CFS:2001/4


 

COMITÉ DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MONDIALE

Vingt-septième session

Rome, 28 mai - 1er juin 2001

L'APPLICATION DE TECHNOLOGIES ET DE PRATIQUES AGRICOLES APPROPRIÉES ET LEUR IMPACT SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET L'ÉRADICATION DE LA PAUVRETÉ - LEÇONS À TIRER DE QUELQUES EXPÉRIENCES À L'ÉCHELON COMMUNAUTAIRE

Table des matières



I. INTRODUCTION

1. À sa vingt-sixième session, le Comité a sollicité la réalisation d'une analyse exhaustive du thème suivant qu'il examinerait à la présente session: "L'application de technologies et de pratiques agricoles appropriées et leur impact sur la sécurité alimentaire et l'éradication de la pauvreté - leçons à tirer de quelques expériences à l'échelon communautaire".

2. Le Comité a demandé que l'étude traite plus particulièrement de l'impact des études de cas sélectionnées sur la sécurité alimentaire et la pauvreté. Suite à cette décision, le Président du CSA a adressé une lettre aux représentants permanents des pays membres auprès de la FAO, les invitant à communiquer au Secrétariat du CSA des informations sur des études de cas pertinentes concernant leurs pays respectifs. En réponse à cette demande, des études de cas ont été proposées par l'Inde, la Thaïlande, la Suède et la Nouvelle-Zélande.1 Le Mexique a envoyé un recueil de projets intéressants, tandis que le Secrétariat du CSA a pour sa part rassemblé plusieurs études de cas auprès des divisions techniques de l'Organisation.

3. Les six études de cas présentées ici ont été sélectionnées en fonction de la qualité de leurs informations, de leur valeur d'illustration de l'incidence des technologies agricoles sur l'amélioration de la sécurité alimentaire et l'éradication de la pauvreté et enfin, en fonction des leçons à tirer de chaque étude quant aux "pratiques exemplaires" dans la démarche et la mise en œuvre des projets.

4. La première étude, Aménagement participatif et intégré des bassins versants, traite d'un projet mis en œuvre par le gouvernement de l'Inde dans le cadre de son programme général d'éradication de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire, fondé sur une recherche de pérennité des ressources. La seconde étude, Agriculture écologique fondée sur les semis sans labour, présente un projet du Gouvernement de l'État de Santa Catarina, au Brésil. La troisième étude, Aménagement de petits ouvrages d'irrigation au titre du Programme spécial pour la sécurité alimentaire au Burkina Faso, concerne un projet réalisé avec le soutien technique de la FAO. La quatrième étude, Programme de développement des coopératives laitières au Bangladesh, se rapporte à un projet exécuté par le gouvernement avec l'assistance technique et financière du PNUD et de la FAO et des subventions en nature de la DANIDA. La cinquième étude, Production de champignons par des handicapés en Thaïlande, intéresse un projet mis en œuvre par le Gouvernement de la Thaïlande avec le soutien technique de la FAO. La sixième étude, Systèmes communautaires de multiplication et de distribution de semences en Zambie, concerne l'un des projets d'une série d'actions en faveur de la sécurité alimentaire conçues et exécutées dans ce pays par l'organisation CARE.

5. Les études de cas effectuées par le Secrétariat prennent pour postulat que l'adoption de technologies et de pratiques agricoles améliorées peut avoir un impact direct sur la sécurité alimentaire des ménages et l'atténuation de la pauvreté en raison de l'intensification de la productivité et des rendements; ces technologies doivent toutefois être adaptées aux systèmes d'exploitation des communautés pauvres et victimes de l'insécurité alimentaire et apporter une augmentation des revenus nets. Les retombées positives de la sécurité alimentaire ne perdureront que dans la mesure où ces technologies améliorées génèrent des excédents pouvant être affectés au financement des investissements et à l'achat d'intrants. À cet égard, toute intervention fondée sur l'introduction de technologies améliorées ne saurait aboutir en l'absence de conditions par ailleurs indispensables à son succès: équipement et infrastructure institutionnelle, débouchés, facilités de crédit, petites entreprises agro-alimentaires, de préférence alimentées par la production issue des technologies adoptées, climat politique favorable au commerce et à l'investissement, etc.

II. SYNTHÈSE ET ENSEIGNEMENTS

6. Les études de cas présentées se divisent en deux catégories. Dans la première (regroupant les études 1, 2 et 3), l'amélioration de la productivité, des revenus et de la sécurité alimentaire et l'éradication de la pauvreté s'appuient sur l'aménagement intégré des bassins versants ou les systèmes d'exploitation, et sur l'adoption de technologies et de pratiques agricoles améliorées; les projets de la seconde catégorie (comprenant les études 4, 5, et 6) prennent le renforcement de la production de produits de base, l'application d'une technologie ou l'utilisation d'intrants particuliers comme point de départ de l'amélioration de la sécurité alimentaire et de l'élimination de la pauvreté. Tout en reconnaissant que le recours aux technologies et savoir-faire agricoles en milieu communautaire est un facteur fondamental pour l'essor de la productivité agricole et des revenus ruraux, ces études montrent toutes que ce facteur ne suffit pas à lui seul à assurer la pérennité des hausses enregistrées, ni à susciter l'amélioration de la sécurité alimentaire et l'éradication de la pauvreté à long terme, que ce soit à l'échelon communautaire ou national.

7. L'aménagement intégré du bassin versant de Kharaiyanala (Inde du centre) s'inscrit dans la stratégie globale du Gouvernement indien pour stimuler la production et l'autosuffisance alimentaires à l'échelon national, tout en répondant aux besoins des communautés et des ménages pauvres. Le Plan d'action pour la sécurité alimentaire en Inde regroupe divers programmes et politiques qui ont pour objectif d'accroître la production alimentaire, notamment par le biais de programmes intégrés de développement des cultures céréalières axés sur la diffusion de technologies améliorées de production, la promotion de la production de semences de variétés certifiées à haut rendement (VHR) et le développement de l'irrigation. L'aménagement amélioré des bassins versants est un autre volet d'intervention prioritaire. Cette stratégie comporte aussi des politiques sur les achats et l'entreposage, les systèmes de distribution publics, la constitution de stocks régulateurs et les ventes sur le marché libre. Avec la stratégie alimentaire de l'Inde pour toile de fond, le projet d'aménagement participatif et intégré des bassins versants mis en œuvre à Kharaiyanala est un bel exemple d'une bataille gagnée, à l'échelon communautaire, contre l'insécurité alimentaire et la pauvreté.

8. Le projet d'agriculture écologique par semis directs mené à Santa Catarina (Brésil) adopte une démarche non conventionnelle fondée sur le maintien de matières végétales vivantes et en putréfaction à la surface du sol. Outre l'apport d'une couverture permanente et l'élimination du travail des sols, ce projet écologique a permis de planifier les séquences culturales d'une saison à l'autre, de réduire les infestations de ravageurs et les maladies des cultures et de favoriser l'absorption optimale des éléments fertilisants par les plantes. En quelques années, on a enregistré une augmentation des rendements, une réduction des coûts de main-d'œuvre, une diversification des activités au profit de l'élevage et de l'agro-alimentaire, avec pour retombée une amélioration de la sécurité alimentaire des petits exploitants.

9. Le Programme spécial pour la sécurité alimentaire (PSSA) mené au Burkina Faso adopte une démarche intégrée, axée sur la promotion de technologies et de pratiques culturales appropriées et prend pour point de départ la rationalisation de l'utilisation de l'eau et les systèmes de gestion. Dans les zones de démonstration, ce Programme a enregistré un accroissement significatif des rendements pour le riz pluvial, le riz irrigué et les cultures maraîchères. Il fait partie intégrante du programme national pour la croissance durable de l'agriculture et de l'élevage. Il jouera par ailleurs un rôle capital dans l'amélioration de la sécurité alimentaire et l'éradication de la pauvreté s'il peut s'appuyer sur des politiques sectorielles et macro-économiques appropriées, des possibilités de crédit, des intrants et des circuits de distribution nécessaires à une application généralisée des technologies améliorées et à l'essor de la productivité.

10. Le Programme de développement des coopératives laitières au Bangladesh s'inscrit dans le droit fil de l'objectif à long terme du gouvernement: relever le revenu agricole secondaire des petits exploitants et des agriculteurs pauvres de zones rurales relativement isolées. Il a pour axe principal la production, la collecte, le traitement et la distribution de lait et s'appuie sur des mesures très variées de soutien technique, avec notamment le développement institutionnel visant à favoriser la création de coopératives, et la mise en place de plans de crédit à l'échelon communautaire dans le but d'organiser des systèmes rationnels de distribution et de commercialisation du lait dans les centres urbains. Ce programme a permis d'améliorer la sécurité alimentaire, la nutrition et les revenus des bénéficiaires directs - quelque 40 000 producteurs laitiers marginaux et sans terre - et a en outre créé des emplois et des activités rémunératrices pour un grand nombre de personnes pauvres en zone urbaine.

11. Le projet de promotion de la production de champignons par des handicapés en Thaïlande a montré qu'au lieu de dépendre de leurs parents, des régimes conventionnels de prise en charge, ou de recourir à la mendicité, les handicapés des zones rurales peuvent assurer leur autonomie en adoptant des technologies adaptées de production qui leur permettent de gagner leur vie. Au-delà de ses retombées économiques, l'importance de ce projet réside dans sa capacité à rendre confiance et estime de soi aux handicapés eux-mêmes.

12. Le projet sur les systèmes communautaires de multiplication et de distribution de semences en Zambie se fonde sur la fourniture de semences précoces et résistantes à la sécheresse pour trouver remède à la médiocrité de la production et à la vulnérabilité aux sécheresses et lutter contre l'insécurité alimentaire et la pauvreté. Ce projet a montré qu'à partir du moment où les petits exploitants ont assuré leur autosuffisance alimentaire grâce à l'introduction de technologies améliorées - comme des semences de meilleure qualité - et dégagent des excédents, les circuits de distribution, le crédit et les infrastructures institutionnelles et physiques associées deviennent une nécessité absolue.

13. En dépit de portées et de démarches très différentes, ces études de cas fournissent nombre d'enseignements utiles sur les modes d'intervention communautaire permettant de promouvoir le recours aux technologies nouvelles.

Tableau 1: Les différentes technologies introduites et leurs impacts

Pays Technologie ou pratique introduite Cadre institutionnel Nombre de ménages concernés Obstacles et avantages
      Phase pilote Phase d'expansion
 
Bangladesh Amélioration des méthodes de production laitière Union des coopératives de producteurs laitiers du Bangladesh "Milk Vita", regroupant 390 coopératives primaires de production laitière en zone rurale

4300

42 000

Avantages
  • Multiplication par dix des bénéfices réalisés sur la production laitière par les petits exploitants, entraînant un relèvement des revenus des ménages au-dessus du seuil de pauvreté
  • Gestion des recettes provenant de la production laitière par les femmes, d'où un impact direct sur la sécurité alimentaire et la nutrition des ménages
  • Atténuation de la pauvreté dans 40 000 ménages
  • Utilisation des économies réalisées sur les recettes laitières par les ménages qui se prémunissent ainsi des effets dévastateurs des inondations fréquentes dans ce pays
  • Création d'emplois au profit d'environ 2 200 personnes
  • Approvisionnement des consommateurs des zones urbaines en produits laitiers et lait pasteurisé

Obstacles

À l'origine, les principaux obstacles à la rentabilité de la coopérative étaient a) la participation du gouvernement à l'exploitation au jour le jour de la coopérative, b) le dumping de lait en poudre sur le marché. Ces obstacles ont pu ensuite être levés (voir les par. 34 à 35)

Brésil Agriculture écologique fondée sur les semis sans labour Programme public de vulgarisation - 81 000 Avantages
  • Accroissement des rendements de l'ordre de 20 à 50 pour cent
  • Réduction de la variabilité du rendement des cultures d'une année sur l'autre
  • Stabilisation de la demande de main-d'œuvre sur l'année et réduction de 30 pour cent des coûts de main-d'œuvre
  • Chute de 50 à 60 pour cent du coût des intrants - machines, énergie et particulièrement carburant
  • Diversification au profit de l'élevage et des cultures de rapport grâce aux gains de temps et de main-d'œuvre

Obstacles

  • Peur des risques et méfiance initiale des agriculteurs à faible revenu et pratiquant l'agriculture vivrière. Pendant la période intérimaire, les mesures incitatives et le soutien offerts ont permis de venir à bout de ces obstacles.
Burkina Faso Petits ouvrages d'irrigation et pratiques améliorées d'élevage et de production agricole Groupements d'agriculteurs en participation 6 800 --- Avantages
  • Augmentation significative des rendements rizicoles (30 pour cent pour le riz irrigué et 53 pour cent pour le riz aquatique)
  • Augmentation considérable des rendements maraîchers
  • Baisse des coûts de production
  • Accroissement des revenus des agriculteurs

Obstacles

  • Absence de marchés bien rodés
  • Insuffisance des capacités d'entreposage
  • Accès limité au crédit

Des mesures spécifiques seront mises en place au cours de la phase d'expansion pour surmonter ces difficultés

Inde Conservation de l'eau de pluie et prévention de l'érosion des sols, avec introduction ultérieure de pratiques de production durable Comités de gestion des ressources des villages --- 3 576 Avantages
  • Mise en culture de terres dégradées
  • Augmentation des approvisionnements en eau
  • Augmentation des zones irriguées de 11 pour cent à 79 pour cent de la superficie sous culture
  • Réduction de l'érosion et amélioration de la fertilité des sols
  • Doublement du taux d'exploitation et multiplication par dix des rendements
  • Régénération des pâturages et augmentation du bois de feu disponible
  • Hausse sensible des revenus des ménages
  • Allégement des corvées ménagères des femmes
  • Recul de l'émigration

Obstacles

Aucun obstacle particulier n'a été signalé.

Thaïlande Production de champignons et techniques de commercialisation Centre de formation professionnelle pour handicapés 73 7 000 Avantages
  • Amélioration de l'estime de soi et du statut social des agriculteurs handicapés
  • Apport de revenus complémentaires dans les ménages des handicapés grâce à la production de champignons

Obstacles

  • Aucun obstacle particulier n'a été enregistré au cours de la phase pilote
Zambie Multiplication de semences résistantes à la sécheresse Producteurs de semences regroupés en comités de gestion de villages 330 6 800 Avantages
  • Utilisation de semences précoces qui ont permis aux agriculteurs d'augmenter leurs récoltes même en période de sécheresse
  • Diffusion rapide des semences d'un agriculteur à l'autre
  • Augmentation et diversification des aliments disponibles
  • Responsabilisation des communautés et participation accrue aux activités de développement

Obstacles

  • Manque de débouchés pour les excédents de production

III. EXAMEN DE QUELQUES ÉTUDES DE CAS

A. ÉTUDE DE CAS UN: AMÉNAGEMENT PARTICIPATIF ET INTÉGRÉ DES BASSINS VERSANTS - UNE EXPÉRIENCE MENÉE À KHARAIYANALA (INDE DU CENTRE)
POUR LUTTER CONTRE LA PAUVRETÉ ET PROMOUVOIR
LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE DURABLE2

Cadre général et situation antérieure

14. Le bassin hydrographique de Kharaiyanala couvre 13 678 ha et abrite 19 villages pour une population de 25 094 personnes, composant 3 576 ménages agricoles. Avant le lancement du programme de mise en valeur du bassin versant, seuls 7 782 ha, soit 52 pour cent de la superficie totale, étaient cultivés. Moins de 16 pour cent de la surface cultivée étaient irrigués. L'utilisation globale d'engrais et d'éléments nutritifs s'établissait à environ 3kg/ha, tandis que le taux d'exploitation n'était que de 69 pour cent. Les pâturages communautaires couvraient 1 308 ha de terres fortement dégradées du fait de la pression imposée par la population et le surpâturage. Restaient quelque 952 ha non cultivés, composés de terres inutilisables et fortement dégradées, ainsi que 2 186 ha de réserve forestière.

15. Les ménages agricoles appliquaient différents modes d'exploitation agricole, associés à l'élevage de bêtes nourries de résidus de récolte et en libre pâturage. Sur l'ensemble des ménages du bassin versant, on comptait 510 familles sans terre ainsi que 1 375 ménages qui n'avaient pas ou guère d'activités économiques pour assurer leur subsistance. Ces ménages représentaient 52 pour cent de la population totale du bassin versant et survivaient avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté.

Démarche adoptée

16. Les travaux ont commencé par un recensement des ressources physiques, biologiques, sociales et économiques des micro-bassins de la zone d'application du projet. Par la suite a été constituée une institution locale, appelée "Comité de gestion des ressources villageoises", destinée à favoriser la participation des communautés et leur pleine adhésion au programme.

17. L'aménagement des bassins versants reposait sur une démarche globale visant à optimiser l'utilisation des terres et des ressources en eau, prévenir l'érosion des sols, augmenter les disponibilités en eau, au moyen notamment de systèmes d'économie et de récupération d'eau destinés à empêcher ou atténuer les répercussions néfastes des sécheresses et des inondations. L'accent a été placé sur la conservation optimale de l'eau de pluie.

18. Le projet comprenait deux grands volets, i) la construction d'ouvrages de conservation des sols et de l'eau - digues, tranchées et terrasses - et de structures d'exploitation telles que des bassins et des barrages de retenue, et ii) la promotion de systèmes de production durable, fondée sur l'introduction de technologies et de pratiques améliorées d'agriculture écologique, de foresterie, d'aquaculture et d'élevage. Ces deux grands volets ont donné lieu à différentes activités: i) protection des sols par une bonne couverture végétale pendant la saison des pluies; ii) conservation maximale de l'eau de pluie sur le lieu même des précipitations; iii) drainage des excès d'eau, à une vitesse de passage sans danger, avec réacheminement vers les bassins de stockage; iv) prévention des ravines et mise en place de régulateurs aux points critiques, afin de contrôler l'érosion des sols et réalimenter la nappe souterraine; v) optimisation de la productivité et augmentation du taux d'exploitation; vi) utilisation sans risque et plus rationnelle des terres marginales; vii) préservation de la pérennité des écosystèmes; viii) introduction de systèmes dynamiques de production associant agriculture, élevage et arboriculture et, ix) atténuation des risques liés aux catastrophes naturelles.

Impact du projet

19. Ressources en terres et en eau: Suite au traitement des bassins versants, une zone de 888 ha (6,5 pour cent de la surface totale), jusque-là dégradée et inutilisable pour l'agriculture, a été remise en culture. Les disponibilités en eau dans le bassin hydrographique se sont considérablement améliorées, ce qui a entraîné une forte augmentation des zones irriguées qui sont passées de 11 à 79 pour cent de l'ensemble des terres cultivées. Le taux d'exploitation s'est quant à lui accru de 69 à 172 pour cent.

20. Les sols se sont bonifiés, tant sur les terres arables que sur les terrains non arables. Les traitements entrepris ont permis d'enrayer les pertes de sol à raison d'environ 95 pour cent sur les collines et les terres inutilisables, et de 78 pour cent sur les terres arables. Par voie de conséquence, la sédimentation du bassin versant est tombée de 36 cm à 0,5 cm en l'espace de sept ans.

21. Productivité agricole: Avant la mise en place des mesures écologiques, une seule campagne était pratiquée sur l'année, en saison kharif ou rabi, et la double culture était quasi inexistante. Avec la disponibilité d'eau et l'extension de l'irrigation, le taux d'exploitation et les schémas d'assolement se sont totalement modifiés et les cultures de sorgho et de pois cajan ont été remplacées par des cultures telles que les arachides, le soja, les haricots mungo et les haricots velus en saison kharif. Pendant la saison rabi, le blé, les pois chiches, la moutarde, les petits pois et la tomate sont devenus les cultures prédominantes.3 En été, la production de légumes est devenue très importante, notamment la tomate. En moyenne générale, les rendements agricoles sont passés de 0,46 tonnes/ha à 5,2 tonnes/ha.

22. Production piscicole: Afin d'augmenter les revenus des communautés villageoises, des alevins de carpe ont été introduits dans les étangs et les bassins de retenue pour lancer la production piscicole. La carpiculture rapporte aux communautés villageoises des revenus moyens de l'ordre de 25 000 à 30 000 roupies.

23. Pâturages en forêt: Des pâturages communautaires couvrant 665 ha répartis le long d'une crête de 8 km sur les collines et les vallons ont été intégrés à l'effort de reverdissement. Grâce à des mesures adaptées de protection et de conservation des sols et de l'eau, plusieurs espèces d'arbres et d'arbustes indigènes ont repoussé à partir des souches restées en terre. De nombreuses espèces d'arbres et de plantes ont également été plantées.

24. La régénération des arbres et des herbes naturelles et les plantations d'arbres, d'arbustes, d'herbe et de légumineuses ont largement amélioré les ressources en fourrage. Au total, les approvisionnements en fourrage vert sont passés de 33 à 119 pour cent des besoins des communautés en l'espace de sept ans. Le bois de feu est lui aussi devenu plus abondant et a été substitué aux bouses de vache qui ont pu être utilisées comme engrais organique plutôt que comme combustible.

25. Élevage et production laitière: Suite à la régénération des terres communautaires et à l'augmentation de fourrage, la production laitière s'est détournée du lait de vache au profit du lait de bufflesse. Le nombre de vaches a chuté d'environ 40 pour cent alors que la population de bufflesses a augmenté de 147 pour cent. La production de lait s'est accrue de quelque 164 pour cent.

26. Activités communautaires rémunératrices au profit de la collectivité: Les recettes des ventes d'herbe et de bois de feu provenant des terres communales ainsi que des ventes de poisson à la criée sont toutes versées au fonds du "Comité de gestion des ressources villageoises". Ce fonds permet d'octroyer aux membres des communautés des crédits au taux symbolique de 1 à 2 pour cent l'an.

27. Revenus et sécurité alimentaire des ménages: Les revenus des agriculteurs, qui étaient à l'origine de l'ordre de 3 200 RS par ha/an, se sont accrus de plus de 600 pour cent pour s'établir à 20 400 RS par ha/an. Le revenu annuel des paysans sans terre est passé de 1 900 RS à 17 600 RS - soit une multiplication par neuf - en l'espace de sept ans. Les revenus de ce groupe de personnes proviennent essentiellement des emplois générés par le programme, chez l'exploitant comme à l'extérieur.

28. Du fait des créations d'emplois et d'activités rémunératrices, l'émigration des pauvres qui quittaient le bassin versant pour les villes a également été enrayée. Ce programme de mise en valeur du bassin versant a aussi eu pour retombée non négligeable d'améliorer l'existence des villageoises qui devaient jusque-là consacrer de longues heures aux corvées d'eau, de fourrage et de bois de feu.

29. De façon générale, ce programme a eu pour retombée de réduire la pauvreté et d'améliorer la sécurité alimentaire. Il est en outre fort probable, bien qu'aucune donnée directe n'ait été recueillie sur ce point, que l'accroissement de la production alimentaire d'ensemble, et notamment la production de lait et de légumes, a entraîné une diversification des régimes alimentaires et une amélioration de la nutrition.

30. Les ouvrages de conservation des sols et de l'eau et les travaux connexes se chiffrent au total à 23,48 millions de RS (soit 0,67 million de dollars E.-U.). À l'heure actuelle, on estime à 22,8 millions de RS (soit 0,65 million de dollars E.-U.) le total du revenu brut annuel de ces ressources. Les dépenses engagées pour l'aménagement du bassin versant ont été intégralement recouvrées sur les trois premières années du programme dont l'indice global de rentabilité s'établit à 1,94.

B. ÉTUDE DE CAS DEUX: AGRICULTURE ÉCOLOGIQUE FONDÉE SUR LES SEMIS sans labour POUR LA PROMOTION DE
LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT, SANTA CATARINA, BRÉSIL4

Cadre général et situation antérieure

31. L'État de Santa Catarina, dans le sud du Brésil, compte une population de 1,3 million d'habitants dont plus d'un demi million sont de petits exploitants. Les besoins en bois d'œuvre et bois de feu, en pâturages pour les bêtes et en nourriture pour la subsistance des familles, ont forcé les petits agriculteurs à défricher d'importantes zones de forêts, puis à brûler la végétation restante afin d'ensemencer les sols et de créer des pâturages. L'introduction des herses et des charrues à disque a détérioré les propriétés des sols par pulvérisation des agrégats, avec pour conséquences une moindre infiltration de l'eau dans le sol et une aggravation du ruissellement et de l'érosion. En 1983 et 1984, deux fortes inondations ont incité les populations à rechercher des solutions qui permettraient de restreindre la gravité de ces problèmes.

Démarche adoptée

32. En juillet 1991, le Gouvernement de l'État de Santa Catarina a lancé un programme visant à récupérer, conserver et aménager les ressources naturelles du bassin hydrographique. Depuis 1998, 81 000 familles réparties sur 200 municipalités et 520 micro-bassins ont pu bénéficier de ce projet qui s'appuie sur l'agriculture écologique pour maintenir et améliorer les rendements agricoles et la capacité de régénération des terres après les sécheresses et autres catastrophes, tout en protégeant et en stimulant le fonctionnement biologique des sols.

33. Cette démarche s'appuyait sur deux principes essentiels: les semis directs, et le maintien d'une couverture de matières végétales, vivantes ou mortes, à la surface du sol. Les cultures étaient semées ou plantées à travers cette couverture avec des machines spéciales. Outre l'apport d'une couverture permanente et l'élimination du travail des sols, ce projet écologique a permis de planifier les séquences culturales sur plusieurs saisons, de réduire les infestations de ravageurs et les maladies des cultures et de favoriser l'absorption optimale des nutriments par les plantes. Les terrains étaient continuellement sous culture et il était interdit de brûler les résidus de récolte. L'introduction de ces pratiques culturales s'est déroulée avec l'appui d'un système participatif de vulgarisation associant agriculteurs, agents de vulgarisation et chercheurs.

Impact du projet

34. Grâce à cette démarche fondée sur l'agriculture écologique, les rendements ont augmenté en quelques années de 20 à 50 pour cent par rapport aux systèmes classiques de production, et les écarts de variabilité d'une année sur l'autre se sont comblés. Les coûts de main-d'œuvre ont chuté de façon significative (30 pour cent), tandis que la demande de main-d'œuvre a perdu son caractère saisonnier pour se stabiliser tout au long de l'année. Le coût des intrants est lui aussi tombé, particulièrement pour les machines, l'énergie et les nutriments. Là où la culture était attelée ou motorisée, la consommation de combustible a chuté de 50 à 60 pour cent, et on a pu se contenter de tracteurs de petite taille et d'un moins grand nombre de bêtes de trait. Ailleurs, la charge de préparation manuelle des sols a été considérablement allégée. Les économies de main-d'œuvre ont permis une diversification des activités au profit de l'élevage et de cultures à valeur élevée ainsi qu'une expansion verticale de l'agro-alimentaire (produits laitiers, transformation des fruits et légumes, etc.) qui ont apporté une hausse des revenus et une consolidation de la sécurité alimentaire des petits exploitants. La qualité de la vie s'est-elle aussi améliorée du fait de la réduction de la charge de travail qui a permis d'accorder davantage de temps à la famille et aux loisirs.

35. Du fait des résultats positifs enregistrés par l'agriculture écologique, ces pratiques se sont spontanément propagées à de vastes zones (plus de 13 millions d'ha au sud du Brésil). Plusieurs conditions ont présidé au déploiement rapide des méthodes écologiques et notamment, les contacts professionnels entre agriculteurs, la fabrication et la commercialisation par des entreprises locales des outils et équipements nécessaires, un climat économique et politique favorable et la promotion des investissements par les institutions. Les agriculteurs démunis et jusque-là limités aux cultures vivrières ont reçu des incitations et un soutien initial afin de se convertir à l'agriculture écologique.

C. ÉTUDE DE CAS TROIS: AMÉNAGEMENT DE PETITS OUVRAGES D'IRRIGATION AU TITRE DU PROGRAMME SPÉCIAL POUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE - BURKINA FASO5

36. L'objectif général du Programme spécial pour la sécurité alimentaire (PSSA) dans l'ensemble des PFRDV est l'amélioration de la sécurité alimentaire à l'échelon des ménages et de la nation par intensification rapide - mais néanmoins économiquement et écologiquement durables - de la productivité et de la production alimentaire, et par la réduction des variations de production d'une année sur l'autre. Au Burkina Faso, le PSSA fait partie intégrante du programme national pour la croissance durable des secteurs de l'agriculture et de l'élevage.

Démarche adoptée

37. Commencé en 1995, ce programme s'est d'abord concentré sur les domaines présentant un fort potentiel d'expansion de la production alimentaire à court terme. À compter de 1997, il a été appliqué à d'autres domaines; aujourd'hui, il couvre l'ensemble des systèmes agro-écologiques du pays et bénéficie de la participation de diverses instances nationales, régionales et locales, des organisations agricoles et des ONG. Il est fondé sur une démarche participative associant groupements d'agriculteurs, démonstrations à la ferme et groupes de discussions pour favoriser l'introduction des nouvelles technologies, le recensement et la résolution des problèmes.

38. Le projet reposait sur une amélioration de la gestion de l'eau et plus particulièrement sur sa conservation, sur les systèmes d'irrigation améliorés (tuyaux PVC, rigoles, canaux couverts) et l'installation de 72 pompes foulantes à pédales. Ces pompes ont une capacité d'élévation d'eau de 7 mètres et sont fabriquées, comme leurs pièces de rechange, avec des matériaux locaux. Leur faible prix d'achat (60 000 FCFA) les met à la portée des petits exploitants. Des façons culturales améliorées ont aussi été introduites pour la riziculture, l'horticulture, le niébé, l'apiculture, l'agroforesterie et l'élevage de ruminants.

39. Au total, 39 sites étaient en exploitation fin 2000, avec la participation directe de quelque 6 800 petits exploitants dont 25 pour cent étaient des femmes. Les activités s'orientaient sur i) la constitution de partenariats avec d'autres intervenants, ii) la sensibilisation des partenaires aux questions de sécurité alimentaire, iii) l'amélioration de l'accès à l'eau, et iv) l'introduction de technologies améliorées en vue de l'intensification de la production alimentaire. Les femmes étaient principalement engagées dans l'élevage et l'horticulture.

Impact du projet

40. Suite à l'introduction des nouvelles technologies de gestion de l'eau, la production rizicole a enregistré à ce jour de notables améliorations: la production de riz irrigué s'est accrue de 38 pour cent (pour s'établir à 5,20 t/ha); les rendements de riz aquatique ont augmenté de 53 pour cent (pour atteindre 3,63 t/ha), tandis que la production de riz pluvial est en hausse de 53 pour cent (avec 2,13 t/ha). Les rendements maraîchers se sont aussi considérablement intensifiés. En termes de revenu, la production rizicole est passée de 91 000 FCFA/ha à 200 000 FCFA/ha pour le riz irrigué, et de 58 000 à 143 000 FCFA/ha pour le riz aquatique. Les coûts de production au kilo du paddy sont par ailleurs tombés de 89 FCFA/kg à 72 FCFA/kg pour le riz irrigué, et de 95 FCFA/kg à 70 FCFA/kg pour le riz aquatique.

41. On estime que le principal obstacle à la généralisation de ces pratiques tient à l'absence de structures efficaces de commercialisation, tant pour les intrants que pour la production. L'insuffisance des contrôles lors du décorticage du riz et la pénurie d'entrepôts se combinent en outre pour limiter les revenus agricoles. L'accès au crédit est lui aussi limité. Le programme a pourtant suscité un réel intérêt chez les agriculteurs qui ont adopté ces technologies et pratiques agricoles améliorées. Diverses interventions seront menées au cours de la phase d'expansion, afin de remédier aux difficultés recensées. Il conviendra notamment de développer les moyens d'entreposage et les installations de traitement et d'améliorer l'accès aux facilités de crédit. On pense qu'il sera possible de favoriser la pénétration de la production rizicole sur les marchés urbains en aidant les agriculteurs à les approvisionner de façon régulière tout au long de l'année. Par ailleurs, les revenus en espèces provenant de la diversification des activités devraient permettre d'alléger les obstacles au crédit.

D. ÉTUDE DE CAS QUATRE: PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT DES COOPÉRATIVES LAITIÈRES MILK VITA AU BANGLADESH6

Cadre général

42. Reconnaissant que les vaches laitières appartiennent principalement à de petits exploitants marginaux et qu'elles ont une influence directe sur le revenu et la nutrition des familles, le Gouvernement du Bangladesh a instauré un programme de développement de la production laitière au début de l'année 1974, peu après l'indépendance du pays. C'est alors qu'il a créé une coopérative, "Bangladesh Milk Producers Co-operative Union Ltd." (BMPCUL), avec l'appui technique et financier du PNUD et de la FAO et des subventions en nature de la DANIDA. Cette coopérative est connue dans tout le pays sous le nom de marque de ses produits "Milk Vita".

43. Cette intervention ciblait principalement les communautés pauvres de petits agriculteurs et notamment les ménages sans terre. Le programme s'articulait sur trois grands objectifs:

44. Ces visées s'inscrivaient dans le droit fil des objectifs à long terme du gouvernement: relever le revenu agricole des petits agriculteurs des zones rurales relativement isolées, en instaurant un programme de développement durable des coopératives laitières.

Démarche adoptée

45. Le projet reposait sur une approche globale visant l'amélioration et l'expansion de la production, de la collecte, du traitement et de la distribution de lait. Le soutien technique a pris diverses formes: i) regroupement des bénéficiaires vivant en zone rurale en coopératives villageoises de production laitière; ii) formation des villageois à la production laitière, aux technologies d'intensification de la productivité et à la gestion des coopératives; iii) mise en place de services financièrement autonomes de conseil et de soutien à l'élevage, ainsi que de régimes de crédit; iv) construction et exploitation de cinq usines laitières, avec gestion de la production et contrôle de la qualité; v) organisation de circuits adaptés de distribution et de commercialisation de lait et création de coopératives de distribution de lait en zone urbaine; vi) promotion de l'union des producteurs laitiers qui fédère les coopératives; vii) planification et organisation des coopératives laitières, comprenant l'élaboration d'un plan national en vue de leur développement. L'ensemble de ces activités a été entrepris au titre de trois projets menés, de 1974 à 1989, avec l'assistance technique et financière du PNUD et de la FAO.

46. Le gouvernement a tout d'abord pris part à l'exploitation au quotidien de la coopérative. Depuis 1991, Milk Vita est dirigée par un conseil d'administration dont les membres sont élus parmi les 390 coopératives primaires des villages; ils s'emploient à protéger les intérêts des producteurs en veillant notamment à la fixation de prix équitables pour leur lait, à la délivrance des services de soutien requis pour stimuler la production laitière et à la conception des plans de développement commercial de Milk Vita. Au cours de cette même année, la coopérative s'est dotée d'une direction composée de gestionnaires de métier qui ont instauré une gestion avisée et efficace, propice à l'amélioration des affaires et de la rentabilité.

Impact du projet

47. En dépit de l'accroissement progressif des volumes de lait collecté, des importants services de soutien au développement de l'élevage et de l'effort de commercialisation, la coopérative a longtemps fonctionné à perte. Elle vient tout juste d'équilibrer son budget, mais demeure déficitaire si l'on tient compte des provisions pour amortissement et des intérêts sur les prêts. "Ce n'est qu'au début des années 90 que Milk Vita a commencé à enregistrer des bénéfices nets, quand le dumping de lait en poudre importé s'est nettement ralenti, à la faveur de la diminution des stocks des pays exportateurs, et que l'État s'est retiré de la gestion au quotidien. Milk Vita s'est simultanément orienté vers une démarche plus commerciale et la production laitière locale a augmenté, ce qui a contribué à sa rentabilité."7

48. Aujourd'hui, la coopérative Milk Vita a grandi; après un démarrage modeste qui ne concernait que 4 300 ménages sans terre et extrêmement pauvres de zones rurales isolées, elle est devenue une entreprise prospère de production laitière fédérant 390 coopératives primaires regroupant 40 000 agriculteurs. Elle dispose de l'ensemble des technologies de développement de la production laitière, de compétences locales en matière d'organisation, et d'un système de collecte, de traitement et de commercialisation. En 1998, les producteurs ont livré 30 millions de litres de lait et gagné au total 467,4 millions de TAKA (soit 9,3 millions de dollars E.-U.).

49. Outre ses bénéficiaires directs - à savoir les 40 000 petits producteurs marginaux et sans terre - la coopérative Milk Vita profite également: i) aux quelque 300 000 membres de leurs familles; ii) aux 1 200 employés des coopératives primaires chargés de la collecte et du transport du lait; ii) aux 300 personnes qui acheminent le lait par pousse-pousse jusqu'aux magasins et points de vente au détail des villes, et iv) aux 700 employés des différentes usines laitières et du siège. Il y a enfin les nombreux habitants des villes qui disposent désormais de lait frais pasteurisé et de produits laitiers sur leur lieu de vie.

50. Au plan financier, les recettes provenant de la vente de lait ont été multipliées par dix en termes réels et sont passées à 32,5 TAKA (65 cents E.-U.) par jour, ce qui a permis d'élever le revenu des ménages bien au-delà du seuil de pauvreté. Les agriculteurs retirent de la production de lait des recettes régulières dont la gestion et l'utilisation sont, dans bien des cas, confiées aux femmes. On peut donc affirmer que la pauvreté a reculé dans environ 40 000 ménages parmi les plus démunis. L'augmentation concomitante du nombre de vaches laitières et les économies réalisées constituent en outre une assurance contre les répercussions dévastatrices des graves inondations qui frappent souvent le pays.

E. ÉTUDE DE CAS CINQ: AUTOSUFFISANCE ÉCONOMIQUE DES HANDICAPÉS - PROJET DE PROMOTION DE LA PRODUCTION DE CHAMPIGNONS PAR DES HANDICAPÉS EN THAÏLANDE8

Cadre général

51. La Thaïlande est l'un des pays qui est parvenu à réduire la pauvreté et la dénutrition de manière significative grâce à une stratégie d'atténuation de la pauvreté axée sur l'action communautaire et les programmes de développement rural durable.9 Les progrès enregistrés à ce titre ont toutefois été affectés par la crise économique qui a frappé la Thaïlande et d'autres pays d'Asie orientale en 1996-97. Dans le cadre de sa stratégie d'atténuation de la pauvreté, le Gouvernement thaïlandais a également élaboré un programme appelé "Nouvelle théorie sur les systèmes intégrés de production agricole" dont le principal objectif est de venir en aide aux petits agriculteurs et aux membres de leurs familles qui ont dû retourner en zones rurales après avoir perdu des emplois non agricoles du fait de la crise économique. Financé par un fonds spécial de l'État et un prêt de la Banque asiatique de développement, cette action a démarré en 1997, à titre de projet pilote, et touchait 8 000 agriculteurs vivants dans différentes circonscriptions du pays. Le projet offre de bonnes perspectives d'amélioration de la sécurité alimentaire au niveau communautaire, mais il est trop récent pour produire les informations nécessaires à une étude de cas.

52. Outre ces activités, le Gouvernement de la Thaïlande a lancé en 1998, avec le soutien technique de la FAO, un projet d'aide aux handicapés des zones rurales, dont le démarrage a coïncidé avec la décennie Asie-Pacifique des handicapés. À ce titre, une assistance technique a été apportée au Département de l'aide sociale pour la mise en place d'actions novatrices de formation professionnelle au profit des handicapés des zones rurales, afin d'assurer leur autonomie et d'affermir leur confiance en soi en leur permettant de devenir des membres actifs au sein de leur famille et de la société. Ce projet revêt un caractère particulier, car il a pour objectif le bien-être d'un groupe vulnérable et souvent laissé pour compte dans nombre de sociétés.

Démarche adoptée

53. Le projet avait pour principal objectif d'aider les handicapés des zones rurales à devenir économiquement autonomes en créant des emplois et des débouchés rémunérateurs à leur intention. Plusieurs raisons justifient le choix de la production de champignons: c'est une activité qui se prête bien aux déficiences physiques associées à différents handicaps; les frais de démarrage sont peu importants; le cycle de production est de courte durée (2 à 4 mois) et la demande locale est stable. Le centre de Ubon Ratchathani, qui offre déjà des programmes de formation aux handicapés, a accueilli les nouvelles installations de formation à la culture de champignons qui se composent de quatre nouveaux bâtiments, de huit constructions temporaires ainsi que du matériel nécessaire.

54. Un premier groupe de stagiaires a été sélectionné sur les quelque 7 000 handicapés de la région de Ubon Ratchathani, la préférence étant accordée aux personnes 20 à 35 ans. Au nombre des critères de sélection figuraient le degré d'alphabétisation, le lieu de vie (pour assurer une bonne répartition), le niveau de soutien familial, l'engagement et la motivation. Au total, 73 handicapés ont été sélectionnés pour les trois stages de formation entrepris au titre du projet. La formation portait sur tous les aspects de la culture des champignons: fructification, séchage, traitement, conditionnement et commercialisation. Des cours de gestion étaient également au programme. Les stagiaires peuvent solliciter du Département de l'aide sociale un prêt sans intérêt destiné à monter une entreprise.

Impact du projet

55. L'évaluation préliminaire du projet pilote conclut au succès de cette formation qui a permis aux handicapés d'affermir leur estime de soi et leur position sociale. Environ 70 pour cent des personnes ayant suivi le premier stage se sont lancées dans la production de champignons et ont quasiment doublé leur niveau d'exploitation lors des dix premiers mois. Leur production, estimée à 30 pour cent du revenu total de leurs ménages, apporte une aisance financière accrue. Au niveau d'exploitation visé (3 000 sacs), les producteurs devraient gagner deux fois le salaire d'un journalier si l'on considère que la production de champignons ne nécessite qu'une demi-journée quotidienne de travail.

56. L'évaluation indique en outre que la production de champignons est parfaitement adaptée à la situation des handicapés. Selon les estimations du Département de l'aide sociale, il y a en Thaïlande plus d'un million de handicapés, dont 70 pour cent environ vivent en zones rurales. Après la phase pilote, on estime que ce projet a vocation à être élargi à d'autres régions, voire à l'ensemble du pays, avec l'appui du centre de formation de Ubon Ratchathani. Le succès et l'expansion d'un projet tel que celui-ci reposent, entre autres conditions importantes, sur l'existence d'un environnement favorable et notamment sur l'accès aux services financiers nécessaires. La réussite d'un projet analogue dépendrait également de la demande locale de champignons et de la compétitivité de la production des handicapés. Bien qu'il n'existe aucune donnée sur l'ampleur de la demande commerciale de champignons, ces légumes sont connus pour tenir une place importante dans le régime alimentaire des Thaïlandais.

57. L'aspect le plus important de ce projet reste cependant d'avoir montré que l'on pouvait venir en aide à un groupe vulnérable et laissé pour compte, dans le cas d'espèce les handicapés, et leur permettre de gagner leur vie grâce à des technologies adaptées à leur infirmité. Il conviendrait de rechercher d'autres technologies, présentant des caractéristiques semblables à celles de la production de champignons, pour donner à ces personnes d'autres moyens de gagner durablement leur vie.

F. ÉTUDE DE CAS SIX: SYSTÈME COMMUNAUTAIRE DE MULTIPLICATION ET DE DISTRIBUTION DE SEMENCES
EN ZAMBIE10

Cadre général et situation antérieure

58. Le coût élevé des nouvelles variétés végétales et les délais d'attente entre leur commercialisation et la multiplication, la distribution et l'utilisation des semences posent de vrais problèmes en Zambie. Il en va de même de l'accès à des semences de qualité, surtout pour les agriculteurs pauvres des zones reculées. La situation s'est encore aggravée du fait des ajustements structurels qui ont entraîné le démantèlement des organismes parapublics chargés de l'application du programme de subventions pour la fourniture et la commercialisation des intrants. Des difficultés sont alors survenues, tant du point de vue de la fourniture des intrants que de l'accès à ces intrants pour la plupart des petits agriculteurs. Étant donné le peu d'empressement du secteur privé à investir dans les cultures privilégiées par les petits exploitants, le vide créé par la disparition ou l'affaiblissement des organismes parapublics n'a pas été comblé et les services essentiels aux petits agriculteurs ne sont plus assurés.

59. Après les trois grandes sécheresses du milieu des années 90 et la tendance générale des précipitations - à la fois plus courtes et plus irrégulières, notamment dans le sud de la Zambie - qui sont à l'origine de fréquentes récoltes déficitaires des cultures traditionnelles dans plusieurs régions du pays, les agriculteurs ont réclamé avec une insistance croissante des variétés nouvelles et résistantes à la sécheresse. Les fournisseurs locaux n'étant pas en mesure de satisfaire cette demande, l'organisation CARE a mis sur pied un système communautaire de multiplication et de distribution de semences pour répondre aux besoins des petits agriculteurs. Cette initiative s'inscrit aux côtés d'autres projets, dans un vaste ensemble connu sous le nom de "Programme Livingstone pour la sécurité alimentaire" (LFSP).

Démarche adoptée

60. À ses débuts en octobre 1994, ce projet avait pour but de répondre à une situation d'urgence; il a été mis en œuvre dans les districts de Kazungula et Kalomo, au sud du pays, qui sont fréquemment frappés par la sécheresse afin de fournir les semences nécessaires aux agriculteurs d'une saison sur l'autre. Les activités entreprises au titre du projet étaient définies et arrêtées au moyen d'évaluations entreprises dans différents systèmes d'exploitation avec la participation des communautés rurales.

61. Ces évaluations conduites sur plusieurs semaines avec la participation de nombreuses communautés ont mis en évidence un ensemble de problèmes liés à la sécurité alimentaire des ménages.11 Les questions jugées les plus urgentes par les agriculteurs étaient l'incertitude caractérisant la fourniture des semences et l'insuffisance des approvisionnements en eau, immédiatement suivies par le besoin de bons services de vulgarisation. Les agriculteurs réclamaient des semences de variétés précoces et résistantes à la sécheresse pour les cultures de leur choix, des services de vulgarisation en la matière et des conseils généraux pour les aider à s'adapter à la sécheresse et aux mutations de l'agriculture dans leur région. Pour répondre aux préoccupations premières des agriculteurs, CARE a élaboré un programme communautaire associant la multiplication et la distribution de semences, le renforcement des capacités des institutions locales et les actions connexes de vulgarisation entre agriculteurs.

62. Dans un premier temps, les semences ont été distribuées à titre de prêt, les bénéficiaires devant en rembourser la même quantité après la récolte. Les aides ont été accordées aux agriculteurs à titre individuel et concernaient initialement 330 ménages auxquels ont été remis 5 kg de semences de maïs ou 4 kg de sorgho et 2 kg d'autres semences.

Impact du projet

63. L'évaluation du projet signale que la campagne pour laquelle les semences ont été distribuées a été marquée par une sécheresse à mi-parcours et par des précipitations irrégulières. Nombre d'agriculteurs ont enregistré des récoltes gravement déficitaires, mais pas ceux qui avaient utilisé les nouvelles semences à maturation précoce. En dépit de la sécheresse, ces derniers ont réussi à engranger six mois de nourriture de plus que d'autres agriculteurs de même niveau de revenu. Les nouvelles variétés à maturation précoce se sont dès lors retrouvées en forte demande.

64. Pour satisfaire l'augmentation rapide de la demande, CARE et les communautés bénéficiaires ont décidé que les ménages intéressés mettraient sur pied des groupements de semences, calqués sur le modèle des Grameen Banks, ou qu'ils feraient appel aux groupes de solidarité constitués dans les villages participant au projet. Des groupements de semences se sont constitués dans tous les villages, pour ensuite se fédérer en comités de gestion villageoise. À la campagne 1995-96, 180 comités représentant 1208 groupements de semences et quelque 6 800 agriculteurs étaient établis. Chacun d'eux était chargé de gérer la distribution de semences à ses membres et, après la récolte, de collecter les semences et de rembourser les prêts. Une formation en gestion, comptabilité, conduite culturale, manutention et entreposage des semences a été dispensée aux membres des comités.

65. Les évaluations annuelles montrent que le projet a eu des retombées positives et notamment: l'accroissement des approvisionnements de semences à faible coût; la propagation rapide des variétés culturales d'un agriculteur à l'autre; l'augmentation et la diversification des aliments; la responsabilisation des communautés et leur capacité accrue de participation aux actions de développement; une ouverture et un engagement plus importants de la part des agriculteurs; une participation communautaire à la gestion du projet; la diffusion efficace de l'information et la possibilité de tirer profit d'autres débouchés.

66. Comme les agriculteurs dégagent aujourd'hui des excédents, on s'emploie désormais à favoriser les relations commerciales et la diffusion d'informations sur les marchés. Il est clair en effet que les agriculteurs ne sont guère susceptibles de s'orienter vers les autres cultures que l'on cherche à promouvoir s'ils ne sont pas en mesure d'écouler leurs excédents de production.

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1 Des études de cas ont été communiquées par:

L'Inde - 1. "Greening of Village Common Lands on Participatory Watershed Approach - An Experience of Kharaiyanala from Central India". (Reverdissement des terres communales et aménagement participatif des bassins versants: Une expérience menée à Kharaiyanala (Inde du centre))

2. "Prosperity through Agricultural Development on Watershed Approach - An experience in Tejpura Watershed in India". (La prospérité par le développement agricole et l'aménagement des bassins versants - Une expérience menée sur le bassin versant de Tejpura en Inde)

La Thaïlande - "A Farming Systems Approach to achieve Food Security and poverty Eradication in Thailand". (Les systèmes d'exploitation agricole au service de la sécurité alimentaire et de l'éradication de la pauvreté en Thaïlande)

La Suède - "The Rangeland Supported Kusa Pilot Project in Nyando District (on the Shore of Nayakach Bay, Lake Victoria) Kenya". (Le projet pilote de Kusa sur les pâturages libres du District de Nyando (Rives de la baie de Nayakach, Lac Victoria, Kenya))

La Nouvelle-Zélande - "Review of the Women's Agricultural Extension Service Programme (WAESP) In the Solomon Islands", March 1996. (Étude du programme de vulgarisation agricole (WAESP) mené par les femmes aux Îles Salomon, mars 1996)

2 "Greening of Village Common Lands on Parrticipatory Watershed Approach - An Experience of Kharaiyanala from Central India". (Reverdissement des terres communales et aménagement participatif des bassins versants: Une expérience menée à Kharaiyanala (Inde du centre). Étude de cas présentée par le gouvernement de l'Inde.)

3 Le terme "Kharif" renvoie à la campagne de mousson, tandis que "rabi" désigne la campagne d'hiver.

4 Bulletin pédologique de la FAO 77 "Soil Management and Conservation for Small Farms: Strategies and Methods of Introduction, Technologies and Equipment-Experience in the State of Santa Catarina, Brazil" (en préparation).

5 FAO, "SPFS in Burkina Faso", January 2001.

6 Milk Vita au Bangladesh (étude de cas) préparé pour l'Étude de la FAO des systèmes d'exploitation agricole en vue de la révision de la Stratégie de développement rural de la Banque mondiale et "Vision for Action" (2000 non publié)

7 Milk Vita au Bangladesh, ibid, page 9.

8 FAO, Projet: TCP/THA 8821.A: "Formation des handicapés à la production de champignons - Suivi et évaluation de l'incidence et Stratégie et plan d'action", (septembre 2000).

9 Pour de plus amples informations, on se reportera au document FAO intitulé "L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde - 2000" pp. 23-24.

10 FAO, AGPS, Systèmes communautaires d'approvisionnement - Étude de cas en Zambie (2000 non publié).