CFS:2001/Inf. 6 et Inf.7/Add.1





COMITÉ DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MONDIALE

Vingt-septième session

Rome, 28 mai - 1er juin 2001

RÉALISATION DES OBJECTIFS FIXÉS LORS DU SOMMET MONDIAL DE L'ALIMENTATION: NOUVEAUX DÉFIS

Table des matières


Le présent document sert à introduire deux documents d'information préparés pour le Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après, intitulés respectivement: "Promouvoir la volonté politique de lutter contre la faim" (CFS/2001:INF6) et "Mobiliser des ressources pour combattre la faim" (CFS/2001:INF7). Il résume les principales questions relatives à l'agriculture et à la sécurité alimentaire qui se sont imposées à l'attention depuis le SMA et récapitule certaines des mesures prises par la FAO et ses partenaires pour y faire face.
L'ensemble des documents est présenté au CFS pour information et pour donner aux membres du Comité la possibilité de formuler leurs observations, qui pourront être prises en compte par le Secrétariat lors de la préparation de la version définitive de ces documents, qui seront soumis au SMA:caa en tant que documents d'information.

I. INTRODUCTION

1. Les dirigeants qui ont participé au Sommet mondial de l'alimentation (SMA) en 1996 ont affirmé leur "engagement commun et national de parvenir à la sécurité alimentaire pour tous" et ont accepté d'oeuvrer à la réalisation de l'objectif intermédiaire de "réduire de moitié, pour 2015 au plus tard, le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde". Ces engagements constituent, selon le Cadre stratégique de la FAO 2000-20151 "un nouveau point de référence" pour l'Organisation, et resteront le thème central du Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après (SMA:CAA).

2. La Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale2 place la sécurité alimentaire dans un contexte large. Elle reconnaît les "nombreuses facettes de la sécurité alimentaire", en soulignant les liens existants avec l'éradication de la pauvreté, la paix, l'utilisation durable des ressources naturelles, le commerce équitable et la prévention des catastrophes naturelles et des situations d'urgence dues à l'être humain. Elle a défini la sécurité alimentaire comme étant "l'accès physique et économique de tous, à tout moment, à une alimentation suffisante et adéquate du point de vue nutritionnel et sanitaire". Le Plan d'action du SMA, structuré sur la base des sept engagements de la Déclaration de Rome, présente 27 objectifs et 182 mesures proposées, couvrant pratiquement tous les domaines concourant à la sécurité alimentaire aux niveaux mondial, régional et national mais aussi à celui du ménage et de l'individu.

3. Les défis qui se posent dans le domaine de l'agriculture, de la sécurité alimentaire mondiale et de la gestion durable des ressources naturelles sont multiples et très complexes. L'agriculture est intimement liée à la nature et est donc soumise à ses caprices. La nature peut donner parfois à la planète entière des récoltes abondantes lorsque la répartition des précipitations correspond aux besoins des cultures, mais l'année suivante, les agriculteurs peuvent subir les effets de sécheresses, d'inondations ou d'ouragans, ou encore d'infestations de criquets ou de maladies irrépressibles des animaux et des plantes, qui ne connaissent pas de frontières. Mais pratiquer l'agriculture signifie également exploiter les ressources naturelles pour satisfaire les besoins de l'être humain - besoins qui ont augmenté de façon spectaculaire en un siècle, à la suite d'une croissance démographique sans précédent et d'une très forte augmentation du pouvoir d'achat. Si les agriculteurs et les pêcheurs de la planète sont en mesure de satisfaire les besoins globaux en aliments, c'est de plus en plus grâce aux progrès scientifiques qui ont révolutionné les méthodes de production et permettent un accroissement rapide de la productivité des ressources en terres et en eaux.

4. Toutefois, les méthodes agricoles employées pour mettre en valeur les ressources naturelles grâce à l'agriculture sont devenues une source d'intenses controverses, la durabilité des technologies utilisées pour intensifier la production agricole étant de plus en plus mise en question. Des inquiétudes se font jour concernant les problèmes suivants: dégradation des écosystèmes et baisse de la biodiversité, pollution des ressources en eau par les pesticides et les engrais, dégradation des terres due à la salinisation et à la diminution des matières organiques du sol; rétrécissement de la base génétique utilisée pour l'agriculture et l'élevage; et enfin sécurité sanitaire des aliments produits dans des systèmes très intensifs. Les débats s'intensifient également concernant les interactions entre l'agriculture et les changements climatiques, phénomènes qui affectent radicalement le mode d'utilisation des terres mais pourraient également avoir des retombées de plus en plus négatives sur l'agriculture.

5. Le commerce international joue un rôle de plus en plus important dans la sécurité alimentaire mondiale, et permet de cultiver les produits là où les conditions locales offrent des avantages comparatifs. Il n'empêche que l'augmentation des expéditions de produits agricoles dans le monde entier entraîne également de nouveaux risques puisqu'elle accélère la propagation des ravageurs des plantes et des maladies animales, y compris des maladies d'origine alimentaire affectant l'être humain. La mondialisation de l'agriculture est perçue globalement comme une source de bienfaits mais les discussions s'intensifient sur la répartition des avantages qui en découlent entre agriculteurs et consommateurs, entre pays pauvres et pays riches.

6. Au cours des cinq années qui ont suivi le SMA, nombre de ces questions se sont hissées au premier plan de l'actualité. Elles "sont porteuses de conflits et de bouleversements sociaux, et ont placé au coeur du débat nombre de problèmes d'éthique qui touchent à la sécurité sanitaire des aliments, au développement rural et à la gestion des ressources durables ainsi qu'aux équilibres à maintenir entre ces différents secteurs. Ces questions exigent de la réflexion, du dialogue et des initiatives"3. La FAO, en réponse à son mandat, qui a été réaffirmé dans la Déclaration de Québec "aider à construire un monde dans lequel tous pourront vivre avec dignité, confiants en la sécurité alimentaire" s'est investie à fond, avec ses gouvernements membres, d'autres organisations internationales, la communauté scientifique, le secteur privé et les organisations de la société civile dans ce processus de réflexion, de dialogue et surtout, d'action. Pratiquement tous les problèmes susmentionnés étaient déjà une source de préoccupation lors de l'adoption de la Déclaration de Rome et ud Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation, mais ils se sont imposés à l'attention au cours des cinq dernières années et méritent donc un traitement spécifique lors de tout examen du contexte mondial au sein duquel les pays et la communauté internationale oeuvrent pour tenter d'appliquer les engagements du SMA.

7. Il est encore trop tôt pour analyser la réaction des pays ou d'autres organisations à ces nouveaux défis ou à ces problèmes qui s'imposent de façon plus manifeste, mais il est possible d'illustrer certaines mesures prises à ce jour par la FAO pour y répondre. La FAO a affiné les lignes directrices de son action grâce au processus de planification stratégique qui a débuté après le SMA. Dans le Cadre stratégique 2000-20154, la FAO identifie les principales tendances et forces qui devraient avoir une influence sur son action et les mesures pertinentes sont regroupées en cinq stratégies pour l'ensemble de l'Organisation: A: contribuer à l'éradication de l'insécurité alimentaire et de la pauvreté rurale; B: promouvoir, élaborer et renforcer les politiques et cadres réglementaires pour l'alimentation, l'agriculture, les pêches et les forêts; C: augmenter durablement l'offre et la disponibilité d'aliments et d'autres produits des secteurs agricole, halieutique et forestier; D: appuyer la conservation, l'amélioration et l'utilisation durables des ressources naturelles pour l'alimentation et l'agriculture et E: améliorer la prise de décisions par la fourniture d'informations et d'évaluations et encourager la gestion des connaissances en matière d'alimentation et d'agriculture.

II. CONFLITS ET SITUATIONS D'URGENCE

8. Les catastrophes naturelles et celles causées par l'homme sont une source importante de mortalité humaine, de douleurs et de déplacements. Elles ont également de très importantes retombées négatives sur le bien-être des agriculteurs, sur les actifs agricoles et sur les disponibilités vivrières aux plans local et national. Si les mesures requises ne seront pas prises, ces catastrophes peuvent entraîner de graves pénuries alimentaires, créer des conditions de famine provoquant des pertes de vies humaines parmi les populations affectées et perturber les marchés internationaux des produits alimentaires. Grâce à l'expérience acquise, on sait maintenant comment prédire la plupart des catastrophes et les nouvelles technologies permettent de disposer de plus de temps pour donner l'alerte en cas de phénomène météorologique néfaste, mais l'on ne peut que s'inquiéter de l'augmentation du nombre de pays touchés chaque année par des catastrophes depuis le SMA, puisqu'ils sont passés de 28 en 1996 à 46 en l'an 2000; en outre, cette augmentation du nombre de catastrophes semble avoir été de paire avec une augmentation de l'ampleur des dégâts. Il faut noter une augmentation des catastrophes naturelles (de 10 à 18), mais il est difficile de définir dans quelle mesure ces catastrophes sont dues aux changements climatiques causés par le réchauffement de la planète - c'est-à-dire par l'action de l'homme. La tendance la plus alarmante est la forte augmentation du nombre de pays touchés par des catastrophes causées par l'homme, passant d'un nombre moyen de cinq dans les années 80 à 22 en l'an 2000, principalement en raison de conflits. Des situations d'urgence ayant d'importantes répercussions sociales et économiques sont également dues à la propagation de ravageurs des plantes et des maladies animales ainsi que de maladies humaines, parmi lesquelles on peut citer le VIH/SIDA, la tuberculose et la malaria.

9. La récente augmentation du nombre et de l'ampleur des catastrophes a en général attiré l'attention nationale et internationale - ainsi que les ressources correspondantes - sur les activités visant à limiter les dégâts, au détriment d'autres initiatives moins spectaculaires mais également importantes, qui sont perçues comme moins urgentes. C'est, apparemment, le cas des activités portant sur le problème de la faim chronique or, il faut bien reconnaître que c'est justement parce que l'on n'a pas donné de réponse satisfaisante à ce problème qu'un très grand nombre de familles pauvres se trouvent dans une situation d'extrême vulnérabilité en cas de chocs causés par les éléments naturels ou par l'homme.

A. SITUATIONS D'URGENCE PROVOQUÉES PAR L'HOMME

10. Les conflits sont la principale source de catastrophes causées par l'homme. De 30 à 40 pays se trouvaient en situation de conflit à la fin du XXe siècle, qui affectait des centaines de millions de personnes. Les guerres étaient fortement concentrées dans les pays les moins avancés d'Afrique mais dans les années 90, on signalait également d'importants conflits au Moyen-Orient, dans les Balkans, en Amérique centrale et en Asie5. Les guerres entre pays ont cédé le pas à des conflits internes, entraînant souvent des déplacements massifs de populations rurales, le pillage d'exploitations agricoles et la pose indiscriminée de mines terrestres. Les pertes économiques et les perturbations aux approvisionnements alimentaires et à l'accès à la nourriture, notamment dans les pays à faible revenu, peuvent être considérables et le secteur agricole peut mettre très longtemps à se relever des séquelles de la guerre. Selon des estimations, les effets directs des conflits sur l'agriculture (dans 23 pays pour lesquels des données étaient disponibles) avaient un coût total de près de 55 milliards de dollars E.-U. entre 1990 et 1997 représentant, pour cette dernière année, 40 pour cent du PIB agricole de ces pays.

11. La plupart des activités de la FAO, surtout dans le domaine législatif et réglementaire, ont une incidence sur la prévention des conflits, dans la mesure où ceux-ci sont dus très souvent à la compétition pour l'utilisation de ressources limitées. Les accords sur l'utilisation commune de ressources hydriques internationales et sur les droits de pêche, la définition précise de dispositions et de mesures applicables aux régimes fonciers et se traduisant par un rôle plus actif des collectivités dans la gestion des ressources naturelles contribuent tous à réduire les tensions entre pays et à l'intérieur de ceux-ci.

12. On établit souvent une distinction entre intervention d'urgence, relèvement et développement alors qu'en pratique, il s'agit d'une activité continue exigeant des engagements à long terme de la part des gouvernements et de la communauté internationale. Le risque est que, lorsque les scènes atroces de guerre et les séquelles des conflits ne font plus la une des journaux, il devienne de plus en plus difficile de soutenir l'effort et de mobiliser les ressources requises pour rétablir la sécurité alimentaire et favoriser la croissance agricole, ce qui veut dire que les populations sinistrées sont prêtes à retomber dans une situation de conflit.

13. La FAO a fortement accru l'ampleur de ses interventions d'urgence et accroît progressivement la gamme des activités, la simple fourniture d'intrants agricoles immédiatement après les catastrophes étant maintenant complétée par des mesures rapides de redressement après les conflits et de réinsertion des vétérans et des agriculteurs déplacés dans le secteur agricole. Les livraisons d'aide agricole d'urgence sont passées de 28 millions de dollars E.-U. en 1997 à 65 millions de dollars E.-U. en 2000 dans plus de 50 pays, concentrés principalement dans la région des Grands Lacs et en Afrique centrale et occidentale, mais l'aide fournie par la FAO et ses partenaires reste très limitée par rapport aux besoins. L'Organisation est également chargée du volet agricole du programme pétrole-contre-vivres en Iraq, pour des engagements de dépenses de plus de 400 millions de dollars E.-U. en l'an 2000. Dans un certain nombre de pays (Haïti, Cambodge et Angola), elle a aidé les gouvernements à passer en revue et à réformer les politiques agricoles après les troubles politiques et les conflits internes pour établir des politiques et des conditions institutionnelles favorisant l'investissement et la croissance agricole.

B. CATASTROPHES NATURELLES

14. Les tempêtes et les inondations étaient responsables de 60 pour cent des pertes économiques totales causées par les catastrophes naturelles entre 1990 et 1999, alors qu'environ 25 pour cent étaient imputables aux tremblements de terre et éruptions6. En 1998, les dégâts, qui étaient dus en grande partie aux phénomènes El Niño et La Niña, ont été estimés à 89 milliards de dollars E.-U. alors que 30 000 personnes avaient perdu la vie et 300 millions d'êtres humains ont dû abandonner leurs logements et leurs moyens d'existence. Au cours des années récentes, des tempêtes et inondations de grande ampleur ont touché la Chine, le Bangladesh, le Viet Nam, le Cambodge, l'Inde, l'Afrique australe (notamment Mozambique), l'Amérique centrale, les Caraïbes et le Venezuela. Les inondations, précédant une période de sécheresse, ont également été l'un des principaux facteurs responsables des graves pénuries alimentaires affectant certaines régions de la Corne de l'Afrique en l'an 2000. Les petits États insulaire en développement restent particulièrement vulnérables aux catastrophes climatiques, car fréquemment les effets se font sentir à l'échelle nationale.

15. Souvent, les dangers liés aux éléments naturels ne se traduisent pas par des catastrophes. Des événements naturels peuvent déboucher ou non sur une catastrophe selon l'efficacité des systèmes d'alerte rapide, la nature et la portée de l'activité humaine et l'ampleur des infrastructures et services pouvant offrir une protection. Les pauvres vivant dans des zones très peuplées des pays en développement sont les plus exposés aux catastrophes naturelles et selon certains études, l'ampleur croissante de ces catastrophes est due aux pressions économiques, sociales et démographiques, qui contribuent à la dégradation de l'environnement. Inversement, comme l'a démontré un projet géré par la FAO au Honduras, il existe de bonnes possibilités de renforcer les possibilités de résistance aux tempêtes et aux inondations dans des zones fortement peuplées en travaillant avec les collectivités pour résoudre les problèmes de régime foncier et de gestion des terres, créant ainsi un meilleur couvert végétal et de bonnes conditions pour retenir et capter les eaux de pluie.

16. La FAO, conformément aux dispositions de l'Engagement 5 du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation, en collaboration avec d'autres organismes, s'est efforcée de renforcer sa capacité de prévention des catastrophes naturelles et d'autres crises et d'y être préparée conformément aux orientations contenues à la Section A.3 du Cadre stratégique. L'accent a été mis principalement sur le renforcement des capacités d'alerte rapide moyennant l'amélioration de l'efficacité du Système mondial d'information et d'alerte rapide (SMIAR), en partie grâce à une augmentation du nombre de missions d'évaluation des cultures et des approvisionnements alimentaires (de 26 en 1994 à 36 en 2000 organisées, dans 70 pour cent des cas, avec le PAM). Il y a eu une augmentation progressive de l'ampleur des opérations d'urgence, qui pour la plupart ont été approuvées conjointement par le Directeur général de la FAO et la Directrice exécutive du PAM, la valeur de ces interventions passant de 600 millions de dollars E.-U. par an en 1994-96 au chiffre record de 1,43 milliards de dollars E.-U. en l'an 2000. En moyenne, plus de 30 millions de personnes ont bénéficié d'une aide alimentaire fournie dans le cadre d'opérations d'urgence au cours de chacune des quatre dernières années du XXe siècle.

17. L'Organisation, dans son Plan à moyen terme (2002-2007) a pris les mesures requises pour renforcer sa capacité de planification à long terme pour la prévention des catastrophes et l'atténuation de leurs effets, comme l'illustre parfaitement une étude réalisée à la demande du Secrétaire général des Nations Unies par une Équipe spéciale interinstitutions pour la sécurité alimentaire à long terme, le développement agricole et les activités connexes dans la Corne de l'Afrique7, dont le secrétariat a été assuré par la FAO. La FAO participe également de façon active à l'application de la Convention sur la lutte contre la désertification et la sécheresse en tant que membre du Comité de facilitation et du Groupe technique consultatif du mécanisme mondial, et elle réalise un certain nombre d'activités normatives liées aux travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), axées particulièrement sur le rôle des forêts et des sols dans la fixation du carbone8 ainsi que sur les incidences du réchauffement de la planète sur les petits pays insulaires de faible altitude.

C. RAVAGEURS ET MALADIES TRANSFRONTIÈRES

18. Ces dernières années, les ravageurs et les maladies des plantes cultivées et du bétail ont eu une incidence particulièrement élevée, et souvent , ils sont en mesure de se déplacer rapidement, sur de longues distances, détruisant des réserves de produits alimentaires, menaçant la sécurité alimentaire et les revenus, perturbant les échanges et, dans certains cas, mettant en péril la santé humaine. Les coûts économiques des infestations d'acridiens et de chenilles processionnaires en Afrique et au Moyen-Orient ou du virus de la mosaïque du manioc dans toute l'Afrique, de la peste porcine en Haïti, de la theilériose bovine en Afrique australe et en Afrique de l'Est, des infestations de lucilie bouchère en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et des épizooties de fièvre aphteuse au Royaume-Uni et d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) en Europe sont énormes.

19. Les ravageurs des aliments entreposés, comme par exemple le borer des céréales qui s'est répandu rapidement dans toute l'Afrique de l'Est et l'Afrique australe après son introduction accidentelle, menacent la sécurité alimentaire d'un grand nombre de paysans pratiquant l'agriculture de subsistance et cultivant principalement du maïs. Il faut en effet préciser que les pertes après récolte dues aux ravageurs et maladies et les pertes de produit tout au long de la filière alimentaire représentent des quantités énormes dans le monde entier.

20. Si dans certains domaines on progresse de façon satisfaisante vers la réduction de l'incidence de certaines maladies importantes du bétail, comme la peste bovine (qui, selon les plans devrait être éradiquée au niveau mondial d'ici 2010) les facteurs favorables à la propagation des ravageurs et des maladies des plantes et des animaux gagnent du terrain. Parmi les facteurs responsables, on peut citer l'augmentation rapide des échanges internationaux de produits végétaux et animaux sur de longues distances9 aggravée par l'augmentation des expéditions de produits végétaux et animaux frais ou d'animaux sur pied, l'intensité croissante de la production agricole, y compris la monoculture à grande échelle et la forte concentration d'animaux d'élevage monovalents; réduction de la variabilité génétique des principales plantes cultivées dans le monde et renforcement progressif des restrictions frappant l'utilisation de certains pesticides fortement utilisés pour la lutte contre les migrateurs nuisibles s'attaquant aux plantes cultivées et contre les ravageurs des céréales entreposées. Toute ultérieure modification de la température et de l'humidité du fait du réchauffement de la planète pourrait avoir une incidence importante sur la répartition d'insectes transmettant des maladies des plantes et des animaux ou de ravageurs comme la mouche blanche. Dans certains pays en développement et en transition, les conflits et le démantèlement des services vétérinaires et phytosanitaires ont empêché une surveillance adéquate.

21. Un fait récent particulièrement inquiétant est l'apparition de maladies animales apparemment neuves, y compris non seulement l'ESB, mais également le syndrome dysgénésique et respiratoire du porc et le morbillivirus du cheval.

22. Dans le cas de tous les ravageurs et maladies transfrontières, les activités de lutte et d'enrayement à la source sont nettement moins onéreuses et ont des résultats beaucoup plus sûrs que les mesures prises par la suite pour faire face à des foyers d'ampleur catastrophique. Cela exige toutefois de nouveaux modes de coopération entre les pays ainsi que la volonté de la part des pays qui ne sont pas encore touchés par un ravageur ou une maladie potentiellement destructeur d'investir dans les activités d'enrayement et de lutte menées dans les pays où ils sont déjà présents.

23. Cette façon de voir a présidé à la création du Système de prévention et de réponse rapide de la FAO, qui a proposé les principes d'alerte rapide, d'intervention rapide, de recherche dynamisante et de coordination, qui ont été acceptés dans le monde entier. Les mesures prises par l'Organisation comprennent l'aide fournie aux pays pour faire face aux foyers de ravageurs ou de maladies transfrontières (comme la tique tropicale et la peste porcine classique dans les Caraïbes), le développement des systèmes de surveillance, la convocation de réunions techniques et de réunions de haut niveau sur les principales maladies (y compris ESB et fièvre aphteuse), la formation de spécialistes de la santé animale et un rôle de chef de file pour l'éradication de la peste bovine. La FAO fournit également une assistance aux membres pour mettre en place et renforcer des systèmes d'alerte rapide, d'intervention rapide et de lutte rapide contre le criquet pèlerin.

D. VIH/SIDA

24. L'épidémie de VIH/SIDA constitue une grave menace pour la sécurité alimentaire, la production agricole et le tissu social des sociétés rurales dans beaucoup de pays. Environ 36 millions de personnes sont atteintes dans le monde, 95 pour cent vivent dans des pays en développement, dont 24,5 millions en Afrique subsaharienne et 4 millions en Inde. Le VIH/SIDA provoque un recul du niveau de vie des ménages lorsque le chef de famille est atteint. Les dépenses de santé augmentent, la productivité baisse, le revenu chute, les biens sont vendus, les enfants abandonnent l'école et les frais d'enterrement viennent grever le budget des familles. L'effet se fait sentir aussi aux niveaux communautaire et national: un déficit de génération se crée, réduisant la main-d'oeuvre valide et laissant aux grands-parents le soin des enfants orphelins, souvent infectés eux-mêmes à la naissance. Dans les dix pays les plus touchés d'Afrique, des taux de réduction de la main-d'oeuvre de 10 à 26 pour cent sont prévus, avec d'énormes répercussions sur la production agricole et la croissance économique.

25. L'action de la FAO consiste principalement à incorporer des considérations relatives au HIV/SIDA, le cas échéant, dans ses programmes de sécurité alimentaire, de nutrition et de développement agricole en cours, surtout ceux qui sont mis en oeuvre sur le terrain dans les pays touchés. La FAO a effectué par exemple des évaluations de l'incidence du VIH/SIDA sur divers aspects de l'agriculture, de la sécurité alimentaire et du développement rural, et notamment des recherches sur les organismes de vulgarisation agricole, le fonctionnement des exploitations et les systèmes de gestion de l'élevage dans certains pays d'Afrique de l'Est et d'Afrique australe. En Asie, les méthodologies participatives utilisées dans les programmes de formation des agriculteurs et de lutte intégrée contre les ravageurs sont appliquées avec succès pour la prévention du VIH/SIDA. La FAO élabore en outre des directives concernant la nutrition aux niveaux des collectivités et des ménages à l'intention des malades et des familles touchées par la maladie. Un accord-cadre de coopération entre la FAO et l'ONUSIDA pour une action commune face au problème du VIH/SIDA dans le domaine du développement agricole et de la sécurité alimentaire, a été signé en juillet 1999. Dans le cadre de cette initiative la FAO et l'ONUSIDA entreprennent des activités conjointes, notamment des programmes intégrés de prévention et de lutte qui permettront de diffuser des informations sur la vulnérabilité au virus, la réduction du risque, la promotion du bien-être nutritionnel et le développement rural durable.

III. RESSOURCES EN EAU DOUCE

26. Une série de conférences internationales, notamment la CDD6 et le deuxième Forum mondial de l'eau, ont mis en lumière le conflit croissant entre deux utilisations de l'eau: pour le développement alimentaire et rural et pour la nature. Nombreux sont ceux qui pensent que la résolution du conflit entre ces vues sectorielles est un des principaux défis auxquels se trouve confrontée la société à l'aube du XXIe siècle. Comme l'ont montré les études prospectives de la Commission mondiale de l'eau, au début du XXIe siècle, la concurrence accrue pour cette ressource exacerbera tous les problèmes concernant l'eau: approvisionnement intérieur des pays, pollution, pénuries régionales et dégradation du milieu naturel, si aucune mesure décisive n'est prise. Une mauvaise gestion de cette crise aurait pour conséquences de priver un grand nombre de personnes d'eau potable, de provoquer des conditions d'insécurité alimentaire et de détériorer la santé publique. La concurrence pour l'utilisation des maigres ressources en eau, surtout lorsque plusieurs pays sont concernés, est une source de différends qui pourrait aboutir à des conflits. La dérivation des eaux souterraines dépasse déjà les taux de réalimentation dans de nombreuses zones qui sont fortement tributaires de l'irrigation comme la Chine du Nord, certaines parties de l'Inde et de nombreux pays du Proche-Orient.

27. Étant donné que l'agriculture irriguée est la principale utilisatrice de l'eau détournée de la nature pour l'usage de l'homme, l'avenir de l'agriculture irriguée est au c_ur de ce débat. Certains affirment qu'entre 15 et 20 pour cent d'eau supplémentaire seraient nécessaires pour l'agriculture afin d'assurer la sécurité alimentaire nationale et mondiale. Ils estiment que les stratégies nationales devraient viser à trouver le moyen de limiter au maximum les coûts environnementaux et sociaux de cette utilisation de l'eau pour l'agriculture. D'autres pensent que le développement de l'irrigation n'est pas la solution en raison des coûts sociaux et environnementaux élevés et qu'il existe d'autres moyens d'assurer une production vivrière suffisante. Ce qui est en jeu c'est l'ampleur et la nature des investissements locaux et internationaux qui sont nécessaires pour produire des aliments pour une population croissante, pour assurer des moyens d'existence durables à la population rurale et pour maintenir la qualité et l'intégrité de l'environnement.

28. Les principales utilisations de l'eau sont la consommation humaine (9 pour cent), l'industrie (20 pour cent) et l'agriculture (71 pour cent). L'eau douce joue également un rôle économique important pour la pêche en eaux intérieures, la navigation, la production hydro-électrique ainsi que le maintien de la biodiversité et l'atténuation des conditions climatiques locales extrêmes. L'irrigation, qui ne couvre que 17 pour cent des terres agricoles, fournit environ 40 pour cent de la production vivrière mondiale et jouera un rôle de plus en plus important dans la sécurité alimentaire à venir au fur et à mesure que se réduisent les possibilités d'extension des terres agricoles. Toutefois, la plupart des terres le plus facilement irrigables et beaucoup des meilleurs sites de stockage de l'eau sont déjà exploités. Il existe également de graves préoccupations d'ordre social et environnemental concernant les effets des grands barrages et des grands systèmes de transfert entre les bassins fluviaux.

29. La répartition des terres irriguées entre les régions est très inégale. En Asie du Sud 42 pour cent au moins des terres arables sont irriguées, ce pourcentage tombe à 31 pour cent au Proche-Orient et en Afrique du Nord, à 14 pour cent en Amérique latine et à 4 pour cent seulement en Afrique subsaharienne. Pour l'ensemble des régions en développement la moyenne est de 27 pour cent.

30. Une des façons d'accroître la production agricole irriguée consiste à améliorer la productivité des réseaux d'irrigation existants pour ce qui est de la production alimentaire par unité d'eau consommée. L'efficacité actuelle de l'utilisation de l'eau est si faible (entre 25 et 40 pour cent) que les possibilités d'amélioration sont considérables. L'efficacité de l'utilisation de l'eau pour l'agriculture peut être accrue par des moyens techniques et administratifs. Pour assurer ces améliorations il faut renforcer la coopération entre les agriculteurs en matière de gestion et d'entretien des réseaux d'irrigation et établir un barème du prix de l'eau, afin de décourager le gaspillage. Outre la dilapidation d'une précieuse ressource, le gaspillage de l'eau peut entraîner une dégradation des terres et notamment une salinisation qui affecte déjà à des degrés divers plus de 30 millions d'hectares et provoque d'importantes pertes de production.

31. Beaucoup proposent de développer la petite irrigation pour éviter les controverses suscitées par les vastes projets d'aménagement hydraulique et les problèmes de gestion liés à l'irrigation sur grande échelle. La petite irrigation favorise la prise en charge communautaire et constitue une manière appropriée de mobiliser les ressources locales. Son coût est faible et elle s'adapte même aux conditions difficiles, sa productivité est élevée lorsque la production est proche du marché et lorsque les agriculteurs ont le contrôle des ressources hydriques.

32. Beaucoup de villes, surtout en Afrique, sont entourées de ceintures vertes pratiquant une horticulture très productive. Ces dernières années, l'agriculture péri-urbaine s'est développée rapidement et elle fournit dans certains pays jusqu'à 40 pour cent de tous les fruits et légumes consommés dans les villes. La croissance de l'agriculture péri-urbaine qui s'accompagne d'une augmentation de la demande d'eau amène les producteurs des pays qui manquent d'eau à utiliser de plus en plus des effluents non traités ou partiellement traités pour l'horticulture. C'est un problème grave étant donné les risques importants pour la santé et l'incidence négative sur l'environnement. Des technologies appropriées sont nécessaires pour le traitement des eaux usées et pour garantir la sécurité de la chaîne alimentaire depuis le producteur en zone péri-urbaine jusqu'aux marchés locaux.

33. Dans le cadre de ses activités normatives et de ses programmes de terrain, la FAO affronte nombre de ces problèmes complexes. Elle collabore étroitement avec la Banque mondiale, les centres GCRAI et d'autres partenaires pour trouver des approches novatrices à la gestion des ressources en eau et à leur utilisation plus efficace. L'Organisation met à profit ses compétences spécialisées en matière de gestion des ressources hydriques et de droit des eaux pour garantir la gestion équitable des ressources en eau à travers les frontières internationales. Elle aide activement les pays membres à formuler des stratégies et à préparer des projets d'irrigation - généralement axés sur la modernisation des techniques et des institutions et sur l'utilisation plus efficace de l'eau - qui sont soumis aux instituts de financement international et elle propose des moyens d'améliorer l'efficacité des associations d'utilisateurs de l'eau en matière de gestion des systèmes.

IV. ÉVOLUTION DES TECHNOLOGIES

34. Toutes les projections de la production agricole durant les premières décennies du XXIe siècle10 indiquent le rôle croissant de l'intensification des cultures qui permettra de répondre à l'accroissement prévu de la demande de produits alimentaires. L'amélioration des variétés culturales et des races animales, l'emploi accru d'engrais et de pesticides, le perfectionnement du matériel agricole et l'amélioration des soins et de la santé du cheptel, ont contribué de façon importante à la croissance de la production agricole, permettant non seulement de répondre à la demande de la population qui a doublé passant de 3 milliards d'habitants en 1960 à 6 milliards aujourd'hui, mais aussi d'accroître l'apport alimentaire moyen qui est passé de 2 250 à 2 800 kcal. par jour. Les défenseurs de l'environnement et les consommateurs mettent cependant sérieusement en doute la durabilité et la sécurité sanitaire des aliments produits par les systèmes d'agriculture intensive sur lesquels la sécurité alimentaire mondiale repose de plus en plus. Les autorités responsables de l'environnement et de la santé publique se préoccupent plus particulièrement de la pollution des ressources hydriques, en particulier de la nappe phréatique, par les pesticides (notamment les polluants organiques persistants - POP) et les nitrates dans les zones d'agriculture très intensive tant dans les pays en développement que dans les pays développés, ainsi que de leurs effets sur les écosystèmes et la biodiversité. Comme on l'a vu précédemment, la réduction de la diversité génétique des principales cultures et espèces animales est perçue de plus en plus comme un facteur de risque potentiel. Par ailleurs, les consommateurs manifestent davantage leurs craintes des risques potentiels pour la sécurité sanitaire des aliments liés aux résidus de pesticides, aux maladies transmises par les aliments et aux contaminants, ainsi qu'à la propagation des maladies du cheptel à l'homme (voir sécurité sanitaire des aliments ci-dessous).

35. Ces préoccupations ne manqueront pas de susciter des innovations qui aboutiront à l'élaboration de moyens plus durables pour gérer intensivement la terre et le bétail. L'accroissement des rendements continuera certainement à provenir avant tout des améliorations des technologies classiques/traditionnelles, en particulier de l'utilisation plus efficace de l'eau et de l'amélioration de l'assimilation des éléments nutritifs par les plantes et les animaux. Les technologies traditionnelles restent hors d'accès pour de nombreux agriculteurs, comme le montrent les très faibles taux d'épandage d'engrais en Afrique (environ 19 kg/ha/an, contre 100 kg/ha en Asie de l'Est et 230 kg/ha en Europe occidentale). Les problèmes d'accès découlent du développement limité des systèmes de crédit et de commercialisation des intrants, du coût élevé des transports (mauvais état des routes et faibles volumes transportés) et, dans le cas des producteurs pratiquant une agriculture de subsistance, du manque absolu de revenus permettant d'acheter des intrants.

36. Une des réponses à cette situation, à laquelle la FAO, la Banque mondiale et les autres partenaires internationaux de l'Initiative pour la fertilité des sols en Afrique accordent une attention particulière, consiste à trouver d'autres moyens de maintenir la productivité du sol qui fassent moins recours à des achats extérieurs d'intrants. Ces moyens incluent l'intensification de l'utilisation des terres par le biais des rotations de cultures et les systèmes d'agroforesterie conçus pour améliorer la fixation de l'azote biologique ainsi que les systèmes intégrés de cultures et d'élevage. Dans les pays où les terres agricoles sont encore suffisantes, on privilégie de plus en plus les changements technologiques visant à accroître la productivité de la main-d'oeuvre, comme les systèmes de cultures avec un minimum de préparation du sol, qui permettent à une famille de cultiver une plus grande superficie. Il pourrait y avoir parallèlement une expansion de l'agriculture biologique en réponse aux préoccupations des consommateurs face aux risques qu'ils perçoivent comme étant liés aux systèmes agricoles basés sur l'utilisation intensive de substances chimiques. Au départ, il s'agissait d'une réaction spontanée des consommateurs qui étaient prêts à payer davantage pour des produits biologiques, puis un certain nombre de gouvernements ont commencé à soutenir l'expansion de l'agriculture biologique arguant du fait qu'il s'agit d'une agriculture durable respectueuse de l'environnement. La FAO participe au débat international sur l'agriculture biologique et elle a rendu compte de ses activités récemment au Comité de l'agriculture.11

37. Les problèmes liés aux pesticides, surtout dans les pays en développement, sont les empoisonnements et les effets négatifs sur l'environnement. Les pays en développement ont souvent une législation et des réglementations inadaptées, ils n'ont pas les capacités nécessaires pour prendre des décisions informées, ils n'ont les moyens de faire appliquer les réglementations, notamment sur les importations, ils contrôlent mal leurs systèmes de distribution et manquent de connaissances en particulier aux niveaux des vulgarisateurs et des agriculteurs. Le Code de conduite de la FAO sur la distribution et l'utilisation des pesticides contient des orientations générales sur la gestion des pesticides. La Convention de Rotterdam sur la procédure de Consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides, qui a été adoptée en 1998 et dont le PNUE et la FAO assurent le secrétariat, prône le partage des responsabilités entre les pays pour le commerce international de certains produits chimiques dangereux, notamment les pesticides, en offrant un processus de prise de décisions national sur les importations et les exportations et en diffusant ces décisions. La FAO et ses partenaires, dans le cadre du programme de protection intégrée et du dispositif mondial de protection intégrée, encouragent les initiatives qui visent à mieux faire comprendre l'interaction entre les cultures et les ravageurs aux responsables et aux scientifiques, ainsi qu'aux agriculteurs, afin qu'ils prennent des décisions qui permettent de réduire la dépendance vis-à-vis des pesticides au strict nécessaire.

38. De fervents espoirs ont été placés dans les nouvelles applications des biotechnologies, en particulier les cultures tissulaires des plantes (déjà bien implantées en foresterie et floriculture), l'utilisation des marqueurs moléculaires et la modification génétique des organismes agricoles au moyen des techniques de l'ADN recombinant pour surmonter de nombreux problèmes persistants pour l'environnement et la sécurité sanitaire associés à la production agricole intensive. On pense que les innovations dérivées des biotechnologies pourraient contribuer non seulement à améliorer la résistance des cultures aux ravageurs et aux maladies, mais aussi à trouver des solutions novatrices aux contraintes que constituent la sécheresse et le manque de fertilité. Les biotechnologies fournissent également des applications utiles pour le diagnostic des maladies12. Associées aux techniques classiques, notamment celles qui reposent sur les connaissances locales et l'agriculture biologique, ces nouvelles biotechnologies offrent aux agriculteurs du monde entier la possibilité de multiplier les options disponibles pour accroître la productivité et la durabilité de leurs systèmes agricoles. Toutefois, les consommateurs et les défenseurs de l'environnement manifestent une vive opposition, surtout dans les pays développés, à l'application des techniques de modification génétique pour la sélection des plantes et des animaux, ce qui a des répercussions sur les progrès de la recherche.

39. En supposant que des mesures de sauvegarde suffisantes puissent être élaborées et appliquées pour limiter les risques pour la santé des plantes, des animaux et des hommes (risques pour la biosécurité), la question essentielle qui se pose est de savoir si ces nouvelles applications des biotechnologies pourront profiter aux agriculteurs, surtout les petits agriculteurs, dans les pays en développement. Étant donné que la recherche dans ce domaine est encore essentiellement aux mains du secteur privé, elle est fortement influencée par les lois du marché et accorde donc une faible priorité aux applications qui intéressent les pays en développement, où le pouvoir d'achat des agriculteurs est relativement limité et les possibilités de faire appliquer les droits des obtenteurs sont sujettes à caution. L'accès des pays en développement à ces technologies pourrait être limité davantage encore par les dispositions de l'Accord de l'Organisation mondiale du commerce sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIBS) sauvegardant les intérêts des initiateurs de ces nouvelles technologies par des licences. Cela signifie que le développement des biotechnologies pour les pays en développement devrait essentiellement être parrainé et, si possible entrepris, par le secteur public, y compris les centres de recherche agricole internationale qui opèrent au sein du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI).

40. Cette nouvelle génération de biotechnologies présente sans aucun doute à la fois des avantages et des risques. La FAO interprète son rôle à ce stade comme consistant essentiellement à animer un débat constructif sur les aspects controversés des organismes génétiquement modifiés (OGM)13, en favorisant un échange d'informations et en aidant les pays membres à élaborer des politiques et des lois qui respectent le principe de précaution pour tout ce qui concerne les OGM. Pour soutenir son action, elle a créé un forum électronique sur les biotechnologies et elle a apporté une contribution à de nombreuses conférences internationales sur le sujet, en mettant l'accent essentiellement sur la biosécurité et la sécurité sanitaire des aliments14. Les risques phytosanitaires associés aux organismes vivants modifiés (OVM) et aux autres produits des biotechnologies préoccupent tout particulièrement le Secrétariat de la Convention internationale sur la protection des végétaux (CIPV), qui est assuré par la FAO. En ce qui concerne ce problème, l'Organisation collabore actuellement, avec l'OMS, dans le cadre de la Commission intergouvernementale du Codex Alimentarius, pour élaborer des principes et des directives d'évaluation du risque qui serviront à évaluer la sécurité sanitaire des aliments dérivés des biotechnologies. La FAO s'efforce en outre d'élaborer un Code de conduite sur les biotechnologies et de promouvoir la reconnaissance des droits des agriculteurs au matériel phytogénétique, qui est complémentaire des droits des obtenteurs, dans le but de parvenir à un partage plus juste et équitable des avantages découlant de l'avancée des biotechnologies.

V. MONDIALISATION ET COMMERCE

41. Avec la progression de la mondialisation ces dernières années, il y a eu non seulement une accentuation des échanges internationaux de produits agricoles et alimentaires mais aussi une sensibilisation accrue à la nécessité d'assurer la fourniture adéquate de biens collectifs mondiaux pour sauvegarder la sécurité alimentaire mondiale à long terme et l'utilisation durable des ressources naturelles. En ce qui concerne l'alimentation et l'agriculture, on reconnaît qu'il est nécessaire de conserver et d'utiliser de façon plus durable des biens publics mondiaux comme les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture et les stocks de poissons océaniques ainsi que de se pencher sur le problème de l'interdépendance entre l'agriculture et le changement climatique.

42. En ce qui concerne les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture, malgré leur importance vitale pour la survie de l'homme, le rythme de leur érosion est de plus en plus alarmant, réduisant de façon spectaculaire la capacité des générations présentes et futures à faire face à des modifications imprévues des besoins et à des chocs écologiques. Aucun pays n'est autosuffisant en matière de ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture. Les ressources génétiques sont la matière première des biotechnologies. Les pays industrialisés ont mis en place des mécanismes juridiques et économiques, comme les droits de propriété intellectuelle, pour favoriser le développement des nouvelles technologies et indemniser leurs inventeurs, mais il n'existe aucun mécanisme économique ou juridique efficace pour indemniser et encourager ceux qui créent la matière première, à savoir les ressources génétiques elles-mêmes. Ceux-ci sont essentiellement les cultivateurs pratiquant une agriculture traditionnelle dans les pays en développement.

43. Dans ce contexte, la Commission des ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture de la FAO négocie actuellement la révision de l'Engagement international sur les ressources phytogénétiques, pour l'harmoniser avec la Convention sur la diversité biologique, comme instrument international ayant force obligatoire pour régir l'accès aux ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, et le partage des avantages qui en découlent. Un autre exemple de la contribution récente de l'Organisation à la conservation et à l'utilisation durable des biens collectifs mondiaux est l'adoption du Code de conduite pour une pêche responsable par la Conférence de la FAO.

44. La mondialisation présente à la fois des avantages et des risques pour le secteur agricole des pays en développement. Étant donné que l'agriculture reste le secteur dominant dans la plupart des pays en développement et la principale source d'exportations, la réduction des obstacles au commerce favorise l'accroissement de la production de ce secteur. Mais la mondialisation crée des risques de marginalisation pour les pays qui, en raison de leurs ressources, de leur emplacement, de leur taille, de leur manque de connaissances spécialisées et d'infrastructure, ne sont pas compétitifs sur le marché mondial et ne parviennent pas à attirer les investissements. La mondialisation s'accompagne également du risque, apparu fort clairement dans les années qui ont suivi le Sommet mondial de l'alimentation, que l'instabilité des systèmes financiers internationaux et les fluctuations des résultats économiques des grands pays, aient des effets dévastateurs sur les pays qui dépendent fortement du commerce et des investissements extérieurs. Les pays largement tributaires de l'exportation d'un petit nombre de produits de base sont particulièrement vulnérables à de tels chocs qui peuvent avoir de terribles répercussions sur la subsistance et la sécurité alimentaire de leurs populations agricoles.

45. Au cours des six dernières années les accords du Cycle d'Uruguay ont été mis en oeuvre, intégrant pour la première fois l'agriculture dans le cadre du GATT/OMC. L'expérience a eu des résultats divers: l'Accord sur l'agriculture a contribué à réaffirmer les politiques commerciales et nationales, mais les changements effectifs des niveaux de soutien et de protection n'ont pas été suffisants pour que cet accord ait un effet tangible sur le commerce mondial et les revenus. Par conséquent, le soutien de l'ensemble des pays de l'OCDE à leurs agriculteurs s'est élevé à 356 milliards de dollars E.-U. pour la seule année 199915. Les droits de douane restent élevés sur les produits agricoles, surtout pour les produits horticoles des zones tempérées, le sucre, les céréales, les produits laitiers et la viande et la progressivité des droits continue à protéger plus particulièrement les produits transformés, surtout les produits à valeur ajoutée du café, du cacao et des graines oléagineuses, dans les pays importateurs. De plus, la complexité des systèmes d'importation et d'accès aux contingents tarifaires ainsi que le coût du respect des normes sanitaires et phytosanitaires (SPS) et des obstacles techniques au commerce (OTC), restent un obstacle à l'expansion des marchés, parfois insurmontable surtout pour les pays dont l'économie est peu développée.

46. La capacité des pays en développement à tirer profit des nouveaux débouchés commerciaux découlant de la mondialisation, dépend en dernier ressort de leur compétitivité et de leur possibilité d'accroître la production de biens pour lesquels il existe une demande. Cela peut nécessiter des investissements substantiels dans l'infrastructure, les technologies et les communications afin de réduire les coûts et d'accélérer les transports. Mais cela oblige aussi à développer les capacités institutionnelles pour créer et appliquer des normes d'un niveau élevé et pour former les agriculteurs à la production de produits commercialisables de qualité. L'accumulation de disponibilités et la création d'un flux régulier de produits nécessitera une action collective des agriculteurs, généralement associée à un renforcement des liens avec le secteur privé notamment par des systèmes de production sous contrat.

47. Partant de l'hypothèse que la libéralisation du commerce pourrait créer des problèmes transitoires dans certains pays en développement importateurs de denrées, des mesures compensatoires ont été prévues au titre de la Décision de Marrakech relative aux mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. Toutefois, cette décision n'est pas encore entrée en application. Cette inertie d'action risque de miner la confiance des pays en développement qui ont libéralisé leurs systèmes commerciaux pour les conformer au système international. La FAO a proposé récemment des mesures visant à faire appliquer cette décision16.

48. L'union européenne (UE)17, qui accueillera la troisième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (UNLDC) à Bruxelles en mai 200118, accorde une attention prioritaire à la contribution importante que l'accroissement des débouchés commerciaux peut apporter pour le développement économique des pays les moins avancés. La décision récente de l'UE de réduire les droits de douane pour la plupart des exportations en provenance des pays les moins avancés dans le cadre de l'initiative Tout sauf des armes, est une avancée tangible dans la voie des nouvelles politiques de développement de l'Union. La Nouvelle-Zélande, le Canada et la Norvège ont annoncé aussi des actions similaires en faveur des PMA. Dans le cadre de la Conférence UNLDC 3, la FAO a accepté d'organiser la session thématique spécialement consacrée à l'agriculture, à la sécurité alimentaire et au développement rural.

49. La principale question qui se pose à propos de la mondialisation et de la libéralisation des échanges concerne la répartition de l'ensemble des avantages qui en découleront. La réduction de la protection des marchés de la part des pays développés et des restrictions des mouvements internationaux de la main-d'oeuvre, associée à un partage raisonné des progrès des technologies de l'information et de la communication, pourraient faire en sorte que la mondialisation contribue à la création d'un monde plus équitable tel qu'il est envisagé dans la Déclaration du Millénaire19 et à la réalisation, en particulier, des objectifs du SMA.

50. En février 2000, l'OMC a entamé de nouvelles négociations sur l'agriculture qui seront mises en oeuvre en deux grandes phases dans le cadre d'une série de sessions spéciales du Comité de l'agriculture de l'OMC.

51. Depuis longtemps la FAO s'occupe des questions relatives au commerce des produits et des intrants agricoles, faisant rapport au Comité des produits et à ses groupes intergouvernementaux subsidiaires. En application de l'Engagement quatre du SMA, l'Organisation a toutefois renforcé son assistance aux pays en développement pour qu'ils se préparent "aux négociations commerciales multilatérales concernant notamment l'agriculture, les pêches et les forêts, entre autres par des études, des analyses et des activités de formation". L'Organisation a publié différentes évaluations de l'incidence des Négociations du Cycle d'Uruguay sur les marchés des produits agricoles et la sécurité alimentaire, ainsi qu'un volume sur l'expérience des pays en développement dans la mise en application de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC. Elle continue à fournir des forums intergouvernementaux et à promouvoir des instruments pertinents notamment pour l'élaboration de normes: il s'agit notamment de la Commission du Codex Alimentarius (normes sur la qualité et la sécurité sanitaire des aliments) et de la Convention internationale sur la protection des végétaux (CIPV) (normes phytosanitaires). L'Organisation a lancé en outre un programme élargi de formation et d'assistance techniques pour renforcer les capacités des pays membres à remplir les critères de l'OMC et à participer aux Négociations commerciales multilatérales sur un pied d'égalité, en tant que partenaires bien informés. Les stratégies régionales de sécurité alimentaire préparées par la FAO avec les secrétariats des groupements économiques régionaux ont porté sur la création d'un cadre juridique et réglementaire, le renforcement des capacités institutionnelles et scientifiques pour adopter et mettre en application les normes du Codex et de la CIPV dans le cadre de l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) de l'OMC.

VI. SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS

52. La sécurité sanitaire des aliments est un objectif inhérent au concept de sécurité alimentaire. Elle touche à de nombreux aspects des technologies de production agricole, à la manutention et à la transformation des aliments, ainsi qu'à leur commerce et à leur distribution, comme indiqué plus haut. Les causes des dangers qui menacent la sécurité sanitaire des aliments sont nombreuses. Elles incluent les causes d'origine microbiologique, les contaminants pénétrant dans la chaîne alimentaire et les résidus d'intrants utilisés dans les systèmes de production et de transformation des produits agricoles. Particulièrement préoccupantes sont les maladies transmises par les aliments d'origine microbiologique, du fait que leur incidence est élevée et a tendance à augmenter: elles apparaissent à tous les stades de la chaîne alimentaire et les méthodes d'évaluation et de gestion des risques associés sont loin d'être au point.

53. La sensibilité du public aux questions de sécurité sanitaire des aliments a augmenté de manière spectaculaire, notamment dans les pays développés, au cours des cinq années qui ont suivi le SMA, du fait de l'apparition de la maladie de l'ESB, de rapports sur la présence de micro-organismes résistant aux antibiotiques dans les aliments, de la crise de la dioxine de 1999, de nombreux cas de maladies transmises par les aliments dues à la contamination microbienne des aliments et de l'apparition dans l'alimentation humaine d'un maïs génétiquement modifié dont l'utilisation n'est approuvée que pour l'alimentation animale. Toutes ces crises ont en commun que l'opinion publique juge que les mesures en place inefficaces ou mal appliquées ou appliquées uniquement pour protéger les intérêts des négociants, des producteurs ou des industriels et non pour défendre les consommateurs.

54. Les groupes de consommateurs des pays en développement ne s'expriment pas avec autant de force et, dans ces pays, les systèmes réglementaires sont en général moins efficaces. Dans de mauvaises conditions d'hygiène, dues souvent à des difficultés d'accès à l'eau propre, la contamination microbienne des aliments et des boissons est généralisée et est une cause majeure de maladies et de mortalité, notamment parmi les enfants. L'abus de pesticides est responsable de la présence de résidus qui ne sont pas jugés acceptables par le Codex et la plupart des législations nationales. La FAO et l'OMS formulent continuellement à l'intention du Codex des recommandations sur les doses journalières acceptables et sur les limites maximales de résidus dans les aliments.

55. De meilleures procédures de gestion de la sécurité sanitaire des aliments fondées sur les principes élaborés par la Commission du Codex Alimentarius sont appliquées pour réduire les dangers microbiologiques. Les groupes d'experts FAO/OMS ont publié des résultats scientifiques qui permettront sans doute de mieux gérer les contaminants de l'environnement présents dans les aliments, notamment les aflatoxines. Des procédures de rappel efficaces ont permis de réduire l'impact et la durée de la crise de la dioxine et sont également appliquées dans le cas du maïs génétiquement modifié destiné à l'alimentation animale. La Commission est même parvenue à un quasi-consensus sur les principes généraux à appliquer pour garantir la sécurité sanitaire des aliments obtenus grâce à l'application des biotechnologies à l'agriculture et à l'industrie alimentaire; enfin, une attention particulière est accordée à la question de l'éventuel transfert de propriétés allergisantes à des variétés végétales génétiquement modifiées.

56. Toutefois, beaucoup souhaitent que les mesures de sécurité sanitaire des aliments soient fondées sur un éventail de facteurs plus large que la seule évaluation scientifique des risques pour la santé humaine. Les systèmes de contrôle des aliments étant perçus comme incapables de garantir la sécurité sanitaire de l'alimentation humaine, des mesures supplémentaires sont proposées qui prévoient une chaîne continue de documentation sur l'origine et la nature de chaque produit ou ingrédient alimentaire. Ces mesures pourraient limiter encore davantage l'aptitude des pays à satisfaire leurs besoins en matière de sécurité alimentaire et avoir des répercussions sur le commerce international.

57. Des efforts sont fait au niveau international pour étudier de plus près les questions de sécurité sanitaire des aliments, l'accent étant mis sur la base scientifique de la prise de décision et sur l'application de mesures de précaution lorsque la base scientifique est insuffisante. La FAO prévoit d'organiser, en étroite collaboration avec l'OMS, une conférence paneuropéenne sur la sécurité sanitaire des aliments et des réunions internationales des autorités responsables de la réglementation en matière de sécurité sanitaire des aliments pour examiner les questions liées à la prise de décision fondée sur des preuves scientifiques. Des systèmes d'alerte rapide régionaux et internationaux sont en cours d'élaboration afin de limiter et de réduire l'impact des futures crises liées à la sécurité sanitaire des aliments. Des propositions répondant au Communiqué du Sommet du G-8 d'Okinawa sont en cours d'élaboration en vue de la convocation à intervalles réguliers d'un forum mondial sur la sécurité sanitaire des aliments.

VII. DROIT À LA NOURRITURE

58. Toutes les questions examinées ci-dessus ont des incidences fondamentales sur la capacité de la planète à satisfaire les besoins alimentaires de sa population et à maintenir ses ressources naturelles en bon état pour les générations à venir. Le fait que quelque 792 millions de personnes vivant dans les pays en développement et 34 millions dans le monde développé souffrent encore de sous-alimentation chronique, alors que les agriculteurs réussissent à produire suffisamment de nourriture pour satisfaire les besoins de chacun et que la dégradation des terres se généralise, implique qu'il existe de sérieuses imperfections dans la manière dont nous assumons nos responsabilités les uns vis-à-vis des autres et dont nous exerçons notre intendance sur les ressources mondiales. L'inégalité d'accès à l'alimentation et aux technologies, la dégradation des ressources naturelles associées à certaines méthodes d'agriculture et aux progrès scientifiques, l'érosion de la biodiversité, les menaces visant la durabilité des pêches océaniques et les restrictions commerciales qui empêchent les pays de profiter de leurs avantages comparatifs sont autant de problèmes aux dimensions éthiques importantes. Les envisager du point de vue de l'éthique et des droits de l'homme peut contribuer à l'émergence d'un consensus sur la façon dont il convient de les résoudre dans l'intérêt de l'humanité, en tenant compte d'importantes considérations auxquelles il n'est pas donné suffisamment de poids lorsque les décisions sont prises essentiellement sur des bases techniques ou économiques ou en fonction des forces du marché.

59. L'une des conséquences du SMA a été d'appeler l'attention au cours des dernières années sur les incidences du droit à la nourriture, qui est un droit de l'homme reconnu en droit international et énoncé dans le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels. Le droit à la nourriture implique le droit de chaque être humain à des moyens de production ou d'achat de denrées alimentaires en quantité et de qualité suffisantes, exemptes de substances nocives et culturellement acceptables.20 L'interprétation de ce droit et l'examen de la façon dont les pays peuvent le mettre en oeuvre ont fait l'objet d'une série de consultations sous l'égide du haut Commissaire aux droits de l'homme et avec la participation de la FAO, consultations qui ont permis de mieux apprécier les rôles respectifs des particuliers, de leur famille et de leur communauté, ainsi que de l'État à divers niveaux, pour garantir ce droit à la nourriture. 21 Un certain nombre de pays ont pris des mesures pour mettre en oeuvre le droit à la nourriture dans leurs politiques et programmes de gestion des secteurs agricole et alimentaire, leur expérience pouvant servir d'exemple à d'autres pays qui souhaiteraient les imiter pour essayer d'atteindre l'objectif du SMA.

60. Afin d'améliorer sa capacité de résoudre les problèmes éthiques, la FAO a créé en 2000 un Groupe d'experts éminents sur l'éthique alimentaire et agricole composé de huit experts nationaux indépendants. Le Groupe a commencé par analyser un certain nombre de questions éthiques découlant des pratiques de production et de consommation alimentaires et du développement agricole, y compris la foresterie et les pêches, dans le contexte de la sécurité alimentaire et du développement rural durable et dans un environnement mondial en évolution rapide. L'objectif fixé au Groupe est de contribuer de manière neutre et objective au débat public et au processus de prise de décisions.22 Dans le cadre de ce processus, l'Organisation a lancé en 2001 la collection FAO sur l'éthique, dont les premiers titres sont Questions d'éthique concernant l'alimentation et l'agriculture et Organismes génétiquement modifiés, consommateurs, sécurité sanitaire des aliments et environnement.23

VIII. CONCLUSIONS

61. Ce rapide survol de la situation montre à l'évidence que l'agriculture et la sécurité alimentaire sont soumises à l'échelon local, comme sur le plan international, à des risques énormes et souvent imprévisibles. Ces risques - ou du moins, la perception qu'on en a - semblent se multiplier à mesure que l'agriculture s'intensifie pour faire face à une demande croissante, que les systèmes alimentaires s'adaptent à l'urbanisation rapide et que la planète toute entière se couvre d'un réseau de communication avec l'accélération de la mondialisation. En même temps, la mondialisation et les progrès actuels des technologies et des communications, à condition d'être gérés de manière responsable, multiplient les possibilités de développement économique et favorisent l'émergence d'une monde plus équitable.

62. Nombre des problèmes qu'affrontent l'agriculture, les forêts et les pêches ont une dimension mondiale. Les ravageurs et les maladies traversent facilement les frontières nationales et les océans; les systèmes d'élevage intensif d'un pays, ou le déboisement à grande échelle dans un autre, contribuent au changement climatique mondial et le comportement d'un courant océanique du Pacifique affecte l'arrivée et l'intensité de la mousson en Asie du Sud et des pluies en Afrique de l'Est; le non-respect des codes de conduites internationaux peut nuire à la durabilité des pêches mondiales et le subventionnement de l'agriculture dans un pays peut empêcher les agriculteurs d'un autre pays de trouver des débouchés pour leur production. Nous commençons seulement à comprendre la nature et l'ampleur de ces interactions et à savoir les maîtriser et les utiliser pour le bien général.

63. Face aux risques, la prévention et l'application de mesures de précaution devraient, en général, s'imposer, alors qu'elles sont trop souvent rejetées, malgré l'énormité maintes fois constatée et prouvée des coûts économiques - et des souffrances humaines - qu'une telle attitude attentiste implique. Lorsqu'un conflit est prévenu grâce à des négociations, lorsque des populations vulnérables sont averties plus à l'avance de l'arrivée d'un cyclone ou lorsque la propagation d'une maladie mortelle est enrayée par des contrôles sur les lieux d'origine, ce sont des vies, des souffrances et des coûts qui sont épargnés.

64. Si les gouvernements et la communauté internationale, dont la FAO, font d'énormes efforts, dans les limites de leurs capacités, pour s'acquitter de leurs engagements au titre du SMA correspondant à ces nouveaux défis, la poursuite de l'amélioration de la capacité de réaction demeure amplement justifiée sur les plans social et économique. Si tout allait pour le mieux, nous ne verrions pas d'énormes populations au bord de la famine dans la Corne de l'Afrique, des pertes massives de vies humaines et de biens dans le sillage du cyclone Mitch en Amérique centrale, des millions de têtes de bétail calcinées sur des bûchers en Europe ou le dénuement se répandre parmi les producteurs de cacao d'Afrique de l'Ouest, qui font les frais de l'effondrement des cours internationaux des produits.

65. On peut conclure à la nécessité d'un examen attentif des arrangements institutionnels en vigueur en matière de coopération internationale face aux crises alimentaires mondiales, examen qui devrait porter, notamment, sur leur aptitude à prévoir et à prévenir les crises et à réagir avec la rapidité et à l'échelle requises pour limiter les dégâts. Dans une optique à plus long terme, il conviendrait de s'assurer que les efforts actuels en matière de recherche et de création de connaissances sont suffisants et correctement orientés, compte tenu de la nécessité de répondre à la demande alimentaire mondiale de manière durable, et ne sont pas uniquement inspirés par les forces du marché à court terme, qui ne tiennent nullement compte des besoins des générations à venir.

66. Les progrès des technologies de surveillance, d'information et de communication offrent de nouvelles possibilités fort intéressantes de collecter, partager, analyser et interpréter l'information et d'accélérer la prise de décision. La base scientifique sur laquelle s'appuient les actions mondiales - telles que les réactions au réchauffement mondial ou à l'amenuisement de la couche d'ozone - est de plus en plus solide et il existe un ensemble croissant de législations et d'instruments sur lesquels fonder une action nationale et internationale, l'une renforçant l'autre, face aux menaces mondiales. On assiste, toutefois, à une diminution progressive des ressources disponibles sur le plan international pour réagir rapidement aux menaces et aux possibilités mondiales émergentes.

67. L'insuffisance des biens collectifs est une question qui a bénéficié d'une attention considérable dans le cadre de la gestion de l'environnement mondial inspirée d'Action 21 et qui a conduit à la création de nouveaux instruments, tels que le Fonds pour l'environnement mondial (FEM). Les biens collectifs dans le domaine sanitaire font actuellement l'objet d'un vaste débat public qui porte notamment sur le sous-investissement dans la mise au point de technologies abordables pour réduire l'incidence croissante du VIH/Sida, du paludisme et de la tuberculose dans les pays en développement, où des organismes de bienfaisance privés se sont sentis obligés de venir au secours de programmes internationaux à court de ressources. La question de l'offre de biens collectifs mérite également d'être examinée de manière approfondie, eu égard à de la sécurité alimentaire mondiale (y compris la sécurité sanitaire des aliments) et à la durabilité à long terme de l'agriculture; elle est extrêmement pertinente, en outre, pour la réalisation de chacun des engagements du Plan d'action du SMA. Il s'agit, par conséquent, d'une question à laquelle l'Organisation prêtera une attention accrue, en consultation avec ses Membres et avec les autres organismes internationaux chargés de fournir des biens collectifs.

68. Le nombre, l'ampleur et le coût des problèmes fondamentaux qui affectent aujourd'hui l'agriculture, la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire des aliments sont écrasants et font que ces problèmes se disputent l'attention des responsables politiques, tant sur le plan international que dans les pays. Le fait que l'ordre du jour est si encombré et que les crises se sont succédé à un rythme aussi rapide, exigeant des interventions immédiates, explique pourquoi si peu de pays - qu'ils soient développés ou en développement - se sont attaqués au problème de la faim chronique avec la détermination et l'engagement requis pour atteindre l'objectif du SMA. C'est précisément à cause de ces signes d'indifférence du public et de fléchissement de la volonté politique, dont témoigne la réduction progressive des ressources intérieures et internationales allouées au développement agricole et à la sécurité alimentaire, que le SMA cinq ans après a été convoqué.

69. Les 800 millions de personnes souffrant de sous-alimentation chronique ne font pas la une des médias. Elles n'ont droit à la parole ni dans leur pays, ni au sein de la communauté internationale. Ce sont les plus pauvres parmi les pauvres. Mais en 1996, tous les pays du monde ou presque se sont engagés à réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées avant 2015. Cet engagement est toujours valide et doit être honoré. Le défi à relever aujourd'hui est de décider, malgré les demandes pressantes liées à tous les autres problèmes critiques que rencontre actuellement l'agriculture mondiale, comment concrétiser cet engagement.

70. Pour contribuer à renforcer la volonté politique d'agir avec détermination, la FAO a choisi d'appeler l'attention sur deux grands défis, à savoir promouvoir la volonté politique et mobiliser des ressources pour lutter contre la faim. Comme noté précédemment, des documents de référence ont été établis sur ces deux thèmes et sont présentés séparément au CSA pour information.


1 FAO, Le Cadre stratégique de la FAO 2000-2015, Rome 1999.

2 FAO, Rapport du Sommet mondial de l'alimentation, 13-17 novembre 1996, Première partie, Rome 1997.

3 FAO, Problèmes d'éthique dans les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture, Rome 2001.

4 FAO, op.cit.

5 FAO, La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 2000 (chapitre consacré aux conflits, à l'agriculture et à la sécurité alimentaire), Rome 2000.

6 FAO, Comité de l'agriculture (seizième session), Réduire la vulnérabilité de l'agriculture face aux pluies torrentielles et à leurs effets.

7 FAO, L'élimination de l'insécurité alimentaire dans la Corne de l'Afrique, Rome 2000.

8 Comité de l'agriculture de la FAO (seizième session) Rapport provisoire sur Action 21: faits saillants concernant les programmes de la FAO, Rome 2001.

9 Le commerce international des céréales est passé de 30 millions de tonnes avant la seconde guerre mondiale à 225 millions de tonnes de nos jours.

10 Voir par exemple: FAO, L'agriculture à l'horizon 2015/30, Rome 2000.

11 FAO, Comité de l'agriculture (seizième session): Rapport du Groupe de travail interdépartemental sur l'agriculture biologique, Rome, 2001.

12 FAO, Comité de l'agriculture (quinzième session) Biotechnologies, Rome 1999. La FAO, par le biais de sa Division mixte avec l'Agence nationale pour l'énergie atomique (AIEA), a participé activement à l'élaboration de méthodes de caractérisation moléculaire pour l'amélioration des cultures et à la promotion de l'utilisation de nouveaux tests diagnostics pour les maladies du bétail (peste bovine et fièvre aphteuse).

13 Voir en particulier FAO, Organismes génétiquement modifiés, consommateurs, sécurité sanitaire des aliments et environnement, Rome 2001.

14 FAO, Comité de l'agriculture (seizième session). Rapport du Groupe de travail interdépartemental sur les biotechnologies, Rome 2001.

15 OCDE, Politiques agricoles dans les pays de l'OCDE: Surveillance et évaluation, Paris 2000.

16 FAO, Vers une application effective de la Décision de Marrakech, Rome, février 2001.

17 Union européenne, La politique de développement de la Communauté européenne, Bruxelles 2000.

18 Pour un examen complet des questions que posent la mondialisation et la libéralisation du commerce dans les PMA voir: Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Rapport 2000 sur les pays les moins avancés, New York et Genève 2000.

19 Nations Unies "Nous peuples des Nations Unies" - Le rôle des Nations Unies au XXIe siècle, Rapport du Secrétaire général sur le Millénaire, New York 2000.

20 Comité des droits économiques, sociaux et culturels (vingtième session). Observation générale No 12 (E/C. 12/1999/5 sur le droit à une nourriture adéquate (art. 11), 12 mai 1999, paragraphes 6 et 8 en particulier.

21

22 FAO, Rapport du Groupe d'experts éminents sur l'éthique alimentaire et agricole, première session, 26-28 septembre 2000, Rome 2001.

23 Collection de la FAO sur l'éthique, nº 1 et 2 respectivement, FAO, Rome 2001.