COMITÉ DES FORÊTS

 

Point 6 de l'ordre du jour provisoire

 

QUATORZIÈME SESSION

 

Rome (Italie), 1-5 mars 1999

 

PERSPECTIVES DU SECTEUR FORESTIER MONDIAL:
INCIDENCE DES TENDANCES FUTURES DU MARCHÉ DES PRODUITS LIGNEUX SUR LA GESTION DURABLE DES FORÊTS

 

Note du Secrétariat

INTRODUCTION

1. La FAO vient d'achever deux nouvelles études de l'offre et de la demande mondiales: le Modèle de l'offre mondiale de fibres (GFSM - FAO, 1998) et l'Etude des perspectives des produits forestiers dans le monde (GFPOS 98 - Whiteman, A., 1999). Une étude ambitieuse et plus détaillée du secteur forestier a également été réalisée récemment pour la région Asie-Pacifique (FAO, 1998).

2. Plutôt que de mettre l'accent sur les prévisions du marché, qui sont à la merci de bouleversements macro-économiques (tels que ceux dont l'Asie a été récemment victime), ces nouvelles études sont centrées sur les conséquences de politique générale probables des tendances nouvelles du marché des produits forestiers. Le présent document donne une brève description des principaux éléments nouveaux du marché, qui devraient apparaître dans les années à venir, et examine leur incidence sur la gestion durable des forêts.

PRODUCTION, COMMERCE ET CONSOMMATION FUTURS DES PRODUITS FORESTIERS INDUSTRIELS PAR RÉGION

3. De 1996 à 2010, il est prévu que le volume des produits forestiers industriels augmente au rythme de 1,7 pour cent par an environ (tableau 1); en 2010, la production, qui ne dépassera cependant que de 10 pour cent le niveau record atteint vers 1990 (1,7 milliard de m3), sera donc supérieure d'environ 25 pour cent à celle d'aujourd'hui.

Tableau 1 : production de bois rond industriel et production et consommation de produits prévues en 2010

Région Production de bois rond industriel (millions m3) Production de produits (équivalent millions m3) Consommation de produits (équivalent millions m3)
  1996 2010 Croissance annuelle 1996 2010 Croissance annuelle 1996 2010 Croissance annuelle
Afrique
68
84
1,5%
61  74  1,4% 35 37 0,6%
Asie 280 421 3,0% 334  479  2,6% 510 653 2,1%
Océanie 41 54 1,9% 23  39  3,8% 18 28 3,3%
Europe 370 502 2,2% 368  509  2,4% 347 469 2,4%
Amérique du Nord 600 658 0,7% 585  639  0,7% 499 589 0,8%
Amérique du Sud 130 153 1,2% 120  131  0,7% 80 97 1,4%
Total mondial 1490 1872 1,7% 1490  1872  1,7% 1490 1872 1,7%

Notes: la production et la consommation de produits ont été converties en équivalent bois rond (équivalent. millions m3), afin qu'elles puissent être comparées à la production de bois rond et aux chiffres projetés. Les taux de croissance indiqués concernent la période 1996-2010.

4. D'après ces projections concernant les produits forestiers établies sur quatorze ans (1996-2010), la croissance de la production varie selon les régions, les taux d'expansion les plus élevés étant enregistrés en Asie et en Océanie. De toute évidence, les faits nouveaux survenant en Asie rendront caduques toutes les tentatives visant à modéliser l'évolution probable des marchés des produits forestiers - voir encadré 1. En Amérique du Nord, la croissance de la production et de la consommation devrait être lente, tandis qu'en Afrique et en Amérique du Sud, la progression de la consommation serait moyenne. L'Amérique du Nord reste la plus grande région productrice et exportatrice. Considérées conjointement, l'Europe, l'Asie et l'Amérique du Nord assureront environ 85 pour cent de la production et plus de 90 pour cent de la consommation en 2010 (à peu près le même pourcentage qu'en 1996). Selon ces perspectives d'évolution, la part de marché de l'Asie progressera légèrement (environ 5 pour cent) pendant cette période, aux dépens de l'Amérique du Nord.

5. Du point de vue des échanges nets, la production de l'Asie et, dans une moindre mesure, de l'Europe continuerait à être davantage axée sur les produits que sur le bois rond, dont elles resteraient importateurs nets. Par ailleurs, l'Asie serait toujours la seule région du monde importatrice nette de produits. Dans l'ensemble, il ne devrait pas y avoir d'importantes réorientations dans la structure des échanges, mais la forme sous laquelle ils se feront continuera à évoluer. Depuis les années 50, les échanges de produits forestiers, en pourcentage de la production totale, n'ont cessé d'augmenter. Il est probable que les échanges progresseront tant en volume brut qu'en pourcentage de la production.

6. Premièrement, de nombreux pays devraient continuer à accorder la priorité au développement des moyens de fabrication et de transformation plutôt que d'exporter du bois rond et de la pâte, ce qui entraînera un recul persistant des exportations de produits semi-transformés à mesure que les producteurs chercheront à donner de la valeur ajoutée aux matières premières. C'est ainsi qu'un plus grand pourcentage de produits tels que sciages et panneaux seront transformés en mobilier et en produits de menuiserie. Deuxièmement, à mesure que les pays en développement progresseront et parviendront à maturité, on peut s'attendre à une expansion de leur marché intérieur. Le fonctionnement de ces marchés à plein régime permettra de réaliser des économies d'échelle pour ce qui est de la transformation, de la conception du produit, de l'assemblage, de la fabrication et de la distribution. Cette intensification de la spécialisation, du cloisonnement du marché et de la concurrence favorise les échanges tant à l'intérieur des régions qu'au plan international.

Encadré 1: l'impact de la crise asiatique récente sur les projections de l'offre et de la demande

En appliquant la même démarche en matière d'élaboration de modèles que celle qui est utilisée pour les prévisions de l'offre et de la demande mentionnées ici, on a cherché à estimer l'impact potentiel de la crise asiatique récente sur les marchés mondiaux. Cette estimation vise à mieux comprendre les divers types d'effets à long terme dont pourrait être victime le secteur forestier entre aujourd'hui et 2010. Les fluctuations du marché à court terme n'ont fait l'objet d'aucune projection.

En avril 1998, les analystes prévoyaient une reprise de la croissance économique en Asie après une période de fléchissement. Restait à savoir quelles seraient la durée et la gravité de cette récession. En tablant sur une croissance économique plus modérée en République de Corée, Indonésie, Thaïlande et Malaisie, à laquelle s'ajoute l'effet domino dans plusieurs autres pays, on estime que la consommation d'ensemble de la région pour toutes les catégories de produits ligneux sera inférieure de 4 à 5 pour cent à la projection de référence pour l'année 2010.

Le ralentissement de la croissance économique de ces pays, aggravé par les conséquences de la dévaluation de surenchère, aurait en partie pour effet de limiter les importations, en pourcentage de la consommation globale - il ne faut pas perdre de vue que la région est un très gros importateur. Si les prix chutaient à l'étranger, les pays de la région moins touchés par la crise sur le plan économique intensifieraient leurs importations de produits forestiers - au risque de porter préjudice à leur production intérieure. Ces effets, qui se compensent, donnent un aperçu des difficultés que présente l'élaboration d'un modèle d'ajustement structurel.

Les perspectives restent en général obscures, car il est difficile de prévoir les types d'ajustements monétaires qui pourraient voir le jour ainsi que leurs effets sur les échanges, en matière de concurrence. Dans ce type d'évaluation, notre incapacité de comprendre ou de prévoir les répercussions de la crise financière sur la disponibilité de capitaux dans la région ajoute à la confusion. Toutes les perspectives d'évolution de la croissance reposent sur l'hypothèse d'un apport massif de capitaux-développement à des prix d'équilibre du marché. Cette crise financière est caractérisée par le bouleversement profond et la réévaluation du rôle des marchés mondiaux des capitaux, ainsi que des responsabilités, des obligations et des rôles respectifs des gouvernements, des institutions financières, des entrepreneurs et des investisseurs. Tant que ces rôles ne seront pas précisés, les opérations sur actifs financiers dans la région pourraient rester limitées. S'il y a pénurie de capitaux, il est probable que la production de produits forestiers dans la région ne progressera guère et que la consommation n'augmentera que très légèrement.

PERSPECTIVES PAR CATÉGORIE DE PRODUITS

7. Au cours de la période allant jusqu'en 2010, c'est le marché du papier et du carton qui devrait enregistrer la plus forte croissance, avec un taux atteignant 2,4 pour cent par an (tableau 2). En revanche, la production de pâte à papier n'augmenterait que de 0,5 pour cent par an, du fait de l'accroissement prévu de la part du papier de récupération dans l'ensemble des matières premières fibreuses. La progression de la consommation de produits ligneux solides devrait être moyenne: 1,1 pour cent par an dans le cas des sciages et 1,3 pour cent par an pour les panneaux à base de bois. S'agissant de la production et de la consommation de panneaux à base de bois, la croissance la plus forte est attendue pour les panneaux de bois reconstitué plutôt que pour le contre-plaqué.
 

Tableau 2: perspectives de production et de consommation par catégorie de produits (1996 & 2010)

Catégorie de produits Production/consommation Croissance totale Croissance annuelle
  en 1996 en 2010 1996 - 2010 1996 - 2010
Bois rond industriel 1 490 1 872 26% 1,6%
Sciages 430 501 17% 1,1%
Panneaux à base de bois 149 180 20% 1,3%
Pâte 179 192 7% 0,5%
Papier et carton 284 394 39% 2,4%

Note: les chiffres relatifs aux volumes de bois rond, de sciages et de panneaux à base de bois sont exprimés en millions de m3 et ceux relatifs à la pâte et au papier en millions de tonnes.

SOURCES POTENTIELLES DE FIBRES ET DEMANDE DE BOIS INDUSTRIEL

8. S'agissant des produits forestiers, il faudra trouver de nouvelles sources d'approvision- nement en bois et en fibres pour développer la production. Le secteur industriel et les pays disposent à cet égard de moyens très divers. Dans certains pays, on peut accroître les disponibilités de bois en exploitant de nouvelles zones de forêts ou en tirant parti de plantations forestières arrivant rapidement à maturité (par exemple dans les pays du bassin du Pacifique méridional). Dans d'autres cas, les entreprises de transformation du bois augmenteront la production en utilisant une gamme beaucoup plus large et diverse de bois et de matières premières fibreuses que par le passé.

9. L'encadré 2 aide à comprendre ce dernier point. Les niveaux de production prévus pour le bois rond en 2010 dans la région Asie-Pacifique sont comparés au potentiel de production (ou au potentiel biologique estimatif). Dans l'ensemble, il ressort de l'étude des perspectives en Asie-Pacifique qu'il est possible de faire face aux besoins futurs de production ligneuse à l'intérieur de la région, au prix d'une raréfaction des ressources dans certains pays et pour certains types de bois (par exemple les grumes de sciage).

10. La FAO ne dispose pas encore de données suffisantes pour procéder à une évaluation précise du potentiel mondial de production. Le modèle de l'offre mondiale de fibres couvre par exemple une grande partie du monde, mais ne tient pas compte de la contribution importante des arbres situés hors des forêts. Cette étude peut cependant être utilisée pour comparer les niveaux projetés de production à l'offre potentielle que pourraient assurer les forêts et les sources de fibres de récupération ou non ligneuses dans certaines régions (voir tableau 3).

11. Comme l'indique le tableau 3, les niveaux de production projetés sont largement inférieurs à la limite prévue pour le potentiel de production en Amérique du Sud et en Océanie, mais ils sont proches de cette limite en Asie et la dépassent en Afrique. D'après d'autres études portant sur les perspectives (par exemple, celle des Nations Unies de 1996), il semblerait qu'en Europe également, les disponibilités de bois soient suffisantes pour faire face aux besoins de production à brève échéance. Il faut cependant noter deux points. Premièrement, les résultats présentés dans le modèle de l'offre mondiale de fibres doivent être considérés comme le volume maximum absolu de l'offre. En raison des coûts que comporte l'accès aux zones de plus en plus marginales comprises dans cette analyse, il se pourrait que l'offre potentielle totale susmentionnée ne puisse pas être utilisée dans un proche avenir. Deuxièmement, malgré les abondantes disponibilités existant aux niveaux général, régional ou national, des pénuries locales pourraient persister et des pressions seraient donc exercées sur les décideurs du secteur forestier pour qu'ils autorisent la récolte de bois d'œuvre dans des zones forestières naturelles.

12. L'approvisionnement en produits forestiers, en particulier en grumes de grande taille, commence à soulever des difficultés dans des régions telles que l'Afrique et l'Asie. En conséquence, pour faire face à la demande, les consommateurs de bois et de fibres se tourneront de plus en plus vers de nouvelles sources (comme ils l'ont déjà fait en Asie), afin d'éviter la surexploitation des forêts. Il est probable que les marchés des produits forestiers continueront à suivre la tendance actuelle, à savoir remplacer les sciages et le contre-plaqué par des panneaux à base de bois et par des produits ligneux industriels, pouvant être fabriqués à partir de morceaux de bois de petite taille ou de substituts non ligneux.

Encadré 2: éventail des disponibilités potentielles de bois et de fibres dans la région Asie-Pacifique

Une analyse de l'offre potentielle provenant de diverses sources de bois et de fibres a été conduite dans le cadre de l'Etude des perspectives du secteur forestier en Asie-Pacifique (FAO, 1998). Des données venant de plusieurs études y ont été incorporées, afin que soient inclus des renseignements sur l'offre potentielle provenant des arbres situés hors des forêts ainsi qu'une analyse du volume non récupéré de résidus de récolte et de résidus de transformation, de fibres recyclées et de fibres non ligneuses. Le graphique ci-dessous donne un aperçu du potentiel d'approvisionnement en fibres dans la région grâce à ces diverses sources (colonnes) par rapport aux besoins projetés de matières premières pour la production industrielle (lignes).

Undisplayed Graphic

Grumes de sciage Autres fibres

FN PL ATB AHF RER RNL RTB

Bois de feu - Sciages - Pâte - Fibre RNL

Source d'approvisionnement

Les bâtons du graphique, qui indiquent la production potentielle de grumes de sciage et d'autres fibres (petit bois rond, résidus, papier de récupération et fibres non ligneuses) en 2010, représentent les sources suivantes: forêt naturelle (FN); plantations (PL); autres terres boisées (ATB); arbres hors des forêts (AHF); résidus de récolte (RER); fibres de récupération et fibres non ligneuses (RNL); résidus de la transformation du bois (RTB). Les prévisions ont été établies en fonction de la technologie existante (sauf pour ce qui concerne la tendance à intensifier à l'avenir la récupération des vieux papiers) et des orientations actuelles (s'agissant par exemple des secteurs forestiers situés dans des zones juridiquement protégées). Cependant, on a également tenu compte dans les prévisions des tendances traditionnelles à convertir les forêts à d'autres usages. Par ailleurs, les lignes indiquent la production projetée de fibres de récupération ou non ligneuses, de bois de pâte, de grumes de sciage et de bois de feu de la région en 2010.

Ainsi que le montre le graphique, la région dispose d'un fort potentiel de production de grumes de sciage et d'autres fibres provenant de zones autres que celles qui sont généralement prises en considération dans l'analyse de l'offre et de la demande des produits forestiers (c'est-à-dire les forêts naturelles et les plantations). Pour ce qui est de la production potentielle d'autres fibres, la capacité des sources non forestières de couvrir les besoins de production dépasse largement celle des forêts. A titre d'exemple, les arbres situés hors des forêts ont un potentiel de production de petit bois rond deux fois plus élevé que les plantations forestières, en raison des vastes superficies de terres agricoles de la région (consacrées en particulier à l'arboriculture). (Les statistiques fiables sur les arbres situés hors des forêts étant rares, l'importance exacte de cette ressource est toutefois assez mal connue). Le papier de récupération et les résidus de transformation du bois pourraient également permettre de faire face à l'ensemble des besoins de la région en bois de pâte. S'agissant de la production de grumes de sciage, l'industrie forestière doit généralement recourir aux forêts pour obtenir les grumes de qualité supérieure nécessaires ; la moitié environ du potentiel de production de grumes de sciage de la région se trouve dans les forêts naturelles et un quart dans les plantations forestières. Cependant, même dans cette catégorie de produits, les arbres situés hors des forêts pourraient assurer le quart restant de la production et couvrir une bonne partie des besoins de grumes de sciage.

Plusieurs pays dotés de ressources forestières limitées (par exemple, de nombreux pays d'Asie du Sud) utilisent déjà une grande variété de sources d'approvisionnement en grumes de sciage et en fibres. Dans l'ensemble, les pays qui sont actuellement tributaires des forêts naturelles pour faire face à une bonne partie de leurs besoins pourraient également avoir recours à cette solution s'ils le souhaitaient.

 

Source : FAO (1998)

Tableau 3 : comparaison entre la production potentielle provenant des forêts, des fibres de récupération et des fibres non ligneuses et la production de bois et de fibres prévues en 2010

Région
Production prévue en 2010
Production potentielle
 
Bois rond industriel 
Fibres de récupération ou non ligneuses
total
de diverses sources prévue en 2010
Afrique 84  2 86 81
Asie 421  222 643 948
Océanie 54  0 54 80
Europe 502  133 632 807
Amérique du Nord 658  147 805 798
Amérique du Sud 153  2 155 225
Total mondial 1 872  506 2 375 2939

Note: tous les chiffres concernant les volumes sont exprimés en équivalent millions de m3 par an (les chiffres relatifs aux fibres de récupération et aux fibres non ligneuses ont été convertis en équivalent produits ligneux).

SYNTHÈSE GLOBALE

13. L'analyse ci-dessus semble indiquer que, pour autant qu'on puisse le prévoir, l'offre de bois et d'autres types de fibres augmentera pour répondre à la demande, mais tout en restant inférieure à la capacité de production des forêts et des autres sources de fibres à l'échelle mondiale. Cependant, la situation variera entre les divers pays et régions. C'est ainsi que l'Afrique et l'Asie du Sud devront toujours avoir recours à un large éventail de sources d'approvisionnement non forestières pour couvrir leurs besoins. Par ailleurs, s'agissant de la production de grumes de sciage, on exploitera les forêts et les plantations à la limite de leur capacité pour obtenir les grumes de qualité supérieure requises dans certaines régions, telles que l'Afrique, l'Asie du Sud-Est et les Iles du Pacifique.

14. Dans l'ensemble, les prix à la consommation des produits ligneux, comme le papier ou le bois débité, ne devraient pas beaucoup augmenter au cours de la période prise en considération. Dans de nombreuses régions, la capacité de fabrication de produits ligneux est vaste ou excédentaire. Le ralentissement économique enregistré actuellement dans le monde entier réduira les pressions sur les prix à la consommation. Dans certains cas, une pression à la hausse pourrait s'exercer sur les prix de certains types de bois rond (généralement les types de première qualité) mais, étant donné qu'il existe des substituts ligneux ou non ligneux bon marché, les augmentations de prix seront limitées. La composition des échanges ne devrait guère changer, exception faite de la tendance persistante à assurer la transformation des matières premières ligneuses dans le pays, tendance qui devrait entraîner un recul du commerce des produits ligneux primaires ou semi-transformés et une progression des échanges de produits ayant une plus grande valeur marchande.

ÉVOLUTION POSSIBLE DU MARCHÉ

L'offre de bois

15. Il y aura vraisemblablement à l'avenir des sources diverses de bois et d'autres fibres aux fins de production. Dans la plupart des pays, il est probable que l'utilisation des ressources forestières pour la production de bois et de fibres sera dans l'ensemble abandonnée au profit d'autres sources d'approvisionnement reposant ou non sur l'exploitation des terres. Le changement le plus important concernera l'utilisation accrue de résidus de transformation du bois et de fibres recyclées dans la gamme des composants des produits. On aura sans doute de plus en plus recours à ces sources secondaires dans les régions les plus développées d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Asie, tandis que, du fait de l'amenuisement des ressources forestières, les arbres situés hors des forêts joueront un rôle plus important dans certaines régions du monde moins développées.

16. Il est également probable que la composition de l'offre évoluera dans le cadre même des forêts. Les dix prochaines années verront la mise en service de grandes superficies de plantations commerciales à rotation brève (pour le bois de pâte) dans l'Hémisphère sud. Par ailleurs, des plantations plus anciennes, créées pour la production de grumes de sciage, commenceront à être mises en service sur de plus grandes superficies dans des pays comme les Etats-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni, l'Afrique du Sud, le Chili, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Ces plantations assureront la majeure partie de l'accroissement du potentiel de production des forêts attendu dans les années à venir. En revanche, il est à prévoir que très peu de pays seront en mesure d'augmenter la production provenant des forêts naturelles, de manière durable et sans investissements massifs dans la sylviculture.

17. Des sections plus importantes de forêts naturelles seront probablement intégrées dans des zones juridiquement protégées, ce qui ne devrait avoir cependant qu'un effet marginal sur le potentiel de production, étant donné qu'il n'y a actuellement pas de récolte dans nombre des zones susceptibles d'être retenues à des fins de conservation. A l'avenir, l'intensité de récolte dans les forêts naturelles exploitables pourrait chuter pour deux raisons : premièrement, du fait de l'importance accordée aux questions écologiques, des pays tropicaux pourraient modifier leurs dispositions réglementaires actuelles en matière de récolte en vue de réduire le volume de bois d'œuvre pouvant être abattu dans une zone donnée ; deuxièmement, le volume sur pied pourrait de toute façon diminuer à mesure que les opérations forestières ne seront plus menées dans les forêts vierges mais dans les forêts secondaires. Conjugués, ces facteurs pourraient avoir une profonde incidence sur les disponibilités futures de bois d'œuvre et renforcer la tendance prévue, à savoir l'abandon progressif de la forêt naturelle au profit des plantations et des sources d'approvisionnement non forestières présentées ci-dessus.

ÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE

18. Il n'a été tenu compte de l'évolution technologique que dans l'analyse de l'offre et de la demande menée ci-dessus pour le secteur de la pâte et du papier. On a supposé que l'évolution actuelle de la part du papier de récupération dans l'ensemble des matières premières fibreuses se poursuivra. A titre d'exemple, alors qu'en 1970, une tonne de papier ou de carton était formée de plus de 80 pour cent de pâte de bois, en 1997, ce chiffre était tombé à 56 pour cent, et d'ici 2010, il devrait être ramené à moins de 50 pour cent. Ceci est dû en partie à l'utilisation accrue de papier de récupération, mais aussi à la redistribution des parts de marché, étant donné qu'à l'avenir, les papiers d'impression et d'écriture (dont la teneur en fibres est moindre) assureront probablement une plus grande part du marché total.

19. D'autres changements d'ordre technologique pourraient également se produire. D'une part, de meilleures pratiques de récolte pourraient permettre d'augmenter le taux de récupération des grumes et de réduire les résidus de l'exploitation forestière dans de nombreuses forêts du monde. Dans beaucoup de pays en développement, il est tout à fait possible d'accroître les taux de récupération des grumes ; par ailleurs, dans les pays où les niveaux d'abattage annuels sont élevés, une légère augmentation suffirait à faire progresser la production et permettrait de faire face dans une large mesure à l'accroissement prévu en matière de demande de bois rond industriel.

20. D'autre part, de meilleurs taux de récupération dans les usines permettraient de réduire notablement le volume de bois rond nécessaire pour les industries de transformation. Parallèlement, les résidus pourraient être utilisés de manière plus efficace pour répondre à la demande d'autres entreprises de transformation du bois. En dehors de quelques grands pays développés, on sait actuellement peu de chose sur l'utilisation des résidus d'usine. Cependant, dans bien des cas, il est probable que d'importants volumes de résidus sont perdus ou inutilisés. Comme l'a montré l'étude des perspectives en Asie-Pacifique, toutes ces sources pourraient jouer un rôle important dans l'approvisionnement en bois.

21. Un troisième aspect de l'évolution technologique concerne l'éventuelle intensification de l'utilisation de panneaux reconstitués due à la pénurie croissante de grumes de grand diamètre et aux progrès techniques réalisés dans le bâtiment et dans d'autres industries utilisant le bois. Deux facteurs vont dans ce sens : la pression à la hausse exercée sur les prix du fait de la pénurie de grumes, et les progrès technologiques, qui permettront d'avoir recours à ces panneaux là où actuellement seul le contre-plaqué ou les sciages sont utilisés. Ceci aura également pour effet d'augmenter le taux d'utilisation des ressources (les taux de récupération des panneaux reconstitués sont généralement plus élevés que ceux des sciages et du contre-plaqué), et d'offrir des débouchés pour les résidus d'autres industries.

CONSÉQUENCES GÉNÉRALES

22. Dans l'analyse précédente, deux changements structurels généraux, qui interviendront probablement dans le secteur forestier dans les années à venir, ont été examinés. Même si l'on ne sait pas précisément quand et où s'opéreront ces changements (nombre d'entre eux se sont déjà produits en Europe par exemple), la question importante qui se pose à de nombreux décideurs du secteur forestier dans le monde entier est de savoir comment les gérer. D'après l'analyse des marchés futurs du bois d'œuvre, il semblerait que, dans l'immédiat, les trois questions suivantes méritent l'attention des décideurs.

Fixation des prix

23. Les prix sont un indicateur de pénurie efficace : quand ils sont arbitraires, ils peuvent entraîner une mauvaise affectation des investissements et des ressources. Quelque 40 pour cent des approvisionnements mondiaux en bois d'œuvre viennent de forêts privées, et il est probable que le même pourcentage environ est vendu sur des marchés concurrentiels (ou selon des modalités analogues). Cependant, les gouvernements ont la haute main sur la fixation des prix du bois extrait des autres forêts (essentiellement naturelles), qui sont souvent maintenus à des niveaux peu élevés pour stimuler le développement industriel.

24. Fixer de faibles redevances d'exploitation par volume peut répondre à certains objectifs de développement, mais produit souvent des effets indésirables : la fixation de prix au-dessous de la valeur réelle n'encourage pas l'efficacité dans les opérations de récolte et de transformation, n'incite pas à investir dans les plantations et désavantage les autres fournisseurs (petits exploitants et entreprises de recyclage). En conséquence, il sera essentiel de mieux concevoir les politiques des prix, si l'on veut encourager la diversification des sources d'approvisionnement et favoriser les améliorations de l'efficacité qui seront nécessaires à l'avenir.

25. L'une des tâches les plus ardues qui attend les décideurs du secteur forestier et les responsables de la gestion des forêts sera de dégager suffisamment de recettes pour financer l'aménagement durable des forêts. La fixation de prix compétitifs pour les ressources, selon les lois du marché, constituera une première étape importante de ce processus. Les décideurs du secteur forestier devraient examiner comment créer des marchés concurrentiels pour le bois rond extrait des forêts naturelles, de manière à ce que les taxes qu'ils fixent rendent compte de la valeur marchande de la ressource, et mettent fin à la distorsion en faveur de la récolte du bois dans les forêts naturelles.

Mise en valeur des ressources humaines

26. La foresterie est une activité à forte intensité de travail. Afin de perfectionner les techniques et de répondre à la demande croissante concernant l'amélioration de la qualité de la récolte et de la gestion, le niveau des compétences en matière de foresterie devra être largement relevé.

27. Il s'agit là d'une vaste tâche compte tenu du nombre de personnes employées dans ce secteur. Poschen (1997) a estimé, à titre indicatif, que la foresterie industrielle compte environ l'équivalent d'un million d'emplois à plein temps dans les pays développés et de 2,7 millions dans les pays en développement. De plus, l'amélioration des savoir-faire n'est pas seulement nécessaire dans le secteur de la production ; il faudra relever considérablement le niveau des compétences des personnels de nombreux ministères et organismes chargés de la foresterie, dans le monde entier, afin de tenir compte de la plus grande diversité des sources d'approvisionnement et des améliorations qu'il est souhaitable d'apporter à la gestion, telles que la participation des communautés.

Changements structurels

28. Le besoin urgent et décisif auquel les divers secteurs forestiers devront faire face à l'avenir concernera le renforcement de leur capacité d'affronter les changements structurels attendus. De nombreux gouvernements ont déjà pris toute une série de mesures visant à stimuler le développement de certains types d'industries nationales de transformation du bois (allégements fiscaux préférentiels, contrats de concession assortis de conditions, interdiction d'exporter). Ces mesures devraient être réexaminées afin de tenir compte des changements prévus dans les modes d'approvisionnement en bois, à savoir moins de grumes de grande taille provenant de forêts naturelles, davantage de bois provenant de plantations et davantage de papier recyclé. En outre, elles devraient prendre en considération les niveaux d'investissement nécessaires pour financer ces types de changements structurels.

29. De même, les organismes forestiers devront s'occuper à l'avenir d'un plus grand nombre de questions. Afin d'améliorer les prestations de ce secteur sur le plan social et environnemental, les services chargés de la conservation, des relations avec les communautés, des questions relatives aux eaux et de la vulgarisation, auront probablement besoin de ressources beaucoup plus importantes. Par ailleurs, les services chargés de la récolte et de l'utilisation, généralement puissants, devront vraisemblablement évoluer. Les responsables du secteur de l'approvisionnement en bois vont être contraints de renoncer à avoir une très forte autorité sur un petit nombre de concessionnaires et être amenés à exercer un contrôle beaucoup plus restreint sur un plus grand nombre de petits fournisseurs. Pour faire face à ces changements, ils devraient envisager de déléguer certains aspects de leurs pouvoirs aux autorités régionales, locales et même communautaires.

Bibliographie

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FAO, 1997b. Situation des forêts du monde - 1997. Rome.

FAO, 1998. Asia-Pacific Forestry - Towards 2010 : Report of the Asia-Pacific forestry sector outlook study. Rome.

FAO, 1999, Global fibre supply model. Rome.

Poschen, P. 1997. Forests and employment - much more than meets the eye. Paper presented to the XI World Forestry Congress, 13-22 October 1997, Antalya, Turquie.

Nations Unies, 1996. Tendances et perspectives du bois en Europe à l'aube du XXIe siècle. Rapport No. ECE/TIM/SP/11. Genève, UNECE/FAO Section du bois d'œuvre.

Whiteman, A. 1999. Global forest products outlook study. Rome, FAO.