COMITÉ DES FORÊTS 

QUATORZIÈME SESSION 

Rome (Italie), 1-5 mars 1999 

PROBLÈMES PARTICULIERS À LA FORESTERIE ET ACTIVITÉS INTÉRESSANT LES PETITS ÉTATS INSULAIRES EN DÉVELOPPEMENT 

I. INTRODUCTION

1. La Conférence ministérielle spéciale sur l'agriculture dans les petits Etats insulaires en développement (PEID) se tiendra au Siège de la FAO, le 12 mars 1999. Cette conférence a pour objet de faire le point sur les problèmes critiques qui se font jour en matière d'agriculture et de développement durable dans les PEID, compte tenu de l'évolution récente dans les domaines social et économique comme en matière d'échanges commerciaux et d'environnement aux niveaux national et international. L'objectif fixé est l'élaboration d'un plan de développement durable des PEID, dans le prolongement du Sommet mondial de l'alimentation. Dans la perspective de cette réunion, la FAO a préparé trois documents de référence ainsi qu'un projet de plan d'action1.

II. CARACTÉRISTIQUES DES PEID ET DE 
LEURS TERRES BOISÉES

2. Il n'existe pas de définition communément admise, au plan international, de ce qu'est un petit Etat insulaire en développement. Cependant, les petits Etats insulaires en développement se sont vu conférer une identité politique internationale avec la création, en 1991, de l'Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS). Aux fins du présent document, la catégorie des PEID sera réputée incorporer les 42 membres et observateurs de l'AOSIS, dont quatre Etats à littoral bas, en y ajoutant trois Etats membres de la FAO mais non membres de l'AOSIS, à savoir le Bahreïn, la République dominicaine et Haïti. Dix des Etats concernés ont le statut de "pays moins avancés" au sein du système des Nations Unies.

3. Considérés globalement, les PEID ont un riche patrimoine forestier. Cependant, du fait des variations considérables de leurs superficies respectives2, mais aussi de leurs spécificités démographiques, climatiques, géologiques et topographiques, les étendues forestières varient considérablement d'un PEID à l'autre. En 1995, les forêts couvraient, par exemple, de 74 à 85 pour cent de la superficie terrestre totale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, des îles Salomon et de Vanuatu, contre moins de 10 pour cent dans bon nombre des PEID et moins de 1 pour cent en Haïti.
4. Dans les Etats insulaires dont la superficie est inférieure à 50 km2, les forêts couvraient, en 1995, 35,4 pour cent du territoire, contre une moyenne mondiale de 26,5 pour cent. En revanche, le taux annuel de déboisement enregistré de 1990 à 1995 dans ces mêmes Etats, soit 0,9 pour cent par an, représente le triple de la moyenne mondiale - les taux les plus élevés, de 2,6 à 7,2 pour cent, étant constatés dans les îles des Caraïbes (en particulier la Jamaïque, Sainte-Lucie, Haïti et les Bahamas), ainsi que dans les Comores. Le déboisement a comme cause principale la conversion des terres forestières à l'agriculture et le développement de l'infrastructure. Par ailleurs, les îles Salomon, Samoa et Tonga figurent parmi les pays dont la dégradation forestière est causée par une exploitation intensive du bois d'œuvre. Ajoutons que les causes naturelles telles que les cyclones et les incendies de forêt constituent, dans certains PEID, un facteur important de détérioration du patrimoine forestier.
5. Le Cap-Vert est le seul PEID qui ait enregistré une évolution positive de son couvert forestier entre 1990 et 1995, grâce à des efforts de boisement3.

A. LE RÔLE DES FORÊTS ET DES ARBRES DANS L'AMÉLIORATION DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

6. Les forêts et les arbres contribuent directement à la sécurité alimentaire en fournissant les produits suivants: 7. Le revenu et l'emploi que les populations rurales tirent des activités forestières et connexes leur permettent d'acquérir de la nourriture et autres produits de première nécessité. Les bassins versants boisés aident à la conservation des sols et des eaux, de même qu'à celle des zones agricoles situées en contrebas. Les brise-vent et les écrans protecteurs végétaux fournissent ombre et abri aux récoltes et aux animaux, tout en réduisant l'érosion des sols. Les mangroves et autres forêts côtières protègent les zones littorales contre les effets des vents violents et des tempêtes ainsi que du sel en suspension dans l'air, tout en fournissant des nutriments à la chaîne alimentaire marine. Par ailleurs, les forêts sont des réservoirs de diversité biologique: bon nombre des aliments consommés aujourd'hui ont comme origine la cueillette sous forme sauvage4, et l'amélioration génétique des espèces cultivées a beaucoup à attendre de la part des espèces sauvages.

B. PRODUCTION, COMMERCE ET CONSOMMATION DES PRODUITS FORESTIERS

8. Quinze des membres de l'AOSIS citent les forêts de bois d'œuvre ou de feuillus comme l'une de leurs principales ressources naturelles, et en particulier Fidji, le Guyana, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, les îles Salomon, le Suriname et Vanuatu, où l'industrie de transformation du bois figure au premier plan. La Papouasie-Nouvelle-Guinée est, de loin, le premier PEID producteur et exportateur de bois rond industriel, de même que le deuxième exportateur mondial de grumes de feuillus tropicaux. En dépit de leur superficie limitée, les îles Salomon sont le sixième exportateur mondial de grumes de feuillus tropicaux. Ajoutons que Fidji et Samoa sont également de gros producteurs de bois rond industriel. L'on craint cependant que la production de bois ne puisse se poursuivre de façon durable au rythme actuel au Samoa, aux îles Salomon et à Tonga.

9. A l'inverse, bon nombre des petits Etats et territoires du Pacifique Sud, de même que tous les Etats des Caraïbes à l'exception de Cuba, sont des importateurs nets de sciages et de panneaux d'agglomérés ainsi que de papier. Les pays dépendant des importations de bois de feu et de charbon ou de bois rond industriel sont le Bahreïn, Chypre, Malte et l'île Maurice, de même que certains des petits Etats du Pacifique Sud.

10. Dans les PEID au couvert forestier réduit, les arbres poussant à l'extérieur des forêts, sur les terres agricoles par exemple, ont souvent une valeur importante sur le plan local. Ainsi, dans bon nombre de petits pays insulaires, le cocotier est une source importante de matériaux de construction, de noix de coco, de coprah et d'huile de noix de coco.

C. FONCTIONS DE PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT DES FORÊTS ET DES ARBRES

11. Du fait de leur coefficient élevé de surface littorale par rapport à la superficie totale, ainsi que des distances relativement brèves entre les terres élevées et les zones côtières, les forêts et les arbres jouent, dans les PEID, un rôle de protection de l'environnement particulièrement important, rôle dont l'utilité dépasse souvent leur valeur marchande :

D. LES LIENS AVEC LE TOURISME

12. Le tourisme est l'une des sources de revenu les plus importantes de bon nombre de PEID, où l'on voit s'accroître l'intérêt pour le tourisme basé sur la nature ou l'écologie. Bien que les forêts soient rarement la première source d'attraction pour les visiteurs de ces îles, elles sont bien placées pour compléter l'agrément des sites de plongée et autres attractions principales. C'est ainsi que Pohnpei (dans les Etats fédérés de Micronésie), Dominique, la Jamaïque et Sainte-Lucie figurent parmi les Etats insulaires ayant accompli des efforts pour développer leur potentiel touristique en zone forestière. Les forêts côtières, en préservant la santé des récifs coralliens, lesquels, à leur tour, protègent les plages sablonneuses contre l'érosion, jouent un rôle indirect mais essentiel dans l'activité touristique de certains Etats insulaires.

E. LA NÉCESSITÉ D'UNE APPROCHE INTÉGRÉE EN MATIÈRE DE CONSERVATION ET DE MISE EN VALEUR DES FORÊTS

13. L'importance et la variété des fonctions assumées par les arbres et les forêts dans les petites îles justifient que l'on adopte une approche globale et intégrée en matière de conservation et de mise en valeur des forêts, approche qui doit tenir compte non seulement des avantages directs que l'on peut obtenir des forêts, mais également de leurs liens avec les écosystèmes naturels associés et autres secteurs de l'économie.

III. LES PRINCIPAUX OBSTACLES À LA GESTION DURABLE DES FORÊTS

14. Les petits Etats insulaires en développement présentent, entre eux, des différences considérables aux plans géographique, biologique, social, culturel et économique. Toutefois, ils sont confrontés à des obstacles similaires lorsqu'il s'agit d'utiliser leurs ressources forestières dans une perspective durable, à savoir: 15. Enfin, les longues périodes nécessaires à la mise en valeur des forêts augmentent la vulnérabilité aux changements de la demande ou à l'évolution du cadre législatif (régissant le régime foncier, par exemple) ainsi que le risque d'échecs dus aux catastrophes naturelles, aux ravageurs et aux maladies. Tous ces éléments risquent de décourager de façon grave les activités de boisement ainsi que la gestion durable des forêts de la part du secteur privé.

IV. ACTIVITÉS RÉCENTES, APPUYÉES PAR LA FAO, DU SECTEUR FORESTIER DANS LES PETITS ÉTATS INSULAIRES EN DÉVELOPPEMENT

16. Les activités suivantes ont été entreprises ou devraient l'être à brève échéance:

V. PLAN D'ACTION PROPOSÉ

17. Un projet de Plan d'action destiné à assurer la gestion durable des terres, des eaux et des forêts ainsi que la protection du milieu naturel des PEID a été formulé pour être soumis à la Conférence ministérielle. Ce Plan comporte cinq domaines d'action principaux, à savoir:
  1. L'adaptation à l'évolution du contexte mondial des échanges commerciaux
  2. La progression vers une agriculture plus intensive, plus diversifiée et plus durable
  3. La satisfaction des besoins des pêcheries
  4. La gestion durable des terres, des eaux et des forêts ainsi que la protection du milieu naturel
  5. Le renforcement des capacités et des institutions.
18. En ce qui concerne le secteur forestier, les principaux objectifs et activités du projet de plan d'action sont les suivants:

Objectif 4.1: Promouvoir la préservation et l'utilisation durable des ressources en terres et en eau et gérer durablement les ressources forestières.

  1. encourager l'adoption et l'application d'une approche intégrée de la planification de l'utilisation des terres qui tienne compte des liens et des interactions entre les divers écosystèmes et secteurs économiques;
  2. encourager la remise en état et la préservation des terres boisées et des bassins versants et, le cas échéant, améliorer la capacité de production de ces ressources et assurer des pratiques durables en matière de gestion et d'exploitation forestières;
  3. lutter contre la dégradation des terres et renforcer la protection des côtes grâce, notamment, à des activités intensifiées de préservation des sols, de boisement et de reboisement;
  4. encourager l'adoption de systèmes agroforestiers et la mise au point d'essences forestières polyvalentes résistant aux ravageurs, aux maladies et aux cyclones;
  5. assurer la planification intégrée des environnements terrestres et marins, afin de prévenir leur dégradation et d'exploiter pleinement de manière rationnelle le potentiel de la base de ressources naturelles, notamment pour l'écotourisme.
Objectif 4.2: Renforcer la protection de l'environnement.

      a.  renforcer la base d'informations nécessaire au suivi de l'environnement et intégrer les valeurs et préoccupations
           écologiques au processus de développement;

      c.  appliquer, ratifier ou signer, selon qu'il conviendra, les conventions internationales telles que la Convention des
           Nations Unies sur la lutte contre la désertification, la Convention sur la diversité biologique et la Convention-cadre
           des Nations Unies sur les changements climatiques, ainsi que le Protocole de Kyoto; adopter si besoin est une
           législation nationale pour appliquer ces conventions.

Objectif 4.3: Améliorer la préparation aux catastrophes.

      a. atténuer la vulnérabilité des pays face aux catastrophes naturelles, aux fluctuations climatiques, aux incendies de
          forêts, aux ravageurs et aux maladies, ainsi que l'impact de ces catastrophes naturelles, en formulant des stratégies
          de préparation aux catastrophes et d'atténuation de leurs effets;

      c. s'efforcer de préserver les zones de mangroves qui assurent une protection contre les raz-de-marée et
          les tempêtes.

Objectif 5.1: Créer et/ou renforcer les capacités nationales dans le contexte de l'Accord sur l'agriculture du Cycle d'Uruguay.

      b. renforcer les capacités nationales de formulation de politiques pour les secteurs agricole, halieutique et les
          capacités  d'analyse pour évaluer l'impact des changements politiques proposés par l'OMC;

Objectif 5.2: Renforcer les services de soutien à l'agriculture.

       c. améliorer la disponibilité du crédit et l'accès au crédit, de façon à promouvoir les produits non traditionnels;

       e. renforcer les organismes nationaux s'occupant des forêts et améliorer la coordination entre ces organismes et
          d'autres organismes nationaux connexes, de façon à renforcer leur collaboration et à l'occasion de programmes
          d'assistance financés par des sources extérieures.

Objectif 5.3: Fournir un cadre cohérent pour une gestion durable des ressources naturelles et la protection de l'environnement.

  1. se doter d'une législation appropriée en matière de protection de l'environnement et de gestion des ressources naturelles, couvrant les ressources en terre, en eau et en forêts, la protection des végétaux et la santé animale, les changements climatiques, la désertification, la biodiversité, la faune sauvage et les ressources génétiques, les zones protégées et les habitats critiques, la gestion intégrée des zones côtières et la préservation de l'environnement marin, ainsi que la conservation et la gestion des pêches dans les zones placées sous leur juridiction nationale et, le cas échéant, en haute mer, ou renforcer cette législation si elle existe déjà, et en assurer l'application;
  2. encourager l'adoption d'approches intégrées de la gestion des ressources naturelles, afin d'atténuer les impacts intersectoriels négatifs;
  3. intégrer les politiques forestières nationales dans un cadre plus vaste de gestion des ressources naturelles au niveau national;
  4. décourager les pratiques agricoles non durables, le déboisement non contrôlé, les pratiques de pêche destructives et la surpêche;
  5. élaborer des mesures pour atténuer les pertes de diversité biologique;
  6. créer, selon qu'il conviendra, des bases de données et des systèmes d'information pertinents et appuyer la collaboration régionale, y compris le partage d'informations et de technologies entre pays insulaires.
19. Le coût indicatif total de mise en oeuvre de ce plan est de 180 millions de dollars E.-U., dont 50 pour cent et 20 pour cent respectivement seraient fournis par les secteurs privé et public nationaux. Le solde serait apporté par la communauté internationale au moyen de dons et d'aide fournie à des conditions de faveur.

1
Environnement et ressources naturelles dans les petits Etats insulaires en développement. Production durable, intensification et diversification de l'agriculture, de la foresterie et des pêches dans les petits Etats insulaires en développement. Problèmes que doivent affronter les petits Etats insulaires en développement dans le domaine des échanges commerciaux.

2
Allant de 20 km2 (Nauru) à plus de 450 000 km2 (Papouasie-Nouvelle-Guinée).

3
Les chiffres dont on dispose font état d'un quasi-triplement de la surface forestière au Cap-Vert, soit de 16 000 ha à 47 000 ha, correspondant à une augmentation annuelle de 24 pour cent.

4
A titre d'exemple, le fruit du jacquier, les bananes et plantains, le cacao, la noix de cola, le café, la mangue, la papaye, la goyave et l'avocat. En outre, des denrées de base comme l'igname et le niébé existaient sans doute, dans leur forme originale, à la lisière des forêts, tout comme le riz sauvage trouve son origine dans les zones marécageuses des forêts. Enfin, les palmiers à huile et l'arbre à beurre sont également des sources importantes d'alimentation dans les zones forestières et boisées.

5
A l'île Maurice, en République dominicaine, en Haïti, en Jamaïque et à Fidji, plus de 30 pour cent des espèces végétales d'ordre supérieur sont classées comme endémiques. Aux îles Salomon, le pourcentage des espèces ornithologiques considérées comme endémiques est de 24 pour cent et de 20 pour cent à Fidji. Les Etats présentant un pourcentage élevé de mammifères endémiques sont l'île Maurice (50 pour cent), les îles Salomon (36 pour cent) et Fidji (25 pour cent).

6
La Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Suriname et le Guyana constituent des exceptions notables.

7
Selon le rapport produit en 1990 par le Bureau du coordonnateur des Nations Unies pour le secours en cas de catastrophe sur l'impact économique des catastrophes qui se sont produites au cours des vingt dernières années, sur 25 des pays les plus exposés à ces désastres, 13 sont des PEID.