CCP: ME 04/5-Supp.1


COMITÉ DES PRODUITS

GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL SUR LA VIANDE

Vingtième session

Winnipeg, Canada, 17 – 20 juin 2004

UNE STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT POUR LA VIANDE

Table des matières



I. INTRODUCTION

1. La stratégie proposée dans le présent document a été elaborée dans l'optique d'un financement de projets par le Fonds commun pour les produits de base. Une des conditions requises par le Fonds est en effet que les projets soumis pour financement s'inscrivent dans une stratégie globale de développement du produit de base dans son ensemble. La formulation d'une stratégie pourra également servir au Groupe pour signaler les priorités et orienter les membres dans leur examen des mesures de développement.

2. En préparant ce document, le Secrétariat a tenu compte du fait que la viande ne représente qu'un des nombreux produits de l'élevage. La présente note s'appuie donc sur des travaux du Groupe et de la FAO, et sur ceux d'autres organismes actifs dans ce vaste secteur. On s'est basé notamment sur des documents préparés conjointement par la FAO et la CNUCED et sur des rapports de consultations organisées en vue des Réunions préparatoires sur la viande du Programme intégré pour les produits de base1. Enfin, les desiderata du FCPB ont été pris en compte2.

II. LES ENJEUX DE L'INDUSTRIE DE LA VIANDE

3. La demande de viande devrait fortement progresser dans les prochaines décennies. La croissance des revenus par habitant, notamment dans les pays en développement d'Asie, se traduira par une expansion du marché et une augmentation de la demande de viandes et produits carnés les plus adaptés. A la croissance des revenus s'ajoutera celle de la population surtout dans les pays en développement. D'ici l'an 2000, la consommation mondiale de viande devrait augmenter de 2,4 pour cent par an, et celles des pays en développement de 4,2 pour cent, ces taux de croissance étant légèrement inférieurs à ceux enregistrés au cours des années 80. Toutefois, de 1988 à 1990, le niveau de consommation annuelle par habitant dans les pays en développement ne s'élevait encore qu'à 16 kg, contre 77 kg dans les pays développés. D'ici l'an 2000, ce niveau devrait atteindre toutefois 21 kg, pour passer à 25 kg en 2010. Par ailleurs, en raison de l'urbanisation croissante, il sera de moins en moins facile et écologiquement acceptable d'élever et d'abattre le bétail dans les zones urbaines à proximité des consommateurs. Pour répondre aux exigences nutritionnelles et écologiques du marché du 21ème siècle, l'industrie de la viande et celle de l'élevage dont elle dépend devront donc s'élargir et se développer.

4. Ces enjeux soulèvent des problèmes majeurs pour l'industrie de la viande, notamment pour l'acheminement de marchandises provenant de zones éloignées des consommateurs, qui pourra être réalisé en facilitant les échanges. L'existence de zones de production où les prix sont inférieurs à ceux des zones de consommation et où cette différence dépasse le coût du déplacement efficient d'animaux ou de viande entre les deux zones met en évidence les possibilités d'expansion du commerce. L'assouplissement des barrières commerciales se traduirait par une hausse des prix et de la production dans les zones excédentaires, et par l'augmentation de la consommation dans les zones déficitaires. Toutefois, certaines différences de prix entre pays reflètent les effets voulus des politiques des prix, principalement dans les pays développés; l'Accord relatif à l'agriculture de l'Uruguay Round (CCP:ME 94/4) s'est attaqué a ce problème. Les autres obstacles majeurs au commerce national et international comprennent:

    1. Les restrictions aux mouvements du bétail et des produits d'élevage, comme les contrôles sanitaires et les différences dans les spécifications de produits.
    2. L'insuffisance des infrastructures et services nécessaires au commerce, notamment au niveau du transport, qu'il s'agisse des voies d'acheminement du bétail, des services de contrôle sanitaire, du manque de marchés aménagés de manière adéquate et équipés de bascules, ou du mauvais fonctionnement des chaînes de distribution de la viande et des produits carnés.
    3. L'insuffisance de l'information relative à des marchés autres que celui le plus proche, y compris le manque d'information sur les prix payés sur d'autres marchés pour le bétail et la viande d'une catégorie donnée.

5. Une autre réponse aux enjeux sera d'obtenir une valeur accrue pour le bétail abattu en développant les activités d'abattage et de transformation. Des gains d'efficacité considérables pourraient être obtenus dans nombre de zones en remplaçant la production de bétail d'abattage par la vente de viande et de produits dérivés, et ce, en réduisant les pertes. La valeur des produits de l'industrie de la viande pourrait également être sensiblement accrue en généralisant l'utilisation des technologies de conservation de la viande et de transformation des produits carnés, ce qui permettrait d'améliorer la valeur marchande, les qualités nutritionnelles et l'acceptabilité écologique des produits.

6. Outre les réponses susmentionnées, il existe des possibilités considérables d'amélioration du rendement de l'élevage et de réduction du coût de la viande. Dans plusieurs zones, les niveaux de production de viande, de lait, de force de traction et d'autres produits animaux semblent faibles par rapport à la taille des troupeaux et aux quantités de ressources fourragères disponibles. L'interdépendance entre les nombreux produits de l'élevage et entre la production et les intrants est particulièrement pertinente dans le cas du gros bétail et des buffles, dont la viande est souvent un produit secondaire, leur rôle principal étant de fournir du lait et de la force de traction. Dans les systèmes agricoles mixtes, ce cheptel peut aussi faire concurrence à d'autres activités consommant les mêmes ressources. Dans ce type de situation, au demeurant assez répandue, l'importance de la production de viande de bovins dépend dans une large mesure de la contribution globale des animaux au système agricole et particulièrement de la valeur des produits primaires. Ainsi, le développement d'une industrie laitière pourrait s'avérer efficace pour l'expansion des approvisionnements en viande.

7. En résumé, la réponse aux enjeux auxquels est confrontée l'industrie de la viande se concentrera sur: la réduction des entraves au commerce national et international du cheptel et de la viande, l'accroissement de la valeur du bétail d'abattage, et la réduction des coûts de production de la viande pour l'industrie de l'élevage.

III. APPROCHES STRATÉGIQUES

A. PROMOTION DES ÉCHANGES

8. La stratégie consistera, dans une large mesure, à mieux coordonner les choix des consommateurs à l'achat de viande et les incitations par les prix offerts aux producteurs. En partie, il s'agira de réduire les obstacles, y compris les barrières réglementaires et les disfonctionnements coûteux, entre marchés excédentaires et déficitaires.

9. Le Groupe a pris note par le passé des entraves au commerce international. Le document portant sur l'Acte final de I'Uruguay Round (CCP:ME 94/4), tout en notant les dispositions en matière de réduction des obstacles aux échanges internationaux découlant de contrôles sanitaires (mesures sanitaires et phytosanitaires), prend note également de la tâche majeure à laquelle seront confrontés plusieurs pays pour se conformer aux conditions requises par les exportateurs. Ainsi, le renforcement des services vétérinaires et sanitaires fera non seulement partie des stratégies pour accroître la productivité de l'élevage, mais contribuera aussi à la réduction des barrières commerciales. La création de zones exemptes de fièvre aphteuse en est un exemple.

10. Dans certaines zones, les ventes à l’extérieur sont souvent limitées par l'insuffisance des voies d'acheminement du bétail. L'amélioration des conditions de déplacement des animaux pourrait permettre une réduction sensible des coûts imputables notamment à la perte de poids et à l'état des animaux en transit, et faire augmenter les effectifs acheminés dans, et entre, les pays. Le développement du commerce du bétail pourrait aussi tirer des avantages de l'aménagement de marchés judicieusement placés, en particulier de ceux qui disposent d'équipements pour la pesée et la vente du bétail. Bien situés et bien utilisés, ces derniers pourraient également fournir aux producteurs et aux commerçants des renseignements utiles sur les prix. En fait, l'acquisition et la diffusion de ces données sont en elle-même un élément important de la stratégie de développement. L'information relative aux débouches pourrait être renforcée par la formulation et l'utilisation de méthodes normalisées pour décrire les différentes qualités de bétail, de viande et de produits carnés auxquels s'appliquent les prix. Dans certains pays, ces barèmes descriptifs ont effectivement permis aux producteurs d'ajuster les caractéristiques de leur production à celles de la demande.

11. Le rassemblement et le transport du bétail des zones excédentaires vers les zones déficitaires a souvent entraîné la mise en place d'industries de la viande tout à fait au point et concurrentielles dans les zones excédentaires. Cette transition du mouvement de bétail à celui de viande peut être facilitée par l'introduction de techniques de conservation et de produits pouvant être transportés et distribués sans réfrigération sur des marchés éloignés et par la mise en place, en temps opportun, de mécanismes efficaces et hygiéniques de distribution par la "chaîne du froid".

B. ACCROISSEMENT DE LA VALEUR DU PRODUIT

12. Les industries de la viande ont tendance à se développer en augmentant les utilisations évoluées d'un nombre croissant de produits de l'abattage. Une idée maîtresse de la stratégie consiste à favoriser cette évolution en accroissant la valeur de chaque produit de l'animal abattu. S'agissant du plus prisé, la viande, il existe en général des possibilités d'en augmenter la valeur au moyen d'un triage en fonction de l'utilisation optimale. Certaines parties, notamment le filet, sont d'habitude consommées telles quelles, tandis que d'autres peuvent se révéler plus rentables une fois transformées, en saucisses par exemple. En outre, la valeur peut être augmentée en réduisant les risques de mécontentement chez le consommateur par la mise en place de programmes de garantie de la qualité et de marquage. D'autres produits de l'abattage, comme les organes, les intestins et le sang, peuvent être transformés en compléments alimentaires protéiques. De même, la valeur des peaux et cuirs peut être accrue en améliorant la manutention, notamment au moment de la séparation de la carcasse. S'agissant du sous-produit de l'abattage de plus grande valeur, il existe une stratégie de développement spécifique pour les cuirs et peaux (CCP:ME/HS 94/8).

13. Même dans les cas où la totalité des produits de l’abattage sont transformés au lieu de devenir des déchets extrêmement polluants, l'industrie de la viande peut avoir de graves conséquences pour l'environnement. A cet égard, la réinstallation loin des zones urbaines et le perfectionnement du traitement des déchets peuvent contribuer à réduire les effets négatifs.

14. Dans certains pays, des mesures spéciales peuvent s'avérer nécessaires pour faire face à des poussées périodiques et aigues du nombre d'animaux à abattre. Ces engorgements sont souvent associés à la sécheresse et à des défaillances dans les approvisionnements d'aliments pour le bétail, ou au déclenchement d'épidémies. L'adoption de mesures visant à mieux utiliser le bétail offert au cours de ventes au rabais et à éviter l'effondrement des prix limiterait également les risques liés à la production animale et encouragerait son développement.

15. Les initiatives prises dans tous ces secteurs devraient permettre d'augmenter les profits de l'industrie de la viande, de créer des emplois et d'accroître les recettes des éleveurs. Elles pourraient en outre rendre un plus grand nombre de produits locaux concurrentiels par rapport aux importations, et augmenter la valeur et la diversité des exportations.

C. RÉDUCTION DES COÛTS DE PRODUCTION

16. Parce qu'il dépend des approvisionnements en bétail, le développement de l'industrie de la viande est largement tributaire de celui de l'élevage, et notamment des disponibilités en fourrage. Pour réduire le coût de la matière première principale de l'industrie de la viande, il apparaît capital de modifier certains aspects de la production animale:

    1. Accroissement de la valeur des autres produits de l 'élevage: des modifications concernant le lait, par exemple, pourraient accroître la rentabilitée et l'importance globales de la production animale dans une zone donnée, influençant de ce fait l'approvisionnement en vaches d'abattage et en veaux destinés à la production de viande.
    2. Réduction du coût des aliments pour animaux: a titre d'exemple, les approvisionnements en viande de porc et de volaille seraient particulièrement sensibles au prix des céréales fourragères. En ce qui concerne les ruminants, il s'agira essentiellement de réduire le coût du fourrage en améliorant la productivité des pâturages et en introduisant des techniques pour compenser les variations saisonnières des disponibilités de fourrage et, par extension, du pacage accessible, notamment en veillant à l'approvisionnement en eau du bétail. Inversement, la détérioration des ressources fourragères, avec dans des cas extrêmes la désertification, peut sensiblement réduire les réserves, augmenter les coûts et limiter la capacité de production de I'industrie.
    3. Efficacité accrue de la conversion de fourrage en produits d'élevage, notamment par le bias de:

17. L'intérêt de ces questions pour l'industrie de la viande ne se limite pas à leur effet direct sur Ie coût des animaux sur pied. A titre d'exemple, l'éradication de la fièvre aphteuse augmente le rendement des animaux, réduit les coûts et peut en outre supprimer une barrière a l'exportation de viande sur des marchés lucratifs de premier plan. Un autre exemple est celui de la mise en place de systèmes de production durables qui répondraient également aux préoccupations des consommateurs en matière d'environnement. II sera toutefois nécessaire de disposer d'un financement de départ qui portera ses fruits à plus long terme.

IV. CONCLUSION

18. Les stratégies passées en revue dans les sections précédentes ont porté sur la promotion de la mobilité des ressources pour la production de viande, notamment par le biais de mesures visant à faciliter le commerce, l'accroissement de la valeur ajoutée par l'industrie, et la réduction des coûts des matières premières fournies par les éleveurs. Ainsi, dans certains cas, le développement de l'industrie de la viande peut dépendre de l'amélioration des perspectives de production de lait, du contrôle de certaines maladies, de la réduction des préjudices, à la base de ressources, ou de la fabrication de produits plus intéressants pour les consommateurs. Bien souvent plusieurs pays se trouvent confrontés à des problèmes tellement similaires qu'ils suffisent à témoigner de l'intérêt général d'un projet.

19. En encourageant les initiatives relatives aux problèmes spécifiques relevant de la vaste stratégie exposée dans ce document, le Groupe devrait pouvoir contribuer de manière importante à accroître le rendement de l'industrie de la viande au profit des consommateurs et des producteurs. Cette intervention serait d'autant plus efficace qu'elle se rattacherait aux développements en cours dans le secteur agro-alimentaire. En outre, les projets qui seront patronnés par le Groupe au titre du Fonds commun pour les produits de base - organisme international de produit pour la viande, pourraient également porter sur les secteurs d'intérêt stratégique présentés dans le présent document.

20. Dans ses propositions de projets, l'organisme international de produit sur la viande devrait toutefois tenir compte du fait que le Fonds n'est pas en faveur des "projets de nature à profiter principalement aux pays les plus riches ou aux grands propriétaires ou sociétés; des projets situés dans des pays qui ne sont pas membres du Fonds; des projets dont l'objectif principal est le renforcement des institutions; des projets dont les produits auront des répercussions négatives sur l'environnement; des projets qui, pour atteindre leurs objectifs, font un emploi excèsif de déplacements et de réunions internationaux, ou qui comportent des frais généraux et d'administration disproportionnés; des projets dont les objectifs immédiats sont la formation générale et la vulgarisation pour améliorer les compétences individuelles des participants; des projets dont les avantages se limiteront à un seul pays"3; et enfin, "des projets dont les résultats sont limités à la durée de vie du projet lui-même, par exemple la mise en place d'un nouveau service qui a peu de chances de recevoir les financements nécessaires une fois le projet terminé"4.

21. La présente note sur les objectifs et la stratégie de développement pour la viande a été préparée en tenant compte des problèmes majeurs rencontrés par les secteurs de la viande et de l'élevage. Elle porte notamment sur les problèmes des pays les moins avancés qui constituent un secteur prioritaire pour les activités du Fonds. Les vues du Fonds sur le type de projets qu'il ne financera pas ont également été prises en compte. Ainsi, bien qu'elle ne couvre pas la totalité des mesures utiles au développement de l'industrie, la présente note propose plusieurs actions nécessaires pour atteindre les objectifs clés identifiés à la Section I.

____________________________

1 En particulier les documents suivants de la CNUCED: TD/B/IPC/MEAT/6 ,8, 10 et 11.

2 Fonds commun pour les produits de base, Manual for the Preparation and Management of Projects to be financed through the Second Account, 1993 (en anglais seulement).

3 Toutefois, si, par sa nature même, le projet ne peut pas être élargi à d’autres pays, la proposition peut néanmoins être prise en considération dans les cas où l’experiénce découlant ce type de projets sera partagée avec d’autres pays.

4 Fonds common pour les produits de base, Manual for the Preparation and Management of Projects to be Financed through the Second Account, 1993, page 8.