Disponibilité des éléments nutritifs

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Bien que la cuisson à la chaux destinée à transformer le mais en tortillas entraîne de fortes pertes d'éléments nutritifs, le procédé détermine également d'importants changements concernant la disponibilité des éléments nutritifs.

Calcium. Etant donné que l'on fait appel à l'hydrate de calcium pour transformer le maïs en tortillas, la teneur en calcium du produit augmente sensiblement, jusqu' à 400 pour cent environ. Les études de biodisponibilité entreprises par Braham et Bressani ( 1966) sur des animaux ont montré que le calcium du maïs traité à la chaux était légèrement moins disponible (85,4 pour cent) que le calcium du lait écrémé (97 pour cent). La biodisponibilité du calcium s'accroissait lorsque le maïs traité à la chaux était supplémenté par ses acides aminés limitants, la lysine et le tryptophane. Récemment, Poneros et Erdman ( 1988) ont pu confirmer la forte biodisponibilité du calcium des tortillas avec ou sans addition d'acide ascorbique. Comme on l'a fait observer dans une précédente section, l'emploi de l'hydrate de calcium améliore le rapport calcium/phosphore dans les tortillas, ce qui pourrait favoriser l'utilisation de l'ion calcium par l'animal. Cette observation a son importance pour les populations dont le régime alimentaire est carencé à l'égard de ce sel minéral essentiel. En outre, l'observation selon laquelle une meilleure qualité des protéines du maïs favorise la bio-utilisation du calcium n'est pas sans intérêt nutritionnel et fournit un motif supplémentaire de favoriser la production commerciale du maïs à protéines de qualité pour les populations dont la nutrition dépend de cette céréale.

Acides aminés. Des études de Bressani et Scrimshaw ( 1958) faisant appel à des digestions enzymatiques in vitro avec la pepsine, la trypsine et la pancréutine ont révélé qu'à la fin de la digestion par la pepsine la quantité d'azote alphaaminé en pourcentage de l'azote total digéré était deux fois plus grande dans le cas de la tortilla (43,1 pour cent) que du maïs (21,4 pour cent). A la fin de la digestion par la pepsine, on trouvait des niveaux plus élevés d'histidine, isolencine, leucine, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine et tryptophane dans l'hydrolysat de tortilla que dans l'hydrolysat de maïs, ce qui suggère une libération plus rapide à partir des protéines. Ces auteurs ont supposé par hypothèse que la différence du taux de libération pourrait résulter d'une diminution sensible de la solubilité de la fraction protéique prolamine dans les tortillas, par rapport au mais. Toutefois, SernaSaldivar et al. ( 1987), qui travaillaient sur des porcs chez lesquels on avait placé une canule dans l'iléon, ont constaté qu'à ce niveau de l'appareil intestinal la digestibilité de la plupart des acides aminés essentiels était légèrement plus élevée s'ils provenaient de maïs cuit à l'eau que de maïs cuit à la chaux. La digestibilité des protéines diminue légèrement, sans doute en raison du traitement thermique engagé (Bressani et al., 1990). D'autres chercheurs ont laissé entendre qu'au cours de la transformation du maïs, des interactions hydrophobes, une dénaturation des protéines et la réticulation des protéines seraient responsables des modifications affectant la solubilité de ces composants, ce qui pourrait avoir une influence sur la libération des acides aminés pendant la digestion enzymatique.

Niacine. On a affirmé que le traitement alcalin du maïs détruisait le facteur pellagragène qu'il contient. Les travaux d'un grand nombre de chercheurs permettent de penser que la pellagre résulte d'un déséquilibre des acides aminés essentiels qui accroît les besoins de l'animal en niacine. Cette question a fait l'objet d'abondantes controverses entre ceux qui affirment que la niacine du maïs est combinée et qu'elle n'est pas disponible pour l'animal et ceux qui penchent pour la théorie d'une amélioration de l'équilibre des acides aminés provoquée par la cuisson alcaline, dans la mesure où le traitement à la chaux entraîne la libération de la niacine combinée. Pearson et al. ( 1957) ont montré que le fait de faire bouillir le maïs dans l'eau a le même effet, à savoir qu'il augmente la disponibilité de la nincine.

Bressani, Gómez-Brenes et Scrimshaw ( 1961 ) ont constaté que la digestion enzymatique in vitro libérait l'ensemble de la niacine du maïs cru comme des tortillas, et sont parvenus à la conclusion que ce sont des différences portant sur l'équilibre des acides aminés plutôtque sur la niacine combinée qui expliquent la différence observée entre le mais cru et le maïs cuit à la chaux en matière d'activité biologique et d'action pellagragène. Le chaulage du maïs améliore l'équilibre des acides aminés, ainsi que l'ont démontré Cravioto et al. ( 1952) et Bressani et Scrimshaw ( 1958). D'autres chercheurs ont montré que les animaux d'expérience profitent davantage lorsqu'ils sont nourris au maïs chaulé plutôt qu'au mais cru. En se servant de chats - qui ne peuvent pas transformer le tryptophane en niacine Braham, Villareal et Bressani ( 1962) ont montré que la niacine provenant de maïs cru et de maïs chaulé était utilisée à égalité, ce qui laissait penser que sa disponibilité ne dépend pas du procédé de transformation.

TABLEAU 22 - Qualité protéique du maïs et des tortillas

Type de maïs

Qualité protéique (CEP)

  Mais cru Tortillas Caséine
Commun 1,13 ± 0,26 1,27 ±0,27  
Commun 1,49 ± 0,23 1,55 ± 0,23 2,88± 0,20
QPM (opaque-2) 2,79 ± 0,24 2,66 ± 0,14 2,88 ± 0,20
Commun 1,38 1,13 2,50
Commun tropical 0,99 ± 0,25 1,41±0,11 2,63 ± 0,17
Commun des hauts plateaux Xetzoc 0,96 ± 0,19 1,41±0,20 2,63± 0,17
Commun des hauts plateaux Azotea 1,02 ± 0,19 1,41±0,17 2,63 ± 0,17
Commun des hauts plateaux Sta Apolonia 0,71 ±0,20 0,98±0,17 2,63± 0,17
QPM Nutricta 1,91 ±0,23 2,12±0,12 2,63± 0,17
Valeur biologique du maïs commun 59,5 59,1 69,4
Utilisation protéique nette du maïs commun 51,2 49,4 64,5

Fibres alimentaires. On a pu montrer que lorsque le maïs est transformé en tortillas par cuisson à la chaux, les fibres alimentaires totales régressaient au stade de la pâte et augmentaient dans la tortilla jusqu'à des niveaux qui n'étaient que légèrement inférieurs à ceux constatés dans le maïs cru. Dans ces études, les niveaux de fibres alimentaires totales dans les tortillas représentaient en moyenne 10 pour cent sur la base du poids sec. Si quelqu'un consommait environ 400 g de tortilla (poids sec), l'apport en fibres alimentaires totales serait de 40 g. soit sensiblement davantage que l'apport recommandé. Même les jeunes enfants peuvent consommer des quantités relativement importantes de fibres alimentaires, qui peuvent avoir une influence sur la disponibilité du fer. Cependant, Hazell et Johnson (1989) ont indiqué que la cuisson par extrusion de produits «coupe-faim» à base de maïs s'accompagnait d'une plus grande disponibilité du ferque dans le cas du maïs cru. Pour ces auteurs, le raffinage du maïs cru, la formulation du produit, la cuisson par extrusion et l'addition d'aromatisants en sont responsables à des degrés divers. De même, l'apport en zinc pourrait s'en trouver affecté. L'autre sel minéral qui pourrait être affecté serait le calcium; toutefois, Braham et Bressani (1966) et Poneros et Erdman (1988) ont montré que le calcium des tortillas est relativement disponible et que la disponibilité s'accroît lorsqu'on améliore la qualité protéique par addition des acides aminés limitants. Ce serait un excès de calcium, plutôt que de fibres alimentaires, qui pourrait être responsable de la disponibilité du zinc, ainsi que l'ont montré un certain nombre d'études.

Qualité des protéines du maïs et blodisponibilité des éléments nutritifs

Chez des rats en croissance, on obtient une meilleure fixation du calcium lorsqu' on le supplémente au moyen de lysine, son acide aminé limitant, ainsi que d'un mélange d'acides aminés. La qualité protéique est un facteur important de la biodisponibilité des éléments nutritifs provenant du maïs et de ses produits dérivés traités à la chaux. Comme on l'a déjà dit, la disponibilité de la niacine s'améliore également à mesure que l'on améliore la qualité des protéines, des études portant sur le mais à protéines de qualité ayant d'ailleurs donné la preuve d'une meilleure utilisation de la niacine. La même observation a été faite en ce qui concerne l'utilisation du carotène, plus élevée dans le cas du maïs jaune supplémenté par la lysine que dans le produit non supplémenté.

Changements de qualité. Les modifications de la valeur nutritionnelle, et notamment celle des protéines, au cours de la transition du maïs cru aux tortillas ont été étudiées, surtout chez les animaux. Bien que des pertes chimiques de certains éléments nutritifs se produisent au moment de la cuisson du maïs à la chaux, la qualité protéique des tortillas est légèrement mais systématiquement supérieure à celle du maïs cru. Le tableau 22 résume les résultats de diverses études qui ont servi à évaluer le maïs cru et les tortillas préparées à partir de ce dernier. Le coefficient d'efficacité protéique des tortillas est généralement un peu supérieur à celui du maïs cru, encore que certaines études aient montré le contraire. La différence pourrait s'expliquer par les conditions de transformation, et notamment la concentration de la chaux d'ajout, plus faible dans les foyers ruraux que dans les établissements industriels. La combinaison des acides aminés des tortillas, déterminée chimiquement, n'est pas meilleure que celle du maïs cru. La seule explication est que le procédé augmente la disponibilité des acides aminés clés. On en a un exemple avec les résultats d'études sur l'alimentation de jeunes rats (Bressani, Elías et Braham, 1968). Le mais cru comme la pâte cuite à la chaux étaient supplémentés moyennant des niveaux croissants de lysine seule (de 0 à 0,47 pour cent du régime). Le CEP atteignait son niveau maximal avec une addition de 0,31 pour cent dans le cas du maïs cru et une addition de 0.16 pour cent pour la pâte cuite à la chaux. A tous les niveaux de lysine ajoutée en supplément, la pâte présentait des valeurs de CEP plus élevées que le mais cru.

La supplémentation par le tryptophane seul a également été expérimentée; dans ce cas, c'est une addition de 0,025 pour cent qui a fourni le CEP le plus élevé pour le maïs, avec une absence de réponse pour la pâte. L'addition des deux acides aminés à hauteur de 0,41 pour cent pour la lysine et un chiffre compris entre 0,05 et O, 15 pour cent pour le tryptophane aamélioré la qualité des deux produits, mais plus sensiblement celle de la pâte.

On a expliqué ces résultats par le fait que la qualité du maïs traité à la chaux est supérieure à celle du maïs cru. Cette explication est corroborée par des études in vitro qui ont montré une plus forte libération d'acides aminés essentiels à partir des tortillas1las que du maïs, et cela bien que Ortega, Villegas et Vasal ( 1986) aient indiqué que la digestibilité in vitro des protéines du maïs, de la pâte et des tortillas était respectivement de 88, de 91 et de 79 pour cent. Pour le maïs à protéines de qualité, les valeurs respectives étaient de 82' de 80 et de 68 pour cent. Récemment, Serna-Saldivar et al. ( 1987) ont publié des résultats concernant la digestibilité du maïs cuit avec et sans chaux pour la matière sèche, l'énergie brute et l'azote. On n'a pas relevé de différence entre les traitements de transformation à l'égard des valeurs de digestibilité pour la matière sèche et l'énergie brute. En revanche, la cuisson du maïs à la chaux abaissait la digestibilité de l'azote de 76,5 à 72,8 pour cent. Ces valeurs ont été mesurées près de l'extrémité de l'intestin grêle des porcs. Les valeurs de la digestibilité pour la matière sèche, l'énergie brute et l'azote augmentaient lorsqu'elles étaient mesurées sur l'ensemble des voies digestives des porcs. A partir d'études de bilan azoté, les mêmes auteurs ont signalé une rétention de l'azote ingéré de 45,8 pour cent pour le maïs cuit sans chaux et de 41,2 pour cent pour le maïs cuit avec de la chaux. La rétention de l'azote absorbé était de 48,2 pour cent pour le mais cuit à la chaux et de 52,9 pour cent pour le maïs cuit à l'eau seule. Les énergies digestibles et métabolisables étaient les mêmes pour le maïs préparé avec et sans chaux. Les auteurs en ont conclu que la cuisson à la chaux abaisse la valeur nutritive du maïs.

Dans une autre étude de Serna-Saldivar et al. ( 1988b), conduite cette foisci chez les rats, les auteurs ont relevé une augmentation en pourcentage des digestibilités de la matière sèche et de l'énergie brute lorsqu'on passait du maïs au nixtamal (pâte) et aux tortillas; en revanche, la digestibilité des protéines diminuait. Les études in vitro ont confirmé les valeurs in vivo. Braham, Bressani et Guzman ( 1966) ont mis en évidence un gain de poids plus élevé chez les porcs Duroc-Jersey nourris au mais traité à la chaux que chez les porcs nourris au maïs cru, avec un meilleur rendement des aliments. Dans des études sur des chiens, la lysine et le tryptophane ajoutés au maïs cuit à la chaux ont amélioré le bilan azoté, le rendant identique à la valeur obtenue avec le lait écrémé (Bressani et de Villareal, 1963; Bressani et Marenco, 1963). Il a de plus été démontré qu'après ces deux acides aminés l'isoleucine, la thréonine, la méthionine et la valine portaient la rétention azotée au-dessus des valeurs mesurées avec la lysine et le tryptophane. Le maïs traité à la chaux a également été évalué chez les enfants (voir chapitre 6). Les résultats d'études sur le bilan azoté ont montré une forte réponse à l'addition de lysine et de tryptophane, laquelle à son tour est fonction du niveau des protéines ingérées. Aux faibles niveaux, seule la lysine améliorait la qualité, mais à mesure que s'accroissait l'azote ingéré, l'addition de tryptophane avec la lysine prenait de l'importance. Toutes les études tendent à montrer que, dans le mais traité à la chaux, la lysine est légèrement plus déficiente que le tryptophane, et il semble que ce soit le contraire pour le maïs cru. Néanmoins, si l'on veut apporter une amélioration significative à la qualité nutritionnelle protéique du maïs traité à la chaux, ces deux acides aminés sont nécessaires.

Utilisation du maïs à protéines de qualité. Après cuisson à la chaux et transformation en tortillas, le mais amélioré sur le plan nutritionnel (QPM) présente les mêmes modifications de la qualité protéique et de la biodisponibilité que le maïs normal. La seule différence est que les tortillas et produits à base de QPM sont supérieurs d'un point de vue nutritionnel aux produits obtenus à partir de maïs commun. Ils sont tout aussi acceptables pour les consommateurs.

Autres effets de la cuisson à la chaux

Formation de lysino-alanine. En 1969, De Groot et Slump ont démontré que le traitement alcalin des protéines donnait lieu à des peptides telles que la Iysino-alanine, la lanthionine et l'ornithine, qui avaient des effets négatifs sur les animaux. Ces peptides n'étaient pas biologiquement disponibles et avaient des effets défavorables sur la qualité des protéines. Par conséquent, l'effet de la cuisson alcaline lors de la transformation du maïs en tortillas a retenu l'attention de plusieurs chercheurs. Sternberg, Kim et Schwende ( 1975) ont indiqué que des échantillons commerciaux de farine de masa, de tortillas et de coques de taco contenaient 480, 200 et 170 µg de lysinoalanine par gramme. Sanderson et al. ( 1978) ont également constaté qu'il y avait formation de lanthionine et d'ornithine au cours de la cuisson alcaline du maïs. Ces auteurs n'ont pas trouvé de Iysino-alanine dans le maïs commun ou le maïs à haute teneur en lysine à l'état cru; toutefois, la protéine a été décelée à raison de 0,059 et de 0,049 g pour cent dans les produits dérivés du maïs traités à la chaux. Un échantillon commercial de masa contenait 0,020 pour cent et des tortillas 0,081 pour cent de la protéine. Ces auteurs ont également décelé de la lanthionine et de l'ornithine dans la masa préparée à partir des deux types de maïs. Chu, Pellet et Nawar ( 1976) ont trouvé des valeurs de 133,2 µg de Iysinoalanine par gramme de protéine lorsque le maïs était préparé avec 4,1 mol par kilogramme de chaux pendant 30 minutes à 76,6 °C. L'emploi de soude dans les mêmes conditions donnait des niveaux plus élevés de Iysino-alanine Etant donné que des niveaux plus élevés de Iysino-alanine étaient obtenus avec NaOH et KOH, les auteurs ont suggéré que les ions de calcium pourraient, d'une certaine manière, entraver le mécanisme de formation de la Iysino-alanine. Il est difficile d'évaluer la signification que revêt la formation de Iysino-alanine pendant la confection des tortillas pour des personnes qui consomment chaque jour des quantités relativement importantes de cet aliment. Comme cela se pratique depuis très longtemps, les petites quantités dont il s'agit ne sauraient compromettre la valeur nutritive ni entraîner d'effets pathologiques. Des études sur l'effet du niveau de chaux sur la qualité des protéines du maïs ont montré, cependant, que des niveaux supérieurs à 0,5 pour cent du poids du grain réduisent la qualité protéique. Le type de maïs utilisé et sa taille ont leur importance de ce point de vue. Les grains plus tendres sont davantage affectés que les grains durs cuits dans les mêmes conditions (Bressani et al. données non publiées).

Mycotexines et cuisson alcaline du maïs. La présence de mycotoxines dans un grand nombre de céréales et autres denrées alimentaires ou aliments pour animaux est aujourd'hui largement reconnue, et le mais ne fait pas exception. En Amérique centrale, où le maïs revêt une grande importance alimentaire, le grain est récolté deux fois par an dans les zones tropicales. L'une de ces récoltes a lieu en août, alors que les conditions idéales de pluie et de température sont réunies pour la croissance des moisissures. Martinez et al. ( 1970b) ont signalé la présence de six moisissures différentes dans des échantillons de maïs prélevés sur différents marchés du Guatemala. La fréquence d Aspergillus versico/or était de 57,1 pour cent; celle d Asperillus wentii de 32,1 pour cent; celle d Aspergillus ruber de 26,8 pour cent; celle d Aspergillus echinulatus de 25 pour cent; celle d Aspergillus flavus de 25 pour cent et celle de Chaedosporium spp. de 26,8 pour cent.

A cause de la signification que revêt la présence de mycotoxines dans les céréales, on a mené un certain nombre d'études en vue d'évaluer le degré de rétention des mycotoxines au cours de la transformation des grains. C'est ainsi que l'effet de la cuisson du maïs à la chaux a retenu l'attention. MartinezHerrera ( 1968) a nourri des poulets et des rats au maïs infecté, cru et préparé à la chaux. Le mais a été infecté avec Fusurium s. p. Penicillium spp., Aspergillus niger et Aspergillus flavus. L'auteur a constaté une forte mortalité parmi les volailles nourries au maïs infecté cru, mais aucune dans le groupe de poulets nourris au même maïs préparé à l'hydrate de calcium.

Chez les jeunes rats, les grains crus et infectés abaissaient le gain de poids et entraînaient mortalité. En revanche, les grains infectés préparés à la chaux n'entraînaient aucune mortalité, le gain de poids ainsi que le rendement de l'aliment étaient semblables à ceux des témoins. Des rats adultes ont également été affectés par le mais infecté, mais non par le mais infecté préparé à la chaux. L'étude ne précise pas les niveaux de mycotoxines avant et après la cuisson.

Martinez (1979) a publié des études sur des échantillons de tortilla recueillis à Mexico à différentes époques de l'année. Il a constaté que de 15 à 20 pour cent des échantillons recueillis au printemps de 1978 et au cours de la saison des pluies de 1977-1978 contenaient des aflatoxines. De plus, il a mentionné que les concentrations d'aflatoxines B 1 variaient entre 50 et 200 ppb. Il a également indiqué que la cuisson du maïs à la chaux réduisait les concentrations d'aflatoxines de 50 à 75 pour cent. Martinez, ainsi que de Campos, CrespoSantos et Olszyna-Marzys (1980) ont indiqué que les concentrations de chaux jusqu'à 10 pour cent ne réduisaient pas plus efficacement les aflatoxines qu'une concentration de 2 pour cent.

Ulloa-Sosa et Schrooder (1969) ont montré que la préparation des tortillas n'éliminait pas les aflatoxines du maïs contaminé. Pourtant, d'autres chercheurs ont obtenu des résultats différents. C'est ainsi que Solorzano Mendizabal (1985) a constaté que du maïs inoculé avec Aspergillus flavus et Aspergillus parastticus produisait des niveaux élevés d'aflatoxines qui étaient réduits par la cuisson à la chaux, complètement dans certains cas, mais le plus souvent jusqu'à 80 pour cent. La concentration de chaux variait entre 0,6 et 8 pour cent, et les analyses étaient pratiquées sur le mais, la masa les tortillas et les eaux de cuisson. Dans une autre étude, de Arriola et al. (1987, 1988), qui travaillaient sur du QPM Nutricta, ont constaté que les teneurs en chaux auxquelles le nixtamal est normalement préparé au Guatemala ne réduisent pas suffisamment l'aflatoxine des grains contaminés pour les rendre propres à la consommation humaine.

Des teneurs en chaux de 2 pour cent et plus permettaient de réduire considérablement les aflatoxines, mais les tortillas n'étaient plus consommables. Ce serait l'aflatoxine B1qui subirait la réduction la plus importante. Torreblanca, Bourges et Morales (1987) ont trouvé des niveaux d'aflatoxi nes relativement élevés tant dans le mais que dans les tortillas, lors d'une étude conduite à Mexico. L'aflatoxine B 1 a été décelée dans 72 pourcent des échantillons de tortilla de maïs analysés; de plus, 24 pour cent des échantillons réagissaient positivement à la zéaralénone. Carvajal et al. ( 1987) ont trouvé des mycotoxines dans le mais et les tortillas d'échantillons mexicains et ont indiqué que les aflatoxines, la zéaralénone et le désoxynivalénol n'étaient pas détruits par le traitement à la chaux ni par des températures de 110°C.

Price et Jorgensen ( 1985) ont constaté que la cuisson alcaline ramenait les niveaux d'aflatoxines de 127 µg par kilogramme dans le mais cru à 68,6 µg par kilogramme dans les tortillas. Les auteurs en ont conclu que le procédé n'était guère efficace, étant donné que la valeur la plus faible obtenue restait supérieure à la valeur tenue pour acceptable (environ 20 µg par kilogramme). Ces auteurs ont constaté que l'acidification - ainsi qu'elle se produit dans les voies intestinales - augmentait les niveaux d'aflatoxines. Abbas et al. ( 1988) ont commenté l'effet de la cuisson du maïs avec 2 pour cent de chaux sur la décomposition de la zéaralénone et du désoxynivalénol. Ils ont constaté des réductions significatives, de 58 à 100 pour cent pour la zéaralénone et de 72 à 82 pour cent pour le désoxynivalénol. En outre, l'acétyl-15 désoxynivalénol était complètement détruit.

Les résultats obtenus par les différents chercheurs ne sont pas toujours concordants, dans la mesure où plusieurs d'entre eux annoncent une réduction partielle de certaines mycotoxines, alors que d'autres font état d'une élimination totale. Dans de nombreuses études, les niveaux de mycotoxines étaient relativement élevés, ce qui nécessitait des conditions de transformation plus énergiques, qu'il s'agisse de la concentration de chaux ou du temps de cuisson. L'étude du problème mérite d'être approfondie. C'est, semble-t-il, la qualité des grains qui, de préférence aux effets partiellement destructeurs de la chaux, est la meilleure garantie de l'absence de mycotoxines dans le produit fini.

Aspects microbiologiques des tortillas et de la farine à tortilla. Les études sur la microflore des tortillas de maïs cuites à la chaux sont très limitées. Capparelli et Mata ( 1975) ont montré que les principaux contaminants des tortillas, telles qu'elles sont confectionnées sur les hauts plateaux du Guatemala, sont des coliformes, Bacillus careus, deux espèces de Stupliy/ococcus et de nombreuses sortes de levures. Lorsque les tortillas venaient d'être cuites, les numérations bactériennes étaient au plus d'environ 103 organismes par gramme, ce qui est sans dangerpourle consommateur. Après avoir cuit environ cinq minutes sur une plaque chaude, elles sont placées toutes chaudes dans un panier, souvent recouvert d'un linge. Celui-ci recueille la vapeur qui s'élève des tortillas, créant ainsi un milieu favorable à la croissance microbienne. Après une dizaine d'heures dans ces conditions, la surface des tortillas empilées les unes sur les autres devient visqueuse et elles ne sont plus consommables.

Même si les occasions de contamination ne manquent pas dans les zones rurales pendant la transformation du maïs en tortillas, les facteurs qui y contribuent sans doute le plus sont l'eau utilisée lors de la transformation du maïs cuit en pâte et le moulin utilisé pour broyer le maïs cuit. Molina, Baten et Bressani ( 1978) ont signalé une plus forte augmentation des numérations bactériennes dans les tortillas fortifiées à la farine de soja et aux vitamines que dans les tortillas non fortifiées. Dans ce cas, le moulin utilisé pour broyer le maïs cuit en vue de préparer la pâte a été lavé à l'eau de Javel; cela a contribué à abaisser la numération bactérienne dans le mais supplémenté au soja. Les tortillas ainsi confectionnées présentaient elles aussi une numération bactérienne plus faible. Le taux d'accroissement du nombre des bactéries a également diminué. Valverde et al. (1983) ont signalé des numérations bactériennes plus élevées dans la pâte et les tortillas confectionnces à partir de QPM Nutricta que dans le mais commun, ce qui s'explique par l'effet de la qualité nutritionnelle sur la croissance bactérienne.

Leur teneur en humidité relativement élevée, responsable d'une durée de conservation très brève, a limité les possibilités de commercialisation des tortillas. Toutefois, une demande existe dans les zones urbaines où elles sont commercialisées à l'état réfrigéré. Un certain nombre de tentatives ont été faites en vue d'en accroître la durée de conservation. Rubio ( 1972a, 1972b, 1973, 1974a, 1974b, 1975) a fait breveter un certain nombre de méthodes faisant appel à divers additifs: l’épichlorohydrine et l'acide polycarboxyli que et leurs anhydrides; des gels inorganiques hydrophiles; l'acide sorbique et ses sels, ainsi que les parahydroxybenzoates de méthyle, d'éthyle, de butyle et de propyle, et les acides acétique et propionique. Peleaz et Karel (1980) ont mis au point une tortilla à teneur en humidité intermédiaire à durée de conservation stable. Elle était exempte de croissance microbienne, y compris Staphylococcus aureus, les levures, les moisissures et les entérotoxines. Pour cela, il a été fait appel au glycérol, aux matières solides du blé DE-42 et au sel, ainsi qu'à l'agent mycostatique qu'est le sorbate de potassium. La protection conférée par un emballage approprié était revendiquée pour une durée d'au moins 30 jours, tandis que1'aspect, la texture et les autres caractéristiques étaient semblables à celles des tortillas ordinaires, avec une activité de l'eau de 0,97. Hickey, Stephens et Flowers ( 1982) ont relevé une protection relativement bonne des tortillas moyennant de faibles concentrations de sorbates ou de propionates ajoutés à la pâte, et une pulvérisation superficielle de sorbate (des deux côtés) après cuisson sur la plaque chaude. Plus récemment, Islam, Lirio et Delvalle ( 1984) ont assuré que le propionate de calcium prolongeait la durée de conservation des tortillas à température ambiante jusqu'à 2 à 5 jours; avec le fumarate de diméthyle, cette durée était de 2 à 11 jours, aux mêmes conditions de stockage et en utilisant des sacs de polyéthylène. Bien que des progrès aient été accomplis en ce qui concerne le prolongement de la durée de conservation, le problème continue à se poser pour les gens qui s'approvisionnent dans les supermarchés.

On ne dispose pas de travaux sur la microbiologie de la farine à tortilla et des tortillas préparées à partir de cette dernière. Compte tenu du procédé utilisé pour préparer la farine et l'utiliser à domicile, il est néanmoins probable que les numérations bactériennes soient plus faibles.


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