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La législation internationale en matière d'environnement

Tendances actuelles

Peter Sand

PETER SAND est responsable du droit de l'environnement au Bureau juridique de la FAO. Cet article est basé sur une enquête entreprise en relation avec le rapport FAO de 1911, La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture.

Les problèmes liés à l'environnement ne sont pas imputables aux seuls facteurs naturels ou technologiques mais peuvent être engendrés ou aggravés par des éléments socio-économiques. La dégradation des terres et la désertification en sont un exemple bien connu; des méthodes erronées d'aménagement des terres et des eaux sont fréquemment lices de manière étroite à la structure juridique inhérente à la notion de propriété et de droit d'utilisation. Ainsi, l'exploitation surintensive peut être engendrée en partie par le morcellement excessif des exploitations, dû aux lois successorales ou au droit foncier existants. Le surpâturage peut être provoqué par des droits traditionnels en matière d'utilisation des terres insuffisamment adaptés à l'évolution de la situation économique et démographique. Les revendications réciproques des utilisateurs de biefs amont et aval de l'eau, fondées sur la contiguïté ou sur des droits acquis en matière d'utilisation peuvent faire obstacle au développement optimal des ressources hydrauliques partagées. De même, le régime juridique traditionnel des mers porte en soi un risque de surexploitation des ressources maritimes communes.

Ainsi, des structures juridiques dépassées peuvent faire obstacle à l'aménagement rationnel des ressources; toutefois, il n'en est pas toujours ainsi: de nombreux pays ont commencé à redécouvrir les avantages qu'il y a à adapter les instruments juridiques existants aux nouveaux impératifs de la conservation des ressources et de la protection de l'environnement. On en citera pour exemples les permis de déversement requis en application de l'U.S. Refuse Act (loi sur les ordures) de 1899, ou encore la notion de troubles de voisinage auxquels les codes civils européens du dix-neuvième siècle cherchaient à porter remède, fournissant ainsi d'utiles instruments de lutte contre la pollution.

Régimes juridiques

La plupart des pays en sont venus à admettre que la multiplicité et la diversité des législations applicables en matière de ressources naturelles et d'environnement, et le risque de double emploi ou de conflits de compétence qui s'ensuit constituent un problème. Il devient urgent de coordonner et de réorganiser les structures administratives dans ce secteur; il ne faudrait cependant pas considérer le fait d'édicter une nouvelle législation intégrée comme une panacée. L'efficacité des lois modernes sur l'environnement est, dans une large mesure, fonction d'une législation et d'une administration sectorielles rationnelles, applicables à des ressources précises dans des cadres traditionnels comme l'aménagement des terres, la législation des eaux et des forêts, la législation de la pêche ou de la faune sauvage, ou encore les règlements en matière sanitaire ou alimentaire1.

La législation ancienne en matière de conservation et de protection des ressources naturelles avait notamment pour inconvénient une approche éminemment négative et répressive. Des restrictions légales sont évidemment nécessaires pour éviter la surexploitation et les interférences entre activités incompatibles; cependant, la législation ne devrait pas se borner à interdire la pollution, la chasse ou les déboisements. Il faut équilibrer les sanctions avec les encouragements à la mise en œuvre d'objectifs généraux et donner une base juridique à la planification et à l'aménagement des ressources tant sur le plan national qu'international. Ainsi, l'extension à 200 milles de la juridiction nationale sur les ressources biologiques de la mer, qui découle de la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, accroît la responsabilité des pays côtiers en matière d'aménagement et entraîne la nécessité de réviser et d'harmoniser les régimes et institutions juridiques2.

L'effet des normes juridiques sur le commerce international démontre également les liens étroits entre les aspects nationaux et internationaux. Un contrôle environnemental unilatéral de la part d'un pays donné et portant sur certaines denrées et produits peut affecter sérieusement les importations des autres pays. Des efforts s'imposent à l'échelon international pour harmoniser des lois et normes nationales contradictoires en la matière, dans la direction déjà prise par les travaux de la Commission mixte FAO/OMS du Codex alimentarius3.

Différents pays peuvent avoir en commun des problèmes relatifs à l'aménagement des ressources et à la protection de l'environnement; ils pourraient alors se prévaloir les uns et les autres de l'expérience acquise pour résoudre ces problèmes et s'efforcer d'élaborer des solutions acceptables pour tous. L'échange d'informations entre les pays à cette fin porte aussi sur les données juridiques. Plusieurs organismes spécialisés des Nations Unies diffusent depuis quelques années des informations sur la législation en vigueur dans les pays qui en font partie, dans des domaines liés à l'environnement; législation sanitaire (OMS, Recueil international de législation sanitaire), législation sur les ressources naturelles renouvelables (FAO, Recueil de législation: alimentation et agriculture), etc. Ces services d'information se proposent essentiellement d'attirer l'attention des autres pays intéressés sur les éléments novateurs contenus dans des législations nationales récentes, ce qui permet accessoirement de faciliter les activités d'assistance technique en cours. En 1976, la FAO et le PNUE ont entrepris un projet expérimental conjoint visant à répertorier sur ordinateur des données juridiques sur l'environnement4.

L'élargissement du champ d'application des réglementations juridiques, non plus orientées vers l'utilisation, mais vers la ressource, est une tendance significative de la législation tant sur le plan national qu'international en la matière5 Certains pays ont entrepris de codifier de manière exhaustive toutes les règles relatives aux ressources naturelles renouvelables et à la protection de l'environnement, sous la forme d'un «code de l'environnement»unifié6, D'autres, tout en maintenant des instruments juridiques distincts quant aux différentes catégories de ressources, ont introduit des réformes substantielles, l'accent passant des fonctions de surveillance à celles de l'aménagement même des ressources, en se servant des nouveaux instruments de gestion7; de la protection de la nature au sens classique à la conservation des ressources naturelles8; de la lutte contre la pollution des eaux et de l'air à des législations d'ensemble antipollution9; de dispositions relatives à certaines substances chimiques dangereuses, comme les pesticides, à la réglementation de toutes les substances susceptibles de se révéler nocives10; enfin, des lois protégeant des espèces particulières d'animaux et de plantes à la surveillance du commerce des produits primaires et secondaires qui en sont dérivés11.

Simultanément, un nombre croissant de pays non contents de réaliser une nouvelle répartition des compétences administratives entre institutions existantes et nouvelles ont aussi mis en œuvre des lois-cadres décrivant les politiques et procédures générales en matière d'aménagement de l'environne ment, y compris la participation des citoyens à la prise de décisions12. Les systèmes réglementaires élaborés à cette fin supposent généralement soit l'attribution de permis spéciaux13, soit des «déclarations d'impact»14 pour toutes les activités risquant de nuire à l'environnement. Sur le plan international, une combinaison de restrictions législatives, de licences obligatoires et de mesures techniques conjointes a été élaborée, notamment pour la lutte contre les déversements de déchets dans les mers et les eaux intérieures15 On constate également une tendance commune à établir - par des lois et, dans certains cas, par des accords internationaux - des unités administratives fonctionnelles pour les aires écologiques se prêtant particulièrement à l'aménagement des ressources (autorités autonomes de certains bassins hydrauliques, etc.) ou les plus menacées (réserves et parcs naturels, etc.).

Il existe actuellement plus de 40 conventions multilatérales traitant de l'aménagement et de la conservation des ressources naturelles, notamment en milieu marin. Un certain nombre de ces traités ont une portée mondiale (et l'on peut supposer qu'ils seront ultérieurement englobés dans une convention sur le droit de la mer); les principaux progrès ont cependant été réalisés, au cours des dernières années, sur le plan régional. Ainsi, on a assisté à l'élaboration d'un certain nombre d'instruments juridiques et à la révision d'accords existants sur l'aménagement de certaines ressources des eaux continentales16 et des pêcheries maritimes17, et aux fins de la protection de l'environnement dans certaines régions maritimes comme la Baltique, la Méditerranée et la mer Rouge18. De même que les accords bilatéraux sur la répartition des ressources et la pollution outre-frontières, et que les déclarations, recommandations et activités normatives connexes de plusieurs organisations internationales et régionales, ces instruments peuvent être considérés comme entrant dans le cadre du droit international sur l'environnement, qui ne cesse de s'étoffer19. La FAO a non seulement assuré le secrétariat de plusieurs des institutions en cause, mais elle a aussi contribué à l'élaboration de nouvelles méthodologies en la matière, en procédant à des échanges d'informations, en participant à l'élaboration d'instruments juridiques et en organisant des réunions d'experts et des conférences intergouvernementales20.

GIRAFES ET ZÈBRES EN AFRIQUE ORIENTALE les lois de protection de l'environnement doivent être étudiées secteur par secteur

Notes

1Cf. par exemple les études ci-après: Mifsud F.M., Droit foncier coutumier en Afrique collection FAO: Série législative n° 7 (1967), FAO/OMS, Directives pour la législation concernant l'homologation des pesticides en vue de leur vente et de leur commercialisation (1970); Kropp, G., Wildlife and national parks législation in Latin America [La faune sauvage et la législation des parcs nationaux en Amérique latine], FAO, Etude législative n° 2 (1971); Christy, L.C., Legislative principles of soit conservation [Principes de législation à la conservation des sols], FAO Soils Bulletin n° 15 (1971); Caponera, D.A., Le droit des eaux dans les pays musulmans, Bulletin d'irrigation et de drainage n° 20/1 (1976); Moore, G.K., Le rôle instrumental de l'administration dans la lutte contre la pollution des eaux, Document technique de la CECPI n° 18 (1973); Savini, M.J., Report on international and national législation for the conservation of marine mammals [Rapport sur la législation internationale et nationale en matière de conservation des mammifères marins], Première partie: FAO Fisheries Circular n° 326 (1974), Gérard, A., Eléments du droit de l'alimentation (structure, principes et dispositions essentielles), FAO, Etude de législation n° 7 (1975), Prats-Llaurado, J. et Speidel, G. Estudio comparado de las administraciones forestales públicas de América Latina [Etude comparée des administrations publiques forestières en Amérique latine], FO:MISC/75/22(1975); Moses, W.R. et Henderson, J.J. Directives générales pour la mise au point d'un système national efficace de contrôle des aliments Série FAO: Contrôle des aliments n° 1 (1976).

2Cf. Limites et statut de la mer territoriale, des zones de pêche exclusives, des zones de conservation des pêcheries et du plateau continental, FAO Fisheries Circular, n° 127 (Rev. 2, 1975); ainsi que les rapports du Stage organisé par le programme FAO pour la mer de Chine méridionale sur les aspects juridiques et institutionnels de l'aménagement et de la mise en valeur des ressources halieutiques (Manille, avril 1977) et du Séminaire FAO/ACDI sur l'évolution du droit de la mer et des pêcheries de l'Afrique de l'Ouest (Banjul, septembre 1977).

3Cf. Dobbert, J.P., Le Codex Alimentarius: vers une nouvelle méthode de réglementation internationale, Annuaire français de droit international, vol. 15 (1969) p. 677; et la liste des normes, codes d'usages et autres documents déjà adoptés par la Commission du Codex Alimentarius et ceux en élaboration CX/GEN-75/1 (1975).

4Cf. Summary report, Catalogue of législation on environment and natural resources [Compte rendu sommaire, catalogue de la législation sur l'environnement et les ressources naturelles], projet conjoint FAO/PNUE n° FP/ 1302-75-02 (1977).

5Outre les références citées dans la note 1 ci-dessus, on consultera aussi Sandoval, M.T., Legislación de aguas en América Central, Caribe y México [Législation des eaux en Amérique centrale, dans les Caraïbes et au Mexique], FAO, Etude législative n° 8 (1975); Le droit des eaux dans certains pays européens vol. I, FAO, Etude législative n° 10 (1975).

6Exemple: le Code colombien (1974) des ressources naturelles renouvelables et de la protection de l'environnement, élaboré avec l'assistance de la FAO/PNUD, cf. Cano, G.J. A legal and institutional framework for natural resources management [Cadre juridique et institutionnel de l'aménagement des ressources naturelles], FAO, Etude législative n° 9 (1975)

7Exemple: U.S. Fishery Management and Conservation Act [Loi sur l'aménagement et la conservation des pêcheries] (1976); U.K Fiskery Limits Act [Loi britannique sur les limites de pêche] (1976); et le décret de 1976 sur les mesures provisoires relatives à la conservation des ressources biologiques et à la réglementation des pêches dans les zones maritimes limitrophes de la côte de l'U.R.S.S. Sur les encouragements en matière de législation forestière, cf. Bombín, L.M., Incentivos económicos forestales en América Latina [Encouragements économiques en matière forestière, en Amérique latine], FO:MAFP/ LA/75/4 (1975).

8Exemple: la loi zambienne sur la conservation des ressources naturelles, de 1970.

9Exemple: la loi fédérale mexicaine pour la prévention et le contrôle de la pollution de l'environnement (1971), et la loi de la République fédérale d'Allemagne (1974) sur la protection contre les nuisances environnementales.

10Exemple: la loi suédoise de 1973 sur les produits dangereux pour l'homme ou pour l'environnement, et la loi canadienne (1975) sur les contaminants de l'environnement.

11Exemple: dans le cadre de la Convention de 1973 sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d'extinction. On retrouve une tendance analogue dans les amendements proposés en 1976 à la Convention internationale sur la protection des végétaux (1951) ainsi que dans les législations nationales récentes telles que le Trinidad and Tobago Plant Protection Act (Loi sur la protection végétale).

12Cf. les études de P.H. Sand, Legal systems for environment protection: Japan, Sweden United States [Système de protection juridique de l'environnement: Japon, Suède, Etats-Unis, FAO, Etude législative n° 4 (1972); et Lutz, R.E., The laws of environmental management: a comparative study [Les lois relatives à l'aménagement de l'environnement: étude comparatives, American Journal of Comparative Law, vol. 24 (1976), p. 447.

13Procédure élaborée dans le cadre de la loi suédoise sur la protection de l'environnement (1969) et reprise, notamment dans la loi danoise sur la protection de l'environnement (1973) et la loi malaise sur la qualité de l'environnement (1974).

14Procédure élaborée dans le cadre de la loi relative à la politique nationale en matière d'environnement des Etats-Unis (1970) et reprise, en particulier dans la loi australienne sur la protection de l'environnement (impact des propositions) (1974), dans la loi française relative à la protection de la nature (1976), et dans le décret sur la politique nationale de l'environnement aux Philippines (1977).

15Voir les «listes noires» et «listes grises» figurant en annexe à la Convention de Londres (1972) sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion des déchets et autres matières, ou la Convention de Bonn (1976) sur la protection du Rhin contre la pollution chimique.

16Cf. Rapport sur La gestion des ressources en eau internationales: aspects institutionnels et juridiques. Ressources naturelles/Série eau n° 1 (1975).

17Voir dans son ensemble le Rapport de la FAO, le Comité des pêches de la FAO et les organismes internationaux et régionaux des pêches, FAO Fisheries Circular n° 331 (1975) et, plus particulièrement, les modifications des textes fondamentaux du Conseil général des pêches pour la Méditerranée et du Conseil indo-pacifique des pêches.

18Exemple: la Convention de Barcelone (1976) sur la protection de la Méditerranée contre la pollution, cf. Protection du milieu marin contre la pollution en Méditerranée, FAO, Rapports sur les pêches n° 148 (1974).

19Cf. Kiss, A.C., Survey of current developments in international environmental law [Etude des tendances actuelles en matière de droit international de l'environnement], IUCN Environmental Policy and Law Paper n° 10 (1976).

20Les activités de la FAO en matière de droit de l'environnement sont relatées chaque année dans Nations Unies, Annuaire juridique. Voir vol. 1972, p. 64; 1973, p. 56; 1974, p. 70; 1975, p. 70.

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