CCP 05/14


COMITÉ DES PRODUITS

Soixante-cinquième session

Rome (Italie), 11 - 13 avril 2005

LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES INTERNATIONALES ET L’AIDE ALIMENTAIRE

Table des matières



I. INTRODUCTION

1. Même si les divers instruments internationaux d’ordre juridique ou politique ne le précisent pas en ces termes, l’expression « aide alimentaire » est traditionnellement utilisée pour désigner des opérations internationales qui ont pour but de fournir une « aide sous forme de produits alimentaires à un pays qui aurait besoin d’une telle aide ». L’aide alimentaire a été introduite dans les années 50, sous l’effet des programmes d’écoulement des excédents de certains pays développés, mais elle a également servi de moyen d’intervention pour remédier à l’insécurité alimentaire dans des pays en développement vulnérables. Au fil des ans, toutefois, la nature et la structure des livraisons d’aide alimentaire ont profondément changé à la suite des modifications intervenues dans les politiques mondiales et dans la perception des besoins d’aide alimentaire par les diverses parties prenantes.

2. L’aide alimentaire sous forme de « produits » peut avoir des répercussions « directes » sur les marchés internes des produits alimentaires, dans les pays bénéficiaires. L’ampleur et la nature de ces phénomènes dépendent du bénéficiaire et de l’utilisation qu’il en fait.1 Comme l’aide alimentaire (principale source d’assistance alimentaire fournie aux populations dans le besoin) n’est pas circonscrite aux frontières nationales, les échanges commerciaux internationaux peuvent également être touchés « directement ». Cela dit, l’aide alimentaire ne représente actuellement qu’une part réduite de la valeur des importations de produits alimentaires des pays en développement et ses effets sur les marchés internationaux ne devraient pas être déterminants. Ils pourraient le devenir si l’aide alimentaire retrouvait la place qu’elle occupait par le passé (voir graphique 2 ci-après).

3. L’Accord sur l’agriculture est actuellement renégocié au sein de l’OMC. Au cours des délibérations il a été envisagé de renforcer l’encadrement de l’aide alimentaire. Dans la décision adoptée par le Conseil général de l’OMC sur le Programme de travail de Doha, l’aide alimentaire est traitée dans le volet « concurrence à l’exportation » des négociations sur l’agriculture, avec d’autres instruments de soutien des exportations dont la réforme aura lieu parallèlement. Le présent document a été élaboré pour fournir des informations générales utiles dans le cadre des délibérations du Comité, au titre du point 5.b de l’ordre du jour. Il présente dans ses grandes lignes la structure des flux d’aide alimentaire, pour replacer dans leur contexte les points traités lors des dernières discussions qui ont eu lieu pendant le processus de négociation en cours à l’OMC.

II. CARACTÉRISTIQUES DE LA STRUCTURE DES FLUX D’AIDE ALIMENTAIRE

4. Au cours des trois dernières décennies, les céréales ont représenté l’essentiel de l’aide alimentaire destinée aux pays en développement - près de 13 millions de tonnes en 1987/88 (voir graphique 1). Ce volume a reculé très rapidement d’un tiers pour se placer juste au-dessous de 4 millions de tonnes en 1996/97; depuis lors, il a quelque peu remonté. Une évolution similaire a également eu lieu pour l’aide alimentaire non céréalière. Il convient de souligner que l’essentiel de l’aide alimentaire des deux types (juste un peu plus de 70 pour cent au cours des cinq dernières années pour lesquelles on dispose de données) provient seulement de trois donateurs: les États-Unis, l’Union européenne et le Japon. Les États-Unis à eux seuls ont fourni plus de 50 pour cent du total. En outre, plus de 95 pour cent de l’aide alimentaire totale destinée aux pays en développement a été affectée à des pays à faible revenu et déficit vivrier (PFRDV) au cours de la même période. Toutefois ce pourcentage a chuté à certains moments jusqu’à 75 pour cent.

Graphique 1: Volume de l’aide alimentaire destinée aux pays en développement

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5. La valeur de l’aide alimentaire exprimée par rapport au coût des importations de produits alimentaires des pays en développement et à l’aide publique au développement reçue par ces pays (graphique 2) a aussi baissé. Le déclin relatif est très net dans les deux cas. Cela indique que l’aide alimentaire a perdu récemment une grande partie de son importance comme instrument de développement ainsi que sa forte influence sur les marchés mondiaux des produits alimentaires.

Graphique 2: Part de l’aide alimentaire par rapport à l’aide publique au développement et par rapport au coût des importations d’aliments alimentaires des pays en développement

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6. Ce phénomène est encore plus net si l’on tient compte des changements survenus dans la nature de l’aide alimentaire fournie. L’aide alimentaire d’urgence représente maintenant près des deux tiers du total, alors que la part de l’aide alimentaire associée à des programmes, moins ciblée et plus pernicieuse pour les marchés, est inférieure à 15 pour cent. Au début des années 90, ces proportions se sont inversées: l’aide alimentaire liée aux programmes représentait plus de 60 pour cent et l’aide alimentaire d’urgence, moins de 15 pour cent. La part restante des flux d’aide alimentaire est affectée à des projets de développement, qui ont en général moins d’effets sur les marchés internationaux que l’aide alimentaire fournie dans le cadre de programmes.

7. Dans les pays bénéficiaires, l’évolution et l’incidence de l’aide alimentaire sont variables. On s’en rend compte plus précisément en calculant le rapport entre la valeur de l’aide alimentaire et le coût des importations alimentaires pour différents groupes de pays en développement et en prenant la moyenne arithmétique des coefficients pour divers pays2. Trois groupes sont examinés (graphique 3): les pays les moins avancés (PMA) et les pays en développement importateurs nets de denrées alimentaires (PDINDA) dont le rôle est important dans le cadre de la Décision ministérielle de Marrakech qui émane de l’Accord sur l’agriculture conclu lors du Cycle d’Uruguay (voir section suivante pour plus de détails); et les pays à faible revenu et déficit vivrier (PFRDV), catégorie importante pour la FAO et le PAM lors de la répartition des ressources institutionnelles entre les pays en développement. On relève que les pays les moins avancés (PMA), qui sont les plus vulnérables, sont ceux qui dépendent le plus de l’aide alimentaire pour couvrir leurs besoins d’importations alimentaires sur les marchés internationaux. Ils sont suivis par les pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV) qui ont une structure très proche de celle des PMA (essentiellement du fait de nombreux chevauchements entre les pays des deux groupes). Cela dit, pour un pays situé dans la moyenne de chaque groupe, l’affaiblissement de la dépendance vis-à-vis de l’aide alimentaire, depuis la moitié des années 80, pourrait simplement indiquer une diminution du besoin d’aide alimentaire. Toutefois, si l’on tient compte d’autres variables comme la croissance des revenus, la capacité d’importer des produits alimentaires et les contraintes que les importations alimentaires font peser sur l’importation d’autres produits, on note que, dans les PMA, ce déclin s’est accompagné d’un renforcement des contraintes internes sur les importations alimentaires. L’évolution a été en sens inverse pour les pays en développement importateurs nets de denrées alimentaires3.

Graphique 3: Part moyenne de l’aide alimentaire par rapport au coût des importations alimentaires de nature commerciale, dans certains groupes de pays en développement

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8. On a ainsi pu établir un lien plus direct entre les livraisons d’aide alimentaire et l’insécurité alimentaire et mettre en évidence l’importance qu’elles revêtent pour les pays en développement les plus vulnérables, ce qui cautionne les conclusions précédentes. Les résultats de l’analyse, présentés dans le graphique 4, indiquent qu’un nombre relativement plus élevé de pays sujets à l’insécurité alimentaire4 sont plus dépendants de l’aide alimentaire, sont aussi plus exposés aux situations de crise alimentaire et leur situation économique est aussi plus délicate:

  1. leur PIB est nettement inférieur, tout comme leur niveau de développement;
  2. leurs résultats économiques sont médiocres;
  3. leur capacité d’importer pour couvrir leurs besoins alimentaires est plus réduite; et, partant,
  4. leur autosuffisance alimentaire a paradoxalement tendance à être plus élevée.

Graphique 4: Profils des pays en développement en situation de sécurité alimentaire ou d’insécurité alimentaire, selon diverses variables

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III. L’AIDE ALIMENTAIRE DANS LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES MULTILATÉRALES

A. ACCORD SUR L’AGRICULTURE DE L’OMC

9. L’aide alimentaire est visée dans les règles relatives à la « Concurrence à l’exportation » adoptées dans le cadre de l’Accord sur l’agriculture de l’OMC. L’Accord sur l’agriculture dispose des règles sur l’aide alimentaire à l’article 10.4 qui établit certaines conditions à respecter pour que son octroi soit conforme aux règles en vigueur à l’OMC (par exemple pour la prévention du contournement des engagements en matière de subventions à l’exportation). Il mentionne aussi dans le même article les dispositions relatives à l’aide alimentaire, contenues dans les « Principes de la FAO en matière d’écoulement des excédents et obligations consultatives des États Membres » (ci-après les Principes) et la « Convention relative à l’aide alimentaire » (ci-après la Convention). L’article 10.4 dispose que:

« Les Membres fournissant une aide alimentaire internationale feront en sorte:

    1. que l’octroi de l’aide alimentaire internationale ne soit pas lié directement ou indirectement aux exportations commerciales de produits agricoles à destination des pays bénéficiaires;
    2. que les transactions relevant de l’aide alimentaire internationale, y compris l’aide alimentaire bilatérale qui est monétisée, s’effectuent conformément aux « Principes de la FAO en matière d’écoulement des excédents et obligations consultatives » y compris, le cas échéant, le système des importations commerciales habituelles; et
    3. que cette aide soit fournie dans la mesure du possible intégralement à titre de dons ou à des conditions non moins favorables que celles qui sont prévues à l’article IV de la Convention de 1986 relative à l’aide alimentaire.»

10. Un autre texte pertinent de l’Accord sur l’agriculture, le paragraphe 16, énonce des dispositions concernant les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, adoptées dans le cadre de la Décision de Marrakech (qui fait partie intégrante de l’Accord du Cycle d’Uruguay). Le paragraphe 16.1 stipule que:

« Les pays développés Membres prendront les mesures prévues dans le cadre de la Décision sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. »

11. Dans la Décision de Marrakech, l’aide alimentaire est visée au paragraphe 3 i) et ii), qui dispose:

« 3. Les Ministres conviennent donc d’établir des mécanismes appropriés pour faire en sorte que la mise en oeuvre des résultats du Cycle d’Uruguay en matière de commerce des produits agricoles ne soit pas préjudiciable à la mise à disposition de l’aide alimentaire à un niveau qui soit suffisant pour continuer d’aider à répondre aux besoins alimentaires des pays en développement, en particulier les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. À cette fin, les Ministres conviennent:
  1. d’examiner le niveau de l’aide alimentaire établi périodiquement par le Comité de l’aide alimentaire en vertu de la Convention de 1986 relative à l’aide alimentaire et d’engager des négociations dans l’enceinte appropriée pour établir un niveau d’engagements en matière d’aide alimentaire qui soit suffisant pour répondre aux besoins légitimes des pays en développement pendant la mise en oeuvre du programme de réforme;
  2. d’adopter des lignes directrices pour faire en sorte qu’une part croissante des produits alimentaires de base soit fournie aux pays les moins avancés et aux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, intégralement à titre de don et/ou à des conditions favorables appropriées, conformément à l’article IV de la Convention de 1986 relative à l’aide alimentaire; »

12. Fondamentalement, le paragraphe 16 et la Décision de Marrakech n’ajoutent rien de nouveau (à ce qui figure déjà à l’article 10.4) pour ce qui est des mesures gouvernant l’octroi d’une aide alimentaire justifiée. Ils relèvent simplement certaines préoccupations pour ce qui est du niveau de l’aide alimentaire et imposent une obligation aux donateurs (les pays développés Membres de l’OMC) à savoir « examiner le niveau de l’aide alimentaire…..et… établir un niveau d’engagements en matière d’aide alimentaire qui soit suffisant pour répondre aux besoins légitimes des pays en développement pendant la mise en œuvre du programme de réforme ». En outre la Décision renforce l’aide alimentaire destinée aux PMA et aux pays en développement importateurs nets de denrées alimentaires dont « une part croissante » (expression qui remplace « dans la mesure du possible » de l’article 10.4) sera fournie « intégralement à titre de don et/ou à des conditions favorables appropriées, conformément à l’article IV de la Convention de 1986 relative à l’aide alimentaire ».

13. Le fait de mentionner explicitement les dispositions des Principes et de la Convention dans l’Accord sur l’agriculture est important. Théoriquement les Principes et la Convention devraient donc devenir partie intégrante des droits et obligations des Membres de l’OMC dans le cadre juridique de l’OMC. Si ces dispositions ne sont pas respectées, les Membres de l’OMC qui estiment que cela crée un déséquilibre entre les droits et les obligations retenus dans le cadre de l’Accord sur l’agriculture pourraient donc éventuellement avoir recours au mécanisme de règlement des différends (comme c’est le cas pour d’autres dispositions des accords de l’OMC). Cela dit, aucun mécanisme opérationnel n’a été mis concrètement en place pour vérifier si ces dispositions extérieures au cadre de l’OMC sont effectivement respectées et, en cas d’infraction, pour établir la portée du dommage et déterminer les mesures compensatoires.

B. NOUVELLES DISCIPLINES SUR L’AIDE ALIMENTAIRE AU TITRE DU CYCLE DE DOHA

14. Dans le cadre des négociations du Cycle de Doha, les questions relatives à l’aide alimentaire relèvent du pilier de la « concurrence à l’exportation » de l’Accord sur l’agriculture, comme lors des négociations du Cycle d’Uruguay. Cependant, pour diverses raisons, l’aide alimentaire est devenue beaucoup plus imbriquée qu’auparavant avec d’autres éléments de la concurrence à l’exportation (subventions à l’exportation, crédits à l’exportation et entreprises publiques d’État). Certains Membres de l’OMC ont mis l’accent sur ces liens, parce que certaines opérations d’aide alimentaire pourraient avoir le même effet que d’autres formes de soutien des exportations, comme les subventions et les crédits à l’exportation. En tenant compte de ces risques, le texte sur l’aide alimentaire qui figure dans le « Cadre de juillet » a établi un parallélisme étroit entre l’aide alimentaire et d’autre formes de soutien des exportations, notamment les subventions à l’exportation, les crédits à l’exportation et les pratiques ayant des effets de distorsion sur le commerce des entreprises publiques d’État exportatrices.

15. Le texte pertinent pour l’aide alimentaire et sur lequel reposent les négociations à venir figure au paragraphe 18 du Cadre de juillet5. Comme dans d’autres passages du Cadre, les termes sont très vagues pour ce qui est des dispositions spécifiques qui pourraient réglementer l’aide alimentaire, mais très précis sur l’objectif. Comme pour les autres formes de soutien des exportations, il est prévu de supprimer l’aide alimentaire qui ne correspondra pas à la réglementation adoptée à l’avenir.

16. Le Cadre mentionne aussi deux points essentiels sur l’aide alimentaire qui devraient être abordés au cours des négociations (à savoir le rôle des organisations internationales dans l’octroi de l’aide alimentaire par les Membres de l’OMC et la question de l’aide alimentaire fournie intégralement à titre de don). Ces problèmes ne sont pas nouveaux et ont été examinés depuis que les négociations du Cycle de Doha ont été engagées6:
  1. La définition d’une aide alimentaire « authentique ou justifiée »: Il s’agit du problème des besoins d’aide alimentaire confrontés aux besoins alimentaires. Comment sont déterminés les besoins d’aide alimentaire? Qui les détermine?
  2. Les modalités de l’octroi de l’aide alimentaire: Doit-elle être fournie seulement sous forme de « produits » ou peut-elle l’être aussi sous la forme de dons financiers à utiliser pour l’achat de vivres pour ou par le pays bénéficiaire; spécification des conditions dans lesquelles l’aide pourrait être fournie sous ses différentes formes si les deux possibilités sont envisageables.
  3. « Nature » de l’aide alimentaire à fournir: Peut-elle être octroyée exclusivement et intégralement à titre de dons7?
  4. Obligations de notification: L’Accord sur l’agriculture du Cycle d’Uruguay ne prévoit pas l’obligation de notifier l’aide alimentaire accordée par l’OMC à ses Membres. Actuellement on compte trois autres organismes internationaux qui assurent le suivi et notifient les transactions d’aide alimentaire: le Sous-comité consultatif de l’écoulement des excédents de la FAO, le Comité de l’aide alimentaire du Conseil international des céréales et le Programme alimentaire mondial (PAM).
  5. Soumission des questions découlant des opérations d’aide alimentaire au processus d’examen de l’OMC. L’Accord sur l’agriculture du Cycle d’Uruguay ne prévoit pas la possibilité pour un Membre de demander qu’un autre Membre soit soumis au processus d’examen du Comité de l’agriculture, pour des actions relatives à l’aide alimentaire. Si un suivi et des notifications fiables et crédibles peuvent être mis en place au plan international sur les opérations d’aide alimentaire, les négociations en cours pourraient bien englober dans leur mandat la possibilité d’attribuer à l’OMC un rôle décisionnel dans les différends concernant les livraisons d’aide alimentaire.

17. Actuellement la FAO et le PAM sont les deux seuls organismes internationaux qui évaluent les besoins d’aide alimentaire des pays vulnérables confrontés à des situations d’urgence. Malgré les lacunes de cette méthode, leurs évaluations des besoins d’aide alimentaire dans les situations d’urgence sont les seules à être indépendantes et impartiales. La méthodologie utilisée pour déterminer les besoins d’aide alimentaire liés aux urgences a été améliorée de sorte que seules les personnes qui ne pourraient pas se permettre d’acheter les mêmes quantités sur le marché en bénéficient, ce qui a pour corollaire d’atténuer les effets négatifs sur les marchés internes de produits alimentaires et la modification de leurs importations commerciales. Aucun mécanisme international ne précise les conditions permettant de réduire les effets négatifs sur les marchés de l’aide alimentaire. Cela pourrait être nécessaire de manière à distinguer clairement les opérations d’aide alimentaire justifiées de celles qui ne le sont pas. Si l’on parvient à un accord concernant les opérations d’aide alimentaire qui n'ont qu'un effet négatif limité sur les marchés nationaux et internationaux, un grand nombre de questions relatives à la « forme » et à la « nature » de l’aide alimentaire et aux « donateurs » se résoudront plus facilement.

18. Par exemple, si l’on sait que les produits alimentaires à livrer sous forme d’aide ont une incidence réduite sur les échanges commerciaux, l’essentiel étant attribué à des personnes dépourvues de pouvoir d’achat réel sur le marché, le fait de savoir si le donateur fournit l’aide sous forme de produits ou sous forme financière est dénué d’intérêt. Qui plus est, comme ce sont les caractéristiques spécifiques des bénéficiaires finals qui détermineront si une aide alimentaire est « justifiée » ou non , il ne sera pas non plus essentiel de savoir si l’aide alimentaire est fournie sous forme de dons ou bien de prêts à des conditions de faveur dont le remboursement sera effectué par un organisme pertinent .

19. Toutefois, pour s’engager dans cette voie, il est nécessaire d’assurer un suivi rigoureux et d’établir des rapports et des études approfondis pour être sûrs que les livraisons d’aide alimentaire parviendront à ceux qui en ont besoin. Compte tenu de l’expérience, du savoir faire, des capacités (personnel et logistique) de certains organismes internationaux déjà impliqués dans les opérations internationales d’aide alimentaire, comme la FAO, le PAM, le Comité d’aide alimentaire du Conseil international des céréales ou même le Comité d’aide au développement de l’OCDE, il pourrait être utile d’associer et de renforcer leurs capacités en vue de ces objectifs et de leur fournir toutes les informations nécessaires pour permettre la mise en place des conditions requises par le nouvel Accord sur l’agriculture.

IV. QUESTIONS À EXAMINER PAR LE COMITÉ DES PRODUITS

20. Considérant que les organismes internationaux qui abordent les questions de sécurité alimentaire liées à l’aide alimentaire ont l’expérience, le savoir-faire, le personnel et les capacités organisationnelles nécessaires pour assurer le suivi, l’étude et la notification de l’aide alimentaire et de ses effets sur les marchés locaux et nationaux;

21. Considérant que le Comité des produits a été la principale instance qui a engagé des discussions sur les questions d’aide alimentaire dans un cadre international en 1953 et qui a par la suite développé le cadre conceptuel sur lequel reposent les principes de l’évaluation de l’incidence des flux d’aide alimentaire sur les marchés agricoles internes et internationaux;

22. Les Membres pourraient souhaiter envisager la possibilité d’examiner le processus et la façon dont les Principes et les procédures opérationnelles du Sous-Comité de l’écoulement des excédents pourraient être renforcés pour leur permettre d’être crédibles, sûrs, efficaces et d’assurer le respect, par les opérations d’aide alimentaire, des nouvelles disciplines qui seront adoptées à l’OMC. À cet effet, on peut signaler les points suivants:

  1. Réviser le Registre des opérations du Sous-Comité de l’écoulement des excédents afin qu’il soit conforme au cadre définissant « l’aide alimentaire justifiée » qui sera établi au cours du nouveau cycle;
  2. Renforcer les procédures d’évaluation utilisées par la FAO et le PAM pour déterminer les besoins temporaires et chroniques d’aide alimentaire, surtout ceux dus à des situations d’urgence dans les pays en développement vulnérables et les intégrer à part entière dans le processus de suivi et de notification du Sous-Comité de l’écoulement des excédents;
  3. Réviser la procédure de calcul des importations commerciales habituelles utilisée pour s’assurer que les livraisons d’aide alimentaire ne modifient pas le niveau des importations commerciales, dans les pays bénéficiaires;
  4. Supprimer l’expression « écoulement des excédents » des titres du Sous-Comité de l’écoulement des excédents et des Principes, qui deviendront respectivement les « Principes relatifs à l’aide alimentaire » et le « Sous-Comité consultatif de l’aide alimentaire »;
  5. Examiner la question du lieu d’implantation du Sous-Comité de l’écoulement des excédents en tenant compte du rôle accru qu’il pourrait être amené à jouer dans le suivi et des capacités nécessaires pour assurer au mieux ce rôle.

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1 L’aide alimentaire a également des répercussions sur les marchés d’origine en créant des pressions à la hausse sur le prix des produits concernés, et ce même lorsqu’elle provient d’excédents publics.

2 Cela permet d’obtenir l’évolution de la proportion de l’aide alimentaire pour un pays donné, dans chaque groupement de pays.

3 A. A. Gürkan, K. Balcome et A. Prakash, « Coût des importations de produits alimentaires: expériences, facteurs de changement et implications en termes de politique pour la sécurité alimentaire des pays les moins avancés et des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires » Rapport sur les marchés des produits – 2003-2004, FAO, Rome, 2003.

4 FAO, Marchés internationaux, commerce des produits vivriers et aide alimentaire mondiale: le cas des pays vulnérables et des pays en situation d’insécurité alimentaire. Présentation à l’atelier international « Politiques contre la faim II, aide alimentaire, contributions et risques concernant la sécurité alimentaire durable » qui s’est tenu du 2 au 4 septembre 2003 à Berlin (disponible également à l’adresse suivante: http://www.fao.org/es/ESC/common/ecg/36727_en_FAO_Berlin_web_E.ppt en français et en espagnol). Les pays en développement en situation d’insécurité alimentaire sont selon la définition retenue ceux dont plus de 15 pour cent de la population est sous-alimentée (voir FAO, L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde - 2003, Rome, 2003).

5 Le paragraphe 18 vise toutes les formes de soutien aux exportations et stipule que tous les éléments qui ne seront pas conformes aux disciplines adoptées seront éliminés. Pour ce qui est de l’aide alimentaire, il indique que:

« 18. Les mesures ci-après seront éliminées pour la date butoir à convenir:

· Fourniture d’une aide alimentaire qui n’est pas conforme aux disciplines effectives d’un point de vue opérationnel à convenir. L’objectif de ces disciplines sera d’empêcher le détournement commercial. Le rôle des organisations internationales pour ce qui est de la fourniture d’une aide alimentaire par les Membres, y compris les questions humanitaires et de développement connexes, seront traités dans les négociations. La question de la fourniture d’une aide alimentaire exclusivement et intégralement à titre de dons sera aussi traitée dans les négociations. »

6 À ce jour, la mesure la plus concrète en vue de concilier les diverses positions figure à l’annexe 6 du projet de texte de mars 2003 (version d’Harbison). Ce texte n’a plus aucune valeur juridique et ne sera donc pas examiné directement dans le présent document.

7 Dans l’Accord sur l’agriculture du Cycle d’Uruguay, l’aide alimentaire à des conditions de faveur était possible: « aide fournie dans la mesure du possible intégralement à titre de dons ou à des conditions non moins favorables que celles qui sont prévues à l’article IV de la Convention de 1986 relative à l’aide alimentaire » (article 10.4.c de l’Accord sur l’agriculture). Dans la Convention de 1986 il est question de « ventes à crédit, le paiement devant être effectué par annuités raisonnables échelonnées sur 20 ans ou plus moyennant un taux d’intérêt inférieur aux taux commerciaux en vigueur sur les marchés mondiaux ». Dans la Convention de 1999, le numéro de l’article pertinent a été modifié mais l’énoncé n’a pas été modifié, à l’exception du mot « ventes » qui a été précisé. Ainsi l’alinéa pertinent se réfère aux « ventes de produits alimentaires à crédit… » (Convention relative à l’aide alimentaire, article IX.a. iii).