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Valorisation par l'agriculture

Bien que l'incorporation de végétaux dans le sol ne lui apporte guère d'éléments nutritifs, I'humification qu'elle favorise modifie considérablement et en bien sa structure, le pouvoir rétenteur des éléments minéraux et de l'eau, etc. Si l'utilisation des herbes en vue d'améliorer la qualité des sols sous cultures est chose difficile à obtenir actuellement, il n'en sera plus de même lorsque la traction animale sera généralisée.

Paillis et ombrage

Dans les cultures de café dans les régions montagneuses du Burundi et du Rwanda, la couverture du sol par un épais paillis est jugée obligatoire. Elle le protège des intempéries, de l'érosion de la rapide dessiccation. En bien des endroits, une telle protection des terres cultivées améliorerait grandement les rendements surtout par l'économie d'eau qu'elle permet. L'herbe coupée à proximité des cultures à défendre des feux de brousse pourrait utilement être répartie entre les lignes de culture au lieu d'être brûlée.

Dans certaines régions soudaniennes, on a étudié et commencé à répandre une technique sylvo-agricole. Elle peut consister, par exemple, à faire alterner les cultures vivrières avec des lignes doubles ou triples de plantations forestières. Ainsi, le Leucaena enrichit le sol en azote, protège les jeunes cultures du vent, de l'insolation trop forte, entrave le ruissellement. Coupé ou fortement éclairci lorsque la culture vivrière supporte le plein soleil, il sert de paillis de fourrage pour les bovins, caprins et ovins, de petit bois de chauffage et de perches, etc. C'est aussi un type de jachère efficace pour régénérer les sols.

Fumier et compost

Les sols africains manquent d'engrais et d'apport de matières organiques qui, pourtant, en augmenteraient considérablement la productivité et en prolongeraient la fertilité. Ce faisant, la fumure est pratiquement seule à permettre une sédentarisation de l'agriculture encore très souvent itinérante.

Au Burundi et au Rwanda, pays essentiellement agricoles et surpeuplés, la quasi-totalité des terres arables est occupée et il n'est plus question de défrichements nouveaux compensant de longues mises en jachère. Aussi les agronomes ont-ils préconisé et expérimenté avec succès un petit élevage bovin en stabulation ou très petit enclos dont le but principal est la fourniture de fumier aux cultures du propriétaire.

Dans les régions où commence à se poser un problème de disponibilité des terres agricoles, l'élevage en enclos suggéré ci-dessus, en vue de la traction animale ou de l'embouche, ou simplement le regroupement des troupeaux, durant la nuit, facilitent la récolte de fumier. L'apport de fourrage en abondance et de litière dans l'étable augmentera le volume d'amendement disponible en rendant le fumier plus pailleux.

Dans les régions citées plus haut de l'Afrique centrale montagneuse, les paysans qui ne disposent pas de bétail préparent du compost dans les fosses voisines de leur champ. Ils y jettent des herbes coupées en brousses ainsi que les déchets ménagers, de cultures, les cendres, etc. Le compost est enfoui dans le sol lors des labours.

La solution la plus avantageuse, pour celui qui possède un animal de trait ou un élevage d'embouche, est de préparer un abondant compost en stratifiant des couches d'herbes brutes, de fumier et de déchets divers.

Résultats escomptés

Ces diverses pratiques culturales et d'élevage dispensent du feu, même précoce, et valorisent des végétaux et des sites généralement inexploités. Mais elles présentent, à plus long terme, d'autres avantages qui ne sont nullement à dédaigner. Ainsi, elles contribuent au développement économique régional en introduisant de nouveaux types de spéculations animales, apportent une force motrice supplémentaire à l'agriculture ainsi qu'une fumure indispensable à sa sédentarisation, développent l'idée d'une qualité du cheptel prioritaire sur sa quantité. Pour ce qui est de la pratique du feu comme moyen d'aménagement, elles lui font préférer une utilisation plus économique et plus écologique d'une biomasse importante.

Dans la région soudanaise, tout au moins, à partir d'un élevage partiellement réalisé en enclos et d'une agriculture plus intensive recevant fumure et amendement, se forgera une tradition d'économie au sein d'une agriculture fixée. Les domaines forestier, agricole et pastoral se délimiteront, chacun étant davantage respecté et, par le fait même, amélioré. La savane fera place progressivement au pâturage amélioré, le marais à la culture fourragère intensive, l'agriculture itinérante à une culture plus intensive et soucieuse de la sauvegarde de la fertilité des sols et enfin l'incinération généralisée des herbes à leur utilisation diversifiée.


Lutte contre les feux accidentels


Matériel à utiliser
Main-d'oeuvre
Techniques de lutte
- Attaque de front
- Contre-feu
Conclusions


Il fut souvent question du brûlage précoce comme moyen le plus efficace sinon unique de se préserver contre les feux tardifs accidentels. La première mesure à prendre est donc préventive et le responsable de l'organisation des campagnes de lutte contre les feux de brousse veillera à traiter avec soin les sites où naissent la plupart des incendies accidentels. Ce sont les accotements des voies de circulation, les abords des habitations, des cultures et des défrichements nouveaux, les chantiers de toutes sortes. Quant aux feux volontaires allumés pour la chasse, leur fréquence et leur extension diminuent considérablement dès que les grandes savanes sont cloisonnées par un réseau assez dense de pare-feu incinérés.

Toutefois, un incendie peut se déclarer à tout moment et en tout lieu qu'il faudra éteindre ou contenir au plus vite. Une longue expérience de ce travail toujours pénible permet de donner quelques conseils utiles à celui qui se trouve, pour la première fois, devant une telle obligation.

Matériel à utiliser

Pour venir à bout des incendies de forêt et de maquis des pays de l'Europe méditerranéenne, on a recours à des avions et hélicoptères spécialement équipés pour charger rapidement des quantités considérables d'eau et les déverser au coeur de l'incendie. On ne pourra envisager un tel moyen de lutte, en Afrique tropicale, avant bien longtemps. A notre connaissance, le petit avion à vitesse réduite n'a été utilisé, dans la lutte contre les feux de brousse, qu'en Zambie afin de juger de l'efficacité des campagnes de brûlage précoce, par le service forestier.

Le matériel lourd des pompiers n'est guère utilisable que le long des routes et des pistes bien aménagées et n'est requis que lorsqu'il faut préserver des quartiers citadins ou industriels.

Au Sénégal cependant ce sont des tracteurs et camions légers tout terrain équipés pour la lutte contre les feux de brousse qui composent des brigades d'intervention.

L'équipement de chaque engin comporte sommairement:

une citerne de capacité 2000 litres ou plus
une pompe haute pression débitant 60 litres/mn
une pompe de transfert et de remplissage auto-amorçant dont le débit minimum est de 200 litres/mn
une prise autonome permettant le remplissage et le transfert dans un réservoir remorqué
3 lances de diamètre 10 mm avec 10 mètres de tuyaux haute pression
5 mètres de tuyau d'aspiration avec crépine.

Le véhicule permet de traiter la végétation avec brouillard d'eau grâce à des lances utilisées par des opérateurs en position de travail à terre ou debout devant l'engin.

L'eau projetée sous forme de pulvérisation qui provoque une certaine nébulisation sur la végétation permet d'intervenir sur des foyers ponctuels.

Quant aux engins de terrassement tels que les lames niveleuses pour ouvrir rapidement des pare-feu, leur emploi est surtout préventif. En cas d'incendie accidentel, seul le hasard fait qu'ils soient disponibles au bon moment et au bon endroit. L'occasion n'est nullement à dédaigner mais reste exceptionnelle.

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On a parfois introduit le lance-eau à dos, d'une contenance d'une dizaine de litres. L'appareil est coûteux et on n'a que peu d'occasions de l'utiliser. Mieux vaut le remplacer par un pulvérisateur, à jet réglable en débit et dispersion, qui sert aussi au traitement sanitaire des cultures et du bétail. S'il en possède, le forestier fera bien de le garder, chargé et avec une réserve d'eau, en permanence dans son véhicule, durant la saison sèche. Outre son emploi, au même titre que le lanceflammes, lors des brûlages précoces de prévention et d'aménagement, il sera très utile dans la lutte contre les incendies accidentels. Mais cette utilisation reste fort limitée dans des régions où, en saison sèche, le principal souci des populations est l'approvisionnement en eau.

La large pelle de caoutchouc montée d'un long manche est moins coûteuse et rend de grands services. Dans certaines régions européennes, le service forestier en répartit le long des chemins forestiers afin que le passant auteur ou témoin d'un feu puisse intervenir immédiatement. Le forestier qui en dispose les emportera également lors de ses tournées, en saison sèche.

Toutefois, le matériel le plus utilisé reste la machette. Dans bien des régions, l'ouvrier forestier et même tout villageois l'emmène dès qu'il quitte son habitation. Elle lui sert d'outil polyvalent. Surpris par un incendie accidentel, il s'en sert pour nettoyer la ligne de départ d'un contre-feu, couper des herbes pour se faire une torche, se procurer les branches feuillées. C'est avec celles-ci que s'éteignent la grande majorité des feux. Lorsqu'il faut s'y attaquer, on dispose rarement de moyen plus sophistiqué que la hache ou la machette. Personnellement, nous n'avons jamais utilisé autre chose que des branches feuillées pour combattre des feux accidentels et même contrôler des brûlages volontaires, précoces ou non.

Néanmoins les comités villageois de lutte peuvent disposer d'outils manuels et d'équipements légers en vue d'une intervention plus efficace contre les feux de brousse.

La composition d'un lot d'outils et d'équipements indispensables a été fixée comme suit au Sénégal:

20 casques

20 paires de gants

10 râteaux

10 haches

2 allume-feu

20 combinaisons

10 pompes manuelles

10 pelles

5 seaux

20 paires de bottes

10 batte-feu

10 coupe-coupe

5 jerrycans

La figure 30.5 représente quelques outils et équipements destinés aux comités de lutte contre les feux de brousse.

Figure 30.5 - Petit matériel de lutte: moins coûteux et plus efficace sur le moyen et long termes

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Main-d'oeuvre

Si les feux préventifs ont été bien réalisés, les incendies accidentels ne sauraient prendre grande extension ni occasionner de lourdes pertes. Dans le cas contraire, il n'y a souvent urgence à les éteindre et risque de dégâts importants que dans des circonstances particulières: approche des habitations, greniers, cultures, plantations forestières, parcelles d'expérience, coupes de bois, défrichements en cours, etc. Heureusement, en pareilles circonstances, il est souvent aisé de trouver, sur place, une main-d'oeuvre abondante et motivée puisque ce sont ses biens qui sont menacés par le feu qu'on lui demande de combattre.

Dans les pays où les dangers d'incendie accidentel sont réels et malgré des articles autorisant et organisant les feux précoces préventifs et d'aménagement, la réglementation fera bien de prévoir une obligation pour toute personne témoin d'un feu menaçant des personnes et des biens, de prêter son aide.

Celui qui prend l'initiative des opérations élabore rapidement un plan général de lutte qu'il expose clairement à ses compagnons. Ceux-ci se répartissent en équipes de 4 à 6 hommes, l'un d'entre eux veillant à coordonner l'action de son groupe avec celle des autres.

Techniques de lutte

Plus encore que lors des feux précoces volontaires, la lutte contre les incendies accidentels, souvent tardifs et violents, exige une parfaite coordination des actions et des prises de décisions rapides et justes devant les allures que peut prendre subitement le feu.

Avant de décrire quelques situations types, il n'est pas inutile de rappeler certains conseils élémentaires.

* Il est inutile et épuisant de s'attaquer à un brasier violent alors que, peu après, gagnant une zone moins riche en végétaux ou grâce à une saute ou une diminution momentanée du vent, il s'apaisera quelque peu. Il sera alors beaucoup plus facile à maîtriser. Bien que cela puisse paraître étrange, trop souvent l'équipe veut montrer sa bonne volonté en s'affairant contre de hautes flammes qu'elle est impuissante à juguler. Puis, après bien des efforts inutiles, elle reprend son souffle au moment où l'incendie perd de sa violence et lui parait donc moins dangereux et moins urgent à combattre.

* Il ne faut jamais négliger la toute petite flamme qui s'attarde sur une touffe d'herbe ou entame un morceau de bois mort traînant sur le sol. L'instant d'après, elle peut redonner vie à un feu violent alors qu'il est si facile de l'éteindre complètement du pied.

* Tout en combattant le feu, surtout par grand vent, un membre de l'équipe doit surveiller les flammèches qui, derrière elle, peuvent être l'origine d'un nouveau front d'incendie.

* Pour être efficaces, les équipes doivent être assez fournies mais sans excès. Mieux vaut disposer de plusieurs groupes, tout au long de la ligne à défendre, que de se gêner au même endroit. Généralement, la lutte active se fait non sur une ligne continue mais sur des segments de lignes de quelques mètres de long aussi nombreux que possible et à chacun desquels est affectée une équipe.

Feu progressant contre le vent

Il est assez rare qu'il faille s'attaquer à un feu accidentel progressant contre le vent. Dans ce cas, le travail est assez facile.

Lorsque le vent est régulier et le milieu assez homogène, le front de l'incendie est relativement rectiligne. S'il est peu étendu, on l'attaque par ses deux extrémités en même temps. Sinon, on se porte en face du site le plus menacé, qu'il faut protéger en premier, afin de parer au danger le plus immédiat et le plus grave.

On choisit alors une pointe avancée du front. Le feu étant rabattu, par le vent, vers la zone déjà brûlée (que l'on désigne comme intérieure), on peut approcher le front de l'extérieur sans grande difficulté. Fumée et chaleur dégagée sont chassés de l'autre côté et on n'a qu'à affronter le rayonnement du brasier.

Profitant, si possible, d'une légère accalmie, deux ou trois hommes coude à coude, rabattent le feu de coups redoublés et synchronisés. Ils s'attaquent à la base des flammes les plus proches d'eux, au niveau des souches. Dès que le feu parait quelque peu maîtrisé et tandis que ces hommes viennent de fournir un effort considérable, d'autres prennent leur place. Armés de branches larges et bien feuillées, ils balaient vigoureusement le sol d'un large mouvement de l'extérieur vers la zone déjà incinérée, rejetant vers celle-ci les herbes détachées, les feuilles d'arbres et les brindilles. Leurs coups couchent les chaumes enflammés. Au besoin, ils écrasent du pied les dernières petites flammes et écartent les tisons. La première phase de la lutte sera terminée lorsque le feu sera totalement éteint sur quelques mètres.

Le front étant ainsi coupé, deux équipes progressent dos à dos. A partir de ce moment, il n'est plus nécessaire de faire face à l'incendie mais on peut l'attaquer latéralement, se plaçant sur la ligne même de son front.

A tour de rôle, les membres de l'équipe rabattent les flammes vers l'intérieur d'un mouvement rapide, continu et circulaire de leurs branches. Ils frappent les herbes incandescentes de l'extérieur vers l'intérieur, au niveau du feu le plus violent. Dès qu'ils sont fatigués, ils laissent la place aux suivants. Tout autour du premier de file qui, sans cesse, rabat les hautes flammes, les autres équipiers martèlent le sol de leurs branchages pour étouffer le feu fortement réduit par l'action du premier.

L'équipe avance régulièrement au fur et à mesure qu'elle se rend maîtresse de l'incendie, élargissant la brèche et s'assurant que plus aucun danger n'y subsiste. Périodiquement, un membre retourne en arrière et contrôle l'extinction totale du feu. Le vent soufflant vers la zone déjà incendiée, il n'a à guère de danger de la part de flammèches qui s'envoleraient vers l'intérieur.

Feu poussé par le vent

L'approche d'un tel incendie est beaucoup plus pénible. De l'intérieur de la parcelle (zone incendiée), elle oblige à progresser au milieu des végétaux, dressés ou couchés, encore en feu. De face, on se heurte aux flammes couchées par le vent, aux fumées et à la chaleur dégagée qui les précèdent. Or ce sont les incendies les plus dangereux puisqu'ils progressent rapidement et sont très violents. Soulevées par les petits tourbillons qui naissent tout au long du front d'incendie, les flammèches sont projetées parfois loin en avant de celui-ci, parfois au-dessus des rideaux boisés prévus comme coupe-feu.

Il faut donc s'y attaquer sans retard, de front si on manque de recul du fait de la proximité des biens à protéger, ou en recourant au contre-feu.

- Attaque de front

Pour la réussir, il faut disposer d'un personnel nombreux et bien décidé à se battre avec vigueur. On choisit un secteur et on y attaque le front d'incendie suivant une longueur qui dépend de l'importance de l'équipe, de la violence du feu et du vent, de la végétation, etc.

Chacun s'arme d'une branche bien fournie et feuillée, tandis qu'un homme en prépare quelques-unes de réserves pour remplacer celles qui perdent leur feuillage et deviennent moins efficaces. Comme dans chaque cas, on attaque en force un point faible du front, profitant d'un apaisement momentané ou d'un bref changement de direction du vent. Juste devant ce point, on écrase grossièrement les herbes pour les tasser quelque peu. Puis au signal donné, un rang d'hommes s'avance rabattant vigoureusement les flammes à coups répétés. Dès que leur ardeur faiblit, un second rang les remplace et ainsi de suite, chacun revenant, à son tour, en première ligne. Le premier résultat est atteint dès qu'une brèche est ouverte dans le front de l'incendie, sur quelques mètres. Rapidement, on y éteint totalement le feu.

Alors l'équipe se scinde en deux, se plaçant au niveau même du front où il fait nettement moins chaud que face à lui. Les deux groupes travaillent de part et d'autre de la percée qu'ils élargissent progressivement. A tour de rôle et sans discontinuer, sauf lorsque le feu prend subitement une plus grande vigueur, les hommes de tête rabattent les flammes contre le vent. Il leur faut utiliser des branches très fournies pour créer un courant d'air capable de vaincre le vent et de coucher les flammes vers l'arrière. Ils frappent principalement au niveau du feu le plus actif, entre 20 et 50 cm du sol selon les herbes. Ainsi ils couchent les herbes vers l'arrière, cassant les chaumes déjà brises par le feu. De chaque côte, d'autres hommes écrasent littéralement les touffes basses qui s'embrasent, à l'avant du front, ou les sommités enflammées des herbes partiellement couchées, vers l'arrière. C'est ici que peuvent intervenir les larges pelles de caoutchouc. Au fur et à mesure que le groupe progresse, quelqu'un veille, derrière lui, à éteindre jusqu'à la dernière trace de combustion, balayant d'une branche sans feuilles les herbes, feuilles, brindilles vers la partie incinérée de la parcelle et jetant au loin les tisons incandescents. Régulièrement, il regarde vers l'arrière pour s'assurer qu'aucun foyer ne renaît.

En même temps, il faut être très attentif à ce qu'aucune flammèche emportée par le vent n'allume un nouveau foyer d'incendie plus avant, devançant celui qu'on essaie péniblement de maîtriser. Or les coups portés aux herbes enflammées risquent d'en détacher de nombreuses. Ce travail convient parfaitement à un adolescent à l'esprit éveillé qui se portera rapidement d'un point à l'autre dès qu'il soupçonne quelque risque.

- Contre-feu

Parfois le feu est trop violent pour qu'on puisse s'en approcher et le maîtriser par attaque de front. Ou bien on juge préférable de sacrifier la totalité ou une partie de la parcelle plutôt que de courir le risque d'un échec et de voir le feu gagner le secteur voisin. On a alors recours au contre-feu La méthode est plus sure, moins épuisante physiquement mais exige cependant qu'on prenne certaines précautions. Ainsi:

* il ne faut pas que le contre-feu échappe au contrôle et devienne l'origine d'un nouvel incendie gagnant ainsi plusieurs dizaines de mètres sur celui qu'on voulait arrêter;

* le contre-feu doit être allumé assez loin du front à combattre pour qu'il ait le temps de progresser suffisamment, contre le vent, avant de le rencontrer. Si la jonction des deux fronts est trop rapprochée de la base du contre-feu, les flammes peuvent sauter l'étroite bande incinérée de même que les nombreuses flammèches qui s'élèvent de ce brasier final et spécialement ardent;

* il ne faut pas davantage partir d'une base trop éloignée et sacrifier inutilement une partie trop importante de la parcelle. S'il s'agit d'un peuplement sans grande valeur ou d'un herbage dont la sauvegarde n'est pas indispensable, mieux vaut alors partir de pare-feu opposé, qui élimine tout risque de voir le contre-feu se comporter en nouveau front.

Malgré l'urgence de l'intervention, le contre-feu laisse plus de temps à la réflexion et à l'organisation de la lutte après une reconnaissance précise de la situation, que l'attaque directe. Plusieurs possibilités s'offrent pour sa mise à feu.

Appui sur un pare-feu. La parcelle prévue pour une mise en réserve intégrale au cours de l'année a dû être entourée d'un pare-feu nettoyé et incinéré. Il est toutefois dangereux de laisser l'incendie l'atteindre, poussé par un vent violent, et le traverser. La base des herbes du pare-feu n'a pas brûlé et les chaumes gisant sur le sol sont incomplètement calcinés si bien que tout risque n'est pas écarté. Par contre, le nettoyage est suffisant pour qu'on puisse établir un contre-feu sans danger.

Le feu est allumé tout au long du périmètre de la parcelle ravagée par l'incendie, en s'appuyant sur le pare-feu, sur une piste bien dégagée ou toute limite désherbée. En fonction de l'efficacité du pare-feu, de la violence du vent, de l'importance de la végétation, le contre-feu est allumé plus ou moins rapidement. Comme toujours, il faut en rester absolument maître et n'avancer que lorsqu'on est certain qu'aucun danger ne subsiste derrière soi. Une fois que le contre-feu a progressé de plusieurs mètres et qu'il a été parfaitement éteint vers l'extérieur, on peut le laisser aller sans autre surveillance. Mais il faut toujours rester très vigilant vis-à-vis des feux de litière activés par le vent et qui pourraient traverser le pare-feu ainsi qu'aux flammèches que ce même vent déporte vers la parcelle voisine.

C'est donc un véritable feu encerclant que l'on provoque ainsi. Avant de l'allumer, il faut être certain qu'aucune personne, aucun animal domestique, aucun bien transportable ne risque de se trouver cerné par les flammes sans grand espoir de leur échapper.

A la rencontre des deux fronts d'incendie, le dégagement redouble de chaleur crée un appel d'air et un brasier particulièrement violent. Avec un peu d'habitude, on peut régler le contre-feu de façon à ce que cette phase spécialement destructrice de l'incendie n'atteigne pas les arbres délicats ou que l'on désire protéger pour leur utilité.

La vue d'un incendie tardif accidentel et de ses effets fera comprendre à la population, l'intérêt d'établir un réseau assez serré de pare-feu lors de la campagne des brûlages précoces et que ce n'est pas un travail inutile que le morcellement, par des bandes de protection incinérées, des vastes étendues herbeuses réservées au pâturage de saison sèche.

Base de contre-feu à créer. Quand on intervient à temps et que la partie encore intacte de la parcelle est trop vaste ou de trop grande valeur pour la sacrifier, on allume un contre-feu suivant une ligne fixée judicieusement au sein même de la zone à protéger. La distance au front de l'incendie à combattre ne sera ni trop grande ni, surtout, trop faible. Elle est jugée selon toutes les composantes du problème: vitesse du vent, état de la végétation, importance et qualité de l'équipe dont on dispose, facilité de se procurer des branches feuillées, etc. Sans que la base décidée ne forme un V trop fermé et s'allonge démesurément, elle peut s'écarter davantage de la position originelle du front, au fur et à mesure qu'on y met le feu. Ainsi, elle restera suffisamment éloignée de l'incendie qui continue à gagner du terrain durant toute l'opération de la mise à feu. Il faut également choisir une ligne de départ évitant les zones fortement enherbées, profiter de la réduction de la strate herbacée sous l'ombrage des arbres et sur les affleurements caillouteux, tirer profit de l'écrasement des herbes par le récent passage d'un troupeau, etc. Cependant il ne faut pas trop multiplier les changements de direction qui allongent le parcours et rendent la surveillance malaisée.

Généralement il est nécessaire de débroussailler grossièrement la ligne fixée, coupant les herbes sur un mètre de largeur environ et les jetant assez loin vers l'extérieur. De part et d'autre de la base fauchée, les herbes sont rabattues et piétinées pour élargir davantage le chemin.

La mise à feu se fait progressivement, à la base des touffes rabattues vers l'intérieur de la parcelle. Les flammes sont maintenues très courtes malgré le vent et l'abondance des herbes sèches. Elles sont refoulées vers la partie à brûler, par un mouvement circulaire des branches feuillées créant un courant d'air opposé au vent. Il ne faut pas craindre d'étouffer presque complètement le feu, de le laisser reprendre pour le rabattre à nouveau jusqu'à ce qu'il se soit suffisamment écarté de la ligne de mise à feu. Lorsqu'il a ainsi progressé de un à deux mètres à l'intérieur de la parcelle et laissé, derrière lui, une bande parfaitement propre où toute flamme est éteinte, on peut le prolonger. Comme toujours, on surveille les arrières pour s'assurer qu'aucun foyer ne se rallume et on veille à éteindre toute flammèche qui retomberait dans la zone à protéger.

L'établissement d'une telle ligne de contre-feu est un travail délicat et difficile à réussir lorsque le vent est soutenu et la végétation sèche abondante. Une bonne coordination permet de procéder à la mise à feu par petites équipes de trois ou quatre hommes, distantes d'une dizaine de mètres l'une de l'autre. La vitesse de progression est constamment réglée sur la force du vent et la masse de combustible. En aucune façon on ne peut perdre le contrôle des opérations. Dès que le moindre risque apparaît de perdre la maîtrise du feu qu'on vient d'allumer, il faut appeler à l'aide et quelques membres des équipes voisines attaquent le brasier de toutes parts jusqu'à ce qu'il soit à nouveau dominé. On ne saurait être trop prudent car la perte du contrôle du feu en un point peut faire perdre le bénéfice de tous les efforts antérieurs et tout est à recommencer au départ d'une nouvelle ligne de base plus éloignée.

Feu de cime

Les feux de cime dans les boisements de résineux sensibles, par exemple, sont beaucoup plus difficiles à combattre. Souvent il faut se replier sur un chemin assez large, ou un coupe-feu bien entretenu.

Lorsqu'on ne dispose pas d'une telle base, il faut en créer une au sein même du peuplement en ouvrant le couvert. Il s'agit donc de couper plusieurs lignes voisines d'arbres en les faisant tomber perpendiculairement à la percée, du côté opposé à l'incendie qui menace. C'est relativement facile dans les jeunes plantations dont les sujets sacrifiés sont abattus d'un ou deux coups de hache ou de machette et facilement tirés hors de coupe-feu. Eventuellement, on procède à un contre-feu.

Conclusions

De tout ceci on peut conclure, une fois encore, que la lutte préventive est nettement plus facile et sécurisante dans la lutte directe contre les incendies accidentels qui sévissent au plus mauvais moment et sans prévenir.

Dans les zones d'élevage ou la vieille herbe garde toute sa valeur de pâturage en attendant qu'une repousse suffisante en prenne le relais, on ne saurait trop insister sur la nécessité d'établir un réseau serré et soigné de pare-feu. C'est peut-être un surcroît de travail mais les pertes par incendie accidentel resteront limitées. L'effort fournit par le Sénégal dans ce domaine, mérite d'être cité à titre d'exemple.

Ainsi toute la zone sylvopastorale au Nord du Sénégal a été cloisonnée par un réseau de 4 200 kilomètres de pare-feu larges de 6 mètres (figure 31.1) qui arrête les incendies surtout par temps calme.

Figure 31.1 - Le réseau de. pare-feux sylvopastoral du Nord Sénégal

Depuis leur installation en 1958 les pare-feu assurent chaque année la préservation d'une bonne partie des pâturages de cette région, valorisant les nombreux points d'eau (forages et puits-forages) implantés dans la zone au bénéfice des hommes et des troupeaux.

Excellents axes circulatoires, les pare-feu ont non seulement désenclavé la zone sylvopastorale mais permettent aux brigades d'intervention contre les feux de brousse d'arriver rapidement sur les lieux des sinistres et de les combattre.

A la fin de chaque saison des pluies les pare-feu doivent être entretenus et renouvelés par désherbage et rebouchage des trous.


Suppression totale ou gestion des feux de brousse par aménagement de l'espace rural?


- Le terroir agricole
- Le terroir pastoral
- Le terroir forestier
- Les terroirs cynégétiques
Zones ouvertes au tourisme
Un exemple d'aménagement d'espace rural à Widou Thiengoly au Sénégal


Les feux de brousse et incendies de forêts, à part ceux provoqués accidentellement par la foudre et les feux occultes, sont toujours le fait de l'homme.

L'homme utilise le feu pour provoquer la repousse d'herbes tendres indispensables aux troupeaux en saison sèche, débusquer le gibier, allumer les feux légitimes (défrichements, assainissement par destruction des insectes nuisibles, dégagement des villages et des pistes, rites religieux, etc.).

Pour les pasteurs, paysans et chasseurs africains le feu demeure un outil de travail dont ils ne peuvent se passer pour des raisons économiques et culturelles.

D'après B. Mallet (1987) seul le feu leur permet pour longtemps encore de défricher et de remettre en cultures les terres agricoles et de renouveler les pâturages. Condamner l'utilisation des feux "en soi" sans tenir compte de cette composante fondamentale de l'agriculture africaine demeure peu réaliste. Le problème qui se pose reste surtout celui de la propagation sauvage, non contrôlée, des feux en dehors des terrains (pâturages, champs, abords des routes et des pistes, etc.) où ils peuvent, au moins en partie, avoir un effet positif.

C'est dans cette optique qu'il faut tenter de trouver une solution au problème des feux de brousse et incendies de forêts.

Compte tenu du niveau de technicité des paysans et pasteurs africains il est illusoire d'envisager l'interdiction totale des feux de brousse dont certains sont involontaires ou accidentels.

Ce sont les feux sauvages aux conséquences graves pour l'économie des pays africains qu'il faut interdire.

Par contre les feux raisonnés et contrôlés sont beaucoup moins nuisibles et sont à gérer au mieux dans un espace rural bien aménagé.

Cet aménagement global de l'espace rural doit comporter également la fixation des paysans avec la modernisation des techniques agricoles, la délimitation des terrains, l'augmentation de la productivité, le maintien de la fertilité des sols, etc. Il doit concerner les différents terroirs agricole, pastoral, forestier, cynégétique, etc., dans lesquels seront généralisés les feux contrôlés.

L'aménagement de l'espace rural qui consiste en fait en un aménagement du territoire et en l'affectation des terres suivant leur vocation, commence à connaître des applications dans certains pays africains.

J. Piot (1983) propose comme donné ci-après un schéma d'aménagement de l'espace rural et de gestion des feux reposant sur différents terroirs:

- Le terroir agricole

Est compartimenté par des pare-feu pour protéger les villages et les biens avec pratique de l'écobuage et de l'essartage dans les terrains de cultures. Le feu ne doit pas se propager en dehors des champs.

- Le terroir pastoral

Conditions extensives: une protection totale contre les feux est appliquée dans le cas de steppes à plantes annuelles qui ne repoussent pas après le passage du feu.

Comme au Sénégal, un réseau de pare-feu sylvopastoraux et un dispositif de lutte active (brigades d'intervention et comités de lutte) sont mis en place.

Dans le cas de savanes à graminées pérennes des feux ultraprécoces et précoces permettent de prévenir les feux tardifs.

Les refus inconsommables seront éliminés et le déboursement des ligneux déclenché (pâturage aérien) en combinant divers feux.

Conditions de parcours intensives (ranching): Les charges en bétail en saison des pluies éliminant ou non les refus conditionnent le recours au feu.

La préparation des parcours pour la saison sèche ou l'année suivante (élimination des refus ligneux) sera obtenue en combinant un feu précoce et un feu tardif contrôlé.

Des interventions humaines pour éliminer les refus et les ligneux sont parfois nécessaires.

- Le terroir forestier

Le feu doit être exclu du terroir pour une bonne production de bois et une amélioration de la qualité du sol.

La forêt naturelle sert en général à la fois au forestier et à l'éleveur, il faut savoir quelle spéculation privilégier.

Avec des feux tardifs la forêt évoluera vers un ensemble pastoral alors que les feux précoces favoriseront l'élément ligneux.

Un réseau de pare-feu est nécessaire et permettra de prévenir les dégâts des feux accidentels.

Les forêts artificielles: leur état peut être amélioré par des feux précoces et par des pare-feu périmétraux et de cloisonnement.

- Les terroirs cynégétiques

Zones simplement protégées: Pour prévenir les feux accidentels, installer un regain herbacé et un pâturage aérien pour les brouteurs, des feux précoces et de pleine saison sèche peuvent être combinés.


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