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Le teck, essence forestière idéale pour l'Amérique tropicale

Raymond M. Keogh

RAYMOND M. KEOGH est membre du service des forêts et de la faune sauvage d'Irlande. Il a travaillé à titre d'expert FAO dans les plantations de teck aux Antilles.

Les plantations de teck aux Antilles' en Amérique centrale, au Venezuela et en Colombie

Originaire de l'Inde et du Sud-Est asiatique (Birmanie, Thaïlande, Lao), le teck (Tectona grandis) est depuis très longtemps apprécié pour les excellentes propriétés de son bois, qui en font l'une des meilleures essences à usages multiples. Citons, entre autres, sa résistance associée à la légèreté; sa durabilité; sa stabilité dimensionnelle; son absence de propriétés corrosives; sa facilité de séchage et d'usinage; sa résistance aux attaques de termites et de champignons et aux agents atmosphériques; son aspect plaisant. On l'a employé à toutes sortes d'usages tels que construction de ponts et débarcadères, meubles, articles d'ébénisterie, wagons et traverses de chemin de fer, charpentes et travaux de menuiserie; il est très apprécié comme bois de marine, notamment pour les pontages de navires; il convient pour la sculpture et se conserve bien au contact du sol.

C'est dans les années 1840 que furent entreprises les premières plantations de teck en Inde, et que l'on commença à propager cette intéressante essence par reproduction artificielle contrôlée. Les succès obtenus encouragèrent l'extension du teck tant à l'intérieur qu'autour de son aire naturelle, et il s'est finalement répandu dans d'autres pays tropicaux et subtropicaux.

Aux Amériques, tout au moins en Amérique centrale et aux Antilles, les peuplements d'essences feuillues spontanées ont été et sont encore fortement déboisés, sans être reconstitués. Beaucoup de ces essences présentent des problèmes de régénération, soit que leur sylviculture est mal connue, soit, comme dans le cas des méliacées, que des ennemis naturels (Hypsipyla grandella) entravent leur développement. Il y a naturellement des exceptions, mais les ressources de feuillus s'épuisent plus vite qu'elles ne se régénèrent, ce qui ne manquera pas d'accroître dans l'avenir la demande dont font l'objet les autres essences et les plantations de feuillus établies. Cependant, le teck semble être une essence de reboisement idéale pour les régions tropicales et subtropicales d'Amérique qui lui conviennent, en raison de la qualité de son bois, de sa facilité de régénération, de sa rusticité et de son dynamisme, de sa conduite relativement facile en plantation, et enfin et surtout des similitudes qui existent entre les stations d'Amérique et son aire naturelle.

La culture du teck est parfois encouragée en raison des prix exceptionnellement élevés qu'il atteint sur les marchés internationaux. Sa sylviculture et son aménagement ne sont toutefois pas exempts de difficultés, et il y a des aspects sociaux, économiques et autres à prendre en considération lorsqu'on envisage des reboisements avec cette essence. La présente étude est un résumé de travaux effectués exclusivement dans une région qui comprend l'Amérique centrale, les Antilles, le Venezuela et la Colombie. Selon nous, cette région peut être considérée, pour le moment du moins, comme un tout, en raison des similitudes que l'on observe entre les divers pays touchant certains paramètres de croissance et les problèmes techniques, sociaux et économiques. En outre, le nombre de lignées ou de types génétiques introduits est peu élevé (voir références).

Aucune étude d'ensemble sur le teck dans cette région n'a été faite jusqu'à présent, et nous espérons que les informations, et certaines des idées et recommandations que nous présentons ici pourront aider les forestiers à décider s'il convient d'entreprendre un programme de boisement avec cette essence, et aussi encourager ceux qui en ont planté à faire produire leurs peuplements si ce n'est pas encore le cas.

Superficies plantées

La première plantation pure de teck fut établie à la Trinité en 1913 (Brooks, 1941), et c'est probablement la première de la région. On planta peu de teck dans les années qui suivirent, mais en 1928 commença un programme de boisement bien défini (Lamb, 1957). Au début le rythme de plantation était d'environ 80 ha par an; il fut porté à 160 ha en 1940-41, pour atteindre 240 ha en 1953. Bell (1973) indique une expansion annuelle de l'ordre de 280 ha. On estime qu'au total l'île possède au moins 9700 ha de cette essence, soit plus de 70 pour cent des superficies plantées dans toute la région (tableau 1). Dardaine (1972) estime qu'environ 14000 ha de terres forestières conviennent aux plantations de teck à la Trinité.

Tableau 1. Superficies approximatives de plantations de teck en Amérique centrale, dans les Antilles, au Venezuela et en Colombie

Pays

Superficie

Référence

Belize

30

Service forestier, 1978

Colombie

560

Sanin, 1975

Costa Rica

300

Keogh et al. 1978a

Cuba1

200

Cozzo, 1976

Nicaragua

60

Ortega, 1977

Porto Rico

800

Morales, 1977

Salvador

230

Keogh, 1977a

Trinité2

9700

+ 1, 1978

Venezuela

560

Mendoza, 1976

Panama, Honduras3 et autres

1000

++ 2, 1978

Total4

13440


1 Les données relatives à Cuba figurant dans le tableau 1 ont été reproduites avec l'autorisation des éditions Hemisferio Sur, Buenos-Aires (Argentine).

2 La Trinité avait 8500 ha plantés en teck en 1972, et on a estimé qu'il en avait été planté au moins 200 ha par an depuis cette date.

3 Il est difficile d'évaluer les superficies de teck au Panama et au Honduras. La United Fruit Company avait 960 ha au Honduras en 1953 (Chable. 1967), et il y en avait environ 650 ha au Panama en 1969 (Kadambi, 1972). Depuis, beaucoup de peuplements ont été coupés, et les superficies ont diminué. L'auteur a évalué à 1000 ha la superficie restante, mais c'est une estimation très conjecturelle. Toutefois, Tousi l'on ajoute au Panama et au Honduras d'autres pays non mentionnés dans la liste (Jamaïque Haïti, République Dominicaine et plusieurs autres Iles des Antilles), ce chiffre de 1000 ha est probablement au-dessous de la réalité.

4 La superficie totale de 13440 ha peut induire en erreur: elle ne représente pas la situation pour une année déterminée. Cependant on peut avec assez de certitude admettre un chiffre de 13-14000 ha pour la superficie occupée par le teck dans la région en 1978.

En dehors de la Trinité, les boisements n'ont pas connu une importance comparable, et dans au moins trois pays de la région - Honduras, Panama, Costa Rica - les plantations établies par des sociétés bananières ont été en grande partie coupées. Le Belize n'a aucun programme de plantation de cette essence (Forest Service, Belize, 1978); il en est de même du Nicaragua (Ortega, 1977). En dépit de l'intérêt que l'on avait tout d'abord porté au teck à Porto Rico, il semble que les sols de l'île ne conviennent pas à cette essence (Marrero, 1950), et c'est pourquoi il n'est pas prévu d'expansion des reboisements dans les forets domaniales. Le Costa Rica n'a pas de programme précis, bien qu'on y plante du teck chaque année. En El Salvador plus de 50 ha sont plantés annuellement, principalement sur des terrains privés. Les superficies plantées augmentent dans d'autres pays; les chiffres concernant la Colombie, Cuba, le Venezuela, Panama et le Honduras sont incertains, mais ils pourraient excéder 200 ha par an.

D'après les estimations, la superficie totale des plantations de teck de la région se situe entre 13000 et 14000 ha pour 1978 (voir tableau 1). L'auteur a calculé qu'elle augmente d'au moins 300 ha, et peut-être de plus de 450 ha par an. On trouvera au tableau 2 une comparaison avec des estimations concernant diverses régions du monde pour 1965.

Provenances

Un rapport sur les provenances de teck rédigé par l'auteur (Keogh, 1977) fournit des informations séparées pour 12 pays de la région: Trinité, Panama, Honduras, Cuba, Nicaragua, Porto Rico, Venezuela, Costa Rica, Guatemala, Colombie, Belize, Salvador; d'autres pays sont traités très brièvement. En voici quelques extraits: 19 introductions, dans la région considérée, de semences de teck provenant de l'extérieur ont été identifiées; deux d'entre elles n'ont pas germé, et une troisième a, semble-t-il, été détruite. Apparemment, deux introductions au moins ont été faites au dix-neuvième siècle, l'une en provenance de Birmanie et l'autre de l'Inde; peut-être y en a-t-il eu d'autres, mais il est difficile de le savoir. Deux pays de la région ont participé aux essais internationaux de provenances du Centre de semences forestières Danemark/FAO; il s'agit de Cuba et du Venezuela (les provenances de ces deux introductions, réalisées dans un but expérimental, ne figurent pas dans le rapport).

Tableau 2. Répartition des superficies plantées en teck dans le monde en 1965 (ha)

Afrique occidentale

(18600)1

Afrique orientale

(800)

Asie-Sud

219300

Asie-Est et Sud-Est

(40800)

Australasie

900

Amérique latine

(7700)

Proche-Orient

(8200)

Source: Colloque FAO sur les forêts artificielles: Unasylva, Vol. 21 (3-4), no 86-87, 1967.

1 Les parenthèses () indiquent qu'il s'agit de chiffres incomplets.

Les semences provenaient de Birmanie, de Thaïlande, de l'Inde et d'Afrique (Nigéria, Cameroun, Côte-d'Ivoire et Gambie). Les introductions les plus importantes ont été, semble-t-il, celles qui ont été faites entre 1913 et 1916 en provenance du Tenasserim (Birmanie) à la Trinité, et en 1926 en provenance de Sri Lanka (Ceylan) à Summit Gardens (Panama). La race Tenasserim-Trinité est généralement considérée comme une «bonne» provenance. Des semences de ces deux lignées ont été largement distribuées dans la région. D'autres ont été plantées généralement à petite échelle, à l'exception de la lignée provenant de la Trinité et introduite au Honduras en 1927; elle est probablement d'origine birmane, quoique pas nécessairement de la race Tenasserim-Trinité.

Il y a sans doute eu beaucoup de consanguinité entre les sujets relativement peu nombreux des lignées présentes dans la région; parfois de petits lots de graines ont donné peu de descendants, lesquels ont été à leur tour utilisés comme source de semences, et ainsi de suite. D'un autre côté, il peut se produire dans certaines régions une fécondation croisée entre différentes provenances; il s'agit toutefois d'une conjecture, et les nouvelles «variétés»peuvent ou non avoir les qualités désirées. En conclusion, hormis la Trinité, il serait aléatoire de recommander des zones de cette région comme source de semences. Il est conseillé aux pays désireux de faire des essais de provenances de s'associer à un groupe international tel que le Centre de semences forestières Danemark/FAO, plutôt que d'entreprendre d'eux-mêmes des programmes au hasard.

PLANTATION DE TECK EN EL SALVADOR excellentes possibilités pour l'Amérique si les stations sont bonnes

Croissance et rendement

L'auteur a rédigé deux autres communications traitant de la croissance et des rendements du teck dans cette région: l'une porte exclusivement sur l'élaboration d'un tableau de classification provisoire des stations (Keogh, 1979a), l'autre sur la production totale en volume (Keogh, 1979b). Ces deux questions sont traitées séparément ci-dessous.

Tableau de classification provisoire des stations

Cette classification se fonde sur les meilleures données dont disposait l'auteur, soit 144 observations de hauteurs dominantes tirées d'une dizaine de sources réparties entre 13 pays de toute la région. On n'a aucunement essayé de pondérer ces observations. Ces données ont pour principal inconvénient qu'on a pris des définitions différentes de la hauteur dominante:

1. Hauteur moyenne des 100 arbres de plus gros diamètre à l'hectare

2. Hauteur moyenne des 100 plus grands arbres à l'hectare, ou hauteur moyenne des arbres dominants

3. Hauteur des arbres dominants et codominants.

Cependant, on a signalé que le teck, essence peu tolérante, ne forme pas facilement des peuplements différenciés en arbres dominants, codominants, intermédiaires et dominés; les peuplements sont normalement constitués par un grand nombre d'arbres plus ou moins de même taille. C'est pourquoi les différences dans les données utilisées, selon la définition adoptée pour la hauteur dominante, ne sont sans doute pas trop importantes.

Les 144 observations ont été réparties, en fonction des catégories de hauteurs, en cinq groupes, et pour chaque groupe le rapport entre hauteur et âge a été établi par la méthode des moindres carrés, selon la formule:

log h = a+ b(x), (1)

dans laquelle

h est la hauteur dominante
a et b sont des coefficients de régression
x = 1/âge en années

Ensuite les 144 observations ont été regroupées, et la relation générale entre hauteur et âge a été calculée par la méthode des moindres carrés, suivant l'équation (1). Les pentes (b) toutes les équations ont alors été comparées, au moyen de la méthode employée par Freese (1967), pour les régressions de groupes.

On a constaté que, si l'on excluait les données provenant de la Jamaïque, il était possible d'établir à partir des autres données une équation commune (D), dont la pente n'était pas significativement différente de celles des équations se rapportant à chaque groupe. En outre, les pentes des équations par groupes n'étaient pas significativement différentes entre elles. On a donc substitué aux équations par groupes l'équation D. A ce stade il n'est pas possible de déterminer si les données de hauteur dominante de la Jamaïque proviennent d'une population différente, mais on suppose que la différence constatée est due à une distribution fortuite de points. Tous les points ont été reportés sur papier millimétrique, les hauteurs étant portées en ordonnées, et une ligne représentant l'équation commune a été tracée entre ces points. L'année 25 a été choisie comme «année pivot».

Les points originaux ont été partagés en classes de hauteur ou de station à l'aide de la formule suivante:

(2)

dans laquelle:

h = hauteur dominante

log IS = logarithme de l'indice de station

x = âge en années
xk = âge de référence (25 ans dans ce cas)
b = coefficient de régression calculé dans l'équation (1)

Onze indices de station ont été choisis pour des âges supérieurs à l'âge de référence de telle manière que les courbes résultantes incluent la majorité des points reportés, et en même temps passent par l'âge de référence à équidistance les unes des autres. Les 11 courbes correspondant aux 11 équations établies ont été tracées sur le graphique entre les années 4 et 30. Il en est résulté 5 classes de hauteurs ou de stations. La figure montre les classes de stations, mais les données originales n'y ont pas été incluses.

La figure est en fait un diagramme de classification des stations applicable aux trois définitions de la hauteur dominante sur lesquelles elle est basée. Il est fortement recommandé, toutefois, d'utiliser la hauteur moyenne des 100 arbres de plus gros diamètre à l'hectare, qui est sûre et relativement facile à mesurer. Par ailleurs, si on utilise un seul mode de classification des hauteurs, il sera possible de combiner les données dans l'avenir, et en attendre des résultats plus sûrs. Entre-temps le diagramme de classification, bien que n'ayant qu'une valeur provisoire, devrait être pratiquement applicable dans toute la région pour comparer, classifier et prédire la croissance des plantations.

Entre autres usages il peut servir de guide pour l'identification des facteurs responsables de variations dans les accroissements.

Production totale en volume

Les données de base proviennent uniquement de la Trinité, d'El Salvador et de la Jamaïque: il reste donc à voir si les résultats sont ou non applicables à l'ensemble de la région. Quoi qu'il en soit, il est suggéré de considérer pour le moment la région comme un tout; si des variations dans les modèles de croissance en volume apparaissent par la suite, il devrait être facile de les détecter par comparaison avec les «normes» illustrées ici. A en juger par les données présentées, il semble qu'en fait il existe de fortes similitudes, tout au moins dans les pays étudiés. Cela peut être dû entre autres au fait qu'il n'existe dans la région que 2 ou au plus 3 provenances importantes.

CLASSIFICATION DES STATIONS DE Tectona grandis - CE GRAPHIQUE PEUT SERVIR DE GUIDE POUR CLASSER ET PRÉVOIR LA CROISSANCE DU TECK DANS L A RÉGION ÉTUDIÉE

Pour estimer la production totale en volume par unité de surface en fonction du temps, on a utilisé les trois formules suivantes de volume-hauteur, provenant de différents pays de la région:

Formule établie par Keogh (1977) pour El Salvador:

V = 3,394 h - 0,344 h2 - 62,78 (3)

dans laquelle:

V = volume de tige sous écorce en m3/ha entre 0,30 m de hauteur au-dessus du sol et un diamètre minimal sous écorce de 8 cm

h = hauteur dominante en mètres, définie comme la hauteur moyenne des 100 arbres de plus gros diamètre à l'hectare

Formule basée sur les travaux de Fries (1972) à la Jamaïque:

V = 0,3889 h2 - 0,8989 h + 0,5031 (4)

dans laquelle:

V = volume en m3/ha jusqu'à un diamètre au sommet de 10 cm
h = hauteur dominante en mètres des 100 arbres de plus gros diamètre à l'hectare

Equation basée sur des données provenant de quatre sources pour la Trinité:

V = 72,2-14,22 h + 0,86 h2 (5)

dans laquelle:

V = volume en m3/ha défini comme «volume sous écorce» ou «volume de bois de fût»
h = hauteur moyenne des arbres dominants en mètres

On a employé des hauteurs tirées des courbes moyennes des classes I, II, III, IV et V pour les âges 5, 10, 15, 20, 25 et 30 ans dans les équations (3), (4) et (5), et on a calculé dans chaque cas la production totale en volume. Les estimations de production totale en volume qui en ont résulté ont ensuite été divisées par l'âge correspondant pour calculer les accroissements annuels moyens. Les résultats sont donnés dans le tableau 3.

Tableau 3. Evolution dans le temps des accroissements moyens annuels (AMA) pour différentes classes régionales de stations, selon trois équations différentes

Classe régionale de station

I

II

III

IV

V

Equation

(3)

(4)

(5)

(3)

(4)

(5)

(3)

(4)

(5)

(3)

(4)

(5)

(3)

(4)

(5)

Année

AMA en m3/ha

5

9

12

7

4

8

4

-

5

3

-

3

3

-

2

-

10

17

16

16

12

12

10

7

8

6

3

5

3

-

3

2

15

16

15

17

11

11

11

7

7

6

4

5

3

1

3

1

20

14

13

16

10

10

11

7

7

6

4

4

3

1

2

1

25

13

12

15

9

9

10

6

6

6

4

4

3

1

2

1

30

11

10

13

8

8

9

6

5

5

3

3

3

1

2

1

Equations (3) Keogh, 1977: Salvador. - (4) Fries, 1972: Jamaïque. - (5) Equation de groupe: Trinité.

Il ne faut pas perdre de vue que la définition du volume est différente pour chaque équation, et que dans les équations (3) et (4) la hauteur dominante est définie comme «hauteur moyenne des 100 plus gros arbres à l'hectare» alors que dans l'équation (5) il s'agit de a hauteur moyenne des arbres dominants Il

On trouve des différences plus grandes dans les accroissements annuels moyens dans la classe de station I, et dans les jeunes âges de toutes les classes. Les divergences les plus importantes ont été constatées dans la classe de station I à l'âge de 5 ans, l'équation (5) y donnait un accroissement moyen de 7 m3/ha/an. soit environ 5 m3/ha/an. de moins que l'équation (4). Les différences les plus faibles ont été constatées dans les classes II, III et IV respectivement pour les âges 15, 25 et 30 ans.

Un examen général du tableau 3 montre qu'il existe des similitudes entre pays dans l'augmentation de l'accroissement annuel moyen à l'intérieur des classes. Sur cette base, et tenant compte des précautions indiquées dans l'étude (Keogh, 1979b), on a procédé à une nouvelle comparaison, mais limitée à certaines courbes d'indices de station des classes II et III, et étendue pour y inclure une comparaison des résultats de Miller à la Trinité (Miller, 1969). Les courbes d'indices de station été choisies sur le diagramme de classification régionale des stations (figure) sur la base de la similitude des accroissements annuels moyens avec ceux des classes de hauteur I, II et III à la Trinité. Il faut souligner que 70 pour cent des 144 points originaux se situent entre les courbes extérieures des classes régionales II et III. Les comparaisons apparaissent dans le tableau 4. La définition du volume utilisée par Miller est la suivante: volume sous écorce jusqu'à un diamètre au sommet de 8 cm. Les accroissements annuels moyens à El Salvador et à la Jamaïque montrent des tendances analogues à ceux de la Trinité, bien que les plantations de teck n'y aient été soumises à aucun traitement sylvicole régulier.

Tableau 4. Comparaison des accroissements moyens annuels (AMA) estimés à partir de courbes d'indices de certaines stations, et de deux équations volume - hauteur, et des AMA estimés pour trois classes de hauteur à la Trinité

Classe/courbe d'indice de station

T1 (I)

IRS2 (I/II)

T (II)

IRS (II/III)

T (III)

IRS (III/IV)

Equation

-

(3)3

(4)4

-

(3)3

(4)4

-

(3)3

(4)4

Année

AMA en m3/ha

5

11

6

10

7

2

7

5

-

5

10

13

14

14

10

9

10

7

7

8

15

14

14

13

10

9

9

7

7

7

20

12

12

11

9

8

8

7

7

7

25

11

11

10

8

8

7

6

6

6

30

11

10

9

8

7

6

6

6

5

1 T: Classe de hauteur - Trinité (Miller, 1969).
2 IRS: Courbe d'indice régional do station.
3 Equation (3) Keogh, 1977 - Salvador.
4 Equation (4) Pries, 1972 - Jamaïque.

Eclaircies

La question des éclaircies a également été étudiée pour la région (Keogh, 1979b).

Si le teck répond, du point de vue de la croissance, d'une manière semblable dans les stations de toute la région, il se comportera sans doute de même vis-à-vis des éclaircies. Il n'y a pour le moment aucune raison de penser que les techniques sylvicoles proposées par Miller (1969) pour la Trinité ne puissent être étendues à toute la région en tant que pratique normale. Les suggestions de Miller sont techniquement correctes et simples, et sont en accord avec les méthodes d'éclaircie appliquées en Inde et au Nigéria. La section ci-dessous en donne des détails. Il est possible également que les tables de production établies pour la Trinité par Miller puissent être utilisées plus largement dans toute la région comme guide pour l'aménagement (Miller, 1969).

Si une méthode d'éclaircie commune ne représente pas l'optimum pour le teck dans la région, on ne risque pas grand-chose à l'appliquer. Voyons ce qui se passe actuellement: la littérature spécialisée montre que certains travaux sans lien entre eux sont en cours. Diverses institutions entreprennent de déterminer les règles d'éclaircie optimales pour le teck dans leurs pays respectifs, en se basant sur un très petit nombre de placettes, dont certaines sont d'étendue extrêmement réduite. Le résultat est que la recherche progresse très lentement et ne fournit au gestionnaire forestier que peu ou pas de directives, et que par suite les peuplements sont abandonnés ou non aménagés. Selon nous il faudrait maintenant proposer aux forestiers de la région un système d'éclaircies simple et facile à appliquer; cela ne soulèverait, semble-t-il, pas d'objections techniques et, par ailleurs, le teck sera normalement planté pour la production de sciages, ce qui enlève toute urgence à l'étude de différents régimes de traitement en vue de productions différenciées. En outre, une méthode d'éclaircie commune constituerait une norme de comparaison vis-à-vis d'autres méthodes et permettrait de mettre en évidence des zones de la région où le teck se comporte différemment du point de vue de la croissance, ou répond autrement aux éclaircies. Il serait sans doute possible dans l'avenir de combiner les données relatives à l'ensemble ou à de larges zones de la région et d'établir des tables de production régionales. On pourrait ainsi progresser plus rapidement dans les recherches sur la sylviculture du teck dans cette partie du monde, en diminuer le coût pour tous les pays intéressés, et amener de nombreuses plantations immédiatement en production.

La méthode d'éclaircie proposée se fonde sur les propositions de Miller pour la Trinité, avec certaines modifications (Miller, 1969). On envisage un espacement initial de 2 × 2,5 m, ce qui donne 2000 plants/ha. Des éclaircies fortes sont recommandées au début, pendant la période où le teck a une croissance vigoureuse. Les deux premières éclaircies doivent être semi-mécaniques, visant à réduire le nombre de tiges de 50 pour cent à chaque passage; par la suite l'intensité de l'éclaircie est basée sur la surface terrière.

Première éclaircie: elle intervient lorsque la hauteur moyenne du peuplement atteint 8 m; on enlève sur chaque rang un arbre sur deux. On peut évidemment appliquer certains critères de sélection, pour favoriser des arbres bien conformés ou éliminer les arbres de très mauvaise forme. Néanmoins, il est inévitable qu'avec une éclaircie semi-mécanique certains «bons» arbres soient coupés, et certains arbres petits ou mal conformés laissés sur pied. La première éclaircie réduit la densité de 2000 à 1000 tiges/ha. Sur bonne station, le peuplement peut atteindre 8 m à la 3e saison de végétation; sur des stations pauvres, de classe régionale III, il pourra n'atteindre cette hauteur qu'à la 6e année.

Deuxième éclaircie: on l'effectue lorsque le peuplement atteint une hauteur approximative de 15 m. Cela est valable pour la classe de hauteur II à la Trinité, qui équivaut semble-t-il à la courbe II/III d'indice de station sur le diagramme régional. Pour des stations meilleures (classe I Trinité/indice de station régional I/II), l'éclaircie doit se faire lorsque le peuplement atteint une hauteur moyenne de 16 m, et pour les classes moins bonnes (classe III Trinité/indice de station régional III) lorsqu'il atteint 13 m. Les meilleurs peuplements parviendront au stade de la deuxième éclaircie à 7 ans environ, les moins bons à 12 ans seulement. Comme pour la première éclaircie, on enlève 50 pour cent des arbres, ce qui fait passer la densité de 1000 à 500 tiges/ha. On enlève un arbre sur deux sur chaque rang. Ici aussi il est recommandé d'appliquer certains critères de sélection afin de favoriser les arbres de bonne forme et éliminer ceux qui sont mal conformés.

Eclaircies ultérieures: on doit attendre que la surface terrière du peuplement ait atteint 20-21 m2/ha, pour passer en éclaircie en enlevant 6 m2/ha, On peut estimer la surface terrière en utilisant la technique simple du relascope.

La durée de la révolution sera fixée en fonction de considérations économiques, dont nous ne parlerons pas ici.

Les recommandations formulées ci-dessus supposent que le teck continuera d'être considéré comme essence de reboisement intéressante pour la région, mais il reste à savoir combien de pays continueront à l'utiliser et quelle superficie sera ou devra être plantée en teck.

Potentiel

Ces pays ont-ils avantage à entreprendre ou poursuivre des programmes de reboisement avec cette essence? Comme on l'a noté précédemment, un ou deux d'entre eux n'offrent pas de conditions favorables au teck ou l'ont écarté comme n'étant pas une essence intéressante. Il est cependant difficile de répondre nettement à cette question, mais certains points doivent être pris en considération.

Pour obtenir le meilleur rendement, on a indiqué qu'il fallait un indice de station qui ne soit pas inférieur à 24 m de hauteur dominante à l'âge de 50 ans (Kemp, communication personnelle, 1977). Sur le diagramme de classification régionale des stations un indice de station de 21,8 m devrait donner une hauteur dominante de 24 m à50 ans. Il semblerait donc que l'on doive écarter toutes les stations situées au-dessous de cet indice critique (21,8 m), dont la courbe coupe l'âge de référence entre les courbes d'indice de station II/III et III, ce qui éliminerait la plupart des stations de la classe III.

Selon Miller (1969) il est très difficile de justifier économiquement la plantation de teck sur des stations de la classe III de la Trinité; celle-ci est très proche des valeurs moyennes de la classe régionale III, au moins du point de vue de la production en volume (tableau 4).

Cela indiquerait que les stations de qualité inférieure (partie de la classe III, et totalité des classes IV et V) ne doivent pas être plantées. Par conséquent il faut rechercher des stations présentant des sols de limon alluvial profonds (1-2 m), bien drainés, plats ou en pente faible, qui tendent à avoir un profil homogène. Un bon sol est l'exigence numéro un pour le teck. En second lieu le climat doit comporter une saison sèche de 3 à 5-6 mois (un mois sec étant défini comme recevant 50 mm ou moins de précipitations). Enfin, la pluviométrie annuelle doit être supérieure à 1500 mm. Avec des précipitations plus fortes on peut s'attendre à avoir une croissance sensiblement plus rapide.

De telles stations sont peu nombreuses et éloignées les unes des autres. Même les stations un peu moins bonnes sont relativement difficiles à trouver, peut-être pas du point de vue de leur étendue, mais parce que la concurrence de l'agriculture est trop forte, surtout dans les zones à population dense, ce qui est le cas pour plusieurs pays de la région.

Contrairement à l'avis de beaucoup, le teck n'est pas une essence à croissance rapide, bien qu'il puisse pousser assez vite dans son jeune âge. C'est évidemment un inconvénient mineur étant donné la valeur de son bois. Par ailleurs, il faut attendre longtemps pour obtenir les arbres de grandes dimensions que l'on recherche lorsqu'on plante cette essence; pour la Trinité on a suggéré une révolution de 70 ans ou plus. Seul l'État est normalement en mesure d'envisager un tel investissement à long terme. D'un autre côté il ne faut pas oublier que les éclaircies procurent un certain revenu. On a aussi envisagé des révolutions plus courtes, mais il faut s'attendre alors à avoir des arbres de plus petites dimensions et d'une valeur moins élevée au mètre cube. Il peut être préférable de planter des résineux à croissance rapide, qui rapportent vite et s'accommodent de stations pauvres. Par ailleurs, il est difficile de prédire ce que seront les besoins dans 70 ou 80 ans; dans le doute, il est souhaitable que tous les pays aient une certaine réserve de feuillus et évitent, selon le dicton, de mettre tous leurs œufs dans le même panier.

Si l'on décide de planter du teck, il faut le faire en pensant aux marchés locaux, et par conséquent en acceptant de le vendre aux prix locaux. On ne doit pas viser en premier lieu les marchés internationaux (Europe, Etats-Unis), où les prix sont bons, mais où la concurrence est âpre, les normes de qualité élevées, et où l'on recherche des bois de grande dimension et un approvisionnement régulier. Le marché local peut naturellement s'étendre à toute la région.

En résumé, chaque pays doit examiner très attentivement sa situation propre avant d'entreprendre ou de poursuivre des programmes de plantation de teck. Ceux qui ont une faible densité de population, et où par conséquent la pression sur les terres est peu intense, sont les mieux placés pour créer de petites forêts de teck; les forêts se prêtent aux économies d'échelle. Les pays à population plus dense et où s'exerce une forte pression sur les terres auront plus de difficultés; les plantations seront dispersées, et le teck se trouvera relégué sur les terres les plus pauvres. Si l'on ne peut lui offrir les meilleures stations, mieux vaut envisager de planter d'autres essences.

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