APRC/00/5


 

VINGT-CINQUIÈME CONFÉRENCE RÉGIONALE DE LA FAO POUR L'ASIE ET LE PACIFIQUE

Yokohama (Japon), 28 août - 1er septembre 2000

RÉPERCUSSIONS ET DÉVELOPPEMENT DES BIOTECHNOLOGIES

Table des matières


I. INTRODUCTION

II. SITUATION ACTUELLE ET PERSPECTIVES DES BIOTECHNOLOGIES AGRICOLES DANS LA RÉGION ASIE-PACIFIQUE

III. INITIATIVES BILATÉRALES ET MULTILATÉRALES RÉCENTES DANS LE DOMAINE DES BIOTECHNOLOGIES DANS LA RÉGION ASIE-PACIFIQUE

IV. PROBLÈMES ET PRÉOCCUPATIONS POTENTIELS

V. LE RÔLE DE LA FAO DANS LA RÉGION

VI. CONCLUSIONS


 

I. INTRODUCTION

1. L'agriculture doit être en mesure de nourrir une population croissante qui devrait atteindre huit milliards d'individus en 2020. Le taux de croissance démographique baisse régulièrement, mais l'augmentation en valeur absolue peut être telle qu'avec les techniques actuelles, la capacité de charge des terres agricoles pourrait bientôt être atteinte.

2. La région Asie-Pacifique représente plus de 56 pour cent de la population mondiale et 73 pour cent des ménages d'agriculteurs du globe. Mais elle n'a que 31 pour cent des terres arables, soit 0,28 hectare par habitant, contre 1,44 hectare dans le reste du monde. Néanmoins, elle a une bonne capacité d'irrigation. Quelque 61 pour cent des terres irriguées du monde se trouvent dans cette région, où près d'un tiers des terres arables est irrigué.

3. En 1998, la production agricole de la région représentait 41 pour cent de la production céréalière mondiale, 41 pour cent de la production mondiale de racines et tubercules, 36 pour cent de la production mondiale de fruits et 60 pour cent de la production de légumes. Entre 1988 et 1998, ces productions ont augmenté beaucoup plus rapidement que dans d'autres régions; la production céréalière a progressé de 2,1 pour cent, contre 0,8 pour cent dans le reste du monde. La production de viande de la région représentait 38,4 pour cent de la production mondiale, tandis que la production laitière équivalait à 26,4 pour cent de la production mondiale. La production de l'élevage a aussi augmenté plus rapidement, avec un taux de croissance de 6,2 pour cent pour la viande et 4,2 pour cent pour le lait, contre 0,6 et 0,9 pour cent respectivement pour la viande et le lait dans le reste du monde. En 1997, la région représentait 45 pour cent de la production halieutique mondiale; non seulement elle a eu la plus grande partie de la production aquacole mondiale (90 pour cent), mais elle a connu également un taux de croissance élevé de 11 pour cent, contre 4,1 pour cent dans le reste du monde entre 1987 et 1997.

4. La mise au point et l'adoption de technologies améliorées, ainsi que des politiques et programmes appropriés des gouvernements, ont favorisé les taux de croissance plus élevés de la production. Les rendements céréaliers moyens de la région s'élevaient à 3 197 kg/ha, contre 2 795 kg/ha dans le reste du monde. De fait, la croissance de la production céréalière de la région que l'on a enregistrée pendant les dix dernières années tenait essentiellement à une augmentation des rendements, tandis que les superficies n'ont pas progressé, et ont même baissé. Cette tendance doit être maintenue car il n'est guère possible d'étendre les superficies des terres arables.

5. Malgré la forte croissance de la production alimentaire et agricole dans la région que l'on a enregistrée depuis 25 ans, 525 millions de personnes, c'est-à-dire à peu près un cinquième de la population de la région, souffrent de malnutrition chronique. La population des pays en développement de l'Asie devrait atteindre 3 725 milliards en 2010, et représenter environ les deux tiers de la population des pays en développement. Même si le taux de croissance baisse, la population augmentera encore de plus de 50 millions de personnes par an. D'ici à 2010, on prévoit que le nombre de personnes souffrant de malnutrition tombera à 70 millions en Asie de l'Est et à 200 millions en Asie du Sud, contre 250 millions et 270 millions respectivement en 1988/90. Par conséquent, si le nombre de personnes souffrant de malnutrition dans les pays en développement d'Asie va considérablement baisser, quelque 43 pour cent des personnes souffrant de malnutrition dans le monde seront dans cette région.

6. Si la nécessité d'intensifier encore la production agricole dans la région est évidente, il va falloir modifier les stratégies d'intensification pour éviter les effets négatifs observés par le passé. L'utilisation courante de variétés récemment mises au point à rendement élevé, l'expansion des superficies irriguées et l'utilisation accrue d'engrais minéraux ont permis de faire progresser les rendements depuis 30 ans. Une utilisation accrue mais inefficace de l'irrigation et des engrais minéraux a cependant eu des effets indésirables tels que la salinisation des sols et le lessivage des éléments nutritifs. Avec l'intensification, l'incidence des organismes nuisibles et des maladies a également augmenté. De surcroît, près de 70 pour cent des terres sont cultivées en sec et sont donc assujetties aux irrégularités de la mousson et autres stress abiotiques et n'ont en général pas bénéficié de la "révolution verte", ce qui a accentué l'inégalité.

7. Le déboisement inconsidéré visant à satisfaire des besoins sans précédent en matière d'alimentation et de développement, a provoqué toute une série de problèmes d'environnement et de dégradation des sols. Dans la seule Asie du Sud-Est, on estime que l'on déboise quelque 5 000 ha/jour de forêts tropicales. La région abrite des mégacentres de diversité biologique, en particulier dans les écosystèmes de forêts naturelles, qui constituent sans conteste le centre principal de la diversité biologique terrestre. L'adoption courante d'un petit nombre de variétés récemment mises au point, souvent apparentées, et le déboisement ont entraîné l'érosion rapide de la diversité biologique dans la région. La dégradation des sols, l'accroissement de la vulnérabilité génétique et l'intensification de l'incidence des insectes nuisibles, des maladies et des adventices ont abouti à des cas de plus en plus fréquents de stagnation, voire de baisse des rendements, de la productivité et de la rentabilité des principaux systèmes agricoles.

II. SITUATION ACTUELLE ET PERSPECTIVES DES BIOTECHNOLOGIES AGRICOLES DANS LA RÉGION ASIE-PACIFIQUE

8. Compte tenu de l'évolution et des défis décrits plus haut, il est certain qu'il faut considérablement améliorer les techniques actuelles de production pour maintenir le mécanisme d'intensification de la production vivrière et agricole afin de nourrir les populations de la région. L'empiétement sur les terres marginales et les écosystèmes fragiles, le déboisement, l'érosion de la diversité biologique et la détérioration de l'environnement doivent être non seulement évités, mais encore enrayés, pour que l'on puisse parvenir à une production agricole améliorée et durable. La «révolution verte» a permis d'accélérer la production vivrière et agricole, et en particulier céréalière. Cependant, ses effets sont en train de s'atténuer. Si elles sont correctement associées à d'autres technologies pour la production vivrière, les biotechnologies peuvent être un moyen de déclencher la nouvelle «révolution verte». Elles offrent de grandes possibilités d'améliorer la production alimentaire et agricole, la qualité et la valeur nutritionnelle, d'éviter les pertes avant et après récolte et d'opérer la dépollution biologique et l'amélioration de l'environnement.

9. Dans le cadre de l'intensification de l'utilisation des biotechnologies dans le secteur de l'agriculture asiatique, plusieurs caractéristiques confèrent des avantages comparatifs à la région. D'abord et surtout, la richesse de la diversité biologique et de l'écosystème. Ensuite, plusieurs pays de la région possèdent des ressources humaines qualifiées et une infrastructure satisfaisante pour entreprendre une recherche-développement biotechnologique de pointe. De plus, la population nombreuse, en particulier les femmes en mesure de maîtriser des techniques biologiques simples telles que la culture tissulaire, fournissent une réserve immense de main-d'œuvre relativement peu coûteuse. Enfin, la principale matière première industrielle des zones rurales de la plupart des pays d'Asie est constituée par la biomasse agricole issue des végétaux, des animaux, du poisson ou des arbres, qui offre de grandes possibilités de préparer des produits à valeur ajoutée.

10. La progression future de la production agricole de la région doit essentiellement passer par des augmentations des rendements. Pour obtenir celles-ci, on peut i) limiter le plus possible les pertes avant et après récolte; ii) accroître les rendements effectifs pour les rapprocher du potentiel actuel de production; et iii) augmenter le potentiel de production. Ces augmentations de rendement doivent s'accompagner d'améliorations judicieuses de la qualité, de la productivité, de la rentabilité et de la durabilité.

11. Les biotechnologies sont déjà appliquées aux options ci-dessus dans la région. Par exemple, on utilise des techniques de cultures in vitro pour les pommes de terre, le manioc et les cultures de plantation, des haploïdes pour le riz, des trousses de diagnostic pour l'identification des maladies, des vaccins nouveaux et recombinants et le transfert d'embryons. Parmi les autres exemples, il faut citer une productivité accrue du poisson par l'inversion du sexe, la manipulation des chromosomes pour l'induction de la polyploïdie, et l'induction de la reproduction améliorée et l'hypophysation, l'hybridation, par exemple du poisson-chat, l'utilisation de probiotiques dans les aliments et dans les étangs d'élevage et la gestion de la santé des poissons. Dans certains pays de la région, la production commerciale de coton et de soja transgéniques progresse rapidement. Ces techniques pourraient encore être affinées, uniformisées et rentabilisées pour que leur transfert et leur adoption par la majorité des petits agriculteurs soient améliorés.

12. Les techniques de cultures tissulaires de végétaux sont particulièrement appropriées pour améliorer la production agricole dans la région. Des plantes transgéniques visant à améliorer les rendements, l'adaptabilité et la qualité sont en cours de mise au point pour plusieurs plantes cultivées, à la fois dans des pays développés et dans plusieurs pays en développement de la région, et pourraient être commercialisées à l'avenir. La première contribution des biotechnologies à l'amélioration des rendements sera obtenue par la protection des plantes contre les maladies et organismes nuisibles, ce qui permettra de diminuer les pertes et de réduire le plus possible l'utilisation de produits agrochimiques toxiques. Par exemple, en 1997, les producteurs australiens de coton ont semé 60 000 hectares de coton Bt - INGARD, ce qui a permis de réduire de près de 70 pour cent le nombre de pulvérisations d'insecticides nécessaires pour venir à bout du ver de la capsule, sans parler de l'augmentation globale des rendements.

13. C'est le riz, l'une des principales cultures de la région, qui va probablement bénéficier le plus de l'évolution des biotechnologies. La production d'haploïdes et les techniques d'isolement et culture d'embryons sont déjà couramment recherchées et exploitées pour l'amélioration de la production de riz. Le génie génétique a produit une lignée génétiquement modifiée de riz dont les grains contiennent du bêtacarotène, un composé qui est transformé en vitamine A dans le corps humain. Les chercheurs ont aussi mis au point un riz transgénique dont l'endosperme a une teneur accrue en fer. La combinaison de la provitamine A et du fer dans le riz pourrait améliorer la santé de milliards de pauvres dans la région Asie-Pacifique. Des études de la sélection assistée par des marqueurs moléculaires, par la technique des empreintes génétiques pour l'identification de la variation génétique des populations d'organismes nuisibles, d'agents pathogènes et de riz, la transformation du protoplaste et la production d'organismes transgéniques pour l'introduction de gènes nouveaux sont en cours. Des lignées de riz obtenues par génie génétique, résistantes au virus de tungro et au flétrissement bactérien sont actuellement mises au point à l'Institut international de recherches sur le riz (IRRI). Parmi les autres premiers succès attendus, il faut citer des hybrides transgéniques de brassica et de tournesol, et des pommes de terre et du soja résistant aux virus. Les marqueurs moléculaires pour l'étiquetage des gènes conférant une résistance à la rouille et à la pourriture des feuilles du blé ont été identifiés et sont utilisés pour incorporer plusieurs gènes conférant une résistance afin de constituer des lignées à résistance durable et multiple à l'Institut indien de recherche agronomique (IARI). Il existe également des possibilités précises de mettre au point des pesticides biologiques, des agents de lutte biologique et des engrais biologiques issus des biotechnologies. Des organismes transgéniques ont également été mis au point pour permettre d'allonger la durée de conservation et de réduire les pertes après récolte, en particulier pour les fruits et légumes.

14. En ce qui concerne la production animale, étant donné que plusieurs pays de la région ont uniformisé l'ovulation multiple et le transfert d'embryon et sont en mesure de produire des populations reproductrices suffisantes, il faudrait lancer un réseau régional de coopération sur les systèmes d'amélioration des troupeaux. Étant donné la grande importance socio-économique des buffles dans les pays d'Asie, un programme de coopération dans ces pays sur les biotechnologies appliquées aux buffles et notamment l'amélioration de l'efficacité du transfert d'embryon et le lancement d'un projet sur le génome du buffle seraient tout à fait appropriés.

15. Dans le domaine des pêches, la capacité régionale de production et de mise en commun des informations sur les technologies génétiques et la gestion de la santé des poissons, par exemple les vaccins et les techniques de diagnostic, devraient être améliorées pour favoriser une utilisation rentable et courante de ces produits. L'emploi de biotechnologies pour la production d'aliments pour poissons issus des ressources locales stimulerait encore et alimenterait le secteur aquacole de la région, qui est en plein essor.

16. En foresterie, y compris l'agroforesterie, la pertinence et l'efficacité des techniques biologiques récentes, en particulier celles qui sont utilisées pour la multiplication végétative in vitro pour diverses utilisations devraient faire l'objet d'une analyse critique, compte tenu de la qualité génétique intrinsèque et de l'adaptation du matériel de reproduction. Dans le domaine forestier, les biotechnologies récentes ne sont utiles que si elles sont employées comme des outils dans le cadre de programmes rationnels de conservation, de sélection ou d'amélioration. Lorsque ces programmes à long terme sont mis en place, en général pour des essences présentant une importance commerciale telles que les peupliers, les biotechnologies peuvent offrir des options supplémentaires séduisantes, en particulier pour la lutte contre les organismes nuisibles et les maladies.

17. Les biotechnologies microbiologiques offrent des possibilités de constituer une valeur ajoutée aux ressources de la biomasse agricole et d'améliorer le diagnostic pour la recherche-développement visant à améliorer la qualité et la sécurité sanitaire des aliments, en particulier fermentés, couramment consommés par les ruraux pauvres. En Thaïlande, par exemple, les techniques d'amplification aléatoire polymorphique de l'ADN (RAPD) sont appliquées pour identifier avec précision et sélectionner les souches microbiennes servant aux cultures initiales et aux banques de cellules pour la production d'aliments fermentés.

18. Une grande percée scientifique a été réalisée dans le décodage de la séquence du génome du riz jusqu'au niveau d'un «working draft». Réalisé pour la première fois pour une plante cultivée, et pour la plante cultivée vivrière et de subsistance la plus importante du monde, cette découverte permettra de connaître beaucoup mieux la quasi-totalité des gènes du riz, bien que certains détails ne soient pas encore connus. Le décodage fournit de grandes possibilités d'amélioration génétique du riz. Notre connaissance de la maîtrise des rendements, de la résistance aux organismes nuisibles, de l'hétérosis, de la qualité et de l'adaptabilité à des milieux naturels sera considérablement enrichie. Le séquençage des gènes du riz, fondé sur le concept de la synténie, est essentiel pour comprendre les structures génomiques du blé, du maïs, de l'orge, du mil chandelle, du sorgho et d'autres graminées.

19. Il est à noter que la réalisation du séquençage du génome du riz a été possible grâce à un partenariat entre une institution universitaire et une société privée, laquelle fournira gratuitement ses fiches de séquençage du riz ainsi que les outils utilisés pour le séquençage au projet international de séquençage du génome du riz par l'intermédiaire du Ministère de l'agriculture, des forêts et des pêches du Gouvernement japonais, instance chef de file du projet. Neuf autres membres sont associés au projet : Canada, Chine, France, Inde, République de Corée, Taïwan Province de Chine, Thaïlande, Royaume-Uni et États-Unis. Le «working draft» aidera à mener à bien le projet de séquençage du génome du riz beaucoup plus tôt et à moindre coût.

20. La région produit de grandes quantités de noix de coco, de palmiers à huile, de pois cajan, de jute et de buffles. Ce sont des produits qui ont une grande valeur vivrière et non vivrière localement, mais qui n'ont pas une grande importance économique pour les marchés à forte intensité de capital des pays industrialisés, que l'on qualifie souvent d'«orphelins», et qui devraient retenir toute l'attention des spécialistes locaux des biotechnologies.

21. Le secteur public de plusieurs pays d'Asie dispose de ressources et de crédits budgétaires considérables pour renforcer la recherche-développement biotechnologique. Étant donné que la recherche biotechnologique est très coûteuse, et que la capacité locale en matière de recherche de pointe est essentielle pour assurer la durabilité des progrès réalisés en matière d'application des nouvelles technologies, les gouvernements doivent affecter des budgets suffisants à l'élaboration des biotechnologies et veiller à l'utilisation tout à fait judicieuse des fonds conformément à des priorités bien choisies.

22. Le secteur privé opère aussi dans le domaine des biotechnologies dans certains pays. Des politiques et mesures appropriées doivent être arrêtées pour favoriser la participation du secteur privé dans ce domaine et instaurer des liens de synergie entre les secteurs public et privé. Le rôle important du secteur privé et le fait que bon nombre des nouveaux produits et procédés sont protégés par des droits de propriété intellectuelle sont significatifs dans le contexte de la recherche-développement biotechnologique et ont des incidences sur l'utilisation et la mise au point de biotechnologies dans les pays en développement. Afin de favoriser l'équité et une collaboration de synergie entre les secteurs public et privé, il faudrait élaborer et adopter des mécanismes permettant de reconnaître et de récompenser les innovations officielles et non officielles.

23. Malgré leur grand potentiel, en particulier leur rapidité et leur précision pour l'obtention du résultat recherché, les biotechnologies doivent être considérées essentiellement comme un outil qui complète l'efficacité des approches classiques adoptées pour résoudre les problèmes. Les pays devraient avoir des mécanismes permettant d'établir un ordre de priorités et de parvenir au dosage des technologies les plus appropriées pour atteindre leurs objectifs. À cet égard, il faut créer dans chaque pays les capacités, politiques et infrastructures qui conviennent pour tirer tout le parti des technologies nouvelles et récentes de façon judicieuse et rationnelle afin de ne laisser passer aucune occasion.

III. INITIATIVES BILATÉRALES ET MULTILATÉRALES RÉCENTES DANS LE DOMAINE DES BIOTECHNOLOGIES DANS LA RÉGION ASIE-PACIFIQUE

24. Les programmes nationaux des pays en développement d'Asie en matière de biotechnologies sont renforcés par divers programmes bilatéraux et multilatéraux. L'essentiel de l'assistance extérieure est propre à chaque pays et principalement orientée vers la fourniture d'infrastructures, de matériel et de formations universitaires de troisième cycle. L'aide multilatérale du PNUD, de la FAO, de la Banque mondiale, de l'ONUDI et de la Banque asiatique de développement est la plus importante. En outre, les agences de coopération pour le développement outre-mer telles que la JICA (Japon), l'ACIAR (Australie) et l'USAID (États-Unis) sont très actives. Les activités régionales/internationales suivantes en matière de biotechnologies sont importantes.

Programme FAO/PNUD de gestion des ressources agricoles centré sur l'exploitant - Élément biotechnologies et diversité biologique en Asie

25. Lancé en 1993, le Programme FARM visait à donner aux agriculteurs les moyens de tirer le meilleur parti de leurs ressources naturelles tout en les conservant de façon intégrée par l'utilisation de technologies appropriées pour assurer un développement durable. L'élément biotechnologies et diversité biologique a trois principaux objectifs: i) mise en place d'un réseau régional de bio-informatique; ii) évaluation et application de biotechnologies pour la protection intégrée, les systèmes d'agriculture pluviale et l'agroforesterie; et iii) établissement de liens entre l'application de biotechnologies et la conservation et l'utilisation rationnelles de la diversité biologique. Huit pays (Chine, Inde, Indonésie, Népal, Philippines, Sri Lanka, Thaïlande et Viet Nam) ont participé à ce réseau régional coordonné par le Département des biotechnologies du Gouvernement indien. L'ONUDI était l'un des agents coopérants/d'exécution et a assuré le contrôle de l'élément bio-informatique. Le Programme FARM s'est achevé en octobre 1998.

Projet FAO/PNUD de réseau de mise au point de biotechnologies pour la production et la santé animales

26. Ce projet régional a été opérationnel de 1989 à 1993. Huit pays (Chine, Inde, Indonésie, Malaisie, Pakistan, Philippines, République de Corée et Thaïlande) y ont participé. Il avait les objectifs immédiats suivants:

Le Réseau de biotechnologies du riz de la Fondation Rockefeller

27. Opérationnel depuis 1984, le Réseau a été un programme très actif et très réussi dans la région. Il a deux objectifs: créer des biotechnologies applicables au riz et grâce à elles, produire des variétés améliorées de riz adaptées aux besoins des pays en développement; et veiller à ce que les spécialistes des pays en développement sachent utiliser les techniques et les adapter à leurs propres objectifs. Environ 200 chercheurs confirmés et 300 chercheurs stagiaires de tous les principaux pays producteurs de riz d'Asie et d'un certain nombre de pays industrialisés participent au Réseau.

Centre international de l'ONUDI pour le génie génétique et la biotechnologie (CIGGB)

28. Le Centre a deux laboratoires, l'un à Trieste (Italie) et l'autre à New Delhi (Inde). Le laboratoire de New Delhi a un programme en cours de biotechnologies agricoles, en particulier de biologie moléculaire végétale, et recherche des applications des biotechnologies aux stress biotiques et abiotiques du riz et des autres cultures importantes de la région. Depuis 1994, le Centre est autonome et il élabore son programme et sa stratégie sous la direction de son Conseil d'administration et d'autres organes.

Autres programmes

29. Un projet de l'ANASE sur les biotechnologies (financé par les États Membres de l'ANASE et par le Gouvernement australien) est actif depuis quelques années. Il fournit un appui à plusieurs sous-projets intégrés dans les pays de l'ANASE. Ces sous-projets sont consacrés à l'utilisation des hydrates de carbone que contiennent les sous-produits agricoles, et l'identification des produit naturels de valeur issus d'espèces végétales et indigènes, tels que l'amidon du sagoutier (Metroxylon sagus).

30. Le Centre d'application des biotechnologies du manioc, placé sous les auspices de la Direction générale de la coopération internationale des Pays-Bas, est une autre initiative internationale très importante pour les pays d'Asie. Il vise à modifier le manioc grâce aux moyens biotechnologiques de façon à mieux répondre aux besoins des petits producteurs et transformateurs de manioc.

31. Deux des centres internationaux de recherche agricole (CIRA) du Groupe consultatif de la recherche agricole internationale (GCRAI), à savoir l'IRRI et l'Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT), qui ont tous deux d'importants programmes de biotechnologies, ont leur siège dans la région Asie-Pacifique. L'IRRI a un important programme de biotechnologies du riz et il interagit avec le Système national de recherche agronomique (NARS) dans la région et avec le Réseau de biotechnologies du riz de la Fondation Rockefeller. Mises à part les activités de formation, il a partagé ses lignées de sélection obtenues grâce à des techniques de pointe, notamment de matériel génétique de riz hybride. L'ICRISAT a axé ses efforts sur l'amélioration de protocoles de culture in vitro pour les cultures dont il est chargé et sur la production de matériel de présélection grâce à l'hybridation éloignée. Les deux centres utilisent l'isolement et la culture d'embryons, la culture d'anthères, la sélection assistée par les marqueurs moléculaires et les techniques de transformation à divers degrés. Le Centre international d'amélioration du maïs et du blé (CIMMYT), qui a son siège à Mexico, a néanmoins formé des chercheurs de la région Asie-Pacifique aux biotechnologies du maïs et du blé et participe à des réseaux biotechnologiques régionaux.

32. Le Service des biotechnologies du Service international de la recherche agronomique nationale (SIRAN) avec le parrainage du Japon, a aidé certains pays d'Asie à former des ressources humaines appropriées pour gérer des programmes ou instituts de recherches biotechnologiques. Des cours spécialisés ont été élaborés pour améliorer la capacité de gestion et la compétence des gestionnaires en vue de mettre au point des stratégies, de fixer des priorités, de gérer les aspects de prévention des risques biotechnologiques et de réglementation, sur la création et le déploiement de ressources, la mise au point de produits, la mise en commun des informations ainsi que la création et la gestion des liens.

33. Un programme asiatique pour l'application des biotechnologies à la petite agriculture, financé par Appropriate Technology International (ATI), en coopération avec le projet NifTAL (fixation de l'azote pour les légumineuses agricoles tropicales), SATE (Small Enterprise Development and Appropriate Technology Europe) et le Département biologie et société de l'Université libre d'Amsterdam, élabore un programme «du laboratoire à la parcelle» sur les biotechnologies mettant l'accent sur les petits agriculteurs. L'objectif global du programme est de favoriser le transfert de biotechnologies agricoles bien au point entre les instituts de recherche et les champs des agriculteurs. Ce programme a son siège au Népal et les pays participants sont les suivants: Bangladesh, Inde, Indonésie, Népal, Philippines, Sri Lanka, Thaïlande et Viet Nam. Les technologies choisies pour le transfert sont notamment la culture de tissus végétaux pour la micromultiplication végétative, les inoculants des plantes et du sol, les pesticides biologiques, et la production de mycélium.

34. Une réunion sur les politiques et programmes semenciers pour l'Asie et le Pacifique, tenue à Bangkok (Thaïlande) du 2 au 6 mai 1999, organisée par l'Association semencière de l'Asie et du Pacifique (APSA) et par le Département thaïlandais de la vulgarisation agricole avec un appui financier et technique du Service des semences et des ressources phytogénétiques de la FAO, a mis en place le Réseau semencier pour l'Asie et le Pacifique (SNAP). Ce réseau de coopération technique, placé sous l'égide de la FAO, jouera un rôle dans l'harmonisation et le renforcement des initiatives en cours pour la conservation et l'utilisation des ressources phytogénétiques ainsi que la production et la distribution de semences dans la région. Les activités de ses groupes de travail techniques sur l'harmonisation des réglementations semencières et sur les technologies des semences sont directement liées à l'application de biotechnologies à la sélection végétale, à la production et à la commercialisation de matériel végétal.

35. Bien que tous ces réseaux régionaux coopératifs sur les biotechnologies aient été ou soient opérationnels dans la région, ils sont appuyés par des financements extérieurs et risquent de disparaître lorsque cet appui cessera. Des mécanismes visant à rendre ces activités durables doivent donc être mis en place. L'un de ces mécanismes peut être la poursuite des activités choisies sous l'égide des associations régionales financées par la FAO telles que l'Association des institutions de recherche agricole de l'Asie et du Pacifique (APAARI), l'Association des institutions de recherche forestière de l'Asie et du Pacifique (APAFRI) et la Commission régionale de la production et de la santé animales pour l'Asie et le Pacifique (APHCA), les États Membres contribuant spécifiquement à des activités convenues coordonnées par un groupe de travail régional sur les biotechnologies.

IV. PROBLÈMES ET PRÉOCCUPATIONS POTENTIELS

A. Fixation des priorités

36. Les pays doivent prendre des décisions quant à savoir quelles biotechnologies sont pertinentes et répondent à leurs besoins. Les compétences en matière de biotechnologies devraient compléter les technologies existantes et être orientées vers les résultats. Étant donné que la recherche biotechnologique est plus coûteuse que la recherche classique, elle devrait donc être orientée vers la solution de problèmes donnés lorsqu'elle offre un avantage comparatif. La recherche et les politiques en matière de biotechnologies doivent aussi viser à répondre aux besoins des pauvres qui constituent la majorité de la population et qui tirent leurs moyens de subsistance de l'agriculture, en particulier dans les zones marginales où il est difficile d'accroître la productivité.

37. Outre les considérations techniques, la fixation de priorités devrait prendre en compte les politiques nationales de développement, les intérêts du secteur privé et les possibilités de commercialisation. Diverses parties prenantes devraient être associées à la formulation de stratégies, politiques et plans nationaux en matière de biotechnologies.

38. Les problèmes agricoles sont interdisciplinaires par nature et les biotechnologies ne sauraient à elles seules les résoudre. Chaque pays devrait décider la proportion de la technologie qui doit être élaborée sur place et la proportion qui doit être importée et adaptée. Un bon dosage de ces deux éléments peut permettre une synergie et réduire à la fois les délais nécessaires et les coûts d'élaboration des biotechnologies et de leurs produits pour la commercialisation. Cependant, l'importation et la commercialisation dépendraient des mesures réglementaires en vigueur, en particulier la prévention des risques biotechnologiques et l'application des droits de propriété intellectuelle.

B. Infrastructures et capacité

39. La recherche en matière de biotechnologies nécessite un personnel qualifié, disposant de laboratoires bien équipés ayant des conditions de travail appropriées, un appui institutionnel organisé et un accès aux autres réseaux et bases de données internationaux. Une base technologique minimale est nécessaire même pour adapter des technologies essayées et mises à l'épreuve ailleurs aux conditions locales de l'environnement et de la production et pour satisfaire aux obligations nationales en matière de prévention des risques biotechnologiques, de dissémination d'OGM et de vente des produits issus de ceux-ci. Dans la plupart des pays en développement, les ressources humaines compétentes pour s'occuper des aspects réglementaires sont généralement insuffisantes. Il faudrait combler cette lacune pour permettre aux pays d'utiliser judicieusement les produits biotechnologiques. Lorsqu'un pays décide d'adopter des biotechnologies, il doit être prêt à garantir un appui financier considérable et régulier.

40. La recherche biotechnologique ne devrait pas se borner à mettre au point un produit en laboratoire. Les résultats ne sont utiles que si l'on parvient à atteindre l'utilisateur final. La recherche biotechnologique a besoin de services actifs et organisés de diffusion et d'institutions et infrastructures appropriées pour en favoriser l'application. Des institutions très variées peuvent être nécessaires selon la technologie. Un mécanisme efficient et efficace de retour d'informations est nécessaire pour maintenir la pertinence des recherches en cours et des procédés de mise au point de technologies.

41. La recherche en matière de biotechnologies crée de grandes quantités de données qui doivent être analysées et interprétées. Il existe des logiciels d'analyse, mais ils nécessitent des moyens informatiques appropriés. L'accès aux technologies de l'information par Internet et aux bases de données existantes est également nécessaire pour limiter les chevauchements, par exemple en ce qui concerne la comparaison des données de séquençage de l'ADN.

42. Pour qu'une recherche soit véritablement utile, il doit y avoir une masse critique de compétences, de connaissances et de moyens. Les biotechnologies ne font pas exception à cette règle. Les personnes qui travaillent de façon isolée n'ont guère de chance de mettre au point un procédé ou un produit; une collaboration s'impose donc à l'intérieur et à l'extérieur de la région.

C. Droits de propriété intellectuelle (DPI)

43. Avec la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995, tous les Membres sont liés par l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). L'article 27 de l'ADPIC, consacré aux objets brevetables, demande aux pays d'octroyer des brevets pour "toutes inventions, de produits ou de procédés, dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elles soient nouvelles, qu'elles impliquent une activité inventive et qu'elles soient susceptibles d'applicables industrielles". L'article 27.3 prévoit l'exclusion des méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales pour le traitement des personnes et des animaux et les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes, mais il oblige les Membres à prévoir la protection des variétés végétales par des brevets, ou par un "système sui generis** efficace, ou une combinaison de ces deux moyens". Les dispositions de cet alinéa devaient être revues en 1999.

44. La plupart des procédés et nombre de produits issus de la recherche biotechnologique sont donc brevetables: "des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir de droits de brevets sans discrimination quant au lieu d'origine de l'invention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont d'origine nationale". Après l'entrée en vigueur de l'Accord en 1995, les pays développés disposaient d'une période de transition d'un an pour introduire les modifications nécessaires des lois; les pays en développement, de cinq ans; et les pays les moins avancés, de 11 ans, avec possibilité de prolongation de la période.

45. Les régimes et les lois relatifs aux droits de propriété ont été mis en place en vue de stimuler l'invention et, en échange de la divulgation d'inventions, ils fournissent un monopole temporaire sur l'information ou le produit protégé par un brevet. La plus grande partie de la recherche visant à la mise au point de méthodes et procédés biotechnologiques s'est déroulée dans les pays industrialisés, très souvent dans des sociétés privées, et les résultats sont brevetés. Les pays en développement se trouvent donc dans une situation où ils peuvent être amenés à payer pour pouvoir utiliser un procédé ou un produit.

46. Les DPI sont essentiels pour la croissance du secteur des biotechnologies. L'absence de protection par un brevet dans un pays peut limiter l'accès aux résultats des biotechnologies provenant d'autres pays, ce qui bloque les investissements de l'étranger. Ces questions sont complexes et elles ont des incidences sur le commerce international, l'investissement technique et l'accès aux produits issus des biotechnologies. Les pays doivent évaluer avec soin leur position et, le cas échéant, introduire une législation comme le prévoit l'accord de l'OMC. En particulier, ils devront évaluer la forme la plus appropriée de protection à octroyer aux obtentions végétales compte tenu de ces incidences.

D. Prévention des risques biotechnologiques, sécurité sanitaire des aliments et environnement

47. La prévention des risques biotechnologiques suppose l'utilisation sans danger et respectueuse de l'environnement de tous les produits et applications biologiques pour la santé humaine, la diversité biologique et la durabilité de l'environnement en faveur d'une meilleure sécurité alimentaire mondiale.

48. Des réglementations appropriées en matière de prévention des risques biologiques, l'évaluation des risques des produits issus des biotechnologies, des mécanismes et instruments permettant de suivre l'utilisation et le respect des dispositions applicables sont nécessaires pour garantir que les biotechnologies et les produits qui en sont issus sont dénués d'effets délétères sur l'environnement ou sur les personnes. Les risques potentiels pour l'environnement des nouveaux produits issus des biotechnologies, principalement les OGM, font craindre qu'en l'absence d'une législation appropriée, des sociétés puissent utiliser les pays en développement pour tester ces produits.

49. Certains des risques potentiels pour l'environnement concernent les organismes nuisibles pour les végétaux. La dissémination de gènes des OGM pourrait entraîner un accroissement du caractère nuisible des espèces sauvages sexuellement compatibles. L'incorporation de gènes nouveaux de résistance aux herbicides dans des végétaux peut accroître la fréquence des adventices résistant à certains produits agrochimiques. L'incorporation de la résistance aux organismes nuisibles dans des plantes devrait être soigneusement évaluée au point de vue du risque d'apparition d'une résistance des organismes nuisibles et d'effets secondaires possibles sur les organismes bénéfiques. Si un OGM est classé «organisme nuisible pour les végétaux», il relève alors de la Convention internationale pour la protection des végétaux.

50. Une autre préoccupation que soulèvent les OGM est la production possible et involontaire de toxines et d'allergènes. La Commission du Codex Alimentarius a été constituée en 1962 pour mettre en œuvre le Programme mixte FAO/OMS sur les normes alimentaires, qui a pour objet "de protéger la santé des consommateurs et d'assurer la loyauté des pratiques suivies dans le commerce des produits alimentaires". Les normes, directives et autres recommandations du Codex sont explicitement reconnues dans l'Accord de l'OMC sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS) et sont également qualifiées de "normes internationales" dans le cadre de l'Accord sur les obstacles techniques au commerce (Accord OTC). La Commission du Codex Alimentarius examine l'élaboration d'une norme générale, qui appliquerait les disciplines fondamentales de sécurité sanitaire et de contrôle des aliments aux aliments issus des biotechnologies. Les avis de consultations antérieures d'experts FAO/OMS dans ce domaine seront utilisés pour définir les conditions à remplir pour les aliments issus des biotechnologies. À cet égard, il faut signaler en particulier le risque de caractère allergisant, le risque de transfert de gènes d'OGM, le pouvoir pathogène découlant de l'organisme utilisé, les considérations nutritionnelles et l'étiquetage.

51. Depuis 1995, un protocole sur la prévention des risques biotechnologiques de la Convention sur la diversité biologique (CDB) axé sur les déplacements transfrontaliers d'organismes vivants modifiés est en cours de négociation. Le protocole vient d'être définitivement mis au point. Les pays doivent être aidés à élaborer la législation appropriée et à mettre au point les organes réglementaires nécessaires pour tous les aspects de la prévention des risques biotechnologiques. La législation nationale doit être conforme aux instruments internationaux et refléter les besoins, aspirations et positions du pays.

E. Diversité biologique

52. La diversité biologique est la principale source de variations utiles pour la sélection et les biotechnologies et constitue un élément important de l'agriculture durable. Sans elle, les biotechnologies deviennent théoriques. De nouvelles techniques ont permis de transférer des gènes d'une espèce, voire d'un règne à l'autre. Les biotechnologies peuvent contribuer à la conservation, à la caractérisation et à l'utilisation de la diversité biologique, la rendant ainsi plus utile.

53. Les techniques telles que les cultures in vitro sont très utiles pour le maintien des collections ex situ de matériel génétique d'espèces cultivées qui font l'objet d'une reproduction végétative (bananes, oignons, ail), des espèces polyploïdes à faible fécondité et des espèces difficiles à maintenir, soit sous forme de semences, soit dans des banques de gènes de terrain. Les techniques correspondantes sont aussi importantes pour la conservation de la diversité biologique animale grâce à la cryoconservation du sperme et des embryons, au transfert d'embryons et à l'insémination artificielle. Cependant, toutes ces techniques présupposent l'existence d'une infrastructure efficace.

54. Les biotechnologies peuvent indirectement réduire la diversité génétique en la supplantant au fur et à mesure que les agriculteurs adoptent des variétés génétiquement uniformes de plantes et d'autres organismes. En même temps, elles accroissent le potentiel de conservation et d'utilisation durables de la diversité. Dans le cas des races animales menacées, par exemple, la cryoconservation et le clonage somatique peuvent renforcer les stratégies traditionnelles de conservation.

F. Substitution des exportations

55. Certains produits (additifs alimentaires, arômes, colorants alimentaires, matières grasses végétales) qui procurent d'importantes recettes d'exportation à certains pays en développement, peuvent être remplacés par des produits ayant des propriétés analogues mais issus de modifications génétiques (par exemple, huile de colza ayant les qualités de l'huile de coco) d'autres plantes cultivées ou de techniques in vitro. Ces produits peuvent faire concurrence aux cultures traditionnelles, modifier la structure actuelle du commerce et, par conséquent, compromettre la sécurité alimentaire de nombreux pays en développement qui sont tributaires des recettes en devises tirées de l'exportation de ces plantes cultivées.

G. Aspects éthiques

56. L'élaboration de biotechnologies n'est pas une question strictement scientifique. Les biotechnologies peuvent susciter des désaccords et des controverses et mettre en évidence des préoccupations morales et éthiques auxquelles il est difficile de remédier. Ces préoccupations découlent, notamment, d'un sentiment de malaise dû au fait que les biotechnologies sont considérées par certains comme une intrusion dans les "mécanismes de la nature et de la création" et qu'elles pourraient comporter la prise de risques pour l'obtention de profits commerciaux. Cependant, lors de la fixation des priorités, toutes les préoccupations doivent être nettement équilibrées, c'est-à-dire qu'il faut à la fois respecter les aspects éthiques et tenir compte des possibilités effectives et potentielles d'accroître les disponibilités alimentaires et de lutter contre la faim.

57. Nombre de problèmes d'ordre éthique font actuellement l'objet d'un examen dans le contexte de la législation relative aux DPI, mais d'autres problèmes demeurent. Étant donné que ces questions sont en grande partie liées au contexte culturel et à la sensibilisation de l'opinion publique, les décisions relatives à l'utilisation de technologies spécifiques doivent tenir compte des réalités socio-économiques.

V. LE RÔLE DE LA FAO DANS LA RÉGION

58. La FAO reconnaît que les biotechnologies offrent des outils puissants de recherche et, en dernier ressort, d'accélération du développement agricole. Elle estime que les biotechnologies récentes devraient être utilisées en complément - et non pas en lieu et place - des techniques classiques pour résoudre les problèmes et que leur application devrait être impulsée par les besoins plutôt que par la technologie.

59. La stratégie de la FAO consiste à maintenir les biotechnologies dans une perspective équilibrée en entreprenant les activités dans le cadre des programmes de recherche nationaux et des priorités fixées grâce à des consultations, au suivi et à des initiatives de programmes, plutôt que d'appuyer l'élaboration de nouveaux programmes indépendants et de structures s'occupant de technologies qui, en réalité, sont des outils correspondant à des disciplines et à des domaines de programme différents.

60. Il incombe à chaque pays de formuler ses propres politiques, priorités, stratégies et programmes pour utiliser les biotechnologies, et de peser les avantages attendus, en tenant compte à la fois des effets négatifs possibles et du risque de ne pas profiter de la technologie. Les pays doivent disposer d'infrastructures, d'un appui financier et de compétences à la mesure de ces responsabilités. La majorité des États de la région Membres de la FAO ne remplissent pas ces conditions préalables et auront besoin d'une aide pour renforcer leur capacité générale de recherche-développement biotechnologique afin de réaliser les potentiels et de relever les défis des nouvelles technologies.

61. Conformément à son mandat, la FAO donnera, sur demande, des avis généraux pour les problèmes liés à l'alimentation et à l'agriculture, assurera la promotion de l'échange d'informations et fournira une assistance technique à ses Membres. Dans la limite des moyens et des ressources dont elle dispose, la FAO s'efforce de concrétiser intégralement les effets positifs des biotechnologies et de limiter le plus possible les effets négatifs éventuels. Il est proposé que l'Organisation concentre ses efforts sur les domaines ci-après, en jouant un rôle de catalyseur, de concert avec les instances appropriées.

A. Avis généraux

62. Les éléments des avis généraux concernent notamment la fixation de priorités, l'affectation de ressources, la législation réglementaire et les normes internationales. Les actions qui peuvent être entreprises par la FAO dans le cadre de ces orientations générales sont proposées ci-après.

Fixation des priorités

63. Aider les États en développement de la région Membres de la FAO à établir des priorités pour les biotechnologies dans le contexte général de leurs besoins et politiques de recherche agronomique. Aider à identifier des technologies appropriées en vue de leur utilisation immédiate et à donner des indications sur leur mise en œuvre et sur les risques correspondants. Des politiques devraient également être élaborées pour favoriser l'association du secteur privé aux biotechnologies dans les pays en développement et pour instaurer une synergie entre les secteurs public et privé.

Affectation de ressources

64. Favoriser la recherche-développement, en particulier les biotechnologies appropriées, pour les cultures et produits orphelins, les races de bétail locales et secondaires, qui sont importantes dans les écosystèmes, l'agriculture et la nutrition des communautés locales et tribales mais qui ne font pas l'objet d'initiatives nationales et régionales importantes.

65. Donner des avis aux pays et les aider à préparer des avant-projets appropriés touchant aux biotechnologies en vue d'un financement par des donateurs.

Législation réglementaire et normes internationales

66. Favoriser la prévention des risques biotechnologiques en aidant les pays à concevoir des réglementations appropriées dans ce domaine.

67. Encourager la mise en commun de procédés et produits biotechnologiques, et aider notamment les pays en développement à se doter de systèmes sui generis efficaces de protection des obtentions végétales.

68. Par l'intermédiaire d'organes appropriés, aider les pays à parvenir à une synergie et à une harmonisation régionales pour les réglementations et procédures touchant à la prévention des risques biotechnologiques imputables aux OGM utiles à l'alimentation et à l'agriculture.

B. Favoriser l'échange d'informations

69. Les pays en développement de la région Asie-Pacifique doivent savoir quelles technologies sont disponibles, ce à quoi elles peuvent servir, connaître les modalités de leur application et les incidences coût-avantage de leur utilisation. La sensibilisation et la mise à disposition d'informations sont des rôles importants pour la FAO.

70. Encourager l'emploi d'outils récents et électroniques d'information, en utilisant des réseaux qui favorisent la propriété commune de l'information, des bases de données interactives faisant l'objet d'un examen critique de confrères, des conférences électroniques sur des thèmes donnés, etc.

C. Assistance technique

71. L'assistance technique se compose notamment d'un volet collaboration institutionnelle et d'un volet renforcement des capacités. Les actions qui peuvent être entreprises par la FAO en collaboration avec d'autres institutions ayant des compétences particulières et avec le GCRAI sont notamment les suivantes:

Collaboration institutionnelle

72. Créer un réseau régional sur les biotechnologies (Bionet Asie-Pacifique) par lequel aider à la mise en place d'un partenariat actif de recherche-développement et de liens entre les institutions biotechnologiques et entre les pays, en mettant l'accent sur une coopération plus étroite entre les secteurs publics et privés.

73. Favoriser, par l'intermédiaire de réseaux et d'avis d'experts, l'utilisation des biotechnologies pour la conduite des cultures et de l'élevage, la détection des organismes nuisibles et des maladies et l'éradication de ceux-ci, par exemple à l'appui du Système de prévention et de réponse rapide contre les ravageurs et les maladies transfrontières des animaux et des plantes (EMPRES), la mise au point de vaccins et des enquêtes sur la diversité génétique.

Renforcement des capacités

74. Aider, en collaboration avec les autres partenaires, à renforcer les capacités des États Membres en matière de biotechnologies et de questions connexes par la coopération technique et la formation. Dans ce contexte, la FAO devrait surtout aider à renforcer les capacités nationales en matière de recherche et d'applications biotechnologiques, comme partie intégrante de la recherche agronomique en général, en axant ses efforts sur l'accroissement et le maintien de la production agricole, y compris sur les terres marginales. La formation en matière de biotechnologies devrait avoir comme objectif de résoudre les problèmes effectifs et de tirer parti des possibilités concrètes.

75. Favoriser l'organisation de colloques, réunions, visites, ateliers et cours sur l'utilisation des nouvelles technologies pour le transfert de technologies et l'accès aux produits issus des biotechnologies.

76. Aider au renforcement des capacités en matière de prévention des risques biotechnologiques, y compris l'évaluation des risques, les questions de droits de propriété intellectuelle, le suivi de la conformité et les questions connexes, conformément aux directives internationales.

VI. CONCLUSIONS

77. Les technologies récentes offrent des possibilités d'améliorer la productivité agricole d'aujourd'hui et de demain. Les biotechnologies pourraient aider à résoudre nombre des problèmes qui limitent la production végétale, animale et halieutique dans les pays en développement de la région Asie-Pacifique. Cependant, les programmes nationaux doivent garantir que tous les secteurs - y compris les populations rurales qui disposent de peu de ressources, en particulier celles des zones marginales où les augmentations de productivité seront plus difficiles à obtenir - bénéficient des biotechnologies.

78. Les compétences en matière de biotechnologies devraient compléter celles des technologies existantes, être orientées vers les résultats et utilisées uniquement pour résoudre les problèmes spécifiques lorsqu'elles offrent un avantage comparatif. La fixation des priorités dans la région devrait aussi tenir compte des politiques nationales de développement, des intérêts du secteur privé et des possibilités du marché. Diverses parties prenantes devraient être associées à la formulation des stratégies, politiques et plans nationaux en matière de biotechnologies.

79. Étant donné que la plus grande partie des recherches en matière de biotechnologies sont effectuées dans les pays industrialisés, très souvent par des sociétés privées, les pays de la région pourraient avoir à payer pour utiliser un nouveau procédé ou produit. Les droits de propriété intellectuelle (DPI) sont essentiels pour la croissance du secteur des biotechnologies et l'absence de protection conférée par un brevet peut limiter l'accès aux résultats des biotechnologies provenant d'autres pays. Les questions sont complexes, et elles ont des incidences sur le commerce, l'investissement technique et l'accès aux produits issus des biotechnologies. En conséquence, les pays de la région doivent évaluer avec soin leur position et, le cas échéant, adopter la législation envisagée dans l'accord de l'OMC. En particulier, ils devront évaluer la forme la plus appropriée de protection des obtentions végétales.

80. Les pays en développement de la région peuvent avoir besoin d'être aidés à élaborer une législation appropriée et à mettre en place des organes réglementaires pour tous les aspects de la prévention des risques biotechnologiques. La législation élaborée dans la région doit être conforme aux instruments internationaux et tenir compte des positions nationales.

81. Malgré les craintes suscitées par les aspects négatifs des biotechnologies, il est essentiel que les pays en développement de la région ne soient pas laissés pour compte dans le processus de développement, ni désavantagés. La FAO, avec ses partenaires, est prête à aider les États Membres à optimiser leurs capacités d'élaboration, d'adaptation et d'utilisation des biotechnologies et des produits qui en découlent pour répondre à leurs besoins et à leur environnement et ainsi améliorer la sécurité alimentaire mondiale et le niveau de vie de tous.

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* Dans ce contexte, on entend par "sui generis" tout système de protection des obtentions végétales autre que les brevets.