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APPENDICE E - ALLOCUTION DU DIRECTEUR GÉNÉRAL

Introduction

C’est avec un grand plaisir que je m’adresse à la vingt-septième Conférence régionale de la FAO pour l’Asie et le Pacifique qui se tient pour la deuxième fois dans cette ville vivante et laborieuse de Beijing. Les progrès réalisés par la Chine dans la lutte contre la faim témoignent de la performance de son agriculture qui associe si heureusement connaissances traditionnelles et technologies modernes. Je voudrais au nom de l’Organisation et en votre nom à tous exprimer ma profonde gratitude au gouvernement et au peuple chinois pour avoir permis la tenue de cette Conférence et pour l’accueil chaleureux qui nous a été réservé.

Situation de l’alimentation et de l’agriculture dans le monde

Durant la première moitié des années 90, le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde a baissé de 37 millions. En revanche, durant la seconde moitié, il a augmenté de 18 millions. Les avancées positives dans un grand nombre de pays se heurtent à un recul dans plusieurs autres. En 1999-2001, il y avait 842 millions de personnes sous-alimentées dans le monde, dont 798 millions dans les pays en développement, 34 millions dans les pays en transition et 10 millions dans les pays industrialisés. A ce rythme, l’objectif du Sommet mondial de l’alimentation de diminuer de moitié le nombre de personnes qui ont faim, avant 2015, ne sera atteint qu’en 2150.

En 2003, l’utilisation mondiale de céréales a avoisiné 1 milliard 970 millions de tonnes, dépassant la production de 100 millions de tonnes.

Les prix de nombreux produits d’exportation des pays en développement sont plus bas que jamais. Le café et le coton constituent les exemples les plus spectaculaires, mais il en va de même pour le cacao, le sucre et la banane. En outre, 43 pays tirent d’un seul produit agricole plus de 20 pour cent de leurs recettes totales d’exportation et plus de 50 pour cent de celles des produits agricoles.

Après l’échec de la Conférence ministérielle de Cancún, les négociations ont repris à l’issue de la réunion du Conseil général de l’OMC en décembre 2003. L’engagement à réaliser le Programme de Doha pour le développement dans le secteur agricole a été confirmé à la Table ronde organisée sur ce thème durant la trente-deuxième Conférence de la FAO, car une politique d’équité commerciale est indispensable au développement rural et à la sécurité alimentaire. À cet égard, le rôle du Comité des produits de la FAO est plus important que jamais. C’est dans ce cadre que je souhaite inviter les représentants des ministères du commerce à la prochaine session de ce Comité en février 2005.
Aux prix constants de 1995, l’aide extérieure au développement du secteur agricole est passée de 27 milliards de dollars EU à 10 ou 15 milliards au cours des années 90, alors qu’il faudrait doubler ce montant et accroître la part de l’agriculture dans les budgets nationaux pour accélérer sensiblement les progrès dans la réduction de la sous-alimentation.

Tables rondes sur le financement du développement agricole

C’est pour mobiliser de telles ressources financières que la FAO a décidé, notamment, d’organiser conjointement avec les banques régionales de développement, des tables rondes sur le financement de l’agriculture, en marge de chacune des Conférences régionales de 2004 dans les régions en développement.

Sommet mondial de l’alimentation: cinq ans après

Au cours du Sommet mondial de l’alimentation: cinq ans après de juin 2002 à Rome, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé d’accélérer la mise en application du Plan d’action du Sommet et ont appelé à la constitution d’une Alliance internationale contre la faim.

Des alliances nationales sont donc en création dans les États Membres pour mobiliser les gouvernements, les parlements, les ONG, la société civile, le secteur privé et les organisations professionnelles agricoles.

Agriculture

Les pays en développement doivent relever le défi de la productivité agricole et de la compétitivité des marchés pour améliorer leur sécurité alimentaire.

Actuellement, les sols subissent une dégradation accélérée, touchant 21 millions d’hectares de terres arables. Dans les zones arides et semi-arides qui couvrent 45 pour cent de la superficie de la planète, la gestion intégrée des terres, des eaux et des fertilisants peut diminuer sensiblement ce phénomène.

L’agriculture urbaine et périurbaine ainsi que les microjardins scolaires et familiaux permettraient d’améliorer rapidement l’état nutritionnel des groupes pauvres de la population avec des investissements relativement modestes. La FAO a entrepris de tels projets dans toutes les régions du monde, notamment avec les ressources du Programme de coopération technique et des fonds TeleFood.

Pour sa part, l’élevage fait vivre environ 800 millions de ruraux pauvres et permet de satisfaire 30 à 40 pour cent des besoins alimentaires totaux.

Les maladies transfrontières des animaux, comme les fièvres aphteuse, hémorragique et de la vallée du Rift, la peste porcine, la péripneumonie contagieuse bovine, et l’influenza aviaire, constituent des motifs de préoccupation pour le commerce et la santé publique. Pourtant, il y a des progrès certains dans ce domaine. La lutte contre les anciennes et les nouvelles épidémies est un défi majeur que la FAO et ses partenaires s’efforcent de relever dans le cadre du Système de prévention et de réponse rapide contre les ravageurs et les maladies transfrontières des animaux et des plantes (EMPRES).

Le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture a déjà été ratifié par 48 pays et entrera en vigueur le 29 juin 2004.

Forêts

Une réunion ministérielle sur la foresterie sera organisée à Rome en 2005, pour étudier les recommandations des Commissions régionales et prendre des décisions stratégiques sur l’avenir du secteur, notamment pour renforcer la lutte contre les incendies de forêts.

Pêches

Dans le secteur des pêches, près de 10 pour cent des stocks mondiaux de poisson sont épuisés et 18 pour cent sont surexploités, notamment du fait de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, de nouvelles technologies plus efficaces, et de la surcapacité des flottes de pêche. Cette situation est aggravée par l’absence de suivi et de surveillance des navires, notamment par satellite au moyen de radiobalises.

La FAO va donc convoquer une réunion des Ministres des pêches au siège de l’Organisation en 2005, pour relancer les actions nécessaires dans ce domaine.

Développement agricole durable

Dans le domaine de l’agriculture et du développement rural durable, la FAO procède à l’élaboration d’un projet de quatre ans pour les régions montagneuses.

La Conférence internationale des petits États insulaires en développement aura lieu à l’île Maurice en août 2004. La FAO participe activement à cette initiative, et va organiser une Conférence ministérielle sur le développement de l’agriculture des petits États insulaires, à Rome en 2005.

Les femmes, qui pourtant contribuent pour 60 pour cent à la production agricole dans les pays en développement, ont un accès inégal aux ressources productives. La FAO s’efforce de faire face à ce problème, en élaborant des indicateurs spécifiques pour des politiques appropriées.

Situations d’urgence

À la fin de 2003, 38 pays connaissaient des pénuries alimentaires graves nécessitant une assistance internationale. L’aide alimentaire en céréales est tombée à 7,4 millions de tonnes en 2001-2002, soit 23 pour cent de moins qu’en 2000-2001.

Huit millions de petits agriculteurs et de travailleurs agricoles sont décédés du VIH/SIDA entre 1985 et 2000 dans les 25 pays les plus touchés. La FAO participe à la lutte contre cette pandémie en procédant à des études d’impact sur la sécurité alimentaire et en développant des techniques de production agricole moins intensives en main d’œuvre.

Situation et perspectives régionales

En 2002, inondations et sécheresses de grande ampleur ont diminué la production agricole dans la région de l’Asie et du Pacifique. La production céréalière notamment a baissé de 3,5 pour cent. Les conditions climatiques s’étant améliorées en 2003, cette production est remontée et devrait dépasser le milliard de tonnes.

Au cours des deux dernières années, les stocks céréaliers régionaux ont diminué d’un tiers et se sont situés au dessous des 300 millions de tonnes pour la première fois depuis dix ans. Cette baisse devrait se poursuivre en 2004. Elle résulte à la fois de l’augmentation de la consommation et d’une meilleure gestion des stocks. La situation doit cependant être surveillée de près du fait des effets négatifs possibles sur la stabilité des approvisionnements, notamment dans les pays à faible revenu et à déficit vivrier.

La croissance de la production agricole dans la région a atteint 2,9 pour cent par an entre 1990 et 2001, contre 1,4 pour cent pour la population. Le commerce des produits agricoles s’est également intensifié, notamment pour les produits à forte valeur ajoutée comme les fruits et légumes, la viande, le lait, le café, les huiles végétales et le poisson d'élevage. Ces résultats impressionnants traduisent les progrès dans les techniques et méthodes de production dans des terres largement irriguées, la transformation et la commercialisation agricoles. L’augmentation rapide des revenus des ménages a stimulé la demande et la consommation.

Cette agriculture orientée vers le marché et soutenue par une croissance économique rapide a eu un effet d’entraînement sur les secteurs du stockage, de la transformation, du conditionnement et de la distribution. La production d’aliments de bonne qualité a aussi stimulé les échanges dans la région et au niveau mondial. Ainsi, le taux de croissance du commerce intrarégional de produits agricoles était de 11 pour cent par an au cours des années 90, le double du taux de croissance du commerce mondial. Ce résultat s’explique notamment par les mesures de libéralisation du commerce et les accords bilatéraux conclus entre les pays de la région.

Les emplois et les revenus générés par cet essor de la production et du commerce agricoles devraient contribuer à la lutte contre la pauvreté. En effet, le secteur agricole emploie 56 pour cent de la population de la région et 75 pour cent des pauvres vivent en zones rurales.

Le nombre de personnes sous-alimentées a diminué de 62 millions au cours des années 90, mais plus de 25 pour cent des personnes sous-alimentées de la planète vivent en Asie du Sud. La proportion de la population souffrant de malnutrition dans les pays en développement de la région est passée de 20 pour cent en 1990-92 à 16 pour cent en 1999-2001. Le nombre de personnes sous-alimentées devrait diminuer de 15 millions par an au lieu de 6.8 millions pour atteindre l’objectif du Sommet, compte tenu de l’accroissement continu de la population qui devrait atteindre 4 milliards 859 millions de personnes en 2050.

L’agriculture de la région représente 10 pour cent du Produit intérieur brut mais elle ne compte que pour 6 pour cent des budgets nationaux. Compte tenu de son importance, il faudrait qu’elle reçoive 8 pour cent des budgets nationaux de fonctionnement et d’investissement dans les cinq prochaines années.

La densité démographique contribue à la pression sur les terres. Moins d'un tiers de la superficie de la région conserve un couvert forestier. En outre, la disponibilité en eau par habitant a diminué de moitié entre 1955 et 1990. Elle était de 3600 mètres cubiques par habitant et par an en 2000 et devrait chuter encore d'un tiers d’ici à 2025.

Des méthodes de production inadéquates dans le domaine de l'aquaculture ont aussi aggravé la dégradation de l'environnement, compromettant l’avenir pourtant prometteur de cette activité pour la sécurité alimentaire de la région. Des mesures urgentes doivent être prises pour contrecarrer ces tendances, notamment par le renforcement des institutions et la définition des droits et obligations des acteurs du secteur agricole.

Environ 15 pour cent des ressources hydriques internes renouvelables sont utilisées pour l’irrigation en Asie et dans le Pacifique et 34 pour cent des terres agricoles sont irriguées.

La région est aussi sujette à des crises climatiques dont l’incidence et l’impact sont en forte augmentation. Les sécheresses se répètent en Asie centrale et en Asie du Sud, de même que les inondations en Asie du Sud-Est. Pour la seule année 2002, les inondations, sécheresses et ouragans ont causé des dégâts évalués à 7,5 milliards de dollars EU, soit près d'un tiers de l'investissement annuel estimé nécessaire pour vaincre la faim.

L’influenza aviaire, le virus Nipah et le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) menacent aussi gravement le développement agricole et la croissance économique.

Le manque de terres, de capitaux et de services notamment en faveur des populations les plus démunies, et le nombre insuffisant d’organisations d’agriculteurs sont des contraintes supplémentaires à la croissance dans le secteur agricole et à la lutte contre l’insécurité alimentaire.

Place du riz dans l’agriculture et le développement rural durable

La Conférence devra analyser les systèmes de subsistance fondés sur la riziculture, en particulier les technologies, la gestion et l’impact sur l’environnement. Il est important d’identifier les problèmes comme la dégradation des terres, la rareté de l’eau, les faiblesses institutionnelles et les catastrophes naturelles, afin de mettre à profit les leçons tirées de l’expérience pour définir les orientations à donner aux politiques et programmes.

Institutions pour renforcer la vulgarisation agricole

Les capacités institutionnelles des pays de la région sont insuffisantes pour répondre à la demande croissante d’informations notamment sur les politiques et programmes, les marchés, les prix, les technologies et les méthodes de gestion dans le secteur de l’agriculture. Il est donc nécessaire de moderniser les systèmes d’information destinés aux divers acteurs impliqués dans la production et la commercialisation. Le renforcement de la vulgarisation agricole fait aussi partie des mesures nécessaires à cet égard.

Suite donnée au Sommet mondial de l’alimentation

Le document sur les Dimensions régionales du suivi du Sommet mondial de l’alimentation et du Sommet mondial de l’alimentation: cinq ans après devra permettre de revoir la situation et les perspectives en matière de sécurité alimentaire, les initiatives récentes et les mesures susceptibles de renforcer les plans d’action nationaux et régionaux. Une attention particulière sera portée au Programme pour la sécurité alimentaire formulé pour la sous-région du Pacifique et à ceux proposés pour l’ASEAN et le SARC.

Table ronde sur le financement de l’agriculture

Pour augmenter les investissements dans le secteur agricole, une Table ronde a été organisée en marge de la Conférence, en coopération avec la Banque asiatique de développement (BAsD), sur le financement de l’agriculture. Elle permettra de discuter de l’importance des ressources affectées aux projets de développement agricole et des mesures indispensables à prendre pour augmenter la part de l’agriculture dans les budgets nationaux ainsi que dans les financements bilatéraux et multilatéraux.

J’espère que la Table ronde encouragera les pays de la région, les institutions financières telles que la BAsD et la Banque mondiale, ainsi que les autres organisations régionales et sous-régionales à coopérer afin de soutenir les différents programmes pour la sécurité alimentaire et le développement rural.

Principaux défis et priorités pour le futur

La mondialisation et l’évolution des marchés rendent nécessaires une restructuration du secteur agricole. La réallocation des ressources en fonction des avantages comparatifs doit prendre en compte les besoins des populations rurales démunies et en particulier des agriculteurs de subsistance, des paysans sans terre et d’autres groupes vulnérables. Il faut aussi que les investissements soient accompagnés de la mise en place de filets de sécurité pour les plus vulnérables.

Les bénéficiaires doivent être pleinement associés aux efforts de restructuration du secteur agricole. Leur participation suppose un processus de décentralisation et de dévolution des ressources au niveau local, avec la mise en place d’infrastructures et d’institutions qui aident les populations rurales démunies à accéder aux ressources naturelles, aux intrants et aux services d’appui technique et financier.

La prévention, la gestion et le renforcement des capacités de récupération du secteur agricole après les crises, sont également indispensables afin de briser le cercle vicieux de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire. La FAO continuera à fournir son assistance aux pays de la région dans ce domaine.

En outre, des mesures doivent être prises pour enrayer la dégradation des terres et autres ressources naturelles et améliorer leur gestion. Il convient notamment de formuler et d’appliquer des lois et règlements appropriés, d’adopter une fiscalité adéquate et d’encourager la création de groupes de gestion des ressources naturelles au niveau local.

La biotechnologie est de plus en plus appliquée dans certains pays de la région pour améliorer la productivité et la qualité des produits agricoles. Mais les avantages réels qu’elle apporte doivent être analysés au regard des risques potentiels pour la santé humaine, la biodiversité et l’environnement. Il faut que les gouvernements et les populations aient accès aux connaissances qui leur permettent de faire des choix et de mettre en place des systèmes de contrôle et de protection. À cet égard, un cadre de référence est fourni par les travaux du Codex Alimentarius, le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture et le Protocole de Cartagena sur la biosécurité en complément de la Convention sur la diversité biologique.

Dans les pays de l’Asie et du Pacifique, le système de subsistance fondé sur le riz est le plus répandu et le plus varié. Les Nations Unies ont déclaré 2004 Année internationale du riz et les activités mises en œuvre pour célébrer cet évènement offrent une opportunité pour améliorer la productivité de la riziculture et les conditions de vie des riziculteurs, qui sont nombreux à être en dessous du seuil de pauvreté.

Je suis convaincu qu’avec le leadership adéquat et la volonté politique appropriée, les pays de l’Asie et du Pacifique peuvent relever les défis de la faim, de la malnutrition et de la pauvreté.

L’Organisation continuera à fournir son appui aux gouvernements et aux partenaires régionaux pour la mise en œuvre de programmes cohérents et efficaces mais aussi pour la mobilisation de financements internes et externes.
Je souhaite plein succès à vos travaux et je vous remercie de votre aimable attention.

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