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La foresterie dans la lutte contre la désertification

Les principaux types d'activités forestières destinés à lutter contre la désertification et à remettre en valeur les terres désertifiées par les différents facteurs énumérés plus haut sont les suivants:

- Gestion de la végétation naturelle.
- Systèmes d'agro-foresterie.
- Systèmes sylvopastoraux.
- Boisement.
- Implantation de rideaux-abris et de brise-vent.
- Création de parcs nationaux.
- Gestion de la faune sauvage.
- Aménagement des bassins versants.
- Conservation des ressources génétiques.
- Transformation et utilisation.

On peut tirer de ce qui précède les conclusions suivantes sous ces différentes rubriques:

(a) Gestion de la végétation naturelle

Non seulement la végétation naturelle assure le couvert du sol, une protection contre l'érosion et la régulation des niveaux des nappes souterraines salines, mais aussi des ressources en bois, bois de feu, fourrage et produits forestiers autres que le bois. Dans les zones où la pluviométrie est faible et incertaine, l'agriculture est aléatoire et laisse place au pâturage qui constitue un type économique d'utilisation de la terre pour la subsistance. Une pression qui vient s'ajouter à celle de la coupe et de la cueillette directe se traduit par la disparition de la végétation de surface. Lorsqu'ils sont bons, les systèmes d'aménagement visent à préserver le couvert pérenne d'origine pour créer un environnement stable mais productif.

Les pays développés comme les pays en développement ont fini par reconnaître la sagesse de cette pratique, bien qu'il se produise encore dans les programmes d'amélioration des pâturages comportant le semis d'herbacées un défrichement de la végétation ligneuse résistant à la sécheresse. La réhabilitation de la végétation naturelle dégradée montre que des mesures strictes de protection peuvent avoir des effets bénéfiques remarquables.

Il existe peu de systèmes de sylviculture pour l'aménagement de la végétation ligneuse des terres arides. Le dépressage de chênes verts au Maroc et le système de rotation de taillis dans les forêts d'épineux des zones arides du Pakistan sont des exemples de quelques systèmes que l'on rencontre, mais qui sont très minoritaires.

L'insuffisance de connaissances spécifiques de l'écologie forestière, des méthodes de mensuration, des rythmes de croissance et des rendements rendent très difficile l'aménagement de la végétation naturelle, encore que l'obligation de restreindre les systèmes de rotation sur une base ad hoc semble donner de bons résultats.

L'exécution de programmes d'enrichissement visant à accroître la productivité des espèces appétées et la productivité globale est aussi paralysée par l'absence de connaissances du comportement, de la phénologie, des caractéristiques et de la capacité régénératrice des espèces naturelles.

Des études écologiques ont commencé aux États-Unis dans le cadre de la politique de lutte contre la désertification du PNUE. La participation des populations locales à la planification et à l'exécution de l'aménagement est indispensable pour la réussite des programmes futurs.

(b) Systèmes d'agro-foresterie

Dans les terres arides, les systèmes traditionnels comportent souvent le maintien permanent d'arbres dispersés à usages multiples, qui servent à la fois de couvert et de source de fruits, de fibres, d'énergie et de fourrage sur les terres agricoles (Amérique latine, Sahel, Inde, Pakistan). Dans certains cas, il y a implantation artificielle d'arbres ou arbustes polyvalents tels qu'acacias et Atriplex (Afrique du Nord, Soudan).

Les ouvrages de conservation du sol et de l'eau sur les terrains en pente dans les zones agricoles comportent souvent l'implantation d'espèces horticoles et polyvalentes (figuiers, pistachiers, abricotiers, amandiers, oliviers et caroubiers ainsi qu'Acacia cyanophylla). La présence de ces espèces contribue sensiblement à la production et à la protection de l'environnement. D'autre part, les brise-vent d'espèces polyvalentes telles que peupliers, eucalyptus, noyers, pins et cyprès fournissent le bois d'oeuvre, le bois de feu et le fourrage nécessaires aux habitants des pays du Proche-Orient.

Dans les zones arides, la pratique de l'agro-foresterie permet d'atténuer les conséquences des précipitations irrégulières et imprévisibles et celles des fluctuations économiques en fournissant de façon régulière et fiable des produits de remplacement utiles à l'homme et au bétail, ce qui réduit la pression sur les ressources locales et favorise la durabilité de la production.

(c) Systèmes sylvopastoraux

Le pastoralisme est la principale forme d'utilisation de la terre dans la plupart des zones arides et, bien que la productivité soit faible, l'immense superficie en cause (45 millions de km2) apporte une contribution notable à l'approvisionnement alimentaire mondial. Les densités de population, faibles en général, sont par contre relativement fortes en Iran, au Pakistan et en Inde. Certaines régions - Afghanistan, Pakistan, Nord-ouest de l'Inde, Proche-Orient et Afrique du Nord - ont été constamment habitées depuis plus de 5000 ans, période au cours de laquelle la végétation ligneuse naturelle a toujours fourni une nourriture aux animaux.

Aux États-Unis et en Australie, il est accordé plus d'importance à l'alimentation herbacée des animaux. Dans les pays du Sahel au contraire, on dit que les espèces ligneuses fourragères fournissent au moins 45% de l'alimentation du bétail à la fin de la saison sèche.

Les stratégies de remise en état des terrains de parcours dégradés impliquent une protection absolue. La gestion du pâturage par des systèmes de mise en défens (Australie) qui se fondent sur la façon dont les espèces fourragères réagissent écologiquement à la pression du bétail pour déterminer la fréquence et la périodicité du pâturage, peut améliorer la production des parcours. Lorsqu'elle est associée au brûlage en saison sèche du spinifex, elle peut favoriser le développement de brout pérenne comestible. En termes généraux, la régulation du pâturage est une composante indispensable des systèmes sylvopastoraux (avec ou sans clôtures pour en interdire l'accès au bétail) ainsi que le réensemencement ou d'autres types d'enrichissement des pâturages au moyen d'espèces fourragères. On s'oriente maintenant davantage vers le réensemencement mécanique de mélanges d'espèces fourragères et de couvert, que l'on conjugue à l'exclusion des lapins au moyen de clôtures spéciales et à la destruction des garennes afin de remettre en état les terres dégradées (Australie).

Les systèmes sylvopastoraux comportent également l'implantation d'arbres polyvalents pour abriter le bétail des vents très chauds, secs ou très froids et d'un ensoleillement excessif. L'implantation d'espèces ligneuses fourragères et aussi herbacées est également pratiquée avec succès dans les terres arides de l'URSS. Des techniques spéciales de collecte de l'eau telles que la création de micro-captages peuvent aider à concentrer des précipitations annuelles qui ne dépassent pas 100 à 150 mm dans les sites de plantation d'arbustes et d'arbres et assurent ainsi un haut degré de survie en conditions arides.

On admet généralement aujourd'hui que la lutte contre la désertification est avant tout une tâche sociale et non pas technique: il faut en effet motiver les populations locales, souvent nomades par inclination, à s'aider elles-mêmes. La création des institutions et des infrastructures nécessaires pour appuyer cette action est un autre élément indispensable de sa réussite.

(d) Boisement

Le boisement en terre aride nécessite en général des quantités d'eau supplémentaires pour favoriser d'abord la survie puis une croissance suffisante des arbres et arbustes. Cette eau peut provenir de citernes transportées par véhicules, de retenues et de systèmes d'irrigation qui fournissent l'eau au moyen de chenaux ou de canalisations, par inondation ou par des systèmes de canalisations et de goutte à goutte. Une autre méthode consiste à capter et à concentrer les précipitations au moyen de systèmes de collecte de l'eau à base de micro-captages, de banquettes de niveau, de fossés de niveau et de captages "en radier", etc.

Le boisement est reconnu comme l'une des méthodes efficaces de remise en état des terres dégradées. La plantation d'arbres et l'agro-foresterie peuvent être utilisées avec succès en combinaison avec la collecte de l'eau dans les zones où les précipitations sont extrêmement faibles (moins de 150 mm), mais l'aridoculture avec récolte et épandage de l'eau n'est rentable que dans les zones où la pluviométrie annuelle dépasse 250 mm et l'agriculture pluviale proprement dite ne devient réalisable que dans les zones où les précipitations annuelles dépassent 300 mm.

7% des terres mondiales (9,2 millions de km2) sont plus ou moins salinisées et 3% sont essentiellement salines ou sodiques. La remise en état de ces terres nécessite la réimplantation d'un couvert végétal composé d'espèces tolérantes au sel, avec protection stricte contre le pâturage ou la récolte. Malcolm considère que le coût de l'utilisation de plants de pépinière sur de vastes superficies est prohibitif et qu'il est plus économique de préparer soigneusement les sites, de les ensemencer directement et de les protéger des animaux La remise en valeur de vastes superficies de terres salines semble possible et pourrait aboutir à une extension importante des terres disponibles pour l'agriculture. À tout le moins, la reconstitution du couvert végétal de ces régions pourrait diminuer le niveau des nappes salines souterraines de même que le transport par le vent de particules salines et le ruissellement et fournir, en même temps, du fourrage et un couvert pour les animaux domestiques et la faune sauvage, du bois de feu, des produits forestiers autres que le bois et améliorer le paysage.

Boisement en sec

Un boisement en sec utilisant des essences résistant à la sécheresse a été entrepris avec succès dans certaines parties du Sahel (îles du Cap-Vert, Burkina Faso, Niger), en Afrique du Nord (Tunisie, Maroc, Algérie, Libye) et au Proche-Orient (Israël, Syrie, Jordanie) et des progrès sont actuellement réalisés dans la mise au point de techniques de semis mécaniques constitués de mélanges d'espèces d'arbres et arbustes dans les zones arides du sud de l'Australie.

Cependant, le boisement en sec dans les zones arides n'étant pas très productif, il ne bénéficie pas d'un haut degré de priorité dans les zones arides et semi-arides de l'Amérique du Nord. Dans d'autres régions, des techniques particulières ont été mises au point pour l'implantation de Prosopis tamarugo (Chili) et la plantation d'arbres sur de grandes étendues pour la protection du sol, la production de bois de feu et celle de fourrage a progressé dans les zones andines semi-arides. La plantation d'une vaste ceinture verte composée de diverses essences utiles est actuellement entreprise en Syrie tandis que le boisement des terres arides est pratiqué en Chine à très grande échelle, le principal objectif étant de lutter contre l'érosion éolienne. De son côté, l'URSS entreprend la remise en état de grandes zones de sols instables en utilisant des fixatifs artificiels pour les sables mobiles et en implantant des espèces arbustives et des herbacées halophytes. Un grand effort de vulgarisation est actuellement déployé en faveur de plantations d'arbres afin de remettre en état les sols salés des terres à blé semi-arides et dégradées des États australiens de Victoria et de l'Australie du Sud. De longues listes d'arbres et arbustes appropriés et disponibles dans les pépinières de l'État sont actuellement diffusées.

Il est évident que l'irrigation peut augmenter la capacité agricole et arboricole des terres de zones arides et permettre par conséquent de porter la densité de population aux environs de 250 habitants/km2, contre environ 10 personnes au maximum dans les zones non irriguées. Les rythmes de croissance des arbres peuvent alors atteindre des niveaux commercialement rentables (Soudan, Syrie, Inde, Pakistan).

Cependant, les grands problèmes qui y sont liés (engorgement: environ 25% des 16 millions d'hectares irrigués au Pakistan et salinisation: environ 4% des terres irriguées au Pakistan) nécessitent des programmes intensifs de réhabilitation des terres. Le Pakistan a opté pour la solution qui consiste à construire et à utiliser des puits tubulaires pour la remise en état de ces terres et n'a pas fait mention de possibilité de boisement. En Australie du Sud par contre, des études sont en cours pour définir la technologie de restauration des terres salinisées par l'implantation d'arbres à croissance rapide sur des sites par ailleurs improductifs en utilisant l'irrigation au goutte à goutte pour lessiver les buttes de plantation des arbres et en plantant des eucalyptus résistant au sel, des niaoulis (Melaleuca) et des filaos (Casuarina).

L'Inde fait oeuvre de pionnier dans l'irrigation des cultures agricoles; on peut utiliser une eau saline à Ec 9-12 mmhos pour l'irrigation en continu d'un certain type de mil.

Fixation des dunes de sable

La stabilisation des dunes de sable est une autre utilisation très répandue des arbres et arbustes. Les travaux effectués en République populaire de Chine appliquent tout un éventail de principes et techniques tels que l'implantation de ceintures particulièrement larges d'arbres et d'arbustes pour réduire la teneur en sable des vents du désert; des systèmes de ceintures et de fossés multiples; la plantation de rangées d'espèces pouvant atteindre des hauteurs différentes afin d'accroître l'effet de rugosité, de réduire la vitesse du vent et de diminuer sa teneur en particules; l'utilisation de diverses espèces et combinaisons d'espèces selon les sites; des plantations sur le côté des dunes exposé au vent afin d'en réduire la hauteur; la plantation de grandes boutures dans les dépressions des dunes situées sous le vent afin d'empêcher leur avance et de les niveler progressivement; des combinaisons de plantations en bas des dunes du côté au vent avec, par la suite, des plantations d'arbustes pour consolider les zones nivelées; la stabilisation du bas des dunes au moyen de mélanges d'arbres, d'arbustes et de graminées. Une grande variété d'espèces ligneuses est utilisée selon la région, notamment: Salix cheilophylla, S. matsudana, Populus simonii, Artemisia ordosica, Amorpha fruticosa, Lespedeza sp. dahurica, Caragana microphylla, Tamarix chinensis, Halostachys spp., Astragalus adsurgens et beaucoup d'autres.

L'URSS a de son côté mis au point des principes et des techniques de protection mécanique allant des clôtures à des bandes-tapis pour retarder le déplacement du sable, conjuguées à l'implantation par ensemencement et plantation de matériel végétal des espèces Haloxylon et Salsola spp. Des déchets pétroliers fixatifs tels que néozine, lessives de sulfite-alcool et goudron de coton sont aussi utilisés en conjonction avec l'implantation de jeunes plants. Des espèces comme Haloxylon persicum et H. aphyllum sont couramment utilisées. L'amélioration radicale des pâturages du désert est réalisée sans irrigation, grâce aux traitements de sites tels que les labours grossiers pour l'implantation de pâturages arbustifs artificiels au moyen de mélanges de graines enrobées d'Haloxylon, d'armoise d'Amérique, de laiteron épineux et de Salsola ritcheri.

(e) Implantation de rideaux-abris et de brise-vent

Comme on l'a vu dans la section qui traite du boisement, des progrès matériels considérables ont été réalisés en Chine et en URSS où de vastes superficies de terres désertifiées sont actuellement restaurées grâce à l'implantation systématique de rideaux-abris qui complètent la protection et l'expansion des oasis productives.

Dans les zones exposées aux graves effets du vent, comme l'extrémité sud de l'Amérique latine, des moyens mécaniques tels que murs de pierre ou d'adobe sont utilisés comme première protection des arbres et arbustes plantés. L'implantation de brise-vent dans les zones côtières arides sableuses des pays tropicaux se fait par exemple au Sénégal à l'aide d'écrans de Casuarina. Au Maroc, en Tunisie et dans d'autres pays de l'Afrique du Nord, l'installation de palissades en échiquiers et au sommet des dunes est une pratique courante, jumelée à l'implantation de brise-vent pour fixer les sables mobiles. Au Sahel, l'implantation de brise-vent n'est pas aussi courante que la conservation d'arbres et arbustes dispersés qui servent aussi à combattre les effets du vent. La République démocratique populaire du Yémen et surtout l'Égypte reconnaissent la valeur des brise-vent pour les cultures agricoles dans les régions à climat extrêmement sec, tandis qu'en Syrie les brise-vent assurent une protection en même temps que la production de fruits, de fourrage, de bois de feu et de bois d'oeuvre générateur de revenu.

Le sous-continent indien reconnaît l'utilité des brise-vent dans les terres irriguées, le long des routes et dans les zones de culture en sec et l'utilisation en Australie de rideaux-abris a permis de constater une amélioration du développement des moutons adultes et de la survie des agneaux en milieu aride.

L'utilité pratique des rideaux-abris est aujourd'hui plus largement reconnue mais elle ne l'est pas encore dans beaucoup de pays en développement où l'on ignore les détails de leur conception et de leur composition selon les types de protection nécessaires. L'économie de l'implantation de brise-vent en termes d'amélioration de la productivité des cultures et de valeur ajoutée des produits que l'on peut tirer des brise-vent proprement dits impose son extension aux zones où la protection contre le vent est indispensable. Les informations en question sont maintenant disponibles dans une publication de 1986 de la FAO intitulée: "Cahier FAO Conservation N° 15 - Brise-vent et rideaux-abris avec référence particulière aux zones sèches".

(f) Création de parcs nationaux

Les parcs nationaux jouent un rôle important dans la conservation des ressources génétiques et constituent par conséquent un réservoir d'espèces pour la sélection de variétés utiles résistant au sel et à la sécheresse Leur création est un élément essentiel de la lutte contre la désertification car ils sont des points de référence pour la surveillance de l'avancée des déserts à l'échelle régionale et nationale. Environ 97 millions d'ha de parcs nationaux et de réserves ont été créés dans les terres arides à semi-arides et sub-humides du monde menacées de désertification et dont ils représentent environ 3% répartis comme suit: Amérique du Nord 3%, Amérique latine 3,4%, Sahel 8,8%, Afrique du Nord 0,1%, Afrique du Sud 45,5%, Proche-Orient 3,8% et Asie/Pacifique 35,4%.

(g) Gestion de la faune sauvage

La faune sauvage assure un supplément fort utile au régime alimentaire des populations des terres arides dans plusieurs pays en développement où elle est abondante. Toutefois, sa présence impose au plan de l'environnement des contraintes supplémentaires sur les terrains de parcours où elles concurrence fréquemment avec succès les animaux domestiques. Elle constitue une importante ressource renouvelable qui peut être gérée de façon productive mais qui doit être protégée contre la chasse commerciale et la destruction par les propriétaires fonciers qui veulent augmenter leur cheptel - deux types d'action qui menacent certaines espèces sauvages d'extinction.

La faune sauvage constitue la base d'industries touristiques génératrices de devises et est un facteur important de conservation des ressources génétiques.

Les revenus tirés de la gestion de la faune sauvage et d'une chasse rationnelle sont particulièrement importants pour les terres les plus arides d'Afrique centrale, orientale et australe de même que pour certaines parties de l'URSS Des stratégies d'utilisation partagée des terres par le bétail domestique et la faune sauvage ont été proposées en Afrique et sont actuellement mises à l'essai en même temps que les possibilités de ranching

(h) Aménagement des bassins versants

Leurs sols n'étant pas lessivés, leurs climats étant chauds et leur degré d'ensoleillement élevé, il est reconnu que les terres arides ont un potentiel productif élevé à condition que l'eau, facteur limitant, soit présente. L'approvisionnement en eau dépend généralement des précipitations, de la nature et de l'état des bassins versants et des captages qui les recueillent et les libèrent ensuite.

En raison de la forte pression démographique et de l'exploitation des zones de captage pour le pâturage, la récolte de bois de feu et les cultures, l'eau n'est disponible que pendant de très courtes périodes et est mal filtrée; l'érosion emporte la terre et les inondations, l'envasement et les maladies d'origine hydrique causent des dommages en aval à cause du débit irrégulier des cours d'eau.

Certaines zones arides productives comme celles du Karakum en URSS sont tributaires d'approvisionnements en eau à partir d'aires de captage artificiel ou naturel appelées "Takyr", qui fournissent chaque année 35 km3 d'eau douce pour 3,1 millions de km2 de terres arides.

Ces aires de captage alimentent des réserves d'eau douce souterraines répondant aux besoins du bétail qui se nourrit d'armoise d'Amérique et de chardons associés ou non à des graminées éphémères.

L'aménagement des bassins versants est une science multidisciplinaire dans laquelle l'aménagement des forêts et des parcours joue un rôle très important pour la protection des bassins versants non dégradés et la remise en état de ceux qui, étant surexploités, souffrent de désertification.

L'utilisation combinée d'ouvrages de conservation du sol et de l'eau et de plantations d'essences polyvalentes est caractéristique de nombreux pays d'Afrique du Nord et du Proche-Orient qui sont soumis à une forte pression démographique et à une exploitation irrationnelle des ressources en milieu aride à semi-aride. Cette combinaison de traitements est également de plus en plus appliquée dans les parties montagneuses de l'Inde et du Pakistan. D'importantes mesures de protection des bassins versants de même type ont aussi été appliquées en Afrique australe. En général, la surexploitation pour le bois de feu et le surpâturage représentent un problème majeur dans les bassins versants des pays en développement; il y faut une régulation et une rotation strictes de ces deux activités ainsi que l'implantation de nouvelles sources de bois de feu et de fourrage, pour alléger la pression sur la végétation naturelle.

La lutte contre les feux sauvages, qui constituent un autre facteur très destructeur, est elle aussi nécessaire pour préserver la végétation et favoriser la régénération naturelle. Cette lutte est difficile à mener car les pasteurs utilisent le feu pour débroussailler et faciliter la repousse des herbes fourragères pérennes.

La culture en courbes de niveau, en bandes et bandes de jachère est une pratique plus courante dans les pays développés mais est de plus en plus admise dans ceux des pays en développement où les machines agricoles sont généralement utilisées pour la culture.

Un bon aménagement des bassins versants exige la coopération active de leurs habitants ou des populations qui vivent à proximité et l'on s'attache maintenant davantage à les faire participer à cet aménagement. On trouve des exemples de cette coopération au Maroc, en Tunisie et dans certaines parties des Caraïbes.

(i) Conservation des ressources génétiques

Le but de la conservation des ressources génétiques est de parvenir à une utilisation raisonnable des ressources afin de les améliorer pour répondre aux besoins réels ou potentiels de biens et de services.

Le processus de désertification se traduit par une disparition totale ou sévère de la productivité de vastes zones. Il érode directement les habitats et les peuplements végétaux et animaux des terres arides, rétrécissant la base génétique de nombreuses espèces résistant à la sécheresse touchées par ce processus.

L'utilité spécifique de la conservation des ressources génétiques pour les activités forestières dans la lutte contre la désertification réside dans l'exploration, l'évaluation et la conservation in situ ou ex situ d'essences d'arbres et arbustes résistantes à la sécheresse qui permettent d'accroître la productivité des terres arides. Ces essences sont également utiles pour la remise en valeur des terres dégradées et désertifiées des régions en question. Les pays développés ont créé des réserves pour la conservation des ressources génétiques et, dans de nombreux pays en développement, cette fonction est exercée indirectement par les parcs nationaux, les réserves naturelles et les réserves de faune sauvage. Les espèces animales et végétales en danger ont été identifiées dans le monde entier, ce qui donne aussi un point de départ pour les mesures de conservation à l'échelle nationale. Le projet FAO/CIRP relatif aux ressources génétiques des espèces arborescentes pour l'amélioration de la vie rurale dans les zones arides et semi-arides a encouragé la collecte de graines d'arbres et arbustes pour des essais ex situ de provenance et de conservation dans les pays en développement d'Afrique, du Proche-Orient, d'Asie du Sud et d'Amérique latine où les zones arides sont importantes.

(j) Transformation et utilisation

Les terres arides imposent à l'utilisateur de la terre de répartir très largement la charge de la culture et de l'utilisation de la végétation sur tout les éléments de l'environnement: le sol et ses divers types de végétation; les autres formes de vie comme la faune sauvage; on évite ainsi une exploitation intensive à but unique qui risquerait de rompre le fragile équilibre écologique. Une déstabilisation permanente exacerbe la dégradation et aboutit en fin de compte à la désertification alors qu'une utilisation, lorsqu'elle est rationnelle et prudente, augmente la durabilité du système employé.

L'Amérique du Nord est plus orientée vers des produits de type industriel comme le bois de sciage et le bois rond, les fibres (Agave sisalana), les huiles et essences telles le jojoba (Simmondsia chinensis) et les résines (Grindella camporum).

Dans les pays en développement, l'accent est mis davantage sur le bois de feu, le charbon de bois, le petit bois pour l'artisanat, les fibres pour les usages domestiques, les tanins, les produits alimentaires comme le miel, les fruits (Ficus, Zizyphus), le beurre de karité (Butyrospermum), les gommes (Acacia senegal); les substances médicinales: scoparone (Artemisia scoparia), diosgénine (Balanites roxburghii); les essences aromatiques (Rosmarinus); les résines (Boswellia et Astragalus).

Le fait d'avoir conscience de la valeur des végétaux d'où sont tirés ces produits tend à favoriser la conservation des espèces d'arbustes et d'arbres utiles souvent intégrés dans les systèmes agroforestiers traditionnels (Sahel). Malheureusement, une exploitation excessive peut aussi se traduire par la disparition du couvert végétal et la dégradation des sites. Le fait de connaître l'utilité spécifique des espèces peut encourager leur choix pour des programmes de plantation d'arbres et d'agro-foresterie visant à remettre en état les terres désertifiées.

Principales lacunes des connaissances nécessaires pour un aménagement efficace des terres arides, une bonne compréhension de la désertification et la remise en valeur des terres désertifiées

L'étude des documents de base et rapports nationaux a révélé des lacunes et des entraves importantes aux progrès:

(a) Climatiques

(i) Étude visant à déterminer les schémas climatiques à long terme et à prédire les précipitations dans les zones spécifiques sujettes à une grave désertification.

(b) Écologiques

(ii) Évaluation et suivi de la végétation des terres arides pour déterminer les variations dues à des causes précises.

(iii) Enquêtes écologiques quantitatives et inventaire actualisé de la végétation des terres arides visant à mettre en place des systèmes d'aménagement viables.

(iv) Études du comportement d'espèces de zones arides économiquement importantes et soumises à différentes contraintes: récoltes, pâturages et autres (feux, tourisme).

(v) Besoins de croissance, degré de tolérance au sel, limitations climatiques des végétaux utiles résistant au sel.

(vi) Évaluation des terres salinisées afin de les classer en fonction de leur utilité potentielle et des possibilités de leur remise en état.

(vii) Méthodes permettant d'estimer avec précision les effets des différentes pratiques d'utilisation des terres sur les bassins versants et sur les zones en aval.

(c) Techniques

(viii) Détermination des besoins minimums en eau des cultures agricoles et peuplements forestiers.

(ix) Rationalisation de l'utilisation du feu pour l'amélioration des pâturages et la lutte contre certains types de végétation.

(x) Diffusion de techniques bien au point d'exploitation agricole avec utilisation des déchets et travail minimal du sol dans les zones arides.

(xi) Intégration de la gestion de la faune sauvage avec celle du bétail domestique. Meilleure utilisation des produits de la faune sauvage grâce à un meilleur stockage. Étude plus poussée du ranching.

(xii) Techniques permettant de restaurer les sols salins, détermination des espèces utiles à cette fin.

(d) Sociologiques

(xiii) Études sociologiques/anthropologiques dans les régions critiques pour analyser la réaction de la population locale aux mesures de remise en état afin de la faire participer davantage aux mesures en question.

(xiv) Méthodes permettant de faire participer les populations sédentaires à la planification et à l'application des mesures de lutte contre la désertification et de remise en état des terres.

(xv) Création en nombre suffisant d'établissements de formation pour des stages sur les questions de lutte contre la désertification organisés à l'intention des agents de l'État et des représentants locaux.

(e) Économiques

(xvi) Économie et viabilité de différentes techniques de remise en état des terres.

(xvii) Économie et viabilité de différentes techniques de collecte de l'eau pour le boisement et la remise en état des terres.

(xviii) Économie et quantification des avantages à tirer de la remise en état des sols salins et évaluation de ses avantages non quantifiables.

(xix) Économie de l'implantation de brise-vent en sec dans les terres arides et semi-arides.

(xx) Économie de la culture de biomasse pour la production de combustible et de fourrage en condition irriguée et pluviale dans les terres arides, en comparant les zones de végétation artificielle et naturelle.

Foresterie et désertification dans le contexte du développement rural

Les arguments en faveur des campagnes de lutte contre la désertification ont été essentiellement écologiques, alors que ceux en faveur du développement sont essentiellement économiques et sociaux. Les activités en matière de développement s'inspirent généralement de critères économiques, sociaux et politiques. Il existe toutefois un rapport très étroit entre la désertification et le développement. La première oblige la population à changer de comportement pour s'adapter à la nature; le second oblige à réorganiser l'utilisation des ressources selon les technologies nouvelles, pour répondre à l'attente de la population.

La foresterie est une science à base écologique. Jusqu'à présent, c'est dans ce sens qu'elle a été abordée et que les mesures ont été prises. Or, on commence à se rendre compte que les habitants des terres arides avaient déjà, par nécessité, mis au point des systèmes écologiquement viables qui ont été modifiés ou abandonnés en raison de pressions commerciales extérieures et de l'explosion des populations humaines et du cheptel.

Ces systèmes, appliqués à petite échelle par les groupes familiaux ou tribaux, s'appliquent encore aujourd'hui mais peuvent dans la pratique devoir être modifiés pour tenir compte de l'accroissement de la pression exercée sur l'environnement. Ce qu'on recherche, c'est la rationalisation des pratiques et non pas nécessairement des changements fondamentaux, ce qui veut dire qu'il faut étudier de très près les systèmes traditionnels pour en analyser les avantages. Tout changement proposé doit être effectué avec la coopération pleine et entière des familles, tribus ou communautés intéressées si l'on veut que l'action soit menée sur une échelle suffisante pour avoir un effet sur la résolution des problèmes de désertification.


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