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L'expansion de' la foresterie et des industries forestières dans les pays sous-développés

NILS A. OSARA

Un article du nouveau Directeur de la Division des forêts et des produits forestiers

EN MATIÈRE forestière on a toujours fait des plans sans doute à plus long terme que dans les autres sphères de l'activité humaine. Alors qu'à l'origine ces plans se rapportaient surtout à des massifs forestiers grands ou petits, ils s'appliquent maintenant à des pays entiers et même à des régions géographiques.

La planification à long terme est devenue un des objectifs principaux du programme de la Division des forêts et des produits forestiers de la FAO. Depuis le début des années cinquante, la Division, en collaboration avec les commissions économiques régionales des Nations Unies et les organisations et instituts nationaux, a mené à bien une série d'analyses régionales sur les grandes tendances et les perspectives de la foresterie et des industries utilisant le bois comme matière première. Ces études ont été facilitées par les rapides progrès des inventaires forestiers nationaux et des renseignements statistiques sur le bois. Une estimation globale des perspectives mondiales est prête et sera présentée au sixième Congrès forestier mondial qui doit se tenir en 1966.

L'ensemble de ce travail repose sur la comparaison des ressources forestières et des besoins à long terme. Il constitue dès maintenant une base solide pour le développement du programme de la FAO ainsi qu'un guide pour conseiller et aider les pays membres. Les résultats ont des répercussions sur le développement économique général et montrent à quel point il serait désirable d'encourager, à l'aide de ressources supplémentaires, les pays sous-développés à promouvoir des programmes à long terme pour l'expansion de leurs industries forestières.

Lorsque, au début des années cinquante, le Secrétariat de la FAO commença à se préoccuper de prévoir les besoins et la demande en produits forestiers, beaucoup s'opposaient à cette idée et la critiquaient ou, tout au moins, doutaient de la valeur de telles analyses. On insistait sur les difficultés qu'il y aurait à estimer l'utilisation future du bois ou les coupes, on jugeait ces études trop ambitieuses, etc. La nouvelle évaluation des tendances et des perspectives pour le bois en Europe (1950-75), actuellement en cours, a pour la première fois permis de comparer ce qui existait vraiment avec les estimations pour l'avenir. Cette comparaison montre que les estimations datant du début de 1953 étaient, en l'occurrence, plutôt faibles et plus près de la réalité qu'on ne pouvait s'y attendre. Il y a des différences, mais elles sont en grande partie dues au fait que lors des premières études on avait sous-estimé l'expansion économique de l'Europe¹.

1GLESINGER, EGON. FAO, Unasylva 17 (2) 69, 1963.

Il semble qu'il y ait un changement d'opinion à l'égard des prévisions de la FAO. Il faut certainement en rechercher la raison dans le fait que les estimations clefs qui ont pu jusqu'à présent être vérifiées se sont révélées justes. Il faut aussi sans aucun doute en rechercher une seconde raison dans une plus grande prise de conscience de la nécessité de la planification à long terme qui suppose une étude des perspectives et des estimations. Il n'est pas exagéré de dire qu'en matière forestière les économistes et les industriels aussi bien que les administrateurs du monde entier s'intéressent à ces études et à ces projections².

2Le Secrétariat de la FAO a été critiqué dans certains milieux pour l'actuelle surcapacité de l'industrie de la pâte et du papier. Ils estiment que la FAO a encouragé des progrès trop rapides en la matière. Cependant, en relisant les publications de la FAO on peut dégager une autre conclusion; par exemple: l'étude World demand for paper to 1975, publiée en 1960, montre que l'accroissement de la capacité des industries de trituration, prévu dès 1959, suffira en gros à satisfaire la demande probable en 1965. L'accroissement excessif des possibilités usinières depuis 1959 s'est, en fait, réalisé en dépit des avertissements de la FAO.

La planification forestière à l'échelle d'un pays devient beaucoup plus facile et plus proche de la vérité si on peut estimer l'utilisation future du bois avec une marge d'erreur acceptable, disons 10 %. C'est ce qu'ont plus ou moins montré les conclusions de la première étude: Consommation, production et commerce du bois en Europe: évolution et perspectives. Il est facile de se rendre compte de la signification d'une marge d'erreur aussi réduite si on se rappelle que les erreurs habituellement admises en matière forestière (suivant la gamme des prévisions) sont souvent beaucoup plus grandes.

Les principales conclusions des études de la FAO

Les études sur les tendances et les perspectives déjà présentées et les résultats provisoires d'études qui n'ont pas encore été publiées permettent de dégager quelques conclusions générales:

1. La consommation des sciages, tout comme celle d'autres bois utilisés pour la construction, etc., augmente, lentement toutefois, et ne suit pas le rythme de l'accroissement du produit national brut (PNB). On peut en déduire que les matériaux de remplacement prennent l'avantage sur le bois massif.

2. La consommation de papier et de produits papetiers a augmenté - et continuera d'augmenter - très vite, et dans de nombreux pays plus rapidement que l'accroissement du PNB. Les chiffres de consommation mondiale du papier et du carton (à l'exclusion des panneaux de fibre et de la pâte au bisulfite soluble) ont été - ou sont estimés - devoir être :Les suivants:

Année

Millions de tonnes

1938

28,4

1948

36,3

1955

56,1

1960

74,2

1965

90,0

1975

141,0

En d'autres termes, on s'attend en gros à ce que la consommation double entre 1960 et 1975.

3. Un groupe de produits relativement nouveaux -- contre-plaqués, panneaux de fibre, panneaux de particules et autres panneaux à base de bois - a obtenu un plein succès. Ces articles remplacent fréquemment les sciages et ont ouvert de nouvelles utilisations au bois. La production mondiale a été d'environ 16 millions de tonnes en 1960 et la demande peut être multipliée par 2,5 ou 3 d'ici 1 970.

4. Durant les années cinquante, on a constaté des développements intéressants en Europe. En tablant sur les chiffres commerciaux des produits forestiers de hase en équivalent de bois ronds, il devient évident que l'Europe est maintenant importatrice et que l'excédent des importations ira sans doute en s'accroissant dans l'avenir.

Devant ces tendances, comment le monde - et l'Europe en particulier -fera-t-il face à ces besoins grandissants de bois (ou de fibres)? Voici quelques réponses possibles:

1. Il existe encore en abondance des forêts résineuses inexploitées en U.R.S.S. et au Canada (et, dans une moindre mesure dans d'autres parties du monde).

2. Dans les parties du monde où se trouvent actuellement les principales industries de la pâte, il est possible d'accroître la production des forêts grâce à, une sylviculture plus intensive des forêts existantes et à une extension des reboisements. L'utilisation plus rationnelle des bois d'industrie et la diminution de l'emploi du bois comme combustible devraient également contribuer dans l'avenir à l'amélioration de l'approvisionnement.

3. Dans les zones chaudes, la plantation de résineux à croissance rapide, là où les conditions le permettent, devrait fournir une production importante de fibres et de bois résineux dans un délai relativement court.

4. Il existe des ressources apparemment illimitées en fibres courtes. Dans de nombreuses régions du monde, les feuillus tout comme la bagasse, la paille, les roseaux et autres matières premières analogues existent en telles quantités qu'il n'est pas possible d'en assurer actuellement le plein emploi. La plantation de feuillus à croissance rapide tels que Eucalyptus et Populus devrait permettre, dans l'avenir, une augmentation rapide de la production de fibres courtes.

5. Les rapides progrès des techniques donnent plus d'importance aux fibres courtes et l'industrie papetière ne dépend plus uniquement des fibres longues résineuses comme il y a quelques années.

Si l'on considère le monde dans son ensemble on ne doit pas craindre un manque de bois ou de fibres. Cependant, il est probable que les nouvelles forêts artificielles constituées d'essences à croissance rapide bien choisies joueront un rôle important bien avant que les forêts jusqu'ici inexploitées puissent être utilisées.

L'influence de la situation européenne

Une évaluation plus poussée de la situation européenne montre que, d'ici 1975, l'Europe (non compris l'U.R.S.S.) aura probablement besoin de quelque 80 à 110 millions de m³ de bois ronds d'industrie (ou de fibres exprimées en bois ronds) de plus qu'en 1960. Il n'est pas possible d'évaluer dans quelle proportion la production européenne pourra faire face à cette augmentation grâce à la sylviculture intensive, etc., ni dans quelle proportion elle devra recourir à des importations en provenance d'autres régions. L'expérience des années cinquante a prouvé que la production européenne pouvait satisfaire des besoins croissants en bois ronds dans une proportion beaucoup plus grande que ne l'avaient cru les principaux spécialistes européens en économie forestière. Il y a tout lieu de croire que cela peut se reproduire. Il est probable que toutes les possibilités déjà mentionnées d'accroissement; de la production du bois d'industrie y contribueront: intensification de la sylviculture; réduction des pertes à l'exploitation et au transport; diminution du bois de chauffage; développement du reboisement, en outre une fraction des terres actuellement utilisées par l'agriculture sera probablement consacrée à la production forestière; la papeterie sera sans doute moins tributaire des fibres longues de haute qualité, etc. Il n'en est pas moins vrai cependant que l'accroissement de l'approvisionnement européen en bois d'industrie ne pourra pas s'accomplir sans d'énormes efforts et sans investissement de capitaux.

Dans l'immédiat, la plus importante augmentation de l'approvisionnement en bois d'industrie peu-t sans aucun doute venir de la quantité étonnamment grande de bois de feu (10,7 millions de m³ en 1960, soit un tiers de la production forestière totale) qui est toujours utilisée. Le prix actuel du bois de chauffage correspond en grande partie, et même parfois en totalité, au coût de la main-d'œuvre. En Europe, les salaires augmentent régulièrement alors que les combustibles autres que le bois n'ont jamais atteint un cours aussi bas et été aussi faciles à se procurer que maintenant. Il serait certainement contraire à toutes les règles de l'économie de ne pas voir les combustibles solides et liquides, et en particulier le gaz liquide, plus utilisés aux dépens du bois de chauffage. En fait, cette évolution s'est déjà manifestée dans de nombreux pays. Il faut bien entendu reconnaître que les dimensions et la qualité du bois généralement classé en bois de chauffage sont souvent inférieures à celles du bois à pâte normal, et c'est un fait bien connu que, dans certains pays, le feuillu de petite dimension est maintenant invendable quel qu'en soit le prix. L'industrie de la pâte a cependant déjà changé ses conceptions en matière de bois à pâte.

En outre, il y a des produits nouveaux tels que les pâtes semi-chimiques, les panneaux de fibre et les panneaux de particules que l'on peut fabriquer intégralement, ou en grande partie, avec des bois de plus petites dimensions. Le fait important reste la possibilité de reconvertir de manière permanente une grande partie de la production de bois de chauffage en bois d'industrie.

Il y a cependant un point important à ne pas négliger. En Europe, comme dans des régions analogues le coût du développement de la production de bois d'industrie par tous les moyens techniques disponibles s'accroîtra progressivement. Il y a évidemment des limites à la dépense compatible avec une production rentable. Le bois d'industrie produit sur place subira la concurrence des produits dérivés en provenance d'autres régions. De cette concurrence, découlera la limite dans laquelle les mesures prises pour le développement de la production locale seront financièrement justifiées. Dans certains cas, évidemment, le reboisement et l'intensification de la sylviculture devront être et seront entrepris pour d'autres raisons que des considérations économiques. On estime cependant que, tout au moins, la production de bois de pâte des nouvelles forêts artificielles des pays tropicaux tendra à être nettement compétitive en face des cours qui s'établiront en Europe.

Le développement des forêts artificielles

C'est un truisme souvent répété que de dire que l'accroissement rapide de la population mondiale et l'élévation du niveau de vie exigeront des quantités de bois et de fibres sans cesse accrues. Les accroissements les plus importants pendant les prochaines années continueront sans aucun doute à se produire dans les pays développés à niveau de vie déjà assez élevé. Plus tard, les pays dits en cours de développement, qui englobent la majorité de la population mondiale, deviendront cependant de plus en plus importants. En somme, la demande en bois et en fibres atteindra certainement un tel niveau que de nouveaux moyens devront être envisagés pour la satisfaire. Comme nous l'avons déjà dit l'Europe doit dès maintenant se préoccuper d'accroître ses importations de bois ou de fibres. Dans ce contexte les forêts tropicales et subtropicales comptent parmi les plus importantes ressources disponibles. La meilleure exploitation des forêts existantes pourrait théoriquement faire face pendant longtemps aux besoins mondiaux croissants. Les nouvelles plantations d'essences à croissance rapide semblent plus prometteuses. On a obtenu des résultats étonnants dans différentes parties du monde avec diverses espèces des genres Eucalyptus, Populus, Pinus, Cupressus, Araucaria et beaucoup d'autres.

Les ressources forestières existantes ou potentielles des zones tropicales se trouvent dans une large mesure dans les pays «en cours de développement». Beaucoup de ces pays affrontent le problème d'une balance commerciale défavorable entre l'exportation de matières premières et l'importation de produits manufacturés, aggravé par la diminution du commerce à l'exportation.

Quelques-uns seulement disposent de gisements de minerais suffisamment importants ou de nappes de pétrole en cours d'exploitation. La plupart d'entre eux sont des pays agricoles. Malgré les vastes régions où sévissent la faim et une mauvaise nutrition, les excédents posent cependant de nos jours de sérieux problèmes dans le commerce des produits agricoles. C'est plutôt en cherchant à satisfaire la «faim de bois» du monde que les pays en cours de développement pourraient trouver de nouvelles possibilités d'exportation. En fait, celles-ci ont déjà été envisagées et il n'est pas surprenant de voir de nombreux pays ayant nouvellement accédé à l'indépendance rechercher maintenant avec insistance, en vue d'exporter sur le marché mondial, des possibilités pour la fabrication de la pâte et pour d'autres industries alimentées à partir des matières premières indigènes.

Les perspectives pour une production future de fibres semblent favorables à la savane ou aux régions de prairie à précipitations assez abondantes et suffisamment bien réparties pour les résineux. Le reboisement n'y implique pas des dépenses importantes de défrichement comme dans le cas des forêts denses humides (rain forests). Cette opinion n'est pas uniquement fondée sur des calculs théoriques: des plantations ont été réalisées à une grande échelle sur de telles stations dans différentes parties du monde; elles ont été décrites dans de nombreux articles parus dans Unasylva. Les exemples les plus connus se situent au Brésil, au Chili, en Afrique orientale et méridionale, en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans les pays méditerranéens. Des industries très importantes alimentées en bois par certaines de ces plantations ont déjà été installées. L'immense industrie de la pâte des Etats du sud des Etats-Unis d'Amérique montre à l'évidence les potentialités des zones chaudes.

Un exemple pris en Afrique orientale

Le coût de la production du bois d'industrie dans des plantations telles que celles qui viennent d'être évoquées est une question qui mérite d'être étudiée. Comme on l'a dit plus haut, la comparaison des prix et du coût, parmi d'autres facteurs, déterminera le niveau jusqu'auquel il sera profitable, dans une région comme l'Europe, de mobiliser les ressources locales de production de bois. Apparemment, il y a très peu de données sur le coût réel de la production des forêts artificielles tropicales ou subtropicales. C'est peut- être l'étude des industries déjà approvisionnées en matières premières à partir de ces plantations qui peut, dans la pratique, fournir la, meilleure réponse en ce qui concerne le bois à pâte. Les prix actuels bois à pâte peuvent cependant être influencés par des facteurs locaux ou à court terme qui n'ont guère de rapport avec le coût réel de la production. Certaines usines peuvent avoir l'exclusivité de la production des plantations; d'autres peuvent fonctionner dans une économie où de brusques changements de la valeur monétaire rendent les calculs difficiles.

Durant l'hiver 1962, lors d'une visite au Tanganyika, l'auteur a pu obtenir des informations de première main sur les coûts des plantations dans la savane ou dans les prairies d'Afrique orientale³. A partir de ces renseignements, on a calculé le coût de la production du bois à pâte résineux. Les résultats sont résumés ci-dessous.

3Les renseignements sont principalement dus à M. Charles Cree, alors Conservateur des forêts adjoint (Tanganyika) et à M. Dyson, Forestier (Kenya).

On a pris comme base des calculs une usine de pâte avec une capacité annuelle de 150 000 tonnes correspondant à 700 000 m³ de bois à pâte. On a adopté les trois hypothèses A, B et C - suivantes:


A

B

C

Production moyenne annuelle des plantations (m³/ha)

10

15

20

Production annuelle correspondante de pâte (tonnes/ha)

2

3

4

Surface théorique de forêt nécessaire (ha) ¹

75 000

50 000

37 500

Surface annuelle à reboiser avec une révolution de 20 ans (ha)

3 750

2 500

1 875

¹Surface de la coupe à blanc annuelle en supposant qu'on ne pratique aucune éclaircie au cours de la révolution.

L'évaluation du coût des postes qui suivent, exprimé en dollars U.S., est censée être la même dans les trois hypothèses. Elle représente en gros les moyennes des chiffres actuels:

1. Réseau de grandes routes, maisons et autres bâtiments, matériels, équipement et pépinières créées ou acquises dès le début; coût environ 30 dollars par hectare. Ces frais généraux peuvent se répartir sur les cinq premières années.

2. D'autres frais généraux, tels que routes forestières (ou autres modes d'approvisionnement), renouvellement des matériels et de l'équipement, etc., atteignent 30 autres dollars par hectare à mesure que les plantations prennent de l'importance.

3. Le coût des plantations s'élève à 30 dollars par hectare; elles sont réalisées à la cadence annuelle mentionnée plus haut.

4. Les frais d'entretien et de garderie représentent 30 dollars par hectare et par révolution.

Le total général du capital à investir comprend donc les postes suivants:

 

A

B

C

Milliers de dollars U.S.

Frais généraux durant les cinq premières années

2 330

1 554

1 165

Frais généraux annuels

2 330

1 554

1 165

Coût de la, plantation

2 330

1 554

1 165

Coût de la garderie

1 165

777

584

CAPITAL A INVESTIR POUR 20 ANS

8 155

5 439

4 079

Besoins annuels en capital durant les cinq premières années

700-745

465-495

350-365

Besoins annuels on capital durant la sixième année

280

185

135

Besoins annuels on capital durant la vingtième année

350

235

175

En raison de la nature de l'entreprise il convient, comme c'est l'habitude, de capitaliser à intérêt composé. Les taux d'intérêt suivants ont été utilisés: 4, 5, 6 et 7 %.

Le résultat du calcul est résumé dans le graphique ci-dessous. Il montre que le coût du stère de bois à pâte est, dans les différentes hypothèses, fonction du taux d'intérêt choisi. On a employé ici comme unité de mesure le stère, puisque les cours du marche européen du bois à pâte sont en majorité établis au stère. Le graphique montre clairement la signification de la fertilité du sol. Sous les conditions C, même un taux d'intérêt élevé reste pratiquement acceptable. Le fait qu'une plantation puisse produire 20 m³ et plus par hectare et par an mérite aussi d'être médite.

Le coût de la production du bois à pâte dépend de la productivité de la station et du taux d'intérêt composé de la capitalisation. Productivités (m³): A = 10; B = 15, C; = 20 (volume réel sous écorce) par hectare et par an.

Le calcul précédent est, bien entendu, schématique. Le choix du taux d'intérêt tout comme celui de la durée de la révolution influe considérablement sur le résultat final du calcul. Une révolution de 20 ans peut être jugée trop longue, car c'est un fait bien connu que les forêts artificielles tropicales peuvent produire du bois présentant toutes les qualités requises pour la fabrication de la pâte en 10 ou 20 ans seulement. En contre-partie, le taux d'accroissement dans les forêts de ces âges est très élevé et continue à augmenter et on ne devrait pas craindre un arrêt de la production. Plus la durée de la révolution sera courte, plus la surface annuelle de la coupe à blanc sera grande et plus le coût annuel du reboisement sera élevé. Pratiquement une révolution plus courte, ou la réalisation d'éclaircies, peut se justifier au début et permettre une production plus précoce de pâte. On pourrait dans ce cas démarrer au bout de 10 à 12 ans la production de pâte à raison de 50 % du total prévu pour la capacité de l'usine et atteindre la pleine capacité plus tard, c'est-à-dire à la fin de la première révolution. Les considérations de cette nature pourraient influencer le résultat des calculs, mais ce serait dans une direction encore plus favorable.

Même en tenant compte de la possibilité d'assez grandes variations dans les chiffres sur lesquels porte le calcul du coût, la conclusion évidente est que le coût de la production du bois à pâte dans les savanes ou les prairies des zones tropicales est très bas. Même dans l'hypothèse la plus onéreuse, les coûts sont très inférieurs aux cours du bois à pâte sur pied, dans les pays scandinaves, par exemple. Il faut noter cependant que ces prix comprennent en Europe des postes dont le calcul ci-dessus ne tient pas compte. En outre, le résultat est bien entendu influencé par les taxes, le prix ou le loyer de la terre, les assurances forestières, etc., dont il n'a pas été tenu compte ici.

Les prix de vente compétitifs sur le marché mondial de la pâte ou du papier produits à partir de la matière première fournie par des plantations telles que celles mentionnées dans les calculs ci-dessus dépendent bien entendu d'un grand nombre d'autres facteurs importants. Pour n'en citer que quelques-uns: quel est le coût de l'exploitation et du transport du bois de la plantation à l'usine, quel est le coût du transport du produit fini vers les marchés, quel est le coût de la fabrication en usine, etc.? Ces. coûts dépendent des conditions locales et exigent des études pour chaque cas particulier.

On dispose cependant de renseignements montrant que si les emplacements de la plantation et de l'usine aussi bien que les dimensions générales de l'entreprise ont été soigneusement choisis, même ces postes de dépenses peuvent être très raisonnables, sinon bas, par comparaison au coût correspondant dans les industries de la pâte ou du papier travaillant actuellement dans les zones traditionnelles.

Le prix du bois à pâte résineux (bois ronds, et non pas déchets d'industrie) rendu usine s'est tenu ces dernières années aux alentours de 8 à 11 dollars le stère écorcé en Scandinavie, et aux alentours de 14 à 17 dollars dans beaucoup de pays européens importateurs. Si, comme il apparaît sur le graphique, le prix de revient du bois à pâte sur pied représente 10 à 15 %, ou même moins, des prix mentionnés ci-dessus, il semble qu'il restera une grande marge pour couvrir d'autres frais y compris le coût de l'exploitation, de la vidange et du transport du bois de la coupe à l'usine.

Un objectif de travail pour la FAO

Bien qu'on puisse avoir quelques doutes sur les résultats des calculs précédents, ils semblent suffisants pour apporter la conviction que le coût de production du bois à pâte résineux dans les zones tropicales et subtropicales ne représente qu'une faible fraction des prix européens correspondants. Si la consommation mondiale de bois, de papier et de carton s'accroît réellement à la cadence prévue, on ne peut tirer qu'une conclusion: les pays tropicaux sont appelés à jouer un rôle toujours plus grand dans l'approvisionnement mondial en bois et en fibres.

Il y a toutes les raisons de se demander quelle répercussion auront de tels développements sur la foresterie des pays où des industries forestières sont installées depuis longtemps et en particulier comment la situation en Europe en sera affectée. On ne peut pas répondre immédiatement et la question devra être étudiée dans l'avenir. Mais on peut conjecturer que, bien avant d'avoir épuisé les possibilités des techniques de production interne maximum de bois et de fibres, les importations de matières premières en provenance des pays tropicaux s'accroîtront du fait de leur bas prix. Le cours compétitif de ces importations déterminera la limite de la justification financière des futurs investissements en matière de production nationale.

Il faut répéter que les potentialités des régions tropicales ne sont pas les seules ressources dont il faut tenir compte à ce propos. Comme on l'a vu précédemment, il existe aussi ailleurs dans le monde de vastes forêts vierges jusqu'ici inexploitées et personne ne peut prévoir l'incidence exacte sur leur développement des progrès scientifiques et technologiques si rapides des récentes années.

La politique commerciale des pays en cours de développement aura certainement dans l'avenir une influence considérable sur l'ensemble de l'approvisionnement en bois. Beaucoup de difficultés devront être surmontées et d'importants investissements consentis avant que ces pays puissent développer sur une grande échelle leur production et leurs exportations de bois ou de fibres. Il ne faut pas s'attendre à des changements rapides. Seuls un petit nombre de pays sont capables, sans aide financière extérieure, d'apporter des solutions aux nombreux problèmes qui se posent. De plus l'atmosphère politique actuelle n'est souvent pas de nature à encourager les investissements à long terme, obligatoirement à grande échelle.

A l'opposé, tant du point de vue de l'économie des pays en cours de développement que de celui de l'approvisionnement mondial à venir en bois et en fibres, les perspectives sont si discutables que personne n'est en mesure d'affirmer qu'on parviendra à surmonter intégralement toutes les difficultés. Cette étude constituera un des objectifs de travail de la FAO pour les toutes prochaines années.


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