CCP:TE 05/5



COMITÉ DES PRODUITS

GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL SUR LE THÉ

Seizième session

Bali (Indonésie), 20 – 22 juillet 2005

APPLICATION DE L'ANALYSE DE LA RÉPERCUSSION DES COURS À DES MARCHÉS DU THÉ SPÉCIFIQUES




Table des matières


1. À sa quinzième session, le Groupe intergouvernemental sur le thé a demandé au Secrétariat de continuer à examiner dans quelle mesure les cours se répercutaient sur les marchés internationaux du thé et il a proposé qu'à l'avenir les études incluent également les différents types de thé, comme les thés à valeur ajoutée, ainsi que la répercussion des cours entre les différents niveaux du marché jusqu'au détaillant. Le Secrétariat a accepté de poursuivre cette étude sous réserve que les données nécessaires lui soient fournies et il a sollicité l'aide des délégations pour les obtenir.

2. Le présent document contient une analyse quantitative de la nature de la répercussion des cours entre le marché intérieur et le marché international ainsi qu'une évaluation de leur instabilité. La répercussion géographique et l'instabilité des cours sont analysées pour trois marchés: Inde, Kenya et Sri Lanka. Les détails techniques de l'analyse quantitative figurent en Annexe.

I. INTÉGRATION DU MARCHÉ ET RÉPERCUSSION
DES COURS

3. Le prix est le principal mécanisme qui relie le marché intérieur au marché mondial. En théorie, lorsqu'un pays est lié par ses relations commerciales au marché international dans un régime de libre échange, les chocs de l'offre et de la demande mondiales ont la même incidence sur les prix intérieurs que sur les cours internationaux. Il en va de même pour un pays qui, étant un gros exportateur, subit ces chocs sur le marché intérieur. Le commerce permet aux marchés d'être intégrés et à la répercussion des prix d'être complète, assurant ainsi le bon fonctionnement du marché et garantissant à tous les intervenants du circuit de l'offre et au consommateur de disposer d'informations précises afin de décider quelles quantités produire ou consommer.

4. Toutefois, de nombreux facteurs peuvent entraver la répercussion des cours et donner de mauvais résultats. L'application de droits d'importation et de taxes à l'exportation permet de répercuter pleinement les variations des cours mondiaux sur les marchés intérieurs en valeur relative. Cependant, si les droits d'importation ou les taxes à l'exportation sont prohibitifs, les variations des cours internationaux ne seront que partiellement - voire pas du tout - répercutées sur le marché intérieur.

5. Le marché intérieur peut également se retrouver isolé par d'importantes marges commerciales dues à des coûts de transfert élevés. Dans les pays en développement notamment, les carences de l'infrastructure, des transports et des communications peuvent augmenter les marges commerciales en raison du coût élevé de la livraison des produits locaux jusqu'aux ports d'exportation, ou des produits importés jusqu'au marché intérieur, entravant la répercussion des cours et empêchant ainsi de recourir à l'arbitrage.

6. Des pratiques non compétitives peuvent aussi freiner l'intégration du marché. L'établissement des prix en fonction du marché, pratique par laquelle les sociétés absorbent une partie des variations des taux de change en modifiant les prix à l'exportation en devise nationale, la concurrence oligopolistique et la collusion entre les négociants nationaux peuvent entraîner des différences de prix entre les cours internationaux et les cours nationaux supérieures à celles qui découlent des coûts de transfert.

7. Il peut arriver qu'à court terme la répercussion des cours ne soit pas complète, mais à long terme, elle devrait généralement être totale. À court terme, la répercussion des cours peut ne pas être complète en raison d'un temps de latence dans la réponse des prix à la consommation aux modifications des prix à la production et vice versa et à la lenteur de l'ajustement correspondant des prix tout au long du circuit de l'offre. Cette lenteur peut être le résultat de nombreux facteurs notamment le stockage et la détention des stocks, les retards dans le transport ou la transformation dus au grand nombre d'étapes verticales dans le circuit de l'offre, les pratiques de "nivellement des prix" et la nature même des méthodes de collecte et de notification des prix.

8. Par ailleurs, la symétrie de la réponse est également importante. Une réponse asymétrique d'un cours par rapport à un autre implique que les mouvements à la hausse et à la baisse du cours sur un marché sont répercutés symétriquement ou asymétriquement sur l'autre. Cela peut dépendre des politiques, notamment des mécanismes d'intervention ou des mesures appliquées aux frontières comme les contingents tarifaires, ou aux caractéristiques du marché comme une concentration sectorielle, une concurrence imparfaite ou l'intervention d'un agent appliquant des stratégies de prix qui entraînent une répercussion lente et incomplète des chocs des cours. À court terme, la répercussion asymétrique des cours peut également être due à la détention de stocks et à leur mise en circulation après que les cours internationaux auront atteint les niveaux élevés attendus, ou à des coûts fixes élevés et à une capacité excédentaire du circuit de production.

9. Le concept de répercussion des cours peut être envisagé sur la base des trois notions suivantes: mouvement concomitant et ajustement complet; causalité, dynamique et vitesse de l'ajustement et asymétrie de la réponse. Ces notions signifient que l'on peut vérifier que la répercussion des cours est complète lorsque les prix évoluent de manière concomitante et atteignent une forme d'équilibre à long terme. Si les modifications des cours ne sont pas répercutées instantanément, le processus est incomplet à court terme, mais complet à long terme, compte tenu de la possibilité d'un ajustement asymétrique. La distinction entre la répercussion des cours à court et à long termes est importante et la rapidité et la manière dont les cours parviennent à leur équilibre est essentielle pour comprendre dans quelle mesure les marchés sont intégrés à cour terme.

II. ANALYSE QUANTITATIVE DE LA RÉPERCUSSION GÉOGRAPHIQUE DES COURS: RÉSULTATS ET DÉLIBÉRATIONS

10. La nature de la répercussion des cours mondiaux du thé sur les marchés de l'Inde, du Kenya et de Sri Lanka a été évaluée sur la base du mouvement concomitant, de la vitesse d'ajustement et de l'existence d'une réponse asymétrique. Des tests ont été effectués sur la base des prix d'adjudication mensuels en Inde, au Kenya et à Sri Lanka, de janvier 1995 à décembre 2003 et du prix composite du thé de la FAO, comme prix international de référence1.

11. En moyenne, les prix d'adjudication en Inde, au Kenya et à Sri Lanka et le prix de référence international suivent la même tendance à long terme (Figure 1), mais à court terme, les prix nationaux diffèrent. Durant la période à l'examen, les cours mondiaux du thé ont peu progressé en valeur nominale et ont fluctué quelque peu. Les prix d'adjudication nationaux ont évolué à peu près de la même manière, enregistrant même un léger recul, comme dans le cas de l'Inde.

12. Des prix très instables et imprévisibles sont néfastes pour la santé du secteur, car l'instabilité freine les investissements et l'ajustement aux conditions du marché et déstabilise les revenus et l'épargne, entraînant une réduction de l'accumulation du capital et une baisse d'efficacité. Pour les pays en développement producteurs de produits primaires qui dépendent fortement des recettes d'exportation, les variations imprévisibles des prix à l'exportation ont aussi de graves conséquences pour la balance des paiements et les taux de change.

13. Cette analyse montre que, dans tous les pays à l'examen, les prix intérieurs évoluent en concomitance avec l'indice composite de la FAO qui a été pris comme référence (Tableau 1). Les marchés nationaux sont intégrés dans la référence mondiale, ce qui signifie que les coûts des transactions, ou toute autre distorsion du marché, n'empêchent pas une répercussion complète des cours mondiaux, fournissant ainsi des informations qui donnent des résultats utiles, au moins à long terme.

14. En Inde, on a constaté que les variations des cours du thé étaient causées par le prix de référence international, mais pas l'inverse. Cela peut s'expliquer par la part relativement faible de l'Inde dans les exportations mondiales, qui représentait 11 à 15 pour cent en 1995-2003. Les chocs sur le prix de référence international peuvent mettre de 10 à 12 mois pour être répercutés sur le marché indien: cela est sans doute dû aux stocks détenus dans les pays importateurs, ainsi qu'en Inde, ou à la nature hétérogène du thé indien qui est exporté sous forme de variétés Darjeeling et Assam. La répercussion des cours apparaît comme symétrique, très probablement parce que le secteur des exportations est caractérisé par des pratiques concurrentielles. Enfin, les prix d'adjudication indiens sont modérément instable et fluctuent autour de la tendance prévue dans des proportions allant jusqu'à 4,5 pour cent.

Tableau 1: Résultats empiriques de la répercussion des cours

 

Inde

Sri Lanka

Kenya

Concomitance avec les cours internationaux

Les prix évoluent en concomitance à long terme

Les prix évoluent en concomitance à long terme

Les prix évoluent en concomitance à long terme

Rapport de causalité

Rapport de causalité des cours internationaux sur les cours indiens, mais pas l'inverse

Rapport de causalité des cours internationaux sur les cours sri lankais, mais pas l'inverse

Rapport de causalité des cours internationaux sur les cours kényens, mais pas l'inverse

Vitesse d'ajustement:
le choc est répercuté après x mois

10-12

Plus de 12

10

Nature de l'ajustement:
symétrique ou asymétrique

Symétrique

Asymétrique

Symétrique

Variabilité: Coefficient de variation (CV)

Modéré:
CV=4,45 pour cent

Modéré:
CV=3,77 pour cent

Modéré:
CV=3,45 pour cent

Source: Analyses économétriques de la FAO.

15. Les prix d'adjudication sri lankais et les prix internationaux de référence évoluent ensemble à long terme. Les prix au Sri Lanka semblent être déterminés par le prix composite du thé de la FAO, mais pas l'inverse, ce qui indique que l'indice du prix composite du thé de la FAO résume correctement la tendance des cours mondiaux. Cela est confirmé par le fait que les prix des enchères de Londres – pour la période pertinente – évoluent de la même manière par rapport au prix de Sri Lanka. Les chocs sur l'indice de la FAO mettent à peu près le même temps que les deux autres prix –Kenya et Inde – pour être répercutés pleinement sur le marché sri lankais. En outre, l'ajustement semble asymétrique, les augmentations des cours mondiaux se traduisant plus lentement par des augmentations sur le marché sri lankais que dans le cas des diminutions des cours mondiaux. Cela traduit peut-être l'élargissement des marges entre les prix sri lankais et les cours internationaux, ce qui nécessitera une analyse plus approfondie de la filière de l'offre.

16. Au Kenya également, le rapport de causalité va du prix de référence international au prix d'adjudication national, et non pas l'inverse. Bien que la part du Kenya dans les exportations mondiales durant la période à l'examen varie entre 15 et 22 pour cent, les variations des prix nationaux n'entraînent pas de modifications du prix de référence international. Les chocs sur les cours internationaux mettent 10 mois pour être pleinement répercutés sur le marché intérieur, ce qui peut s'expliquer par les caractéristiques de la filière de l'offre, l'hétérogénéité des produits ou les politiques générales. La répercussion des prix semble symétrique, reflétant très probablement une tarification compétitive, une gestion harmonieuse des stocks et une souplesse du secteur de la transformation. Comme pour les autres prix analysés, les variations non prévues des prix kényens semblent modérées avec une fluctuation autour de la tendance normale de 3,45 pour cent.

17. Cette analyse semble indiquer que les chocs sur le marché international sont répercutés sur les marchés d'adjudication intérieurs, au moins à long terme. Pour des pays producteurs comme le Kenya et le Sri Lanka, où plus de 70 pour cent et 90 pour cent, respectivement, des ventes totales ont lieu par adjudication, les répercussions sont importantes: cela garantit que les commerçants disposent des informations nécessaires sur le marché international pour pouvoir décider des quantités de thé à acheter. Étant donné que les répercussions de ces prix se font sentir en amont jusqu'aux producteurs, de même qu'en aval jusqu'aux consommateurs, ce système présenterait des avantages pour tous les agents de la filière de l'offre.

III. CONCLUSIONS

18. Cette analyse des cours indique que les prix du thé en Inde, à Sri Lanka et au Kenya suivent l'évolution du prix de référence international, à long terme. Les conséquences sont importantes pour le bon fonctionnement de ces marchés, car ainsi les agents commerciaux disposent d'informations suffisantes pour décider des quantités à produire, à exporter ou à consommer dans le pays. La vitesse d'ajustement aux changements des cours internationaux est équivalente en Inde, au Kenya et à Sri Lanka. L'asymétrie qui apparaît à Sri Lanka semble due à de nombreux facteurs qui nécessiteraient un examen approfondi de la filière de l'offre dans le pays. À l'avenir, les recherches pourraient porter sur l'organisation de la filière de l'offre, notamment sur le nombre d'étapes, sur la compétitivité des prix à chaque étape, sur les arrangements contractuels pertinents, sur l'efficacité du transport et de la transformation, sur les pratiques d'entreposage et de stockage, ainsi que sur les questions relatives à la répartition des avantages entre les producteurs, les grossistes et les consommateurs.

1 Par définition, l'indice du prix composite du thé de la FAO n'est pas un prix: il s'agit plutôt d'un indicateur de la tendance générale du marché du thé, englobant tous les principaux prix d'adjudication. Cet indice n'est donc pas une variable que les agents pourraient prendre en compte pour décider d'une transaction en particulier, mais un élément servant de référence pour orienter l'ensemble de leurs décisions.