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Panneaux , papiers et cartons à partir des résidus agricoles

Leo Lintu

LEO LINTU est ingénieur forestier au Département des forêts de la FAO, Sous-Division de la pâte et du papier.

Certains résidus agricoles servaient déjà à la fabrication de papier avant même l'introduction du bois, qui représente à l'heure actuelle, avec les vieux papiers, la source principale de matière première. Les résidus agricoles les plus utilisés en papeterie sont la paille et la bagasse, et pour la fabrication de panneaux la bagasse et les anas de lin, mais on emploie aussi un certain nombre d'autres matières. Théoriquement, toute plante fibreuse peut être réduite en pâte et fournir de la cellulose pour la fabrication de papier, mais les contraintes techniques et surtout économiques limitent le nombre d'espèces utilisables.

Pour pouvoir utiliser une matière fibreuse quelconque - bois, paille, bambou - comme matière première pour la papeterie, il faut tout d'abord la convertir en pâte en désagrégeant les fibres qui la constituent; il en va de même pour la fabrication des panneaux de fibres. La production de pâte et de papier est très souvent une opération intégrée, en particulier lorsqu'on utilise comme matière première des résidus agricoles. La production de panneaux de fibres, quant à elle, est toujours une opération intégrée. L'aptitude papetière d'une matière première fibreuse est déterminée par sa facilité de conversion en pâte et par les caractéristiques de la pâte obtenue qui la rendent propre à la production de tel ou tel type de papier. Par conséquent, dans ce qui suit, on considérera les possibilités d'emploi des résidus agricoles dans l'optique d'une fabrication intégrée de pâte et de papier.

On ne peut faire que des estimations grossières sur les quantités actuellement utilisées. L'enquête annuelle de la FAO sur les capacités mondiales de la pâte et du papier fournit une estimation de la capacité de production de pâte à partir de l'ensemble des matières premières fibreuses autres que le bois, dont les résidus agricoles ne forment qu'une partie. En 1975, la capacité totale mondiale de production de pâte à papier de toutes catégories était de 136,1 millions de tonnes, dont 9,3 millions de tonnes soit un peu moins de 7 pour cent, pour les pâtes autres que celles de bois, dont celles provenant de résidus agricoles. On estime que la part relative des pâtes de provenance autre que le bois devrait s'accroître légèrement et qu'en 1980 on disposera d'une capacité supplémentaire de 2,6 millions de tonnes pour le traitement des matières fibreuses autres que le bois. On ne dispose pas de données complètes en ce qui concerne la part des résidus agricoles dans la capacité de production de pâte autre que celle de bois pour l'ensemble du globe. La région la plus remarquable pour la production de pâte et de papier à partir de paille et de bagasse est la Chine, pour laquelle on ne dispose d'aucune estimation officielle, mais où la capacité totale de traitement de ces matières premières s'élèverait à 4,7 millions de tonnes, soit environ la moitié du total mondial.

Le tableau 1 fait ressortir l'importance des matières premières fibreuses autres que le bois dans les pays en développement: environ un tiers de la capacité totale de production de pâte à papier. La capacité de traitement de la bagasse représente à elle seule, dans ces pays, environ 40 pour cent du total des matières fibreuses autres que le bois; son importance est particulièrement marquée en Amérique latine.

Dans les pays développés à économie de marché, la capacité de production de pâte de fibres ne provenant pas du bois est d'environ un demi-million de tonnes inférieure à celle des pays en développement à économie de marché, mais elle ne représente que moins de 2 pour cent de la capacité totale de production de pâte à papier. La paille, notamment en Europe occidentale, domine parmi les matières premières fibreuses autres que le bois.

Les rendements en pâte variant considérablement en fonction des procédés de fabrication et de la matière première utilisée, on ne peut qu'estimer l'ordre de grandeur des quantités de fibres provenant de la paille et de la bagasse. En 1975, les quantités de paille et de bagasse utilisées dans le monde, Chine exceptée, auraient été respectivement de 4 millions et 3 millions de tonnes, en supposant qu'il faut environ 3 tonnes (poids sec) de paille ou 3,5 tonnes (poids sec) de bagasse pour produire une tonne de pâte à papier et que le taux moyen d'utilisation de la capacité de production de pâte se situe autour de 75 pour cent.

En ce qui concerne les panneaux les matières premières les plus employées sont les anas de lin, dont on tire annuellement 600 000 tonnes environ de panneaux de particules dont 70 pour cent en Belgique, et la bagasse, qui fournit quelque 100 000 tonnes par an. Parmi les autres matières premières dont l'utilisation est limitée figurent le chanvre, les tiges de maïs les tiges de coton et de jute et les fibres de palmier.

Le lin entrerait pour environ 85 pour cent (de l'ordre de l,45 million de m3) et la bagasse pour environ 12 pour cent (près de 212000 me) la capacité mondiale de production de panneaux de particules autres que ceux dérivés du bois, estimée à un total de près de l,7 million de mètres cubes en 1973. On notera que l'Europe, avec 1,42 million de tonnes, représentait à l'époque 99 pour cent de la capacité concernant le lin.

Il apparaît également qu'en 1973 environ 5 pour cent de la capacité mondiale estimée de production de panneaux de particules avaient été tirés de matières premières fibreuses autres que le bois (contre environ 6 pour cent pour les pâtes et papiers).

Dans certains pays européens, la part relative des panneaux à base d'anas de lin et de chanvre dans la production totale de panneaux a diminué, moins en raison d'une réticence des utilisateurs que d'un approvisionnement insuffisant en matière première. De nombreux autres résidus végétaux se sont avérés propres à l'obtention de panneaux de qualité satisfaisante, parmi lesquels le kénaf, l'abaca, les balles de riz, la paille de blé et les coques d'arachides.

D'après les données sur la production totale de céréales et de sucre de canne, on aurait disposé en 1975 de quelque 1,5 milliard de tonnes (poids sec) de paille et de près de 60 millions de tonnes (poids sec) de bagasse.

La comparaison entre les quantités de résidus agricoles disponibles et celles actuellement utilisées pour la fabrication de papier et de panneaux laisse entrevoir des potentialités théoriques considérables. Il faut souligner toutefois que les quantités de bagasse et surtout de paille que l'on peut effectivement rassembler sont beaucoup moins élevées, en raison principalement des contraintes économiques dues à leur dispersion. En outre, il existe pour ces matériaux d'autres utilisations telles que la production d'énergie, l'amélioration des sols, l'alimentation du bétail, la literie, etc., qui réduisent considérablement les quantités disponibles; mais même en tenant compte de ces utilisations les quantités restantes pourraient théoriquement alimenter une importante industrie de pâte et de panneaux. Le fait que ces possibilités théoriques n'aient pas été pleinement exploitées peut s'expliquer par les facteurs limitants d'ordre technique et économique découlant tant des particularités de ces industries que des caractéristiques des résidus disponibles.

Certaines restrictions à un emploi plus large des résidus agricoles comme matière première pour la production de pâte et de panneaux résultent des caractéristiques propres à ces industries. Celles-ci, et plus particulièrement l'industrie de la pâte et du papier, requièrent des capitaux considérables et les économies d'échelle peuvent jouer un rôle important. Deux conditions en découlent immédiatement pour l'approvisionnement en matière première: il doit être assez abondant et régulier tout au long de l'année. Par ailleurs, pour chaque type de matière première et de produit final, le procédé de fabrication doit être «taillé sur mesure», et toute modification due à un changement de matière première ou aux exigences du marché est extrêmement coûteuse. D'où troisième condition imposée à l'approvisionnement en matière première, à savoir qu'il doit être garanti au moins pour la durée de vie de l'équipement de l'usine. Enfin, comme ces industries produisent en masse des articles semi-finis dont l'homogénéité de qualité est la meilleure garantie pour leur assurer des marchés aux stades ultérieurs de transformation, la qualité des matières premières et surtout la constance de cette qualité sont d'une importance vitale pour le succès de l'entreprise.

La matière première destinée à alimenter une usine donnée doit satisfaire à ces quatre conditions dans certaines limites techniques et surtout économiques. La nature spécifique des résidus agricoles fait qu'il leur est souvent difficile de répondre à toutes ces exigences. Comme ces résidus forment un groupe composé d'une variété de résidus végétaux différents, produits dans des conditions climatiques diverses, leur aptitude individuelle à satisfaire à ces exigences est naturellement très variable.

UN ROULEAU DE CARTON qui n'est pas forcément fait avec du bois

EGRENAGE DU COTON AU SOUDAN déchets de fibres de coton pour le papier de première qualité

Une des caractéristiques des résidus agricoles est que leurs sources d'approvisionnement sont souvent très dispersées, d'où des coûts plus élevés de ramassage et de transport. C'est particulièrement le cas de résidus tels que la paille, qui deviennent disponibles après la récolte de la culture principale. Même lorsque les résidus se trouvent sous une forme plus concentrée après transformation industrielle, comme par exemple la bagasse ou les anas de lin, les quantités ainsi obtenues doivent souvent être complétées par un apport d'autres usines, d'où forte majoration des frais de transport. Un autre facteur qui affecte les coûts de ramassage et de transport est la faible densité de ces résidus. Parfois aussi, il faut transporter un poids mort de matières que l'on ne peut séparer économiquement qu'à l'usine de pâte ou de panneaux (teneur élevée en humidité ou en moelle de certains résidus végétaux).

Les résidus agricoles proviennent exclusivement de cultures annuelles dont la période de récolte se limite au maximum à deux ou trois mois. Comme les opérations industrielles ne peuvent être interrompues en raison des frais fixes élevés et des problèmes d'emploi, les usines utilisant les résidus agricoles doivent entreposer leur matière première, ce qui affecte non seulement les dépenses en capital et les frais d'exploitation, mais parfois aussi la qualité de la matière première.

Les résidus n'étant que des sous-produits de l'agriculture, leur production vient, il va de soi, au second plan des préoccupations. La demande quantitative et qualitative concernant la culture principale détermine les disponibilités en résidus. C'est ainsi que l'introduction de nouvelles variétés de céréales, par exemple, peut avoir pour conséquence une réduction considérable de la production de paille et qu'un changement de politique agricole peut se solder par une diminution brutale des quantités de résidus disponibles comme cela a été le cas pour les anas de lin. De telles éventualités seraient économiquement désastreuses pour les usines par suite des longs délais de rapport des investissements; c'est pourquoi la garantie d'un approvisionnement à long terme en matière première de qualité standard est l'un des points les plus importants dans les projets concernant ce type d'industrie.

L'aptitude de la pâte à la fabrication des divers types de papier est fonction des caractéristiques de la matière première et du procédé utilisé. L'une des caractéristiques majeures de la matière première à cet égard est la longueur des fibres. La plupart des résidus agricoles contiennent des fibres courtes comparables à celles des feuillus, mais il y a des exceptions. Leur teneur élevée en fibres courtes restreint leur utilisation aux qualités de papier pour lesquelles les propriétés mécaniques ont moins d'importance (papiers d'impression et d'écriture et cartons d'emballage de qualité inférieure). Le procédé de fabrication de la pâte employé dépend à son tour de l'utilisation finale de cette dernière et des propriétés de la matière première. On utilise généralement des procédés connus très différents, la plupart adaptés de ceux appliqués aux pâtes de bois. Les problèmes techniques inhérents à la réduction en pâte des résidus agricoles n'empêchent donc pas, en règle générale, une utilisation plus large de ces résidus.

Caractéristiques de quelques résidus agricoles importants

Dans ce qui suit, on trouvera une brève description de l'utilisation actuelle, des caractères spécifiques et des techniques employées pour la transformation industrielle de la bagasse, des pailles, des linters de coton et de l'étoupe de lin en matériaux de construction, papiers et cartons. Une grande partie des informations figurant dans les paragraphes ci-après est tirée du Guide pour la planification entreprises de pâtes et papiers, FAO, Rome, 1973.

BAGASSE

La bagasse est le résidu fibreux qui reste après extraction du jus de la canne à sucre. La bagasse verte contient environ 50 pour cent d'humidité, 2 à 3 pour cent de sucre résiduel et près de 50 pour cent de fibre. La moelle constitue environ 35 pour cent de la matière sèche de la bagasse. Bien que chimiquement semblable à la cellulose, la moelle n'a pas la structure fibreuse requise pour la production de pâte et de panneaux et doit donc être éliminée. Seule la fibre restante convient à cette fabrication. La longueur moyenne des fibres est de 1,7 millimètre (maximum 2,6, minimum 0,8), donc inférieure à celle des fibres de résineux mais un peu supérieure à la moyenne des fibres de feuillus. Sa composition chimique se rapproche de celle des feuillus, notamment en ce qui concerne la teneur en lignine.

En se basant sur une production mondiale de sucre de canne brut d'environ 50 millions de tonnes pour la campagne 1975-76 et en admettant qu'à une tonne de sucre correspond 1,15 tonne (poids sec) de bagasse, on peut estimer la quantité totale de bagasse à 57,5 millions de tonnes (poids sec).

Les quantités disponibles comme matière première pour la papeterie et la fabrication de panneaux sont toutefois très limitées du fait que les sucreries utilisent la bagasse comme combustible dans leurs chaudières.

Même sans recourir à d'autres combustibles, une simple amélioration du rendement thermique dans les sucreries permettrait de produire 20 pour cent de plus qu'il ne faut de bagasse pour satisfaire les besoins en combustible, ce qui, à l'échelle mondiale, reviendrait à un excédent de 11 millions de tonnes (poids sec) de bagasse, équivalant à plus de 3 millions de tonnes de pâte à papier. La capacité de production de pâte à partir de bagasse n'était que de l'ordre de 1 million de tonnes en 1975, et celle de panneaux de particules était estimée à 212 000 tonnes en 1973.

Un des facteurs limitants à une utilisation accrue de la bagasse est, en dehors des difficultés de substitution d'autres combustibles dans les sucreries, la taille habituellement modeste des usines et leur dispersion. La bagasse étant une matière encombrante, son transport sur de longues distances constitue un sérieux handicap économique. Mais les nouvelles usines sont plus grandes et leurs besoins en combustibles sont mieux planifiés, de sorte que l'on disposera de bagasse en plus grande quantité en un même endroit.

Du fait du caractère saisonnier de l'industrie de la canne à sucre dans la plupart des régions, il faut entreposer de grandes quantités de bagasse pour alimenter régulièrement les papeteries ou usines de panneaux dont on ne peut interrompre ni modifier le fonctionnement pour utiliser d'autres matières premières.

Il est donc essentiel pour la rentabilité des usines d'assurer une bonne économie des opérations de manutention, mise en balles, transport et entreposage de la bagasse.

Différents procédés sont employés pour la réduction en pâte de la bagasse, selon le produit final désiré. Les pâtes chimiques de bagasse sont utilisées dans la fabrication de presque toutes les quantités de papier et carton; toutefois, en raison de la faible longueur des fibres de bagasse, il faut souvent y ajouter de la pâte chimique à longues fibres pour améliorer les qualités mécaniques du produit. Les procédés mi-chimiques et chimico-mécaniques sont employés lorsqu'il s'agit de produire des cannelures constituant l'âme des cartons ondulés. La pâte mécanique n'a pas encore été fabriquée industriellement avec de la bagasse, mais ce domaine fait l'objet d'activés recherches. Si ces recherches aboutissent à des résultats positifs, elles marqueront un tournant décisif pour la production de papier journal à partir de bagasse qui n'a pu être réalisée économiquement jusqu'à ce jour.

MISE EN TAS DE LA PAILLE SUR UNE FERME DE DÉMONSTRATION EN TUNISIE trois tonnes de paille = une tonne de papier

PAILLES

A la différence de la bagasse, les pailles ne constituent pas un groupe homogène de matières premières; elles comprennent les chaumes de diverses céréales, la paille de riz, les tiges de maïs, qui ont des caractéristiques papetières assez différentes. La paille de seigle et celle de blé sont considérées comme les meilleures parmi les pailles de céréales, tandis que les tiges de mais et la paille d'orge, en raison de leur forte proportion de feuilles et autres matières étrangères, sont moins appréciées. La paille de riz, qui est sans doute la plus difficile à utiliser, présente en plus d'un égouttage extrêmement lent, typique de toutes les pailles, une teneur très élevée en silice, qui rend la récupération des produits chimiques plus difficile. Les chaumes de céréales et les tiges de maïs ont une longueur moyenne de fibres d'environ 1,5 millimètre, avec une proportion appréciable de fibres longues; à cet égard ils se rapprochent de la bagasse. Chimiquement, ils ont une teneur faible en lignine; les chaumes de céréales en contiennent environ 17 à 19 pour cent, la paille de riz 12 pour cent, ce qui facilite la réduction en pâte. La teneur en cellulose des pailles de céréales cultivées en Europe et en Amérique du Nord varie entre 36 et 42 pour cent, celle des pailles de riz entre 34 et 38 pour cent. Toutes les pailles ont une teneur élevée en hémicellulose, ce qui les rend particulièrement propres à la fabrication de papier simili-sulfurisé et de papier cristal.

Les pailles servent aussi à fabriquer un type spécial de panneaux, obtenu en compressant la paille déchiquetée, ce qui donne un panneau extrudé employé dans le bâtiment. On estime qu'il faut en moyenne 3 tonnes (poids sec) de paille pour fabriquer 1 tonne de papier.

BLÉ la meilleure des pailles

Le rendement en paille par tonne de céréales varie selon la région et la culture. Lorsqu'on calcule les quantités de paille effectivement disponibles pour une papeterie, on ne peut guère s'attendre que le surplus de paille par rapport aux besoins agricoles dépasse 50 pour cent, et il faut aussi tenir compte de la sécheresse, des intempéries, des maladies et autres causes de mauvaises récoltes. Les chiffres suivants, se rapportant aux Etats-Unis, donnent une idée des rendements estimés en paille (tonnes de paille par tonne de céréales) pour chaque variété de céréales:

Blé : 2,3 tonnes
Seigle: 3,1 tonnes
Avoine: 1,6 tonne
Orge: 1,5 tonne
Riz : 1,5 tonne

On a calculé qu'une zone agricole en Europe méridionale d'un rayon de 80 kilomètres produisant 320 000 tonnes de blé par an ne peut fournir avec certitude à une usine de pâte et papier que 125 000 tonnes de paille par an, soit environ 0,4 tonne de paille par tonne de céréales.

La saison de récolte des céréales étant brève, il faut entreposer à l'usine près d'une année d'approvisionnement sous forme de matières encombrantes, qui subissent toujours pendant ce temps-là une certaine détérioration. En climat tempéré sec la paille peut être entreposée en plein air, mais dans les régions humides et en climat tropical il est indispensable de l'entreposer sous abri. Dans certaines régions, la récolte du riz a lieu deux fois par an, ou trois fois en deux ans, auquel cas il faut assurer l'entreposage de six mois ou plus d'approvisionnement en paille. Les problèmes relatifs à l'approvisionnement en tiges de maïs sont en général semblables à ceux qui se posent avec les pailles de céréales.

Les procédés employés pour l'obtention de la pâte à partir de paille sont généralement les mêmes que pour la bagasse. Le volume spécifique élevé de la paille entraîne des rendements assez faibles par mètre cube de capacité de lessiveur. Les pâtes de paille s'égouttent lentement et la section de formation de la feuille doit être beaucoup plus longue que dans les machines à papier utilisées avec des pâtes à base de fibres de bois. Les laveurs des usines de pâte doivent également être surdimensionnés.

Les pâtes de paille peuvent être employées pour presque toutes les qualités de papier et de carton, des plus grossières aux plus fines. Les cartons et cannelures sont généralement faits à partir d'une pâte à 100 pour cent de paille, bien que pour les meilleures qualités il puisse être nécessaire d'ajouter une certaine quantité de fibres longues. De même qu'avec les pâtes de feuillus, une faible proportion de pâte de paille améliore l'imprimabilité; on en a utilisé à cette fin dans la fabrication de papier journal.

LINTERS

Les linters sont les fibres courtes qui demeurent sur les graines de coton après que les fibres longues ont été enlevées par l'égrenage. Ils sont trop courts pour être utilisés par l'industrie textile, mais ils entrent dans la fabrication de feutre, ouatine, etc. Il en existe plusieurs qualités: première coupe, seconde coupe, déchets d'usine. Les fibres de première coupe sont les plus longues et de la meilleure qualité. La longueur des fibres de linters va de 2 à 7 millimètres.

Les linters sont purifiés dans des usines de pâte non intégrées et vendus pour la fabrication de papier, de pâte à dissoudre et autres usages. Pendant quelques années, ils ont été la principale matière première utilisée pour la fabrication des meilleures qualités de pâte à dissoudre, pour les esters cellulosiques ou l'entoilage des pneumatiques. Le coton a perdu sa position comme matière fibreuse pour la pâte à dissoudre au point de disparaître presque complètement. Entre 1945 et 1955 plus de 100 000 tonnes de linters ont été utilisées aux Etats-Unis pour la production de pâte à dissoudre mais, en 1965, la consommation était inférieure à 1 000 tonnes. Les linters ont alors servi à des usages spéciaux comme les esters cellulosiques transparents pour moulage et les pellicules pour radiographie. Ils représentent néanmoins une source de fibres pour papiers de qualité supérieure. La production totale de linters purifiés aux Etats-Unis est d'environ 250 000 tonnes; mais les papetiers achètent aussi des fibres brutes qu'ils purifient eux-mêmes, linters purifiés ont également beaucoup d'autres emplois: papiers de sûreté et d'écriture, papiers absorbants et papiers-filtres. Pour l'emploi en pâte à papier ou pâte à dissoudre, les linters sont purifiés par des procédés classiques à la soude, relativement simples. La fibre de coton contient déjà plus de 90 pour cent de cellulose au départ; la purification consiste donc à enlever les cires et les matières étrangères. Il existe trois grandes usines de purification des linters aux Etats-Unis: Hopewell (Virginie), Memphis et Chattanooga (Tennessee); il y en a également une à Reynosa (Mexique). Dans ces usines, les linters sont d'abord nettoyés, puis soumis à un lessivage à la soude caustique sous pression dans des lessiveurs verticaux ou horizontaux, cylindriques et rotatifs. La pâte produite est lavée et blanchie; elle est ensuite débitée en feuilles, séchée, coupée et mise en balles pour l'expédition, ou encore la pâte en vrac est séchée, comprimée et mise en balles. Il existe une différence appréciable dans la longueur des fibres du fait que la pâte en feuilles est mécaniquement raffinée (fibrillée). La longueur moyenne des fibres est de 2,2 à 3,0 millimètres pour la pâte en vrac de linters purifiés et 1,1 à 2,7 millimètres pour la pâte en feuilles. La teneur en alpha-cellulose atteint 98 pour cent, voire plus. La pâte en feuilles est également vendue en rouleaux.

La proportion de coton dans la composition du papier peut varier de 25 pour cent (ou moins) à 100 pour cent. Parmi les papiers contenant des fibres de coton, seulement 15 pour cent environ en renferment 100 pour cent, et près de 70 pour cent en contiennent 25 pour cent ou moins. Les papiers à billets de banque ont habituellement 75 pour cent de fibres de lin et 25 pour cent de fibres de coton.

LIN

Le lin est cultivé de façon extensive pour la production de fibres textiles et de graines oléagineuses. Le résidu après extraction des fibres longues est connu sous le nom d'anas. Les anas de lin contiennent environ 45 pour cent de cellulose (la fibre de lin pure est composée de plus de 80 pour cent de cellulose) et 13 pour cent de lignine. Le lin à graines produit peu de paille à l'hectare; en outre, le rendement en fibre décortiquée et en anas utilisables par tonne de paille est peu élevé. Le rendement en pâte, qui varie entre 25 et 60 pour cent selon le degré de pureté de la paille, peut aussi être considéré dans l'ensemble comme plutôt bas. Il résulte de tout cela un coût très élevé de la pâte, qui ne peut être utilisée que pour des produits finis de haute valeur, tels que le papier à cigarettes, pour lequel on se sert beaucoup de la pâte de lin, ainsi que d'autres papiers minces demandant une forte résistance comme le papier à billets de banque et le papier à lettres avion. On estime que la production mondiale de pâte de lin est d'un peu moins de 100 000 tonnes par an. Son emploi est appelé à s'intensifier, encore que dans une mesure modeste en raison de son prix très élevé. Par contre, les anas de lin représentent, comme nous l'avons mentionné plus haut, une matière première importante pour la fabrication de panneaux de particules.

LIN une matière coûteuse

En conclusion, on peut dire que l'utilisation des résidus agricoles dans l'industrie des panneaux et de la papeterie est surtout limitée par des considérations économiques, les problèmes techniques pouvant le plus souvent être surmontés. Les nombreuses limitations économiques découlent des particularités de ces industries et des caractéristiques des résidus agricoles eux-mêmes et elles tiennent plus précisément au caractère plus ou moins rentable de la récolte, du transport, de l'entreposage, de la consommation en produits chimiques, des rendements en fibres et de la qualité des produits.

En dépit des nombreux obstacles à l'utilisation des résidus agricoles, les contraintes économiques ont été surmontées dans de nombreux cas particuliers, comme en témoigne l'existence de nombreuses usines qui offrent sur les marchés locaux des produits de qualité satisfaisante. Toutefois, pour déterminer la viabilité d'industries à fort coefficient de capital comme la papeterie et la cartonnerie, il est essentiel de s'assurer de la disponibilité économique régulière à long terme des matières premières, qui constitue, avec le choix judicieux des produits à fabriquer, la meilleure garantie de succès pour ces industries.

L'emploi de la bagasse, en raison de la concentration plus grande de ses sources d'approvisionnement, s'accroîtra plus vite que celui des autres résidus agricoles. L'emploi de la paille se trouvera restreint par la concurrence d'autres utilisations et par la dispersion des approvisionnements. L'emploi des autres résidus agricoles demeurera restreint à des produits de haute valeur pour lesquels la demande est limitée.

En ce qui concerne l'industrie des panneaux, la consommation de matières premières fibreuses autres que le bois s'est accrue au cours des dix dernières années mais à un rythme plus lent que la production totale de panneaux. Elles occupent une place très modeste (2 à 3 pour cent) dans le total des matières premières utilisées.


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