Amélioration de la qualité nutritionnelle

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Aucune légumineuse ou céréale ne peut fournir tous les éléments nutritifs en quantité suffisante pour répondre aux besoins nutritionnels d'un enfant. Il était pourtant bien connu autrefois - avant même que l'on ne connaisse la teneur en protéine, la qualité protéique, la digestibilité et les besoins en éléments nutritifs de l'homme - qu'en mélangeant des légumineuses avec des céréales dans le régime alimentaire on pouvait en améliorer la qualité nutritionnelle globale. Avec les connaissances actuelles et nouvellement acquises dans ces domaines, il est possible de mélanger ou d'enrichir une denrée alimentaire avec d'autres éléments, de façon que les mélanges enrichis qui en résultent aient non seulement une meilleure qualité nutritionnelle mais aussi les qualités nécessaires d'acceptation par le consommateur.

La qualité nutritionnelle du sorgho et des mils, en particulier celle du sorgho, est médiocre. On a donc fait plusieurs tentatives pour enrichir ces céréales avec d'autres céréales et des légumineuses de façon à rendre les produits supérieurs du point de vue nutritionnel et acceptables. Pour que l'enrichissement ait le succès voulu sur une base durable, il est indispensable de prendre en considération le coût, la disponibilité des ingrédients et la possibilité de commercialisation.

On a utilisé avec succès le sorgho et le mil chandelle dans des programmes d'alimentation après enrichissement avec des légumineuses. Vimala, Kaur et Hymavati ( 1990) ont décrit différents mélanges pour nourrissons basés sur le sorgho et le mil chandelle et enrichis avec de la farine de soja, de haricots velus de Nubie, de pois d'Angola ou de pois chiches (tableau 36).

TABLEAU 37 Ration protéique moyenne et protéine disponible nette chez les enfants avec différents régimes alimentaires

Régime alimentaire

Ration calorique

Protéine disponible nette

Besoins protéique de référence de la FAOa
  (g) (g/kg) (g) (g/kg)  
Eleusine 29,7 1,31 13,5 0,60 0,72
Eleusine + L-lysine 29,9 1,32 15,8 0,70 0,72
Eleusine + L-lysine + DL-thréonine 30,4 1,35 18,0 0,80 0,72
Lait écrémé en poudre 28,3 1,25 21,2 0,94 0,72

a D'apres la FAO 1965.
Source: Daniel et al., 1965.

On les a évalués au cours d'expérimentations d'administration à des rats et d'études du bilan azoté chez des enfants.

Il est possible d'enrichir des aliments de sevrage à base d'éleusine maltée (ragi) avec des haricots velus. Cet aliment a l'avantage de présenter une faible viscosité de la pâte cuite et une forte densité énergétique lorsqu'elle comporte une proportion de 70 pour cent de farine de ragi malté et 30 pour cent de farine de haricots velus. L'UPN de cet aliment (52 pour cent) était comparable à celle d'aliments de sevrage disponibles sur le marché (Malleshi, Desikachar et Venkat Rao, 1986).

Okeiyi et Futrell (1983) ont évalué la qualité protéique de diverses combinaisons de sorgho et de légumineuses. Il s'agissait des combinaisons suivantes: farines de sorgho (décortiqué), de blé et de soja; farines de sorgho, de blé, de pois à vache et de soja; farines de sorgho, de blé et de pois à vache plus beurre d'arachide; farines de sorgho et de blé plus beurre d'arachide; enfin, farines de sorgho, de blé et de soja plus beurre d'arachide. Un régime alimentaire composé de farines de sorgho, de blé et de soja correspondait aux recommandations de la FAO pour les acides aminés nécessaires. Plus de 25 pour cent de l'énergie de ce régime étaient fournis par les matières grasses, et 10 pour cent de l'énergie provenaient des protéines, comme recommandé par le Groupe consultatif sur les protéines des Nations Unies dans sa formulation des aliments hautement protéiques pour les enfants. Le coefficient d'efficacité protéique était élevé et identique à celui de la caséine.

Brookwalter, Warner et Anderson (1977) ont évalué la stabilité du sorgho enrichi à l'aide de farine de soja et de graines de coton dans différentes proportions. Les diverses formules étaient conservées à -18 ºC (témoin), 49°C pendant deux mois, 37°C pendant six mois et 25°C pendant 12 mois. Toutes les combinaisons ont présenté une stabilité suffisante, mesurée par la variation de la lysine disponible, des acides gras et de la saveur. La saveur de toutes les combinaisons était acceptable.

Au Burundi, on a utilisé le sorgho comme aliment pour nourrissons et pour adultes après enrichissement avec des farines de maïs et de soja; le nom local était musalac. La composition était la suivante: farine de sorgho (35 pour cent), farine de maïs (30 pour cent), farine de soja (20 pour cent), sucre (10 pour cent) et lait en poudre (5 pour cent). Cette combinaison présentait environ 16 pour cent de protéine, 3,76 pour cent de lysine de protéine et 440 kcal pour 100 g de musalac. Cet aliment très apprécié a été vendu commercialement en 1989 au rythme de 60 tonnes par mois. D'ici à l'an 2000, la production devrait atteindre 9000 tonnes.

On a évalué la qualité du régime alimentaire à base de ragi en l'administrant à huit fillettes de 11 à 12 ans à Mysore en Inde (Daniel et al., 1965). Outre le ragi, le régime comprenait de l'huile d'arachide, du dhal, des condiments et du lait écrémé en poudre. Après un régime de quatre jours qui a servi de période d'acclimatation, le matériel a été collecté pour analyse durant les quatre jours suivants. Avec ce régime alimentaire, la rétention d'azote était très faible (6,1 pour cent de la quantité absorbée); la valeur biologique de la protéine (VB) et l'utilisation protéique nette (UPN) étaient de 67 et 45,5 pour cent, respectivement (tableau 37). En complétant le régime à base de ragi par de la Llysine, on a obtenu une amélioration sensible de la rétention d'azote (13,6 pour cent de la quantité absorbée), de la VB (75,9 pour cent) et de l'UPN (52,7 pour cent). Lorsqu'on l'a complété avec à la fois de la L-lysine et de la DL-thréonine, on a obtenu une amélioration très nette de la rétention d'azote (21,3 pour cent de la quantité absorbée), de la VB (81,2 pour cent) et de l'UPN (59,3 pour cent). Les valeurs correspondantes obtenues pour le lait écrémé en poudre étaient respectivement de 33,2 pour cent, 85,3 pour cent et 74,8 pour cent. La protéine disponible nette a été sensiblement améliorée avec la lysine et la thréonine.

TABLEAU 38 CEP des régimes alimentaires à base de mils ou de mélanges de mil et de pois chichesa

Source de protéines CEP
Millet des oiseaux 0,80
Millet commun 1,10
Millet commun + pois chiches 1,80
Mil chandelle 1,60
Mil chandelle + pois chiches 2,16
Eleusine 2,00
Eleusine + pois chiches 2,10
Riz 2,09
Blé complet 1,30

a Teneur en protéine du régime: 10 pour cent. Les pois ciches, en tant que source suplémentaire de protéine, ont fourni 40 pour cent de protéines.

Source: Casey et Lorentz, 1977.

En complétant divers types de mils par des pois chiches, on a pu améliorer nettement le coefficient d'efficacité protéique, comme le montre le tableau 38 (Casey et Lorenz, 1977).

Farines composites

On a au départ utilisé le terme de «technologie de farines composites» pour décrire le processus de mélange de farine de blé avec des farines d'autres céréales et de légumineuses pour la fabrication du pain et des biscuits. Cependant, le mélange de farines d'autres céréales, de racines et de tubercules, de légumineuses ou d'autres éléments peut aussi être considéré comme de la technologie de farines composites (Dendy, 1992). Un exemple est le cas du mélange de farines de sorgho et de mais pour la confection des tortillas.

On a constaté qu'il était souhaitable de diluer la farine de blé avec des céréales et racines locales car cela encouragerait le secteur agricole et réduirait les importations de blé dans beaucoup de pays en développement.

L'Afrique n'est pas l'une des grandes régions de culture de blé du monde. Or, la demande de produits à base de blé tels que le pain ne cesse d'augmenter. L'Afrique produit de grandes quantités de céréales autres que le blé, telles que sorgho et mil. On a constaté qu'en remplaçant 20 pour cent de farine de blé par une autre farine pour fabriquer les produits de boulangerie, les économies de devises pourraient être estimées à 320 millions de dollars des Etats-Unis par an (FAO, 1982). Avec une substitution à 30 pour cent, les économies s'élèveraient à 480 millions de dollars par an. Cette technologie de la farine composite présente donc d'excellentes perspectives dans les pays en développement. Les essais réels au niveau du consommateur ont été rares, mais l'utilisation de la technologie des farines composites a été bien acceptée en Colombie, au Kenya, au Nigéria, au Sénégal, à Sri Lanka et au Soudan (Dendy, 1992).

Lorsqu'on utilise le sorgho ou les mils pour la fabrication du pain, il faut ajouter des améliorateurs de pain ou modifier le processus de fabrication. Le niveau de substitution possible est plus élevé avec de la farine de blé dur qu'avec de la farine de blé tendre (Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, 1985). Pour la production de biscuits à partir de farines composites, la teneur en matières grasses de la farine de céréales autres que le blé doit être aussi faible que possible pour que la durée de conservation soit plus longue.

Selon Crabtree et Dendy (1979), on peut produire du pain à farine composite en effectuant ensemble la mouture de blé et de mil chandelle, millet commun, moha du Japon ou éleusine. La proportion de mil dans la farine peut aller jusqu'à 15 pour cent. Le traitement des pâtes au bromate de potassium tend à améliorer le volume du pain. On a utilisé de la farine de mil chandelle pour remplacer une partie du blé dans le pain. Le pain contenant 10 pour cent de farine de mil chandelle présentait une texture et une saveur excellentes, similaires à celles du pain de blé (Badi, Hoseney et Finney, 1976; voir aussi Perten, 1972). On a réussi à mélanger de la farine de sorgho à 80 pour cent de taux d'extraction avec de la farine de blé blanche pour fabriquer du pain sans que cela ait d'effet négatif (Rao et Shurpalekar, 1976).

Les études d'acceptabilité menées au Food Research Centre de Khartoum au Soudan ont montré que des pains comprenant 70 pour cent de blé et 30 pour cent de sorgho étaient acceptables. La farine de sorgho à 72-75 pour cent de taux d'extraction donnait une farine fine convenant mieux pour la fabrication du pain. Les essais d'acceptation par le consommateur au Nigéria ont montré que le remplacement de 30 pour cent de la farine de blé par de la farine de sorgho produisait des pains comparables au pain à 100 pour cent de blé (Aluko et Olugbemi, 1989; Olatunji, Adesina et Koleoso, 1989). La teneur protéique de 1 a farine composite était plus faible et la teneur en fibres brutes plus élevée. L'addition de pentosane améliorait la qualité du pain à base de farine composite. Un pain de ce type composé de 30 pour cent de mil et 70 pour cent de blé a été fabriqué par l'Institut de technologie alimentaire de Dakar, au Sénégal, à l'aide des variétés courantes de mil Souna et Sanio (Thiam, 1981). Un autre pain appelé pamble composé de 1,5 pour cent de mil et 85 pour cent de blé a également été fabriqué, ainsi que du pain comportant 30 pour cent de sorgho et 70 pour cent de blé (Thiam et Ndoye, 1977). Les pains comprenant du millet commun à concurrence de 15 pour cent étaient acceptables et comparables au pain à farine blanche de blé (Lorenz et Dilsaver, 1980).

On peut utiliser une combinaison de 80 pour cent de céréales autres que le blé et 20 pour cent de blé pour la fabrication de biscuits d'une qualité acceptable. L'utilisation à cette fin de farine de sorgho et de mil chandelle est possible, en les mélangeant avec de la farine de blé (Badi et Hoseney, 1977). Olatunji, Adesina et Koleoso (1989) ont indiqué qu'on pouvait utiliser 55 pour cent de farine de sorgho pour les biscuits sans nuire à leur qualité. On a également constaté que le millet commun convenait pour faire des biscuits. On accroît l'indice de qualité et la facilité d'étalement des biscuits en augmentant les niveaux de farine de millet commun en raison de sa forte teneur en matière grasse (Lorenz et Dilsaver, 1980). Le mil chandelle peut remplacer 50 pourcent de blé pourl es gâteaux et 80 pour cent pour les biscuits (Thiam, 1981). Au Sénégal, des aliments traditionnels tels que laax, conus conus et les beignets sont préparés en mélangeant des farines de mil avec des farines de riz, de maïs ou de blé (Thiam, 1981).

Autres usages du sorgho et des mils

La production de sorgho et de mil chandelle a considérablement augmenté dans plusieurs pays ces dernières années. Avec l'augmentation simultanée de la production de blé et de riz et les excédents disponibles en stock, les mils se trouvent confrontés à la concurrence du point de vue de l'utilisation. On constate déjà une tendance à l'augmentation de l'emploi du blé ou du riz à la place du sorgho, même dans les régions où le sorgho était naguère la céréale de base traditionnelle.

Le sorgho et les mils resteront les cultures vivrières dans plusieurs pays, surtout en Afrique. Le Nigéria et le Soudan sont les principaux pays producteurs de sorgho sur ce continent: leur production représente environ 63 pour cent du total pour l'Afrique. Cette céréale sera utilisée pour les aliments traditionnels ainsi que pour des aliments nouveaux. Il faut cependant explorer les possibilités d'autres usages. Bien que le sorgho et les mils présentent un bon potentiel d'emploi industriel, ils sont en concurrence avec le blé, le riz et le maïs. Le sorgho, en particulier sera très demandé dans l'avenir si l'on met au point des technologies pour des usages industriels particuliers. Bien que le mil chandelle présente un potentiel pour certains emplois industriels d'autres mils n'ont pas ce potentiel en raison de la petite dimension du grain et des difficultés qui en découlent pour trouver une technologie de décorticage qui convienne. On peut toutefois les envisager pour l'alimentation du bétail et de la volaille. Il faudra comparer leur performance dans l'alimentation animale à celle du maïs.

On peut utiliser le sorgho et les mils pour d'autres produits alimentaires si l'on applique des méthodes de transformation appropriées. On a décrit au chapitre 3 les méthodes de décorticage et de mouture permettant d'améliorer la qualité des aliments à base de sorgho et de mils. Il devrait être possible de sélectionner des types de grain ayant une meilleure qualité de mouture qui permettent de rendre ces céréales concurrentielles par rapport aux autres céréales. Moyennant des modifications appropriées, les technologies de mouture de blé peuvent être utilisées efficacement pour le sorgho et les mils. Si la production de pain est possible avec une farine de sorgho complet, la qualité du pain peut être améliorée avec une farine de sorgho d'où l'on a éliminé le son par tamisage (Casier et al., 1977). Kulkarni, Parlikar et Bhagwat ( 1987) ont indiqué que l'on pouvait utiliser le malt de sorgho pour fabriquer des biscuits, des aliments de sevrage et du moût de bière. L'addition de malt de sorgho à concurrence de 40 pour cent a entraîné la réduction des hauteurs d'empilage et une augmentation de l'étalement du fait d'une plus grande absorption d'eau.

L'utilisation de sorgho dans des produits courants comme l'idli (produit étuvé), le dosa (produit levé) et le ponganum (produit frit) peut être popularisée de façon à accroître son emploi dans les régions où l'on cultive le sorgho (Subramanian et Jambunathan, 1980). Quelques produits importants séchés au soleil ou extrudés et séchés au soleil, faits à partir de sorgho, sont le papad, le badi et le kurdigai. Ces produits ont généralement une durée de vie de plus d'un an. On peut les populariser par les mêmes circuits commerciaux que ceux des produits à base de riz. Les consommateurs de l'Andhra Pradesh en Inde ont accepté une large gamme de produits de boulangerie et de snacks préparés à partir de sorgho décortiqué (Andhra Pradesh Agricultural University, 1991). Il a été indiqué que ces aliments devraient être commercialisés pour atteindre davantage de consommateurs.


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