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VINGT-TROISIÈME CONFÉRENCE RÉGIONALE POUR L'AFRIQUE

Johannesburg (Afrique du Sud), 1 - 5 mars 2004

CONTRIBUTION DE LA RECHERCHE ET DE LA VULGARISATION AGRICOLES À LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET À LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ DANS LA RÉGION AFRIQUE

Table des matières





I. Introduction

1. Le présent document étudie les possibilités qu’offrent la vulgarisation agricole et la recherche agronomique de contribuer à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté en vue d’assurer à tous des moyens d’existence durables. La notion de Systèmes de recherche et de vulgarisation agricoles (ARES) renvoie au large éventail d’institutions et d’entités, publiques et privées, dotées d’un mandat et d’un programme précis, qui sont susceptibles de participer à la mise au point, l’adaptation, la validation, la diffusion et l’adoption de technologies liées à l’agriculture. Il sera fait référence dans le présent document aux Systèmes nationaux de recherche et de vulgarisation agricoles (NARES).

II. Agriculture, sécurité alimentaire et pauvreté en Afrique: état des lieux et perspectives

2. L’agriculture tient une place prééminente dans l’économie de la majorité des pays africains: elle représente 24 pour cent du PIB de l’Afrique, 70 pour cent de ses emplois et 40 pour cent des recettes générées par ses échanges avec l’extérieur. En 2000, les moyens d’existence de 56 pour cent environ des Africains, soit 431 millions de personnes, en dépendaient. En dépit de son importance, le secteur accuse encore un manque d’investissements, de résultats, et une forte subordination aux aléas météorologiques, à l'inefficacité des technologies traditionnelles et à une main d'oeuvre démunie et analphabète. La mauvaise gouvernance, les conflits civils et le VIH/SIDA sont autant de facteurs aggravants.

3. La faiblesse persistante de la production agricole n’est pas seulement un frein aux exportations agricoles africaines. Elle accentue également les pénuries, les importations et l’aide alimentaires ainsi que la pauvreté. En 2000, les importations alimentaires se sont chiffrées à environ 18,7 milliards de dollars EU contre 14,3 milliards de dollars EU pour les exportations, d’où un déficit de la balance commerciale de 4,4 milliards de dollars EU. La même année, l'Afrique a reçu 2,8 millions de tonnes d'aide alimentaire, soit un quart du total mondial.

4. En Afrique, le volume de la consommation alimentaire moyen pour la région devrait se contenter dans les 15 prochaines années d’une hausse de 7 pour cent pour atteindre 2 360 kilocalories par personne et par jour, contre 2 700 pour l’Asie du Sud, 2 980 pour l’Amérique latine et 3 060 pour l’Asie de l'Est. La prévalence de la sous-alimentation en Afrique subsaharienne a enregistré une baisse modeste ces deux dernières décennies, passant de 36 pour cent à 33 pour cent, et devrait encore reculer pour se situer à 22 pour cent à l'horizon 2015. En revanche, le nombre absolu de personnes sous-alimentées pourrait passer de 168 millions en 1990/92 à 205 millions en 2015.

5. Un consensus se dégage actuellement autour de la nécessité de placer l'agriculture au coeur des efforts de réduction de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire en Afrique, sans pour autant porter atteinte à la base de ressources naturelles qui est indispensable à sa durabilité à long terme. L'expérience montre que le renversement des tendances actuelles passe par l’amélioration des cadres macroéconomiques et par des investissements de nature à pallier les immenses carences de la région. La participation des femmes à l'intégralité des initiatives constitue une autre des priorités à établir, au premier rang desquelles doivent figurer les ARES. Ces derniers sont en effet appelés à devenir les institutions de référence pour apporter les améliorations que réclament la production, la productivité et la compétitivité.

III. Tendances actuelles de la recherche et de la vulgarisation agricoles en Afrique subsaharienne

6. L’évolution incessante sur les quatre dernières décennies des priorités, des modes d’élaboration et des dispositifs institutionnels des ARES en Afrique subsaharienne a été conditionnée, dans une très large mesure, par les choix financiers des bailleurs de fonds internationaux et les choix idéologiques concernant le développement agricole et rural. D’autres forces, dont la mondialisation, sont entrées en jeu plus récemment, dans les années 80 et 90. Quatre des grandes conséquences de tous ces facteurs sont: la modification de la configuration institutionnelle de la recherche agronomique; de nouvelles priorités scientifiques et technologiques; la mutation des systèmes de vulgarisation agricole; et l’apparition d’un système de financement pour la recherche agronomique.

a. Recherche agronomique: la configuration institutionnelle émergente

7. Entre les années 60 et les années 80, il n’y a pas eu d’organisation régionale structurée de la recherche agronomique à l’exception de quelques programmes régionaux tels que celui de Recherche et développement des cultures vivrières dans les zones semi-arides (SAFGRAD). À compter des années 70, le rythme de croissance des ressources financières s’est tassé en dépit d'un timide soutien de la part des bailleurs de fonds internationaux. Les difficultés financières datant de cette époque ont suscité, au sein de la communauté internationale, un regain d'intérêt pour la régionalisation de la recherche agronomique.

8. Le Centre de coordination de la recherche agronomique pour l'Afrique australe (SACCAR)1, le Conseil Ouest africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF/WECARD)2 et l'Association pour le renforcement de la recherche agricole en Afrique orientale et centrale (ASARECA)3, fondés respectivement en 1984, 1987 et 1994, ont approuvé la création du Forum de recherche agricole en Afrique (FARA) en avril 2001 à Addis-Abeba4. La recherche agronomique en Afrique subsaharienne, d’abord confinée au niveau national, s’est donc étendue depuis les années 80 aux niveaux sous-régional et régional pour donner la structure suivante, composée de trois échelons: au premier échelon se trouvent les Centres nationaux de recherche agronomique (NARS), qui sont et resteront la pièce maîtresse de l’action de la recherche agronomique en faveur de la croissance et du développement agricoles; le deuxième échelon est occupé par les Organisations sous-régionales (SRO), dont la mission première est de coordonner et de promouvoir la coopération sous-régionale; le FARA, l’institution centrale, constitue le troisième échelon. Il endosse le rôle d’arbitre, confrontant et accordant les points de vue pour faire entendre une seule voix sur la scène internationale, tout en assumant la responsabilité des programmes de recherche qui revêtent un intérêt régional.

9. Deux facteurs supplémentaires méritent d’être pris en considération dans l’analyse du contexte institutionnel actuel de la recherche agronomique en Afrique subsaharienne: la diversification des acteurs et la plus grande complexité des programmes de recherche. Les NARS, avec leur organisation généralement unique et leur nombre restreint d’interlocuteurs (Universités, Institutions de recherche avancée et Centres internationaux de recherche agronomique), sont placés face à un plus large éventail d’acteurs. L'émergence de nouvelles priorités scientifiques et technologiques accroît la complexité des programmes de recherche.

b. Les priorités scientifiques et technologiques récentes

10. De nouvelles priorités scientifiques et technologiques sont apparues du fait de l’intérêt récent porté à quatre domaines de recherche et s’imposent avec force à l'Afrique: la gestion des ressources naturelles; la sécurité alimentaire; la lutte contre la pauvreté; les biotechnologies et les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC).

11. La gestion des ressources naturelles n’est pas véritablement parvenue à devenir une priorité de la recherche agronomique. Le Chapitre 8 du plan de travail adopté par le Sommet mondial pour le développement durable (SMDD) à Johannesburg en 2002 a réaffirmé qu’elle constitue pour l’Afrique un objectif de première importance. Les trois dernières décennies ont permis de tirer les enseignements suivants: d'une part, le continent a connu une dégradation notable de sa base de ressources naturelles; d'autre part, la promotion à grande échelle de technologies associant gains de productivité et durabilité environnementale laisse beaucoup à désirer. La gestion des ressources naturelles et l'environnement représentent donc encore un vrai défi qui, s'il est perçu par la majorité des pays africains comme un luxe, doit impérieusement trouver sa place dans les programmes de recherche agronomique.

12. Le Sommet mondial de l'alimentation organisé à Rome a mis en évidence les avantages que comporte l'intégration des enjeux de la sécurité alimentaire durable dans les programmes de recherche des NARS. Or, pour aborder les questions de sécurité alimentaire sous l'angle du développement durable, il faut comprendre comment s’articulent les volets technique, environnemental, économique et social de la production alimentaire. La réflexion doit suivre trois grandes directions: le contenu de la recherche, le processus de recherche et les dimensions sexospécifiques de la sécurité alimentaire.

13. Les biotechnologies, sous réserve d'être judicieusement combinées à d’autres technologies en vue de produire des biens et des services alimentaires et agricoles, recèlent le potentiel incontestable de faire augmenter la production et la productivité des secteurs de l’agriculture, des forêts et de la pêche. Elles sont également très riches de promesses en matière d'intensification durable de l'agriculture. Pour tirer pleinement parti de leurs applications, les NARS se doivent toutefois de préciser leurs attentes vis-à-vis de ces nouvelles technologies ainsi que les modalités de leur incorporation harmonieuse aux mécanismes existants de développement de technologies conventionnelles. Par ailleurs, les pays en développement qui voudraient s’approprier les technologies importées et entreprendre une activité de recherche conséquente ne peuvent faire l'économie du règlement de trois questions: droits de propriété intellectuelle adaptés, biosécurité et capacités nationales.

14. Les TIC sont d'une grande utilité pour la collecte, l'échange et l'utilisation de l'information et des technologies. Elles peuvent permettre aux NARS d'améliorer leur efficience interne, leur capacité à procéder au transfert effectif de connaissances et de technologies appropriées aux utilisateurs finaux et leur intégration dans les systèmes mondiaux de recherche agronomique. Il conviendrait d’élever les TIC au rang de priorité de la recherche agronomique dans la région Afrique. En termes de diffusion des technologies, les TIC ont un atout incomparable: des capacités de transmission de l’information permettant de mettre à profit les systèmes de connaissances et d’information agricoles pour opérer la mutation technologique des systèmes de production. Néanmoins, il convient de souligner les conditions d’une utilisation effective: sensibilisation préalable à la valeur de l’information; formation des ressources humaines; bonne planification des besoins; et bonne appréhension des environnements social, politique et culturel de leur future utilisation.

c. Vulgarisation agricole: l’évolution du contexte

15. La FAO n'a pas souhaité promouvoir vigoureusement une méthodologie de vulgarisation au détriment des autres en partant du principe qu'aucune ne peut convenir en toutes circonstances, aussi remarquable qu'elle paraisse dans certains cas. La FAO a préféré privilégier la mise au point de méthodologies de vulgarisation fondées sur les situations, en respectant les principes de participation, de prise en compte de la dimension sexospécifique et de service à la clientèle. L’approche des écoles d'agriculture de terrain (FFS) a d'abord été utilisée pour encourager la Protection intégrée (PI). Sa forte composante participative a conduit de nombreux pays à reprendre l'expression pour désigner toute approche de vulgarisation de groupe conventionnelle. C'est notamment le cas de la Gambie et de l'Égypte. La FAO maintient que les FFS doivent être utilisées uniquement lorsqu'elles sont les mieux indiquées, comme pour la PI, et qu'elles ne sont en rien la seule et unique méthodologie de vulgarisation préconisée par l'Organisation. D’autres approches existent: les Centres d'apprentissage de la gestion forestière pour agriculteurs (FFMS), le Développement de systèmes agricoles (DSA), les Groupes participatifs d'agriculteurs en faveur de la sécurité alimentaire (Tanzanie), les Groupes d'agriculteurs en faveur de l'entreprise privée (Ouganda), les FFS consacrées à l'élevage (Swaziland, Kenya, Gambie) et l'intégration de la sensibilisation au VIH/SIDA dans les programmes de vulgarisation agricole (Zambie, Namibie, Ghana et Ouganda). À la fin des années 90, la FAO a lancé l'Initiative en faveur de la réforme des systèmes de vulgarisation nationaux (NAESRI) qui a permis de mener des activités de renforcement des services de vulgarisation décentralisés, de création de modalités de vulgarisation pluralistes, d'animation de groupes de paysans hommes et femmes en vue d'élaborer des programmes de vulgarisation de terrain, de privatisation de la vulgarisation lorsqu’elle se justifie, etc. Des outils TIC ont également été prévus pour appuyer la vulgarisation, comme par exemple le Réseau d'information des agriculteurs pour le développement agricole et rural (FarmNet) et le Réseau virtuel de communication pour la vulgarisation et la recherche (VERCON).

16. La configuration de la vulgarisation agricole en Afrique subsaharienne évolue: attention croissante accordée à la sécurité alimentaire; intervention de nouveaux acteurs, notamment du secteur privé et des ONG, dans la prestation des services de vulgarisation; et méthodes d'élaboration participative pour impliquer la clientèle dans la prise de décision. La baisse des financements publics alloués à la vulgarisation s’accompagne d’un réexamen du rôle de l'État dans la fourniture des services de vulgarisation. Ainsi le financement des programmes de vulgarisation est­il quelquefois dissocié de la prestation des services de vulgarisation. Une nouvelle approche se fait jour: la vulgarisation devient facilitation et les producteurs sont traités en qualité de clients, de parrains et de parties prenantes plutôt que de bénéficiaires. Les grandes tendances et l’évolution de ces phénomènes tels qu’ils se présentent en ce nouveau millénaire sont à l’image des mutations socioéconomiques mondiales. Ils dérivent de concepts clés tels que la participation, le service à la clientèle et la décentralisation et l’avènement par exemple des technologies modernes de l’information.

17. La FAO et la Banque mondiale ont également formulé une vision stratégique et des principes directeurs relatifs aux Systèmes de connaissance et d'information agricole pour le développement rural (AKIS/RD) afin d'intégrer, dans l'intérêt des agriculteurs, les activités des formateurs, des chercheurs et des vulgarisateurs agricoles. L’application optimale des principes AKIS/RD induit dans la pratique des réformes qui introduisent les éléments suivants: pluralisme des prestataires de services de vulgarisation, incluant des partenariats coordonnés avec les ONG; partenariats réunissant les agriculteurs, leurs organisations et d'autres prestataires privés de services de vulgarisation; modalités de recouvrement des coûts, y compris ceux directement négociés entre les agriculteurs et les vulgarisateurs; décentralisation à des échelons plus bas de l'État et subsidiarité au niveau local.

18. L'épidémie de VIH/SIDA est l'obstacle majeur que doivent surmonter les systèmes, les approches et les méthodologies traditionnelles de vulgarisation en Afrique subsaharienne. Il est manifeste que l'épidémie est désormais appréhendée dans ses dimensions sociale, culturelle, économique et de développement et non plus uniquement comme un problème de santé publique. La FAO a récemment réalisé des études sur l'incidence du VIH/SIDA sur les organismes de vulgarisation agricole et sur les agriculteurs au Malawi, en Zambie, en Namibie et en Ouganda. Les difficultés auxquelles se heurtent les services de vulgarisation tiennent à la nature même de la vulgarisation. L'épidémie atteint les vulgarisateurs en tant que personnes, réduit et perturbe les équipes, accroît les dépenses organisationnelles, rend caduques des pratiques établies de longue date et amène la vulgarisation à toucher un public imprévu composé de veuves, d’enfants et de personnes âgées, écarte les paysans de leurs terres et aggrave les disponibilités de main d'oeuvre dans les champs, l'insécurité alimentaire et la pauvreté. Or, les organisations et les agents locaux de vulgarisation ne sont pas en mesure de relever un tel défi.

d. Le système de financement émergent

19. Au cours des 30 dernières années, les institutions publiques de recherche et de vulgarisation agricoles ont, dans une large mesure, été tributaires des bailleurs de fonds internationaux et des gouvernements pour leur fonctionnement. Poussés par les politiques d'ajustement structurel à revoir à la baisse les dépenses publiques, de nombreux gouvernements ont commencé à réduire les fonds alloués à ces institutions à la fin des années 80. La communauté internationale des donateurs a dû combler ce vide en augmentant ses contributions. Le système de financement qui apparaît actuellement se compose de trois grands niveaux reliés entre eux et fait appel à de nouveaux mécanismes.

20. À l'échelon national, le financement endogène de la recherche agronomique proviendra généralement du budget de l'État, des recettes de la recherche contractuelle et des cotisations dont s’acquittent les utilisateurs. Le financement international prendra la forme de dons ou de prêts qui transitent par une entité sous-régionale. Le financement de la vulgarisation agricole proviendra principalement des enveloppes budgétaires de l’État, des entreprises privées et des tarifs d’utilisation. Le financement direct des agents de vulgarisation agricole intervenant pour un public de producteurs, d’agriculteurs et d’autres bénéficiaires va évoluer vers une « externalisation de la vulgarisation », une pratique de « recouvrement des coûts des services de vulgarisation » et une « sous-traitance de la vulgarisation ». De ce fait et indifféremment de l'origine des fonds, les vulgarisateurs agricoles seront rémunérés sur la base d’un contrat conclu avec des bénéficiaires assimilés à des consommateurs de services.

21. À l'échelon sous-régional, ce sont deux mécanismes bien distincts qui seront utilisés. Le premier s’appliquera aux activités centrales des Organisations sous-régionales (SRO). Il dépendra pour son fonctionnement des dons spécialement affectés de bailleurs de fonds et des contributions de l'État. Ce mécanisme s’appliquera également aux réseaux et aux programmes en collaboration d’envergure régionale. Le financement va procéder d’une part, des dons et des prêts consentis par les pays membres et d’autre part, des fonds dégagés à l'issue d'appels d'offres qui mobilisent des fonds concurrentiels régionaux placés sous la responsabilité des Organisations sous-régionales. Le second mécanisme permettra aux SRO d'acheter des services sur mesure adaptés à leurs besoins spécifiques auprès du GCRAI, outre les fonds spécialement affectés pour ce dernier. À l'échelon régional, les dons de bailleurs de fonds assureront le financement des activités centrales du FARA et de celles du GCRAI sur le continent, dont les initiatives à l'échelle des systèmes et les programmes les plus ambitieux.

22. La transition de la situation qui domine actuellement au nouveau régime, impose de prendre deux virages concomitants à l'échelon national: passer du financement d'origine publique au financement d’origine privée et du financement au forfait au financement par projet. Il est manifeste d'emblée qu’à l’issue du premier tournant, ce sont les gouvernements nationaux qui devront prendre à leur charge le financement des NARES.

23. Le deuxième virage est assorti d’exigences comptables que les NARES devront scrupuleusement respecter dans les domaines politique et de la gestion. Le nouveau système de financement introduit des mécanismes stricts de suivi et d’évaluation qui vont renforcer le sens des responsabilités des institutions. La bonne gestion jouera un rôle critique dans l’édification de la crédibilité financière en mobilisant davantage les sources traditionnelles de financement tout en en explorant et exploitant de nouvelles.

24. Ce système comporte par ailleurs un risque inhérent de séparation entre: d’une part, le « vieux » niveau national, alimenté par des fonds internes et utilisé majoritairement pour les frais courants, l’infrastructure et la formation de long terme; d’autre part, le niveau supranational émergent, financé par des fonds concurrentiels issus de sources internationales et utilisé pour les dépenses opérationnelles des programmes et des projets supervisés par les SRO et le FARA. Le système ne saurait être durable que si chacun des pays veille à ne pas se désengager du niveau supranational en participant à ces deux niveaux de manière équilibrée. À cet égard, il serait bon que les pays africains participent à titre individuel au financement du niveau supranational.

IV. Contraintes, possibilités et défis actuels des Systèmes de recherche et de vulgarisation agricoles en Afrique subsaharienne

25. L’action des ARES au service de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la pauvreté en Afrique s’inscrit dans un environnement dont les changements se traduisent par un mélange complexe de contraintes, de défis et de possibilités interdépendants.

a. Les contraintes

26. Les ARES sont confrontés à de multiples contraintes en Afrique dont les plus manifestes concernent: les politiques générales et la planification; la structure, l’organisation et la gestion; le financement; la collaboration supranationale et les relations Recherche-vulgarisation-agriculteurs.

i. La durabilité du financement actuel des ARES

27. Les politiques d’ajustement structurel se soldent depuis les années 80 par une baisse considérable des ressources financières de la majorité des ARES, qui sont majoritairement d’origine publique. Les donateurs internationaux ont pris la relève mais commencent à revoir leurs contributions à la baisse. Les gouvernements africains se doivent donc de redoubler d’efforts 1) pour endosser la responsabilité du financement de la recherche aux échelons national, sous-régional et régional 2) pour diversifier les sources de financement des ARES. Une privatisation totale des services de vulgarisation n’est pas indiquée eu égard aux millions de paysans pratiquant une agriculture de subsistance qui n’auraient pas les moyens de se les offrir. Le problème du déséquilibre entre les fonds affectés à la recherche et ceux réservés à la vulgarisation, ignoré depuis trop longtemps, mérite également d’être étudié.

ii. L’intégration de la recherche agronomique et de la vulgarisation agricole: une collaboration régionale et sous-régionale inexistante

28. La plupart des efforts d’articulation de la recherche agronomique et de la vulgarisation agricole continuent d’être cantonnés au niveau national. Au niveau supranational, l’élaboration des technologies voit s’élargir le champ de ses possibilités. La mise en commun des ressources et des technologies aux échelons sous-régional et régional, désormais réalisable, peut être effectuée de manière efficace en agissant sur deux fronts simultanément: les technologies sont mises au point dans le cadre d’une stratégie à plusieurs niveaux et diffusées sur un mode participatif qui implique l’ensemble des parties intéressées.

iii. Recherche, vulgarisation et agriculteurs: des relations limitées

29. Les relations entre la recherche, la vulgarisation et les agriculteurs restent minces et ont probablement fait les frais récemment de l’évolution des approches de vulgarisation agricole, de l’intervention de nouvelles catégories d’acteurs et du plus grand désengagement de l’État. Une partie de la solution réside dans la responsabilisation et l’implication d’un éventail plus large d’utilisateurs finaux partenaires (toute la filière allant de la production à la consommation, en passant par la transformation et la commercialisation) et dans l’application vigilante des TIC encadrée par une approche AKIS/RD efficiente et effective.

iv. Des politiques dépassées

30. Les ARES fonctionnent dans un environnement qui pèse sur leur structure organisationnelle, leur mode de gestion et leurs activités de terrain. Il se définit dans ses grandes lignes par des multipartenariats, une participation sur plusieurs niveaux et une plus grande ouverture des perspectives qui vont du niveau national au niveau supranational. Les politiques actuelles de recherche et de vulgarisation agricoles, dépassées par les nouvelles options, doivent être réétudiées, reformulés et mises à jour en vue d’améliorer l’efficacité et l’efficience des ARES.

v. L’instabilité et le manque de volonté politiques

31. L’instabilité politique et les conflits civils entament le potentiel des ARES. Il ne saurait y avoir de mise à jour des politiques, de maintien de la stabilité politique ni de règlement des difficultés multiples citées plus haut sans une volonté politique forte et un engagement de long terme de la part des dirigeants politiques, dont on a pu constater qu’ils faisaient jusqu’à présent défaut.

b. Les possibilités

32. Les ressources humaines et les capacités techniques actuellement disponibles sur le continent, la révolution des sciences et de l’information dont l’initiative du NEPAD constitue le fer de lance ainsi que le regain d’intérêt de la communauté internationale vis-à-vis des ARES africains sont autant d’occasions majeures à saisir.

i. L’importance du capital en ressources humaines et en compétences techniques

33. La majorité des NARES africains accusent un manque cruel de crédits de fonctionnement mais sont mieux pourvus qu’auparavant en ressources humaines et en capacités techniques. Ce pourrait être un atout important, tout particulièrement dans le cadre d’une stratégie de coopération régionale bien conçue. En outre, les NARS ont progressivement mis au point une grande quantité de modules technologiques, en toute indépendance ou en s’associant avec des Centres internationaux de recherche agronomique (CIRA) et des Institutions de recherche agronomique avancée. Or, nombre de ces modules ne sont pas proposés aux agriculteurs faute de liens suffisants entre les organismes de recherche et de vulgarisation.

ii. Les promesses de la révolution des sciences et de la communication

34. Les progrès de la biologie moléculaire, de l’ingénierie génétique et des TIC recèlent un vaste potentiel pour le développement agricole en Afrique avec son lot prévisible d’effets pervers. Les biotechnologies suscitent d’immenses espoirs: augmenter la productivité agricole et, partant, combattre plus efficacement l’insécurité alimentaire. Elles comportent toutefois de nouveaux risques: reléguer plus encore à la marge les systèmes de recherche locaux et voir déversées sur le continent des technologies inadaptées. L’utilisation de nouvelles TIC est à même d’améliorer l’efficience interne des ARES mais aussi le transfert d’information, de connaissances et de techniques au plus grand avantage de l’ensemble de la filière agricole (production, transformation, commercialisation et consommation).

iii. Le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD)

35. Le NEPAD constitue une chance exceptionnelle de rallier les soutiens politiques et de canaliser toutes les initiatives et les ressources au sein d’une vision commune et d’un partenariat élargi. Il ouvre aux ARES de nouvelles perspectives d’appui politique de la part des dirigeants africains au plus haut niveau et se propose notamment d’atteindre cet objectif en renforçant et en concentrant les capacités des systèmes africains de recherche et de vulgarisation en partenariat avec la FAO, le FARA, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et le GCRAI.

iv. Le regain d’intérêt manifesté par les donateurs internationaux

36. Les donateurs sont confrontés au grand problème de l’appropriation de leurs initiatives à l’échelon régional, par exemple des Cadres d’action et de l’Initiative en faveur du financement durable, et, partant, de leur durabilité. La configuration de la recherche agronomique (avec le FARA et des SRO davantage responsabilisées) et le système de financement qui se dessinent semblent trouver leurs faveurs. L’Union européenne, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement ont décidé récemment d’accorder un soutien financier concernant des fonds concurrentiels sous-régionaux et régionaux. Il faut y voir un regain d’intérêt pour la recherche agronomique et en tenir compte ainsi que des autres possibilités qui se présentent. À quelques exceptions près, comme en Ouganda, la vulgarisation n’a pas su mobiliser les fonds des donateurs une fois que la Banque mondiale a cessé ses généreux financements au vu des défaillances émergentes du Système de formation et visites (T&V).

c. Les défis

37. Pour relever le défi de l’augmentation des disponibilités alimentaires, aujourd’hui et à l’avenir, l’effort doit autant porter sur les systèmes de production que sur les questions plus vastes de l’accès à la nourriture. Il faut à cette fin 1) fondre les technologies traditionnelles et de pointe pour aboutir à des « écotechnologies » socialement équitables, économiquement viables et environnementalement durables générant des gains de productivité par unité de terre, d’eau, d’énergie, de travail et d’investissement 2) formuler une approche globale qui réunisse au sein d’un cadre scientifique élargi les activités menées dans les domaines des sciences physiques, sociales et de l’agronomie et qui intègre la production, les activités après récolte, les systèmes de distribution agricoles, le développement rural et la responsabilisation économique des personnes démunies, en particulier des femmes. La vulgarisation ne peut s’en tenir à ce qui a été jusque là sa fonction traditionnelle de simple transfert des techniques agricoles. Elle doit recevoir une dénomination à l’image du rôle plus important qu’elle endosse, celle de « vulgarisation agricole et rurale ».

38. Les technologies pourront avoir des retombées à grande échelle si l’on agit dans deux directions: 1) renforcer la mise en relation efficace des acteurs de plus en plus variés du développement technique 2) étendre la responsabilisation, confinée jusque-là aux techniques, à l’information et au savoir.

39. La pénurie de ressources est, et restera, un état de fait pour les ARES en Afrique. Il incombe aux gestionnaires de la recherche et de la vulgarisation agricoles de faire preuve d’inventivité pour parvenir aux résultats suivants: augmenter les contributions des donateurs internationaux réceptifs; s’assurer les appuis politiques; et associer de nouvelles catégories de donateurs sur le continent et à l’échelon national, en particulier le secteur privé, aux efforts en faveur de la sécurité alimentaire et de la lutte contre de la pauvreté. Une telle démarche se doit d’aller au-delà d’une simple opération de collecte de fonds si elle veut garantir une pérennité suffisante des ressources et des institutions et augmenter la probabilité d’en obtenir une incidence significative. Il convient toutefois au préalable de formuler des approches de recherche et de vulgarisation qui se fondent sur la demande et qui soient rentables.

i. Les défis institutionnels

40. L’adoption généralisée de technologies par les utilisateurs finaux de manière à influer durablement sur la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté est une entreprise de longue haleine. Elle doit pouvoir compter, entre autres, sur des organismes de recherche et de vulgarisation agricoles pérennes. L’engagement dans la durée des dirigeants politiques et des décideurs est indispensable. Par ailleurs, les modes d’organisation et de fonctionnement les mieux à même d’assurer à ces organismes la plus grande stabilité possible doivent faire l’objet d’un vaste consensus entre toutes les parties intéressées, en premier lieu des donateurs. Cette exigence vaut tout particulièrement pour les pays dans lesquels les services de vulgarisation sont très affaiblis par la décentralisation dans les domaines de l’orientation des politiques, du financement, de l’appui technique et des approches techniques au service de la clientèle. Les organismes de vulgarisation ont également besoin d’assistance pour faire face à la situation engendrée par le VIH/SIDA. Certaines des actions à mener sont les suivantes: formuler des politiques nationales relatives au VIH/SIDA et à la vulgarisation; sensibiliser les vulgarisateurs à la problématique du VIH/SIDA; revoir les stratégies de vulgarisation et les messages techniques; forger des partenariats institutionnels et créer des réseaux sur le VIH/SIDA à l’échelle de plusieurs pays.

41. Il est d’une importance primordiale ici que tous les pays se consacrent de manière harmonieuse aux enjeux capitaux que sont: le rôle de l’État au regard de sa responsabilité au-delà du financement, les modalités de la responsabilisation des utilisateurs finaux de technologies, le renforcement des relations au sein des ARES entre et à tous les niveaux, la pérennité du financement des ARES, l’implication du secteur privé, etc.

ii. Garantir une volonté politique forte et soutenue: un enjeu dominant et crucial

42. Les défis présentés plus haut ne pourront être relevés sans une volonté politique forte de la part des pays d’Afrique. Les gouvernements doivent tout particulièrement garder à l’esprit que l’amélioration de la sécurité alimentaire pour le plus grand nombre et la lutte contre la pauvreté s’inscrivent dans la durée. Ces causes seront remportées uniquement si elles sont portées par des forces endogènes, indépendamment de la qualité des programmes mis en œuvre. Aucun doute n’est permis sur le fait que les engagements pris et répétés au fil du temps (Déclaration de Rome adoptée au Sommet mondial de l’alimentation, Déclaration du millénaire, NEPAD et bien d’autres encore) ne seront suivis d’effet sans la volonté politique requise.

V. Une initiative majeure destinée à l’amélioration des ARES en Afrique

a. Le cadre d’ensemble

43. Le NEPAD dote les ARES d’un cadre général pour mieux servir les objectifs de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la pauvreté. Il a notamment vocation de faire de l’Afrique un acteur stratégique du développement des sciences et des techniques agricoles. Il s’emploie à cette fin à renforcer et à concentrer les capacités des Systèmes africains de recherche et de vulgarisation agricoles. Ainsi les ministres de l’agriculture africains ont-ils décidé, lors de la réunion du 9 juin 2002 sous les auspices de la Conférence régionale pour l’Afrique de la FAO, que « la Recherche agricole, la diffusion et l’adoption des technologies » constituent le domaine d’intervention à long terme du Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (PDDAA) aux côtés des trois autres piliers que sont 1) l’accroissement de façon durable des superficies cultivées et desservies par des systèmes fiables de maîtrise de l’eau 2) l’amélioration de l’infrastructure rurale et des capacités commerciales pour faciliter l’accès au marché 3) l’augmentation des approvisionnements alimentaires et la réduction de la faim.

44. Le PDDAA a été élaboré par le Comité directeur du NEPAD en coopération avec la FAO. Il souscrit au principe que le développement fondé sur l’agriculture est capital pour faire reculer la faim et la pauvreté, pour alimenter la croissance des revenus, pour limiter la facture des importations et pour créer un environnement propice à l’expansion des exportations. Le PDDAA prévoit un financement de l’agriculture qui part d’une double hypothèse: d’une part, l’Afrique relève le niveau de ses investissements; d’autre part, ses partenaires extérieurs répondent présents en lui apportant leur soutien. Le Chapitre 1 envisage que les investissements africains dans l’agriculture soient à l’horizon 2015 de 35 à 55 pour cent supérieurs au niveau actuel.

b. Le Programme en faveur de l’Afrique subsaharienne (PC ASS)

45. Le PC ASS (Programme en faveur de l’Afrique subsaharienne) a été conçu en 2003 lors d’un atelier des parties intéressées organisé à l’initiative du FARA au Ghana. La rubrique « Recherche agronomique intégrée au service du développement » (IAR4D) définit un nouveau modèle qui recouvre le renforcement des capacités institutionnelles, les approches commerciales, la gestion du savoir et la recherche en matière de politiques. Il met explicitement l’accent sur l’élimination du parti pris en faveur des hommes dans la recherche agronomique. En revanche, rien de tel n’est prévu pour la vulgarisation. Les techniques mises au point par les organismes de recherche auront peu d’utilité si elles restent confinées aux postes et aux laboratoires de recherche. Il est indispensable de revoir le rôle et les activités des services de vulgarisation et, à cette fin, de formuler plutôt que d’importer des politiques et des méthodes de vulgarisation inspirées par les situations socio-économiques locales.

c. Le Programme d’appui aux Systèmes de recherche et de vulgarisation agricoles du NEPAD (NEPAD ARES SP)

46. À l’échelon national, l’édification et le renforcement des capacités des ARES passent par 1) la mise à jour de leurs cadres et de leurs approches en matière de politiques générales et de planification à la lumière des changements extérieurs ainsi que le renforcement de leurs capacités de financement durable en provenance des budgets nationaux 2) une meilleure articulation des ARES avec les systèmes régionaux et mondiaux grâce aux TIC 3) l’amélioration des relations recherche-vulgarisation-agriculteurs ainsi que de l’évaluation et du transfert de techniques.

47. À l’échelon régional, il faut privilégier le renforcement de la collaboration régionale entre les systèmes de recherche et de vulgarisation agricoles nationaux au service de l’agriculture durable en général et les Programmes spéciaux pour la sécurité alimentaire (PSSA) et les Programmes régionaux pour la sécurité alimentaire (RPFS) en particulier.

48. Le Programme est encadré par de nombreux acteurs institutionnels: les NARES, les OER, les SRO et le FARA, les bailleurs de fonds et les partenaires techniques internationaux. Ils interviennent dans les PSSA et les RPFS et forment un réseau de collaboration sur la base de partenariats scientifiques, technologiques, techniques et financiers.

49. Les NARES sont chargés de la diffusion et de l’adoption des technologies à l’échelon national. Il incombe aux OER, ainsi qu’aux NARS, de gérer les pôles régionaux de technologies en vue de leur diffusion à l’échelon régional. Les Organisations sous-régionales et le FARA ont pour mission, concernant les domaines de recherche, d’organiser et de coordonner leur hiérarchisation et d’en dégager des synergies pour réduire au minimum les doublons.

50. Le Programme à long terme s’inscrit sur une durée de 15 ans, divisée en trois segments de cinq ans chacun. Chaque segment se compose de deux cycles de 30 mois chacun à financer de manière durable.

i. Les implications en matière de financement

51. Il est proposé que le financement du NEPAD ARES SP soit réalisé à deux niveaux, national et régional, et en provenance de trois sources. Les budgets nationaux seront au départ la principale source du financement des services et des institutions de recherche et de vulgarisation publics, essentiellement de leurs dépenses courantes. L’autofinancement de ces mêmes services et institutions constitue la deuxième source, alimentée par toutes sortes de contrats et d’engagements conclus avec leurs clients et le secteur privé. Un Fonds NARES consacré à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté sera la troisième source.

52. À l’échelon régional, le principal instrument de financement pourrait être un Fonds destiné à l’action des Systèmes de recherche et de vulgarisation agricoles régionaux (RARES) en faveur de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté. Il serait doté de ressources financières majoritairement issues de Fonds NARES ainsi que des dons et des prêts accordés par les bailleurs de fonds internationaux et par les Organisations économiques régionales (OER)5.

53. Le montant total des investissements programmés sur la période 2002-2015 pour les quatre piliers du PDDAA est estimé à 251 milliards de dollars EU, dont 5 milliards6 de dollars EU destinés à la recherche, à la diffusion et à l’adoption des technologies agricoles, ventilés de la manière suivante: 1 milliard de dollars EU dès à présent pour 2002-2005, 1 milliard de dollars EU supplémentaires pour 2006-2010 et 3 milliards de dollars EU pour 2010-2015. Sur les 5 milliards de dollars EU prévus pour la mise au point des technologies, les pays africains devraient être sollicités à hauteur de 2 milliards de dollars EU pour 2002-2015.

ii. Les implications en matière de gouvernance et de politiques générales

54. La création des fonds NARES et RARES exige au préalable de s’atteler à l’échelon national à la formulation de politiques adaptées et à des réformes institutionnelles dans le cadre d’une démarche coordonnée à l’échelon régional. Les OER chefs de file pourraient être la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC) pour la Région d’Afrique centrale, l’Autorité intergouvernementale sur le développement (IGAD) pour la Région orientale, la Communauté de développement de l’Afrique australe (CDAA) pour la Région australe et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pour la Région occidentale.

VI. Les suites à donner au NEPAD ARES SP

55. Il est envisagé d’organiser dans chacune des régions une Conférence régionale sur le NEPAD ARES SP qui se proposerait avant tout de concevoir la première Plateforme régionale d’action en partenariat destinée au développement des ARES aux fins de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté. Y seraient représentés: les NARES, les principales associations et organisations de la filière agricole (production, transformation, commercialisation), le secteur privé et les Organisations sous-régionales concernées. Les bailleurs de fonds internationaux et les parties intéressés du monde entier y seraient conviés en qualité d’observateurs.

56. Quatre grands thèmes à débattre pourraient figurer à l’ordre du jour de la Conférence régionale:

  1. Questions clés relatives à la mise à jour des politiques générales pour améliorer les ARES dans la perspective de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté;
  2. Questions relatives au financement des ARES dans la perspective de la sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté aux échelons national et régional, dont la création de Fonds NARES et RARES;
  3. Directives pour les projets nationaux et régionaux aptes à bénéficier d’un concours bancaire;
  4. Programme d’action régional en partenariat assorti d’un calendrier de mesures à prendre au cours de la première période quinquennale.

57. Chacune des Conférences régionales pourrait être organisée par les OER de référence en étroite collaboration avec le secrétariat du NEPAD et avec les concours de la BAD et de la FAO. L’élaboration des plans nationaux et régionaux représente un budget de: 230 000 dollars EU pour la Région d’Afrique centrale, 190 000 dollars EU pour la Région orientale, 260 000 dollars EU pour la Région australe et 270 000 dollars EU pour la Région occidentale. Les OER, la CEEAC, l’Autorité intergouvernementale sur le développement (IGAD), la CDAA et la CEDEAO seront chargées à tour de rôle de mobiliser les fonds nécessaires à l’organisation de leur Conférence.

VII. Conclusions et recommandations

58. La persistante faiblesse de la production agricole et la stagnation de la productivité se soldent au terme de 40 ans par un constat décevant en termes de sécurité alimentaire et d’aggravation de la pauvreté en Afrique subsaharienne. Il existe actuellement un consensus autour de la nécessité de placer l’agriculture au cœur des efforts visant à renverser ces tendances, tout en veillant à préserver la base de ressources naturelles dont dépend sa durabilité à long terme. Simultanément, les ARES s’inscrivent dans un environnement qui a connu d’importants changements aux niveaux scientifique, institutionnel et financier. Ces mutations sont le résultat de fortes pressions, externes et internes, comme par exemple l’instabilité institutionnelle et financière et le déficit d’engagement à long terme et de volonté forte de la part des dirigeants politiques.

59. Si l’action des ARES d’Afrique subsaharienne est entravée par de multiples facteurs, elle bénéficie par ailleurs d’atouts et de circonstances favorables susceptibles de modifier la situation actuelle, qui sont en premier lieu: le réservoir considérable de ressources humaines et de capacités techniques constitué au fil des décennies; la révolution des sciences et de la communication en cours; et le regain d’intérêt manifesté par les donateurs internationaux. Ces possibilités ne pourront être exploitées que si l’Afrique parvient à réunir les conditions suivantes: réorienter la recherche agronomique, axée jusque-là sur la productivité, vers l’élaboration d’« écotechnologies » qui aient des retombées à grande échelle; créer un environnement politique propice à la stabilité institutionnelle et financière; et garantir un engagement fort et soutenu de la part de ses dirigeants politiques. Dans le domaine de la vulgarisation, un certain nombre de mesures s’imposent: promouvoir des mécanismes pluralistes pour la prestation des services de vulgarisation qui réunissent des institutions publiques et privées y compris les ONG; redéfinir le rôle de la vulgarisation étendue au développement rural; mettre au point des approches de vulgarisation participatives, au service de la clientèle et sensibles à la problématique hommes-femmes; formuler des méthodologies originales et spécifiques en partant des réalités agricoles et socioéconomiques locales; proposer des modes de financement conjoints en vue de réduire la charge financière pour le secteur public; placer les TIC au service de la vulgarisation pour en compléter la dimension humaine sans pour autant la remplacer; revoir les stratégies de vulgarisation à la lumière de l’épidémie de VIH/SIDA; mettre en place avec l’aide des vulgarisateurs des initiatives rurales sur une base communautaire.

60. Entre toutes les initiatives engagées, le NEPAD ARES SP offre un cadre d’action spécifiquement conçu pour appuyer la mission des ARES en faveur de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté. La stratégie du Programme repose sur le principe d’un partenariat élargi autour d’un programme commun et poursuit deux objectifs: enrichir le savoir-faire de la filière allant de la production à la transformation et à la commercialisation, et accélérer l’adoption de technologies qui renforcent les capacités de production et de commercialisation. Elle jette les bases d’un consensus que les pays africains se doivent d’atteindre et de reprendre à leur compte à l’échelle de chaque OER et en vertu duquel ils s’engagent sur le long terme à soutenir le développement d’ARES durables au service de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la pauvreté. L’initiative s’étend sur une période de 15 ans, éclatée en trois segments de 5 ans chacun. Elle pourrait comporter trois sous-programmes, abordant deux ou trois thèmes chacun, qui déboucheraient sur des projets bien précis à mettre en œuvre dans chacune des Régions.

61. Le document de travail présentant la première version de ce Programme a été débattu dans son ensemble lors de la Réunion conjointe du Comité directeur du NEPAD, de la Banque africaine de développement et de la FAO organisée au Nigeria en 2002. Il incombe à la vingt-troisième Conférence régionale pour l’Afrique (ARC) de créer les conditions favorables à la poursuite de ces travaux, en organisant une Conférence régionale sur le thème du NEPAD ARES SP dans chaque région.

62. Le démarrage effectif du Programme d’appui aux Systèmes de recherche et de vulgarisation agricoles (NEPAD ARES SP) gagnerait à ce que la vingt-troisième ARC vote une résolution lui apportant son soutien et conférant un mandat de chef de file à la CEEAC, à l’IGAD, à la CDAA et à la CEDEAO en vue de l’organisation d’une Conférence régionale sur le NEPAD ARES SP dans chacune des Régions d’Afrique centrale, orientale, australe et occidentale. La Conférence pourrait intervenir dans les six mois suivant la vingt-troisième ARC et se donner pour principal objectif de débattre du premier programme d’action en partenariat destinée à l’amélioration des ARES dans la perspective de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté. Les OER de référence citées plus haut et le secrétariat du NEPAD devraient, pour en assurer le financement, mettre à contribution toutes les forces en présence y compris les autres OER et les partenaires internationaux, au premier rang desquels la Banque africaine de développement et la FAO.


1 Le SACCAR est devenu par la suite la Cellule de coordination « Alimentation, agriculture et ressources naturelles » de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC/FANR) . Ses membres sont: l'Afrique du Sud, l'Angola, le Botswana, le Lesotho, le Malawi, Maurice, le Mozambique, la Namibie, la République démocratique du Congo, les Seychelles, le Swaziland, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe.
2 La composition du CORAF/WECARD est la suivante: le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Gabon, la Gambie, le Ghana, la Guinée, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigéria, la République centrafricaine, la République du Congo, la République démocratique du Congo, le Rwanda, le Sénégal, la Sierra Leone, le Tchad et le Togo.
3 Les membres de l'ASARECA sont: le Burundi, l'Erythrée, l'Éthiopie, le Kenya, Madagascar, l'Ouganda, la République démocratique du Congo, le Rwanda, le Soudan et la Tanzanie.
4 Le FARA remplace l’ancien Programme spécial pour la recherche agricole en Afrique (SPAAR) et le précédent FARA en vertu de la décision prise en 1997 par les Organisations sous-régionales, les organisations d'agriculteurs, le secteur privé, les bailleurs de fonds et d'autres parties intéressées à la dix-septième session plénière du SPAAR organisée à Bamako (Mali). Le SPAAR avait été créé en 1985 par un groupe de donateurs et placé sous la direction de la Banque mondiale. Il s'était ouvert en 1994 à tous les NARS africains, aux Organisations sous-régionales et aux autres partenaires du développement de la recherche.
5 Les principales OER sont:

6 Le chiffre est d'environ 4,6 milliards de dollars EU, arrondi à 5 milliards.