

- Fraction non ionisée de l'ammoniaque (NH3) : gaz dissous

Seule la troisième forme est fortement toxique pour les poissons. Le seuil de toxicité couramment admis est de 0,01 mg d'ammoniac gazeux par litre d'eau. Ce seuil est toutefois variable selon l'âge des poissons (proportionnel) ou la température et le niveau de stress (inversement proportionnel).

L'ammoniaque dans le milieu d'élevage a tendance à évoluer de la première forme vers les deux secondes (solubilisation) et la proportion entre les deux s'équilibre à un niveau variable par la transformation suivante:

Forme ioniséeForme gazeuse

La tendance de cet équilibre varie suivant la température et le pH (cf figure ci-après).

Effets du pH et de la tempéra ire sur la distribution de l'ammoniaque et de l'ion ammonium - (De LIAO et al, 1972)

II.2.3. Autres paramètres physico-chimiques

II.2.3.1. La température : LTechnique d'élevage en eau réchauffée :

Nous avons pu voir (cf I. 1) que la température est un paramètre essentiel pour la gestion et la compétitivité d'un élevage. Dans le cas d'élevage à température contrôlée, un débit minimum d'apport doit être maintenu de manière à compenser les déperditions thermiques au niveau des bassins.

L'eau d'élevage alimentant les fermes peut être réchauffée par:

  1. Des réseaux thermiques industriels : Dans cette option, la plus répandue, l'eau provient plus ou moins directement de circuits de refroidissement de complexes industriels (pétrochimie, centrales électriques).

    Cette solution, généralement complexe, entraine des investissements assez lourds. La complexité est due à l'irrégularité quantitative et qualitative (température, caractéristiques physico-chimiques) des eaux à employer. Celles-ci peuvent être utilisées soit directement, soit après mélange avec de l'eau de mer “naturelle”, soit après traitement, ou comme fluide chaud dans des échangeurs de chaleur si ces caractéristiques physico-chimiques sont impropres à une utilisation en élevage.

  2. Des forages géothermiques: Cette solution, limitée à des aires géographiques bien précises (présence de nappes souterraines) est intéressante car elle permet des économies d'énergie (écloseries) ou des implantations d'élevages dans des zones à priori mal adaptées.

    L'eau de forge est obtenue soit par artésianisme, soit par pomage. Elle est utilisée comme fluide caloriporteur dans des échangeurs de chaleur.

    Cette solution entraine généralement une hausse de l'investissement liée:

    - au coût du forage qui peut entrainer des surcoûts fonciers ou des surcoûts d'aménagement

    - au choix restreint du site d'élevage

    - à la complexité accrue des réseaux, hydrauliques (circuits doubles ou triples, nécessité de prévoir, des recyclages, des stations de pompage, etc…).

    - à la nécessité de couvrir les installations d'élevage pour limiter les déperditions de chaleur dans les régions à climat rigoureux - vérifier la pérennité des apports.

II.2.3.2. La teneur en matières en suspension

Une trop forte teneur en MES est préjudiciable car elle peut entraîner des problèmes d'asphyxie (colmatage des branchies) et d'alimentation.

II.2.3.3. Le pH

Ce paramètre est très important car il conditionne l'équilibre ammoniaque toxique - ammoniaque non toxique. Il est souhaitable de maintenir le pH à un niveau supérieur à 7.5 et inférieur à 8.5.

Dans les bassins d'élevage, le pH varie inversement à la charge des bassins.

En cas de dérive trop importante du pH, une correction s'impose par augmentation des taux de renouvellement.

II.2.4. Aspects hydrauliques

Les taux de renouvellement des bassins sont calculés en fonction de la charge des bassins et du paramètre physico-chimique limitant (NH4 - O2 teneur en MES).

Pour définir les dimensionnements des ouvrages hydrauliques, il est nécessaire de tenir compte:

- des taux de renouvellements horaires moyens et en pointe (besoins maximum)

- des durées minimum de remplissage et de vidange des bassins

- du coefficient de pondération de besoins de l'ensemble des bassins.

Enfin, la conception des réseaux hydrauliques des fermes d'élevage doit, pour permettre de pratiquer une gestion rationnelle de l'eau, prendre en compte:

- des possibilités de variations partielles des débits de renouvellements

- une isolation la plus complète possible entre les réseaux des différentes unités d'élevage, afin de limiter les risques de contamination et d'adapter les qualités de l'eau à chaque phase d'élevage.

II.2.5. Valeurs usuelles

La valeur moyenne des taux de renouvellement pratiqués en élevage de grossissement intensif est de

- 1 à 5 renouvellements par heure,

- vidange d'un bassin en 15 à 30 minutes

- remplissage d'un bassin en 30 minutes.

II.3. Alimentation

L'alimentation est le poste le plus important de l'exploitation d'une unité de grossissement :

II.3.1 Généralités

Les principaux points à prendre en compte pour la gestion de l'alimentation d'un élevage sont les suivants:

II.3.1.1. Le calcul des rations

Les rations alimentaires distribuées quotidiennement doivent être calculées très précisément, pour chaque lot, pour assurer une croissance optimale, suivant les plans de gestion de l'élevage.

Les calculs sont effectués en prenant en compte:

- la taille des poissons

- le type d'aliment

- la température de l'eau

- les observations et le suivi de l'élevage

En grossissement de bars ou de daurades, la ration quotidienne varie généralement entre 1 et 3 % de la biomasse totale.

L' optimisation de la distribution de cette ration quotidienne conduit à prévoir 4 à 5 repas dans la journée, répartis du lever au coucher du soleil. La distribution des repas représente l'un des principaux postes d'affectation de la main d'oeuvre. Il est donc souhaitable, en dépit des investissements que cela demande, d'automatiser ces distributions.

II.3.1.2. L'équilibre des formulations - L'appétence

Une attention toute particulière doit être portée â la formulation des aliments, ainsi qu'à leur stockage, afin que ceux-ci soient parfaitement équilibrés.

Un déséquilibre alimentaire, même léger, peut avoir de lourdes conséquences provoquant une dégradation de l'état sanitaire général du cheptel et une élévation du coefficient de transformation de l'aliment.

Parallèlement, il faut veiller à l'appétence de l'aliment, principalement dans le cas d'une alimentation sêche. Un aliment peu appêtent induit une chu7te de la consommation, des pertes et un transformation élevé.

II.3.2. Alimentation sêche ou humide

II.3.2.1. L'alimentation sêche

C'est à l'heure actuelle, la formule la plus répandue en France pour le grossissement de bars et de daurades.

Elle correspond à une distribution régulière de granulés secs fournis par des fabricants d'aliment.

Cette solution, la plus simple et la plus aisément mécanisable présente deux inconvénients majeurs:

- un coût relativement élevé (coefficient de transformation moyen, prix du kg d'aliment élevé)

- une adaptation encore moyenne de l'aliment distribué aux besoins du poisson (problèmes d'appétence, de carences, d'échanges osmotiques).

Elle présente néanmoins l'avantage de diminuer les coûts de stockage et les coûts de main d'oeuvre pour les opérateurs de distribution.

II.3.2.2. L'alimentation humide

L'alimentation humide est encore très peu répandue et mal maîtrisée en matière d'élevage de bars et de daurades.

Elle est cependant intéressante car elle peut remédier aux inconvénients cités pour l'alimentation sêche.

Les granulés d'aliment humide sont fabriqués à la ferme, à parfir de déchets de poisson broyé et de farines type “premix” fournies par les fabricants d'aliment.

Son développement se heurte:

- à des problèmes d'ordre technologique pour la mécanisation de la fabrication et de la distribution de l'aliment (en cours d'amélioration).

- à la définit on des formulations en fonction des composants disponibles et de leur composition biochimique.

- à des investissements plus élevés.

III. LA FERME D'ELEVAGE DE GRAVELINES

III.1. Introduction

La ferme d'élevage de Gravelines, est la première unité industrielle d'aquaculture marine implantée en France, et la première unité du Centre Aquacole de Gravelines. Diverses opérations de grossissement se sont déjà développées ces dernières années sur les côtes méditerranéennes et se sont confrontées à bon nombre de difficultés dont l'une des principales est d'ordre économique. La durée importante du cycle d'élevage qui, pour le bar élevé dans des conditions naturelles est de 30 mois, atténue sérieusement la rentabillité des exploitations.

La valorisation des effluents thermiques est la raison essentielle de l'aménagement de cette ferme sur ce site à proximité immédiate de la centrale et SEPIA INTERNATIONA a été retenue à l'issue du concours international organisé en 1982 par le SERAG (Syndicat pour l'Etude d'un Réseau Aquacole à Gravelines) pour assurer la conception aquacole de cette ferme.

L'objectif essentiel de cette réalisation était de démontrer, d'une part, la fiabilité en vraie grandeur, des techniques d'élevage, et d'autre part, la rentabilité de ces élevages de poissons marins.

III.2. Conception de la ferme

Le passage dans les circuits de refroidissement de la centrale élève d'environ 13° C la température de l'eau de mer qui évolue donc au cours de l'année de 15° C à 29°/30° C.

Pour conserver ces températures au milieu d'élevage, même lorsque les températures sont sensiblement plus basses, nous avons choisi de couvrir l'ensemble de la ferme (3 000 m2) par des serres de type agricole. Cette couverture limite l'évaporation liée au vent, le refroidissement lié aux différences de température à l'interface eau/air, la chute de température liée aux chutes de neige, ou même l'abaissement de salinité lors de pluies importantes.

La ferme a, de plus, été conçue pour limiter les agressions extérieures (pollution dans l'avant-port de Dunkerque, dragages, chloration dans les circuits de refroidissement de la centrale). Un circuit de recyclage permet d'isoler la ferme de l'extérieur pendant 8 jours environ dans des conditions d'élevage de “protection”.

Ce circuit comprend:

Pour la nurserie:

- Un circuit d'évacuation spécial

- Une unité de décantation

- une bâche de pompage et une station de relevage

- Une unité d'épuration (biofiltration des eaux usées)

Pour le grossissement

Le système est plus simple puisqu'il ne comprend pas d'unité d'épuration proprement dite.

La température du milieu d'élevage peut être optimisée par mélange entre une arrivée d'eau réchauffée (débit 450 1/s et une arrivée d'eau de mer à température naturelle. Nous pouvons ainsi maintenir en hiver, les températures les plus élevées possible (uniquement eau réchauffée) alors que l'été, nous plafonnons la température du milieu d'élevage à 25° - 26°, qui nous semble être un optimum pour le bar et la daurade.

Le complexe de gestion de l'eau, nous permet cette manipulation. A noter la possibilité d'avoir deux circuits indépendants à températures différentes;

- I'un pour la nurserie,

- l'autre pour l'unité de grossissement.

Les bassins de nurserie et de grossissement ont été conçus en tenant compte des principaux points suivants:

- facilités d'exploitation (réglage des débits - observation - alimentation des poissons - vidange)

- auto-nettoyage

L'évacuation est placée en fond de bassin, près d'une extrémité et est régulée sur le plan des niveaux par une surverse extérieure au bassin. Les eaux évacuées sont dirigées vers un canal d'évacuation en régime normal ou un canal de chasse lorsque le bassin est en nettoyage.

III.3. Description de la ferme pilote

III.3.1. Les circuits d'eau

La ferme possède 3 types d'alimentation en eau:

- eau réchauffée

- eau de mer“naturelle”

- eau recyclée

La proportion du mélange de ces différentes sources d'eau est choisie au niveau du complexe de gestion des eaux, de manière à assurer aux poissons les meilleures conditions d'élevage, tant pour la température que pour les autres paramètres physico-chimiques.

Les trop-plein d'arrivée d'eau sont évacués par les déversoirs

Eau de mer réchauffée

Cette eau est pompée en aval de 3 “tranches” de la centrale EDF à un débit meximal de 400 1/sec. Sa température varie de 15 à 32°c.

Cette eau de mer ré chauffée est utilisée en totalité dès que sa température est supérieure à 25°, En été, elle est mélangée avec l'eau de mer froide

Eau de mer froide

Cette eau est pompée en amont de la centrale EDF dans le canal d'amenée de l'eau de mer qui débouche dans l'avant-port de Dunkerque. Elle permet de diminuer la température de l'eau d'élevage pendant la période estivale.

Eau de mer recyclée

Ce recyclage permet de récupérer l'eau ayant déjà circulé dans l'élevage, de la rendre à nouveau compatible par des traitements successifs (décantation, écumage, reprise, biofiltration) avec l'élevage des poissons et de la redistribuer sur l'ensemble des bassins. Ce procédé permit, non seulement une isolation totale de l'exploitation vis-à-vis du milieu extérieur (arrêt de la centrale, pollution diverses), mais il peut assurer un débit global plus important dans les bassins en cas de besoin (surcharge momentanée de l'exploitation).

La qualité de l'eau est vérifiée quotidiennement par des mesures physico-chimiques et le débit assure dans chaque bassin est optimisé en fonction de la charge en poissons de ce dernier.

III.3.2. Les unités d'élevage

Elles sont au nombre de deux : la nurserie et le grossissement.

Le nurserie:

Elle comport 11 bassins d'environ 35 m3, de type FOSTER-LUCAS. Chaque bassin peut être alimenté en eau par deux circuits au choix (débit réglable de 5 à 30 1/sec. par un module à masques :

- le circuit nurserie

- le circuit grossissement

Un aérateur basse pression, type air lift, permit de renforcer la vitesse du courant et d'augmenter l'apport d'oxygène dissous au milieu d'élevage. Une évacuation de fond, équipée d'un système anti-vortex permet d'éliminer les déchets (fèces - aliments non consommés) déposés sur le fond du bassin.

Des distributeurs automatiques d'aliment complètent l'équipement des bassins.

L'unité de grossissement

Elle comprend deux séries de 14 bassins accolés, d'un volume unitaire d'environ 65 m3. Ces bassins sont identiques, à la dimension près, aux bassins de la nurserie.

L'ensemble des unités d'élevage est alimenté en eau par des canaux en béton armé qui placés transversalement à l'axe des bassins et reposent sur les parois latérales de ces derniers.

Une série de passerelles fixées au-dessus des parois des différents bassins permet l'exploitation courante (alimentation, observation, réglage de débit, traitements…)

III.3.3. Les équipements annexes

La ferme comprend, outre les installations d'élevage, les installations suivantes:

- Un atelier de fabrication d'aliment humide avec une chambre froide

- Un local technique qui est divisé en deux parties :

- Un groupe électrogène de secours

- Les composants (décanteurs - station de relevage - biofiltres) des circuits de recyclage.

III.4. L'exploitation de la ferme - premiers résultats

III.4.1. Caractéristiques générales

Les caractéristiques générales de cet élevage sont les suivantes:

- La production annuelle en phase de pleine exploitation sera de 65 à 70 t. (environ 35 t. en 1985).

- Le personnel de production comprend 4 personnes : 2 techniciens et 2 ouvriers dont un marin pêcheur.

- Le nombre d'alevins mis en élevage chaque année est d'environ 300 000 répartis entre bars et daurades

- La surface globale des bassins est d'environ 2 200m2 pour une surface totale de 3 200 m2 (Ratios de 69%).

- Le débit d'eau chaude est de 1600m3heure, le débit d'eau froide de 800m3/h

III.4.2. Premiers résultats

La gestion de cette ferme a été confiée à la coopérative maritime AQUANORD qui regroupe des élus, des professionnels de la pêche, de la commercialisation des produits de la mer, de l'aquaculture.

Après un premier test effectué sur des installations provisoires en 1983 et qui avait pour objectif d'apprécier certaines caractéristiques du site, la première production débute en juin 1984 avec l'introduction de 200 000 alevins :

- 170 000 alevins de bars

- 20 000 alevins de daurades

- 10 000 alevins de soles (essai)

Les croissances observées sont dans l'ensemble comparables aux prévisions initiales. Les taux de survie sont cependant sensiblement plus faibles, ce qui est relativement normal, compte-tenu du fait que l'exploitation a débuté alors que les travaux étaient en cours d'achèvement.

Après un an de travail, les premières ventes ont déjà eu lieu, confirmant d'un côté la validité des hypothèses technique et de l'autre, la forte demande du marché et les prix de ventes élevés.

La qualité du poisson a été unanimement appréciée par la vingtaine de professionnels français et étrangers qui ont été livrés depuis le début des ventes. Depuis ces premiers tests, les demandes sont croissantes et nettement supérieures à nos possibilités de production (5 à 6 t. par semaine).

III.5. Perspective d'avenir

Cette ferme-pilote est le premier élément du site aquacole de Gravelines, l'élément test. Déjà dans les mois qui viennent une écloserie sera aménagée, qui donnera au site une autonomie et une possibilité rapide d'expansion.

Cette “zone aquacole” créée comme une zone d'aménagement traditionnelle regroupera à terme :

- environ 22 fermes de production (22 “parcelles”)

- des réseaux commus :

- Des unités de “services annexes” :

Cette réalisation, si elle se confirme, permettra à la France de passer du stade expérimental ou artisanal qui est le sien aujourd'hui en matière d'aquaculture de poissons marins au stade de production, Gravelines permettant à terme d'atteindre des tonnages supérieurs à 1 200 t./an


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